A. QuiQUET (Paris - Francia) SUR DES CARRÉS PARFAITS VIAGERS 1. - Si Ton représente par a le prix d'une annuité viagère immédiate de 1 fr., payable jusqu'au dernier décès de deux têtes d'âges x et y, c'est-à-dire avec réversion totale, l'on sait que a est une somme de valeurs actuelles d'arrérages de 1 fr. ; la valeurs actuelle du P arrérage P, a pour formule: P'- = l(x + t), l(y + t) l{x+t) l(x) ' l(y) l(x) l(y) %+/) (! + *)-', où 1(a) désigne le nombre des vivants à l'âge a, et où i désigne l'intérêt de 1 fr. pendant un an, d'après la table de mortalité et le taux de capitalisation choisis par l'assureur. 2. - Je pourrais supposer que la table de mortalité n'est pas la même pour les deux têtes x et y. Par exemple, pour la tête x le nombre des vivants à l'âge x+t serait li(x-\-t), et pour la tête y le nombre des vivants à l'âge y + t serait h(y+t), h(a) et L(a) étant deux lois de survie distinctes. Les démonstrations qui vont suivre seraient bien peu modifiées par cette hypothèse. Cependant, je préfère ne pas l'introduire ici, afin d'obéir à la concision qui est de règle dans un Congrès tel que le nôtre. 3. - Par contre, j'étendrai mon étude à la fois au cas d'une annuité immédiate, a, et au cas d'une annuité différée de n années, d. Les deux cas peuvent en effet se traiter simultanément si l'on remarque que que la somme a des valeurs actuelles des arrérages à servir s'obtient en faisant varier t à partir de la valeur t=l, tandis que la somme a s'obtient en faisant varier t à partir de la valeur t=n + l. La limite supérieure de t est d'ailleurs commune aux deux cas : elle dépend des limites mêmes de la table de mortalité adoptée, attendu qu'il s'agit d'arrérages payables jusqu'au dernier décès. J'admettrai, en tant que de besoin et pour simplifier, que, dans les deux cas, t est susceptible de dépasser toute grandeur donnée à l'avance : les expressions algébriques des lois de survie comprennent pour la plupart cette conclusion, qui est commode, analytiquement parlant, et sans grand inconvénient pratique.
460 COMUNICAZIONI Comme je n'aurai pas à expliciter autrement les valeurs de t, la démonstration sera apte à confondre les deux cas, annuités immédiates sur deux têtes et annuités différées sur deux têtes. 4. - Le moment est venu d'exposer les motifs qui m'ont inspiré les présentes recherches. Pour les rentes viagères immédiates sur deux têtes avec réversion totale, les Compagnies distribuent à leurs agents un tarif qui exige un nombre assez étendu de pages, en raison des groupes qu'il est possible de former avec deux têtes d'âges différents ( i ). Quant aux rentes différées sur deux têtes avec réversion totale, le parti adopté est radical, mais il est fâcheux : à ma connaissance, leur tarif ne se trouve dans aucune Compagnie entre les mains de ses agents. La raison en est facile à saisir : pour chacun des groupes dont je viens de parler à propos des rentes immédiates, il faudrait considérer autant de durées distinctes qu'il est admissible d'en prévoir dans l'usage courant ; or ces durées peuvent atteindre et dépasser 20 ans, 30 ans, 40 ans, pour des couples jeunes. Je me suis proposé d'abord d'essayer si, par des artifices dûment appropriés, on ne pourrait pas réduire l'étendue du tarif des rentes immédiates sur deux têtes, par exemple le réduire à un tarif sur deux têtes d'âge égal, ce qui le ramènerait immédiatement à un tarif très maniable, son étendue étant ceue du tarif des rentes immédiates sur une seule tête, où l'âge varierait par années rondes. Je me suis demandé ensuite si ces mêmes artifices ne permettraient pas de borner aussi à deux têtes d'âge égal un tarif de rentes différées sur deux têtes avec réversion totale. Ce tarif serait, il est vrai, assez développé, mais pas davantage que celui des rentes différées sur une seule tête, qui, lui, est tout à fait entré dans la pratique. 5. - Il serait certes présomptueux, en ce qui me concerne, de compter avoir trouvé du premier coup des artifices de ce genre qui puissent passer pour définitifs. Ceux que je vais exposer auront au moins l'avantage de faire connaître, au sujet des formules d'annuités viagères, une certaine propriété qui ne me paraît pas avoir été entrevue jusqu'ici. Si cette propriété n'est pas jugée capable de conduire convenablement aux buts que j'ai en vue, elle me laisse cependant espérer qu'un autre actuaire, plus heureux, s'en inspirera pour obtenir de meilleures satisfactions. (*) 17 pages dans les Compagnies françaises. Noter que, si l'on distingue les sexes, on est amené à prévoir, non pas un seul tarif sur deux têtes, mais quatre tarifs.
A. QUIQUET: Sur des carrés parfaits viagers 461 6. - C'est à dessein que je substituerai désormais la valeur des «annuités» à la valeur des «rentes». On passe de l'une à l'autre par des relations qui traduissent la partie commerciale des tarifs, les «chargements». Quoique, en général, ces relations soient purement arithmétiques, elles sont susceptibles d'offrir une grande diversité: je ne pouvais entrer dans leur considération. Il appartiendra à chaque actuaire intéressé d'étendre aux <> rentes» de sa Compagnie ce que je vais dire des <> annuités >. Cette extension sera d'un ordre élémentaire quand, par exemple, de simples facteurs de proportion aident à passer d'un barème d'annuités à un tarif de rentes. Pourtant, dans la partie commerciale des tarifs, un cas spécial m'a paru à relever, celui d'un chargement de gestion usité en France pour les rentes différées. Outre qu'il est, par exception, un peu compliqué, il se trouve présenter une sorte d'extension de la propriété que j'ai rencontrée aux annuités. Comme cette extension n'apparaît pas à première vue, j'ai cru bon de la démontrer sommairement. 7. - Mon point de départ sera donc l'existence préalable d'un barème d'annuités viagères immédiates avec réversion totale sur deux têtes d'âge égal. Je vais chercher à l'utiliser pour deux têtes d'âges différents. Autrement dit, à l'aide de a et de a, je tenterai d'obtenir a -. -V.C nil -f!/ 8. - Comme a est, dans l'ordre des prévisions naturelles, compris entre a et a, la première approximation qui vient à l'esprit est de prende la moyenne de a et de a. On aura ainsi une valeur déjà voisine de a. x.i- y y 9. - Il s'agit de l'améliorer. Entre cette moyenne et la valeur vraie de a-, il existe une certaine différence J, telle que a + a_.vu ' J=a-~ Etudions cette «correction» J. De même que a. a et a -, J peut se.r//'.ex uu ^ figurer par une somme de termes en fonction de t, où, comme il a été dit ci-dessus, on fera varier t depuis t=l, par accroissements successifs égaux à l'unité, jusqu'à dépasser, au moins théoriquement, toute grandeur donnée. 10. - Appelons j l'un de ces termes. Cet < élément de correction» sera y == p!_ 2 PL + PL fi. _. _ //.v ^_ = ( l{x + t) Uy + f) _ l(x + t) l(y + t) ) n.v, r// ( l(x) ~*~ l{y) l(x) "%)" H li_z > > a,vi/
462 COMUNICAZIONI D'où c'est-à-dire 2/- = J jy U{x+ty]2 l{x+j)y (l(y + t)\2 0l(x + t) l(y + t) V Kx) j + %) ; l{x) l{y) (! + * )-*, / // -l(x+ ) l(y + t)} (1+ *)'. Ainsi, abstraction faite du facteur d'escompte (l + i)~\ apparaît, dans l'élément de correction j, un «carré parfait viager» : \l(x + t) l(x) l(y + t)]* C'est une fonction assez curieuse des nombres de vivants, en ce sens que x et y s'y trouvent séparés : séparation de nature à faciliter son calcul. 11. - En premier lieu, ce carré parfait a une qualité fort générale: il existe quelle que soit la loi de survie en jeu. Il n'est même pas nécessaire que cette loi obéisse à une seule forme analytique : elle peut changer de forme analytique à certains âges (*). Plus encore : elle peut être empirique ( 2 ). Cependant un examen approfondi sera prudent quant à la limite supérieure dont t sera capable, si les circonstances imposent à cette limite l'obligation d'être ; finie. 12. - Je viens de raisonner pour le cas des annuités immédiates. Pour les annuités différées et sans qu'il soit besoin d'insister, le raisonnement eût été le même, sauf que la limite inférieure de t serait n + 1 au lieu de 1. 13. - Ainsi, que l'annuité soit immédiate ou différée, on est en mesure de figurer l'élément de correction à l'aide d'un carré parfait viager. 14. - De l'élément de correction passons à la correction elle-même, à J. C'est une sommation de fonctions de t que la différence m l(x + t) l(y + t) l(x) Ky) facilitera peut-être, selon certaines formes analytiques de la loi de survie. Ou encore pareil avantage sera-t-il dû à l'élévation au carré de cette différence. O Par exemple, en France : les Tables AF et RF, dont l'expression analytique change à 25 ans. ( 2 ) Par exemple, en France : la Table CR, table de la Caisse Nationale des Retraites ; la Table PMF, table de la population française sexes réunis, qui vient d'être adoptée par le Parlement français pour les assurances sociales.
A. QuiQUET : Sur des carrés parfaits viagers 463 15. - Une seconde remarque générale apparaît : ehe vise J. J est nul lorsque les âges x et y sont égaux: par suite, J doit différer assez peu de zéro si les âges x et y sont peu différents. De là une faculté intéressante qui dispensera sans doute, dans bien des circonstances, de calculer J en toute rigueur. On estimera J par des valeurs, par des formules, approchées mais plus commodes, surtout lorsque les âges des deux têtes seront suffisamment voisins. Or le cas est fréquent en pratique des couples presque du même âge. 16. - Ces considérations m'amènent, pour évaluer approximativement J, à indiquer une voie que, sauf objections, je crois assez licite. Dans l'élément de correction, mais dans cet élément seulement, substituons à l(x) une autre loi de survie, telle que le calcul de J soit plus rapide, mais teue aussi que la valeur de J, ainsi obtenue, soit suffisamment plausible pour remplacer la valeur véritable de J. Il n'est pas défendu a priori de compter y réussir, puisque J part de zéro pour croître sans doute faiblement avec la différence des âges x et y. 17. - En d'autres termes, pour le calcul de J, on cherchera une loi de survie auxiliaire convenablement appropriée à ce calcul seul. A une telle loi je donnerais volontiers le nom de «loi bâtarde de survie», afin de marquer la distance qui la sépare de la loi réelle adoptée, celle qui mérite le nom de «loi légitime de survie». 18. - Dans les tarifs de rentes viagères différées, en vue des frais afférents à ces opérations, les Compagnies françaises ont introduit un chargement de gestion, qui doit couvrir ces frais annuellement et d'avance, pendant la durée du différé, et qui est proportionnel au capital constitutif de la rente arrivée à échéance. Algébriquement parlant, quand il s'agit d'un contrat sur une seule tête,, d'âge x à la souscription, ce chargement est proportionnel à (l + ay- i} )a x+nj la durée du différé étant n; l + a ( " _1) étant la valeur actueue d'une annuité viagère temporaire de 1 fr. payable d'avance, chaque année et pendant n années sur la tête x; a x+n étant la valeur actuelle à l'âge x + n d'une annuité viagère de 1 fr., payable, en fin d'année, à partir de cet âge x + n jusqu'au décès de la tête considérée. Pour une rente viagère différée de n années, sur deux têtes d'âges x et y,, avec réversion totale, le chargement sera proportionnel à (1 + dr L) )a x+ n + (1 + «g'-'x+k -1 1 + air 1^**», u+»,
464 COMUNICAZIONI 1 + G^_1) étant la valeur actueue d'une annuité viagère temporaire de 1 fr. payable d'avance chaque année et pendant n années, ou seulement jusqu'au premier décès des deux têtes, s'il survient au cours des n années ; a x+ut y + n étant la valeur actuelle aux âges x + n et y + n d'une annuité viagère de 1 fr. payable en fin d'année à partir de ces âges et seulement jusqu'au premier décès. 19. - En opérant comme ci-dessus pour les annuités immédiates ou différées, on prendra d'abord la moyenne des deux chargements relatifs l'un à deux têtes d'âge x, 2(l + a!r«k +, i -(l + a<r 1 V, +,v.- +, i, l'autre à deux têtes d'âge y, 2(1 +é;;-*)a u+n -(l + a^)a u+ih!i+1l. Cette moyenne différera de K du chargement correspondant à deux têtes d'âges différents x, y, {ll-i\, M, («-D, -(l + a^-^a.r+n,,^. 20. - On est ainsi ramené à des escomptes d'arrérages viagers sur deux têtes : ceux qui figurent dans les annuités temporaires, 1 + ajrs i + <- 1}, i + <^ ; et ceux qui figurent dans les annuités immédiates, Q'x+n,x-\-n i ^//-f y+n > &x+n t ij+ìi Appelons u le u e arrérage de chacune des annuités temporaires, u variant da 0 à n + 1. Appelons t le t arrérage de chacune des annuités immédiates, t variant de n + 1 à la limite qu'autorise l'emploi de la table de mortalité adoptée. Pour chaque couple de valeurs u et t, la correction K nous conduira à un élément de correction k tel que x xy -fl(x + n)\2 (l(x + t)\2 (l(y + u)\2 (Ky - \ l(x) ) \l(x+n)) ^y l{y) ) [f(y~ n)l _o l ( x + u ) l (y + u ) l ( x + *) % +1) l(x) l(y) l(x + n)l(y+n) (l + i)- M (! + <)"* La quantité entre crochets est un carré parfait viager, le carré \l(x + u) l(x + t) l(y + u) l(y + t) l(x) l{x+n) l(y) l(y+n)\ ' 21. - La sommation K s'obtiendra en faisant varier u de 0 à n 1, t restant fixe, puis en faisant varier t dans le résultat de n + 1 à la limite qu'autorise l'emploi de la table de mortalité adoptée. 2
A. QuiQUET : Sur des carrés parfaits viagers 465 22. - Si, dans le calcul des éléments de correction relatifs aux annuités différées, l'on a substitué à une «loi légitime» une certaine «loi bâtarde», il conviendra de garder cette loi bâtarde pour le calcul des éléments de correction relatifs aux chargements de gestion. 23. - Pour me résumer, j'ose espérer que les actuaires attacheront un intérêt au moins théorique à cette fonction que j'ai appelée un «carré parfait viager», et dont, quelle que soit la table de mortalité employée, j'ai étabh l'existence dans le annuités sur deux têtes avec réversion, soit immédiates, soit différées, ainsi que dans un chargement français des rentes différées sur deux têtes avec réversion. Je souhaite cependant davantage : c'est d'apprendre un jour que l'intérêt de cette fonction n'est pas purement théorique, et qu'eue a pu servir, conformément à mon dessein, pour améliorer, au profit des institutions d'assurances, l'outil principal qu'elles remettent à leurs agents, le tarif général de leurs combinaisons. Atti del Congresso. 30