NOIR& BLANC De la prise de vue au tirage Philippe Bachelier 3 e ÉDITION 2005 Groupe Eyrolles, 1996, 1999, 2005 ISBN : 2-212-67263-2
5 LES PAPIERS ET LES PRODUITS CHIMIQUES La qualité et le choix des papiers se sont beaucoup diversifiés ces dernières années, grâce à l émergence de nouvelles marques, au point que le tireur bénéficie d un éventail de supports répondant aux goûts les plus variés. Conjugués à des produits chimiques qui ont fait leurs preuves, ces papiers garantissent des tirages de très haut niveau, tels ceux qu on peut admirer dans les expositions les plus prestigieuses. Dans le domaine des papiers et de la chimie, l amateur dispose des mêmes matériaux que les tireurs les plus réputés. La porte aux outils. Le tirage de cette nature morte est bien mis en valeur par un papier à ton chaud comme le Bergger Variable CB en surface brillante. La tonalité de ce papier varie facilement en fonction du révélateur choisi. Développé dans du Kodak Dektol, le ton est à peine chaud. Nikon F801s, zoom 28-70 mm, 1/15 s à f/8, film Fuji Acros 100. LES PAPIERS PHOTOGRAPHIQUES Les supports barytés et plastifiés On trouve dans le commerce deux types de support : les papiers barytés et les papiers plastifiés. La plupart des papiers barytés sont constitués d un support de fibres cellulosiques recouvert de sulfate de baryum et d agents de blanchiment optique (appelés encore azurants optiques). L ensemble est recouvert d une émulsion composée de gélatine et de cristaux d halogénures d argent, auxquels on ajoute des produits (sensibilisateurs chromatiques, etc.), qui vont conditionner la sensibilité et le contraste du papier. Le sulfate de baryum empêche l émulsion de pénétrer dans la fibre du papier ; l agent de blanchiment optique accroît la blancheur du papier. Pour protéger la surface du papier, une couche de matière tannante est souvent ajoutée à l émulsion. Les papiers barytés portent généralement le sigle FB, pour Fiber Base (support en fibre en anglais). Certains papiers, comme le Bergger Prestige Fine Art ou le Kentmere Art Classic ne comportent pas de couche de sulfate de baryum : leur aspect rappelle les papiers conçus pour l aquarelle. Les papiers plastifiés sont dits couchés polyéthylène, PE (pour Poly- Éthylène) ou RC (de l anglais Resin Coated). Ils sont constitués d une feuille papier enduite de polyéthylène sur ses deux faces. L émulsion (gélatine et cristaux d halogénures d argent) adhère à l un des côtés ; elle est recouverte d une ou deux couches de protection contre les risques d abrasion. Quel support choisir? Les premiers papiers plastifiés avaient tendance à se dégrader et leur support s abîmait. Aujourd hui, ces problèmes sont résolus. Les essais de vieillissement artificiel ont montré leur
108 5 LES PAPIERS ET LES PRODUITS CHIMIQUES bonne conservation. Mais les collectionneurs et les musées considèrent toujours que le papier baryté reste le plus beau support. L avantage principal des papiers plastifiés est leur traitement rapide : temps de développement en 60 secondes avec un révélateur assez concentré, mais surtout 2 à 4 minutes de lavage suffisent contre souvent une heure pour le support baryté. Le séchage ne dure qu une quinzaine de minutes en température ambiante (2 à 4 heures au minimum pour le baryté, à condition de le faire sécher dans une atmosphère exempte d humidité) et le papier est dimensionnellement stable. Au contraire, les fibres du papier baryté gonflent dans l eau et se rétractent au séchage sans toujours retrouver exactement leurs dimensions d origine; par ailleurs le papier baryté a tendance à s enrouler au séchage et il faut une presse pour le redresser parfaitement. On peut reprocher aux papiers plastifiés leur surface synthétique, qui ne donne pas la profondeur et la subtilité d un papier baryté. Leurs caractéristiques permettent seulement un faible contrôle du contraste et de la tonalité de l image par le développement. L emploi du ferricyanure pour affaiblir localement l image est beaucoup plus difficile : l affaiblisseur ne diffuse pas dans la couche de gélatine et de baryte, comme c est le cas avec les papiers barytés ; on obtient rarement des dégradés satisfaisants entre les zones affaiblies et celles qui ne le sont pas. La repique et le grattage sont moins faciles sur les supports RC, à cause de la moins bonne diffusion de l encre dans l émulsion. Enfin, les papiers barytés sont disponibles dans une gamme plus large que les papiers RC. Cependant, pour faire ses premiers pas, le papier plastifié constitue un excellent produit, notamment pour les planches-contacts et les tirages de lecture. Pour de nombreuses applications professionnelles, c est du reste le support le plus souvent utilisé (rapports scientifiques et d entreprise, dossiers et photographies de presse, tirages pour la reproduction imprimée, etc.). Coupe du papier baryté Agfa Multicontrast Classic (document Agfa). Structure des couches (schématique) Cartoline Papier Couche de protection 1 Couche de protection 2 Couche d émulsion Coupe du papier plastifié Agfa Multicontrast Premium (document Agfa). Structure des couches (schématique) Couche de protection 1 Couche de protection 2 Couche d émulsion Couche barytée Couche PE Support Couche de papier Couche PE Épaisseur totale (sans support) : env. 8 µm Couche dorsale antistatique Épaisseur totale (sans support) : env. 8 µm
La surface du papier Les fabricants proposent plusieurs surfaces. Les plus courantes sont les surfaces brillante, mate et perlée (appelée parfois lustrée). On trouve aussi des papiers semi-mat, à grain cristal (proche du perlé) ou encore filigrané. Certains papiers, comme le Bergger Prestige Fine Art ou ceux de la gamme Kentmere Art Collection (Art Classic, Art De Luxe ou Document Art) conservent même la surface texturée du papier. Une image agrandie sur du papier mat n a pas la même vigueur ni la même gamme de gris que sur une surface brillante. Un papier brillant donne des noirs profonds et une gradation tonale très étendue. C est pourquoi la plupart des tirages d exposition sur papier baryté sont réalisés sur cette surface. Un papier mat procure une image plus veloutée, plus adoucie, avec des ombres et des hautes lumières moins détaillées. Le choix de la surface du papier dépend plus de son goût personnel que du sujet de l image. On gagnera à tirer ses images sur des surfaces différentes, pour voir celles qui leur conviennent le mieux. Le papier RC brillant possède une surface glacée alors que celle du papier baryté brillant est plutôt satinée. Le glaçage du papier baryté s obtient par un séchage contre une surface parfaitement lisse : à chaud sur une plaque de métal chromé ou à froid sur du verre. Pour débuter, un papier RC satiné ou perlé est un bon compromis : sa surface est proche de celle d un papier baryté brillant non glacé et il offre une belle qualité d image. L épaisseur du papier Les papiers sont habituellement fabriqués en trois épaisseurs (la nomenclature anglaise sert souvent de référence) : support mince ou papier (SW pour Single Weight), support médium (MW, Medium Weight) et support épais ou carton (DW, Double Weight). Quelques papiers (Bergger et Forte) existent en support très épais, d environ 300 g/m 2, qu on appelle aussi Premium Weight. L épaisseur papier n existe qu en version barytée. C est la moins chère mais aussi la plus fragile dès qu elle est mouillée. Ce support était très utilisé avant l apparition des papiers plastifiés, pour les tirages commerciaux et en série ; il nécessite un temps de lavage plus court que le support épais et sa surface brillante prend un bel aspect quand elle est glacée à chaud. Séchée à l air libre, elle s enroule sur elle-même. En France, seul l Agfa Multicontrast Classic reste disponible dans cette épaisseur. L épaisseur médium concerne surtout les papiers couchés polyéthylène (PE/RC), dont la structure permet, outre son temps de traitement réduit, une excellente planéité. Les épaisseurs double et premium sont surtout réservées aux supports barytés (avec l exception du support RC épais Ilford Multigrade Portfolio). Elles offrent une manipulation aisée du papier lors du traitement. Leur principal défaut est leur capacité à absorber les produits chimiques. On doit bien les laver pour leur garantir une conservation optimale. Ce sont les supports généralement choisis pour les tirages de prestige (expositions, collections) et d archive (musées, bibliothèques). Le ton de l image Les papiers possèdent une «couleur». Il existe des papiers à tons froids, les noirs tirant sur le bleu ; d autres à tons chauds, aux teintes brunes. La base blanche est neutre sur les papiers froids à neutres, et légèrement cassée ou ivoire sur les papiers chauds. Certains papiers à tons chauds Bergger et Forte présentent cependant une base blanche. On appelle les papiers de tons froids à neutres des «bromures» et LES PAPIERS PHOTOGRAPHIQUES 109
5 LES PAPIERS ET LES PRODUITS CHIMIQUES 110 Palais-Royal, Paris. Certains papiers donnent une plus grande impression de netteté que d autres. Le choix d une marque peut aussi dépendre de ce critère. Contax G2, 45 mm, 1/125 s à f/8, film Kodak Tri-X. les papiers à tons chauds des «chlorobromures», parce que leurs émulsions sont composées de bromure ou de chlorobromure d argent. Les papiers d aujourd hui sont en fait presque tous un mélange de bromure d argent (donnant des tons froids) et de chlorure d argent (donnant des tons chauds) qui, selon leurs proportions, donnent une teinte plus ou moins froide ou chaude. Nous sommes donc en présence de papiers au bromochlorure (tons froids à neutres) ou au chlorobromure d argent (tons chauds). Certaines émulsions neutres à froides sont un mélange de bromure et d iodure d argent (comme le Kentmere Fineprint VC), ou contiennent surtout du chlorure d argent (Bergger Prestige Contact, Kodak Azo). Les papiers composés essentiellement de chlorure d argent sont très lents et servent au tirage par contact; ils sont surtout employés pour le tirage des négatifs grand format. La tonalité de l image est influencée par certains autres facteurs. L émulsion des papiers ne contient pas qu un simple mélange de bromure et de chlorure d argent. Pour augmenter sa sensibilité à la lumière, elle comporte différents additifs, notamment des «sensibilisateurs chromatiques» pour capter la lumière verte, dont la longueur d onde est exploitée dans la technologie des émulsions à contraste variable. On ajoute aussi des accélérateurs de développement (des développateurs), notamment dans la fabrication des papiers RC, pour que l image apparaisse complètement dans le révélateur en moins d une minute, avec un contraste satisfaisant. Le plus souvent, ces accélérateurs sont des dérivés de phénidone et d hydroquinone. Dans de nombreux cas, les papiers barytés contiennent aussi des développateurs incorporés. S il y a présence de phénidone (ou de l un de ses dérivés), la tonalité de l image pourra difficilement être modifiée de façon significative vers le chaud : on restera dans des tons neutres, à
peine froids ou à peine chauds, que l émulsion comporte ou non de l hydroquinone (ou l un de ses dérivés). Si l émulsion ne comporte pas d accélérateur incorporé, ou seulement de l hydroquinone (ou l un de ses dérivés), la capacité de modifier la tonalité de l image par le révélateur est beaucoup plus grande, notamment pour produire des tons très chauds. Les émulsions à tons neutres peuvent aussi contenir des dérivés du benzotriazole, qui vont favoriser l émergence de tons froids, voire franchement bleus. La composition de l émulsion détermine donc la teinte générale du tirage. On peut constater la présence d un développateur dans l émulsion par l expérience suivante : à la lumière du jour, on dépose une goutte de solution très basique (de la soude ou du carbonate dilués, par exemple) sur un morceau de papier vierge. Si le papier montre une tache sombre, il contient de la phénidone ; s il ne montre qu une légère marque brune, il y a présence d hydroquinone. Les papiers Bergger et Forte à tons chauds ne comportent pas de développateurs et offrent la possibilité de jouer sur une large gamme de tons plus ou moins chauds. La teinte d un papier peut donc être modifiée au cours du développement, en fonction de son émulsion, du révélateur employé et du temps de développement. Un révélateur à tons chauds (Agfa Neutol WA, Tetenal Variospeed W, etc.) accentue la chaleur d un chlorobromure comme l Agfa Multicontrast Classic ou l Ilford Warmtone, mais a moins d effet sur un bromochlorure comme le Kodak Polymax Fine Art. Un temps de développement réduit (1 minute, au lieu des 2 minutes habituellement recommandées), accentue la tonalité chaude du papier ; mais on court le risque d obtenir des noirs peu profonds. Un révélateur usé (on mélangera du révélateur usagé à du neuf jusqu à une proportion de 50 %) procure un ton plus chaud. Mais, si la nature même du papier bride ses capacités de modification de tonalité, les changements les plus prononcés seront effectués en fin de traitement, par virage (voir page 140). Depuis quelques années, on voit apparaître des révélateurs spéciaux qui modifient sensiblement la tonalité des papiers ne contenant pas ou peu de développateurs incorporés. C est le cas des révélateurs «Lith», dont les formules sont issues des procédés photographiques à très haut contraste. L image prend alors des tons variant de l ocre au magenta. D autres révélateurs spéciaux commercialisés par Bergger produisent des tons tirant nettement sur le bleu ou sur un sépia plus ou moins prononcé (voir page 123). La connaissance des divers moyens d obtenir une tonalité particulière permet d adapter ses goûts au tirage final. De même que pour la surface du papier, le choix d une tonalité froide, neutre ou chaude est avant tout une affaire personnelle. Le pouvoir séparateur des papiers On parle aisément du pouvoir séparateur des films, mais beaucoup moins de celui des papiers. Pourtant, certains papiers offrent une impression de netteté plus marquée que d autres. La raison tiendrait au mode de chromatisation de l émulsion, en fonction des sensibilisateurs qui lui ont été incorporés. Certains sensibilisateurs, en captant la lumière, provoqueraient de légères réflexions parasites dans la couche sensible (on parle alors d un phénomène d irradiation), qui diffuseraient dans l émulsion et donneraient des contours moins tranchés. Le Bergger Prestige Variable CB, le Kentmere Fineprint VC, le Forte Polywarmtone ou l Oriental Seagull VC FB sont des exemples d émulsions à pouvoir séparateur élevé. LES PAPIERS PHOTOGRAPHIQUES 111
5 LES PAPIERS ET LES PRODUITS CHIMIQUES La sensibilité du papier Les papiers, comme les films, doivent recevoir une certaine quantité de lumière pour enregistrer une image. Leur sensibilité est indiquée par les fabricants et exprimée en valeur ISO P. Les ISO des papiers sont déterminés différemment de ceux des films et on ne peut établir de corrélation pertinente entre les deux, notamment parce que les de pose pour obtenir une image dont la densité soit satisfaisante. En général, les papiers à contraste variable sont un peu moins sensibles que les papiers gradés. L Ilford Galerie possède une sensibilité de 400 ISO (quel que soit son grade), alors que le Multigrade IV, avec ses filtres, donne 250 ISO P. Les papiers à contraste variable sont plus rapidement sujets au vieillissement que La sensibilité ISO P et l étendue utile ISO R de quelques papiers Chaque papier possède une sensibilité et une étendue utile spécifiques. D une marque à l autre, il peut y avoir des différences plus ou moins marquées pour une même valeur de filtrage. Néanmoins, chaque gamme de papier possède une cohérence dans la progression de sa sensibilité et de son contraste. Papier Kodak Polymax II RC brillant Filtres Kodak Polymax Sans -1 0 0,5 1 1,5 2 2,5 3 3,5 4 4,5 5 Sensibilité ISO P P500 P250 P250 P250 P250 P250 P250 P250 P250 P250 P125 P125 P125 Étendue utile ISO R R100 R140 R140 R130 R130 R120 R120 R110 R100 R80 R70 R50 R40 112 Papier Kodak Polymax Fine Art brillant Filtres Kodak Polymax Sans -1 0 0,5 1 1,5 2 2,5 3 3,5 4 4,5 5 Sensibilité ISO P P500 P200 P250 P250 P250 P250 P250 P250 P250 P250 P125 P125 P100 Étendue utile ISO R R100 R180 R130 R130 R120 R120 R110 R110 R100 R90 R80 R70 R50 Papier Bergger Variable CB brillant Filtres Kodak Polymax Sans -1 0 0,5 1 1,5 2 2,5 3 3,5 4 4,5 5 Sensibilité ISO P P160 P100 P100 NC P100 NC P100 NC P90 NC P70 NC P50 Étendue utile ISO R R100 R140 R120 NC R110 NC R100 NC R90 NC R70 NC R60 Papier à grade fixe Ilford Galerie 1 2 3 4 Sensibilité ISO P P400 P400 P400 P400 Étendue utile ISO R R130 R110 R90 R70 papiers sont beaucoup plus contrastés que les films. Les papiers sont de toute façon beaucoup moins sensibles que les films. La plupart des papiers ont une sensibilité nominale comprise entre 250 et 650 ISO P. L utilisation des filtres pour papier à contraste variable diminue cette sensibilité de moitié pour les filtres 0 à 3,5, et du quart pour les filtres 4 à 5. Les notices des fabricants indiquent que les filtres 0 à 3,5 ne modifient pas les temps de pose, mais dans la pratique, entre deux filtres, on constate qu il peut y avoir un décalage de 10 à 30 % selon les papiers. En changeant le contraste, les rapports des gris changent entre eux et l on devra souvent ajuster le temps les papiers à grade fixe; ils perdent de leur sensibilité et la différence théorique des ISO P peut faiblir. La connaissance de l ISO P est utile pour l emploi d un nouveau papier par rapport à celui que l on utilise habituellement. Par exemple, l Ilford Multigrade Warmtone est annoncé avec une sensibilité deux fois moindre que le Multigrade IV : 25O contre 500 ISO P (sans filtre). Quant au Bergger Variable CB, sa sensibilité est de 160 ISO P sans filtre ; avec le papier Forte Polywarmtone, c est l émulsion la plus lente du marché : presque 2 diaphragmes d écart avec de l Ilford Multigrade IV. Dans la mesure où l on peut recommencer les tirages d un même négatif, on pourra plus
LES PAPIERS PHOTOGRAPHIQUES facilement procéder par des essais comparatifs plutôt que par des savants calculs sur les sensibilités comparées des différents papiers. Le contraste des papiers Du point de vue du contraste, il existe deux types de papier : les papiers à grade fixe (on dit encore à gradation) et les papiers à contraste variable. Les premiers ont un contraste défini par leur mode de fabrication et on ne peut l altérer que faiblement, par l usage de révélateurs spécifiques et par des opérations de voilage (nous examinerons ces pratiques plus loin). Les seconds offrent une large gamme de contraste à partir d une même feuille de papier, grâce aux caractéristiques de leur émulsion, en jouant sur le filtrage de la lumière qui sensibilise le papier. Nous insisterons particulièrement sur l emploi des papiers à contraste variable, les plus répandus actuellement. Les papiers existent en différents contrastes pour les adapter aux négatifs plus ou moins contrastés que l on doit tirer. Mais le contraste des papiers est beaucoup plus marqué que celui des films. Un papier doit délivrer un noir intense et ce critère conditionne en grande partie le contraste général des papiers. Le meilleur éventail des grades des papiers argentiques se situe donc dans un registre plutôt contrasté, car les grades très doux, comme ceux que l on obtient avec des filtres 00 (Ilford) ou - 1 (Kodak), montrent des noirs moins intenses qu avec les autres filtres. Un papier possède un contraste faible quand on l expose respectivement pendant 2, 4, 8, 16 et 32 secondes et qu il présente 5 gris régulièrement espacés, allant d un gris très clair à un gris très sombre. Au contraire, un papier très contrasté produit en trois étapes un blanc, un gris et un noir. Le contraste peut être évalué scientifiquement et la norme ISO R le traduit en étendue sensitométrique utile. Plus le chiffre est grand, plus Plage, Aquitaine. Pour ce tirage, les temps de pose sur papier à grade ou à contraste variable sont identiques (papier Ilford Galerie et Multigrade IV FB, Agrandisseur Durst BW 370). Nikkormat FT2, 50 mm, 1/500 s à f/16, film Kodak Tri-X. 113
Le papier à contraste variable : une gamme de contrastes très large Filtre 00 Filtre 0 Filtre 1 114 Filtre 2 Filtre 3 Filtre 4 Les papiers à contraste variable possèdent aujourd hui une très large gamme de contrastes. Voici celle que le Multigrade IV RC d Ilford, peut délivrer grâce à ses filtres, avec un agrandisseur à lumière semi-dirigée (Durst 370 BW). Filtre 5
le contraste est doux, et inversement. Par exemple, pour son papier Galerie, Ilford annonce une étendue 130 pour le grade n 1 et 70 pour le grade n 4. Selon les marques, les papiers les moins contrastés portent les n 0 ou 1 ; les plus contrastés, les n 4 ou 5. Le n 2 est considéré comme le grade normal. On peut aussi considérer que le n 3, dont le contraste est situé au milieu de l étendue sensitométrique utile, est un grade normal. Les numéros sont des indications relatives. D un papier à l autre, on pourra observer une différence de contraste pour un même numéro. Ainsi, le n 2 du Kodak Polymax II RC est plus doux que celui du Polymax Fine Art. Mais chaque fabricant produit un espacement de contraste régulier entre chacun de ses grades. La tendance actuelle des fabricants est de réduire la gamme des papiers à grade fixe au profit des papiers à contraste variable. Pour cette raison, certains grades ne sont plus disponibles (l Ilford Galerie n 5, par exemple) et plusieurs papiers célèbres ont disparu (Agfa Brovira, Kodak Elite, etc.). Agfa ne fabrique plus que des papiers à contraste variable... Les papiers à grade coûtent chers à fabriquer si l on considère que les contrastes extrêmes, s ils sont nécessaires, se vendent bien moins que les grades normaux et au même prix! La courbe du papier Quand on étudie l étendue sensitométrique utile des papiers, on peut tracer des courbes de noircissement, à la manière de celles qu on établit pour les films. Ces courbes sont reproduites sur la plupart des notices techniques des fabricants. On retrouve la forme de S étiré constatée pour les films, mais avec une pente beaucoup plus raide : les papiers noir et blanc argentiques sont des surfaces sensibles très LES PAPIERS PHOTOGRAPHIQUES Courbes de noircissement de l Agfa Multicontrast Classic Densité Ig H (Ix. s) contrastées. Les courbes les plus verticales représentent les contrastes les plus durs, celles qui possèdent les pentes les plus douces correspondent aux grades les moins contrastés. Le bas de la courbe représente les hautes lumières ; le haut, les ombres. La courbe d un papier est donc inversée par rapport à celle d un film. On peut comparer les courbes données par les fabricants et constater des formes légèrement différentes, notamment au niveau du pied (partie basse de la courbe) ou de l épaule (partie haute de la courbe). Ainsi, chez Ilford, pour une même valeur de contraste ISO R, le Galerie présente une courbe plus arrondie dans le pied et dans l épaule que le Multigrade IV FB: elle indique une transition plus douce dans les ombres et les basses lumières. Il vaut mieux comparer les papiers en fonction du modelé qu ils restituent sur les tirages, bien que l on puisse déceler telle ou telle caractéristique sur une courbe sensitométrique. Le choix d un support doit se faire par rapport aux effets visuels que l on recherche, d autant que les transitions de gris les plus subtiles sont difficilement quantifiables sur des courbes de noircissement. On peut tracer des courbes sensitométriques pour évaluer l étendue utile des papiers, ou encore son contraste. Plus la courbe est verticale, plus elle représente un contraste élevé. Ici, le graphique montre les différentes courbes obtenues avec le papier Agfa Multicontrast Classic. 115
116 5 LES PAPIERS ET LES PRODUITS CHIMIQUES Le Passage d Enfer, Paris. Un des grands avantages des papiers à contraste variable est la possibilité d exposer une même image avec deux ou plusieurs contrastes différents, grâce à un jeu de filtres ou une tête à filtrage incorporé (tête couleur ou multigrade). Ici, une première exposition avec un filtre 3 a donné du contraste dans les ombres. Des expositions complémentaires avec un filtre 1 ont fait monter les parties claires de l image tout en leur conservant du modelé et des détails (voir le chapitre 7 pour les techniques de maquillage). Nikon FM2, 105 mm, 1/250 s à f/11, film Agfa APX 400. Les papiers à contraste variable Les papiers à contraste variable sont aujourd hui les plus répandus et sont entrés dans les habitudes des meilleurs tireurs. On a vu dans le chapitre 4 le principe de leur fonctionnement, qui repose sur un mélange d au moins deux émulsions (voire trois sur les papiers Ilford), dont l une donne de la douceur et l autre de la dureté. Cette technologie, inventée par Ilford à la fin des années 1930, s impose depuis deux décennies par les progrès considérables qu elle a réalisés. Presque toutes les expositions sont réalisées avec ces papiers. Leur qualité n est plus à démontrer. La pertinence de ce type de produit est évidente : avec une seule boîte de papier et un jeu de filtres ou une tête d agrandisseur multigrade ou couleur, on obtient une étendue de contrastes qui va du grade 00 au grade 5 (numérotation d Ilford) ou de - 1 à 5 + (numérotation de Kodak). Autre avantage, on gagne la possibilité de tirer une image en modulant le contraste sur différentes parties d une même feuille de papier, ce qui permet de venir plus aisément à bout de négatifs difficiles. En prime, on bénéficie de pouvoir travailler avec une même émulsion, garantissant une qualité constante de résultat sur de longues séries d agrandissements. Cela dit, comme nous l avons déjà remarqué en page précédente, les contrastes obtenus avec les jeux de filtres, les têtes couleur ou multigrade, peuvent varier sensiblement d un papier à un autre et selon le jeu de filtres, Ilford ou Kodak, malgré une numérotation de filtrage identique. Il ne faut pas s en étonner et on accordera aux numéros des filtres des valeurs indicatives, avec une tolérance d un grade. Sur le tableau de la page 112, on voit qu un filtre Polymax n 2 donne une valeur ISO R 120 pour le papier Polymax RC mais devient 100 pour le Bergger Variable CB. Quel que soit le système de filtrage adopté, on obtiendra sans difficulté toute la gamme de contrastes souhaitée. Certains papiers offrent une gamme de contrastes très large. C est le cas des papiers Ilford Multigrade IV RC et FB. Leur étendue utile ISO R va de 180 à 40 (pour le RC) et 170 à 40 (pour le FB). En comparaison, le Forte Polywarmtone offre une gamme ISO R de 150 à 60. Une gamme plus restreinte ne devrait pas poser de problème au photographe averti. Si l on produit des négatifs suffisamment réguliers, en terme de contraste, une étendue ISO R plus restreinte n est pas pénalisante. Et on choisit le plus souvent un papier en fonction de ses caractéristiques d image (sa tonalité, son modelé, etc.), qu en fonction de son étendue utile. Aujourd hui, presque toutes les marques proposent leurs versions multigrades dans les supports plastifiés et barytés. Contrairement aux premières générations, ils offrent une étendue utile bien souvent supérieure aux papiers à grade actuellement commercialisés. Nous recommandons de travailler d abord avec un papier à contraste variable RC, pour sa gamme de contrastes et sa facilité de traitement. Papier à gradation ou à contraste variable? La généralisation de l usage des papiers à contraste variable doit-elle faire oublier les papiers à grades? Nous n en sommes pas convaincus. D abord, il y a le fait qu on peut préférer travailler avec des agrandisseurs équipés de lumière froide, pour leur grand actinisme. Une exposition avec ce type d éclairage donne des temps de pose courts, utiles pour la réalisation d agrandissements de forte taille. Ensuite et surtout, il faut rappeler que les papiers ne sont pas inter-
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118 5 LES PAPIERS ET LES PRODUITS CHIMIQUES changeables. Chacun possède sa «couleur», son modelé et ce je-nesais-quoi qui crée une différence d un papier à l autre. Un même négatif, tiré avec du Ilford Galerie ou du Multigrade IV FB, n aura pas le même rendu, avec ou sans virage. Les deux tirages pourront être excellents, ils resteront néanmoins différents ; et c est ce choix qui hélas tend à disparaître avec la raréfaction des papiers à grade. Les papiers pour les négatifs couleur On peut tirer des négatifs couleur sur du papier noir et blanc. Le papier multigrade donne de bons résultats. Cependant, l image ne sera pas restituée avec toute la gamme de gris qu autorise le Kodak Panalure, conçu spécialement pour les négatifs couleur. C est un papier panchromatique, qui implique qu on le manipule dans une faible lumière ambrée (lanterne équipée d un filtre de sécurité Kodak n 13). Il n existe plus qu en grade moyen (M). C est un papier RC, décliné en surface brillante ou lustrée. La manipulation et la conservation des papiers Le papier doit être manipulé avec des mains propres et sèches. Des doigts humides ou recouverts de résidus de produits chimiques peuvent produire des marques sur le tirage. La surface du papier est fragile ; il faut éviter de plier les feuilles aussi bien quand elles sont sèches que lorsqu elles sont humides. Toute éclaboussure sur du papier vierge produira des taches sur le tirage final ; c est pourquoi le papier doit être conservé dans la zone sèche du laboratoire. Tant que les feuilles ne sont pas utilisées, il est préférable de les laisser dans leur emballage d origine (boîte et pochette en plastique noir). Dès qu une feuille est sortie de sa boîte, elle doit être exposée le moins possible à la lumière inactinique. Si l on écrit au dos du papier avant le développement, il faut le faire après l exposition et non avant : on risquera autrement de laisser une marque côté image. Le papier n est pas parfaitement stable. Il vieillit. Le papier à contraste variable, avec le temps, perd du contraste. De mauvaises conditions de conservation l abîment. Il faut l entreposer à l abri des fortes chaleurs comme d une atmosphère trop sèche ou trop humide. Si on ne tire pas pendant plusieurs semaines (ou plusieurs mois...), il est préférable de conserver les boîtes dans un réfrigérateur, entre 4 et 10 C. Après les avoir ressorties, elles doivent se réchauffer jusqu à la température ambiante, au moins pendant 3 heures, pour éviter tout risque de condensation. Les signes d un vieux papier sont visibles par des hautes lumières grises ou voilées, qui s ajoutent à la perte de contraste. Le plus souvent, on arrive à éliminer le voile des vieux papiers, grâce à des solutions d antivoile, préparées avec du bromure de potassium ou du benzotriazole (voir en annexe page 211). Les principaux papiers disponibles sur le marché Tous les papiers actuellement disponibles sont très bons. Il est difficile d en conseiller un plutôt qu un autre. Le choix d une marque reste une affaire personnelle, en fonction de la surface du papier, de sa tonalité, etc. Nous indiquons ici leurs caractéristiques principales, comme guide de base. Cette liste n est pas exhaustive. Les fabricants proposent régulièrement de nouveaux produits et en suppriment d autres. Certains papiers sont plus ou moins bien importés ou ne sont pas disponibles dans tous les points de vente. Notre site Internet actualise cette liste régulièrement.
LES PAPIERS PHOTOGRAPHIQUES Les papiers plastifiés (PE/RC) Marque Support/Surface Contraste Ton Agfa Multicontrast Premium MCP Medium/Brillant (310), Semi-mat (312) Variable Neutre à chaud Forte Polygrade V RC Medium/Brillant (FPG-V1), Semi-mat (FPG-V2) Variable Neutre Forte Polywarmtone Plus RC Medium/Brillant (FPW-1), Semi-mat (FPW-2) Variable Chaud Fotospeed RC VC Medium/Brillant Variable Neutre Ilford Multigrade IV RC De Luxe MGD Medium/Brillant (1M), Perlé (44M), Satiné (25M) Variable Neutre Ilford Multigrade IV RC Portfolio MGS Epais/Brillant (1K), Perlé (44K) Variable Neutre Ilford Multigrade IV RC Cooltone MGC Medium/Brillant (1M), Perlé (44M) Variable Neutre à froid Ilford Multigrade IV RC Warmtone MGT Medium/Brillant (1M), Perlé (44M) Variable Chaud Ilford Ilfospeed RC De Luxe IS Medium/Brillant (1M), Perlé (44M), Grades 1 à 5 Neutre Semi-mat (24M) Jessops RC Medium/Brillant (VCG), Lustré (VCL) Variable Neutre Kentmere RC Art Filigrane Mat Grades 2 et 3 Neutre Kentmere VC Elite Brillant, Lustré Variable Neutre Kentmere VC Select Brillant, Lustré, Satiné, Lustré ton chaud Variable Neutre et chaud Kentmere Kenthene Brillant, Satiné Grades 0 à 4 Neutre Kodak Polymax II RC Medium/Brillant (F), Lustré (E), Semi-mat (N) Variable Neutre Kodak Panalure Select RC Medium/Brillant (F), Lustré fin (D) Grade M Neutre Tetenal TT Vario Comfort Medium/Brillant (310), Perlé (316) Variable Neutre Tetenal TT Vario Ultra Medium/Brillant (310), Semi-mat (312) Variable Neutre Tetenal Work Medium/Brillant (310), Semi-mat (312) Grades 1 à 5 Neutre Tetenal TT Antique PE Medium/Semi-mat Grade 2 Chamois Les papiers barytés Marque Support/Surface Contraste Ton Agfa Multicontrast Classic Cartoline/Brillant (111), Filigrane mat (118) Variable Chaud Agfa Multicontrast Classic Papier/Brillant (1) Variable Chaud Bergger Prestige Variable Neutre Cartoline/Brillant (NB) Variable Neutre Bergger Prestige Variable Chaud Cartoline/Brillant (CB), Mat (CM), Variable Chaud Semi-brillant (CX), Ivoire (CB Style) Bergger Prestige Art Neutre Cartoline/Brillant (NB), mat (NM) Grades 2 à 4 Neutre Bergger Prestige Art Chaud Cartoline/Brillant (CB) Grades 2 à 4 Chaud Bergger Prestige Fine Art Cartoline/Texture du papier coton Grades 2, 3 Chaud Bergger Prestige Art Contact Cartoline/Brillant Grade 2 Neutre Forte Bromofort Cartoline/Brillant (0), Mat (10) Grades 1 à 4 Neutre Forte Fortezo Cartoline/Brillant (14), Semi-mat (15) Grades 1 à 4 Chaud Forte Polygrade V Cartoline/Brillant (V4), Semi-mat (V5) Variable Neutre Forte Polywarmtone Plus Cartoline/Brillant (PW14), Semi-mat (PW15), Variable Chaud Ivoire (PW17) Ilford Multigrade IV FB MGF Cartoline/Brillant (1K), Mat (5K) Variable Neutre Ilford Multigrade Warmtone FB MGW Cartoline/Brillant (1M), Semi-mat (24K) Variable Chaud Ilford Ilfobrom Galerie FB IG Cartoline/Brillant (1K), Mat (5K) Grades 1 à 4 Neutre Kentmere Fineprint FBVC Cartoline/Brillant, Filigrane mat, Variable Neutre et chaud Filigrane mat chaud Kentmere Kentona Cartoline/Brillant Grade 2 Chaud Kentmere Bromide Cartoline/Brillant Grades 1 à 3 Neutre Kentmere Art Classic Cartoline/Texture du papier Grade 3 Chaud ivoire Kentmere Art Document Papier/Texture du papier Grade 2, 3 Neutre Kentmere Art Deluxe Cartoline/Texture du papier Grade 2, 3 Neutre à chaud Kodak Polymax Fine Art Cartoline/Brillant (F), Semi-mat (N), Variable Neutre et crème Satiné ton crème (C) Oriental New Seagull G Cartoline/Brillant Grade 2 à 4 Neutre Oriental New Seagull Select VC Cartoline/Brillant Variable Neutre Tetenal TT Baryt Vario 111 Cartoline/Brillant Variable Chaud Tetenal TT Baryt Sepia Cartoline/Brillant Grade 2/3 Chaud Tetenal TT Baryt Art Museum Cartoline/Mat texturé Grade 2/3 Chaud 119
120 5 LES PAPIERS ET LES PRODUITS CHIMIQUES
LES PRODUITS CHIMIQUES Bernard Solon, taillandier à Orléans. De même que pour les films, il n existe pas de papier ni de révélateur miraculeux. Le succès du tirage repose surtout sur l habileté du tireur à restituer une belle gamme de gris, de façon que l image paraisse harmonieuse. Nikon FM2, 35 mm, 1/8 s à f/8, film Kodak T-Max 400. Les produits chimiques employés pour le traitement des papiers sont fabriqués à partir de composants similaires à ceux que l on emploie pour les films. Mais les proportions varient, notamment dans le cas des révélateurs. La qualité de l eau Les remarques que nous avons faites pour le développement des films sont valables pour le traitement des papiers. L eau courante convient en général très bien. Seul point à surveiller : la présence de particules de rouilles ou de calcaire. Les premières tachent le papier, les secondes risquent de rayer sa surface, notamment celle des papiers RC brillants. Un filtrage adapté doit alors être installé. Signalons qu une eau trop douce diminue l efficacité du lavage (phénomène à prendre surtout en compte pour les supports barytés). LES PRODUITS CHIMIQUES La température de traitement Très critique pour le développement des films, elle est moins préoccupante pour les papiers. Des températures entre 18 et 24 C conviennent. Des solutions trop froides travaillent trop lentement et altèrent le contraste de l image. S il est trop chaud, le développement est au contraire accéléré et un voile chimique peut apparaître (les blancs grisaillent); il faut alors développer rapidement, en 60 à 90 secondes. Par ailleurs, un bain trop chaud peut endommager la surface du tirage: la gélatine s amollit et se fragilise. Des différences de température entre les bains, à condition de ne pas varier de plus de 5 C ne posent pas de problème particulier. La température de l eau de lavage est plus délicate à maintenir autour de 20 C, notamment en hiver. En dessous de 15 à 16 C, l élimination des produits chimiques devient problématique, particulièrement pour les papiers barytés. Si un auxiliaire de lavage est utilisé (voir page 127), la température de l eau de lavage peut descendre jusqu à 10 C sans nuire à son efficacité. Le révélateur Il existe de nombreuses formules de révélateurs vendues en poudre ou en liquide concentré, d excellente qualité. Les préparer soi-même n apportera pas de qualité supérieure, mais des variations de contraste et de tonalité, dans la limite de ce que peuvent permettre les caractéristiques des papiers (voir ce que nous avons dit sur les développateurs incorporés page 110). Les révélateurs papier font appel aux mêmes composants que les révélateurs film, mais leurs proportions sont différentes. On y trouve aussi quelques produits spécifiques. Il y a d abord des développateurs énergiques comme le génol où la phénidone, qui donnent des résultats peu contrastés. Ils sont mélangés à de l hydroquinone, qui accentue le contraste. En général, les révélateurs comprennent un mélange de ces ingrédients (génol + hydroquinone ou phénidone + hydroquinone) qui sont encore plus énergiques quand ils sont utilisés ensemble. Certains révélateurs comportent à la place de l hydroquinone de l acide ascorbique, lequel est alors combiné à de la phénidone (Agfa Neutol Plus). La présence d un alcali (ou accélérateur) est beaucoup plus importante dans un révélateur papier que dans un révélateur film. C est le rôle du carbonate de sodium ou de potassium, qui permettent des temps de traitement courts (1 à 3 minutes), des noirs profonds et un contraste très marqué. Le conservateur, toujours du sulfite de sodium (ou de potassium dans 121
122 5 LES PAPIERS ET LES PRODUITS CHIMIQUES les révélateurs vendus en liquide concentré), empêche l oxydation prématurée du bain; mais sa proportion est inférieure à celle d un révélateur film car on n a pas à se soucier de la taille du grain d un papier, qui est invisible à l œil nu. Enfin, un antivoile, composé de bromure de potassium ou de benzotriazole, évite le risque d apparition d un voile chimique : l énergie du révélateur peut développer une partie des cristaux d argent pourtant non exposés à la lumière pendant l agrandissement. On peut augmenter sa proportion pour enlever le Révélateurs papier les plus courants Marque Présentation Ton Agfa Neutol NE Liquide/Poudre Neutre Agfa Neutol WA Liquide Chaud Agfa Neutol Plus Liquide Froid à neutre Agfa Multicontrast Liquide Neutre Amaloco Ecomax Liquide Neutre Amaloco Varimax Liquide Neutre Bergger BER-98 Liquide Neutre Fotospeed WT-10 Liquide Chaud Ilford Bromophen Poudre Neutre Ilford Ilfospeed Liquide Neutre Ilford Multigrade Liquide Neutre Ilford PQ Universal Liquide Neutre Kodak Dektol Liquide/Poudre Neutre Kodak Polymax Liquide Neutre Tetenal Dokumol Liquide Froid à neutre (révélateur contrasté) Tetenal Eukobrom Liquide Froid à neutre Tetenal Variospeed W Liquide Neutre à Chaud Tetenal Centrabrom S Liquide Chaud (révélateur doux) voile présent sur des vieux papiers. Le bromure de potassium favorise les tonalités chaudes du papier alors que le benzotriazole procure plutôt une tonalité froide. Leur utilisation complémentaire est examinée dans le chapitre 7 et en annexe. Il n existe pas de révélateur miracle. Les produits que nous citons sont excellents. Le choix principal qui doit porter sur un révélateur plutôt qu un autre est la tonalité qu il va favoriser et/ou son conditionnement (poudre à diluer ou liquide concentré). Rappelons que l action d un révélateur froid, neutre ou chaud favorise surtout la tonalité de base du papier. Donc, les tons les plus chauds sont obtenus en conjuguant un papier chaud à un révélateur chaud, etc. L apparition des supports plastifiés puis des papiers à contraste variable a conduit les fabricants à commercialiser des révélateurs spécifiques. Nos essais nous ont montré qu il n y a pas de différence de qualité de développement entre ces produits et les révélateurs standards actuellement disponibles (et moins chers...), si ce n est qu ils sont plus énergiques. On obtient des résultats similaires avec les révélateurs standards en les diluant moins : cette méthode accroît leur vigueur. De même qu il est souhaitable de commencer par bien connaître un révélateur film, il faut s en tenir d abord à un seul révélateur papier. Du Neutol NE, du Dektol, du PQ, du Bromophen ou encore de l Eukobrom employés à la dilution recommandée par le fabricant, avec un temps de développement de 2 à 3 minutes pour les papiers barytés conviennent parfaitement (pour les papiers RC, 60 à 90 secondes suffisent largement). Des tireurs réputés utilisent quotidiennement ces produits avec succès. Dans cette liste, nous avons ajouté deux révélateurs aux caractéristiques particulières, le Tetenal Centrabrom S et l Agfa Adaptol (ce dernier est comparable au Kodak Selectol-Soft indisponible en France et parfois cité sur les notices techniques de Kodak). Ce sont des révélateurs doux, qu on emploie principalement avec les papiers à grade pour contrôler finement le contraste de l image. Ils peuvent aussi parfaitement développer les papiers à contraste variable. Ils diminuent le contraste du papier d un demi-grade voire un grade entier et donnent des tons chauds plus ou moins prononcés selon les papiers. L Adaptol utilisé seul procure de beaux noirs
alors que le Centrabrom S doit être utilisé en combinaison avec un révélateur standard, de type Eukobrom ou équivalent, sous peine de montrer des noirs fades (voir le chapitre 7 pour leur utilisation). Les révélateurs peuvent être modifiés par l ajout d additifs. Bergger commercialise trois produits, qui procurent surtout des effets marqués sur les papiers ne contenant pas ou peu de développateurs incorporés. Le C+ augmente le contraste d environ un demi-grade. Le CT accentue la tonalité froide du papier et le WT sa tonalité chaude. Dernier cas particulier de notre liste: le Tetenal Dokumol. Il procure un gain de contraste d environ un demi-grade et peut s avérer utile avec des négatifs très plats quand le plus contrasté des papiers donne des tirages encore trop doux. La capacité de travail du révélateur est en général d environ 2 m 2 /l de solution prête à l emploi, soit 50 feuilles 18 x 24 cm ou l équivalent dans les autres formats. Certains fabricants, comme Tetenal ou Agfa, annoncent un rendement de 4 à 5 m 2 /l de solution prête à l emploi. En pratique, il faut changer le révélateur quand le temps nécessaire à la formation complète de l image dépasse 3 minutes et qu on ne peut plus obtenir des noirs francs. Par ailleurs, les tirages sombres, qui font réduire davantage les sels d argent en argent métallique, épuisent plus rapidement le révélateur que les tirages clairs. En cuvette découverte, le révélateur se conserve pendant 24 heures. Certains laboratoires professionnels utilisent le révélateur sur deux ou trois jours, tout en respectant la capacité de traitement, voire rajoutent peu à peu du révélateur neuf dans le bain usagé. Ils remettent la solution en bonbonne à l issue de chaque séance de travail. Ils considèrent qu ils gagnent en modelé quand le révélateur est oxydé. Si vous optez pour ce procédé, vérifiez bien que le révélateur oxydé est capable de créer des noirs profonds. Un révélateur usagé favorise des tons chauds. Tous ces phénomènes sont plus perceptibles avec le papier baryté, notamment s il ne contient pas de développateur incorporé. Quelques révélateurs spécifiques Depuis quelques années, des révélateurs spécifiques sont commercialisés. Notamment les formules Lith (Bergger, Fotospeed), dérivées des révélateurs à très haut contraste. Ils ne contiennent généralement qu un seul développateur, de l hydroquinone, et très peu de sulfite. Ces révélateurs à haut contraste sont employés très dilués. Selon les papiers utilisés (surtout des papiers sans développateur incorporé), ils donnent des tons clairs et moyens variant de l ocre au magenta, les noirs conservant une grande profondeur. Ils demandent des temps d exposition du papier très longs car le révélateur est peu actif. Leur emploi, qui délivre des effets parfois spectaculaires mais très aléatoires, dépasse le cadre de ce livre. Deux autres révélateurs spécifiques sont commercialisés par Bergger, BER01-Sépia et BER01-Bleu. Ils produisent des tons tirant nettement sur un sépia plus ou moins prononcé ou sur le bleu. A priori, ils ont plus d effets sur des papiers sans développateurs incorporés et accentueront la tonalité d origine du papier (révélateur Sépia pour les papiers chauds ; révélateur Bleu pour les papiers neutres ou froids). Le bain d arrêt De même que pour les films, le bain d arrêt est constitué d acide acétique à environ 2 %. Il existe aussi des bains d arrêt sans l odeur piquante de l acide acétique. À base d acide citrique, ils sont un peu plus coûteux. Le temps de traitement dans LES PRODUITS CHIMIQUES 123
124 5 LES PAPIERS ET LES PRODUITS CHIMIQUES le bain d arrêt est habituellement de 15 à 30 secondes en agitation constante pour les papiers barytés et 10 à 15 secondes pour les supports RC. Si ce temps est dépassé, on risque de voir apparaître des taches sur la base du papier (particulièrement sur les supports barytés), qui cependant disparaissent généralement au cours du séchage. Il arrive que de fines bulles s échappent de la tranche du papier immergé dans le bain d arrêt. Ce phénomène est dû à la présence du carbonate du révélateur retenu dans les fibres du papier, et qui se transforme en gaz au contact de l acide acétique. Les dilutions que l on adoptera à partir des produits concentrés sont les mêmes que pour les films et sont données dans le chapitre 3 page 76. L emploi d un bain d arrêt entre le révélateur et le fixateur, contrairement à un simple rinçage à l eau, est hautement préférable pour les raisons suivantes: il arrête le développement de façon nette, évite le risque d apparition de taches ou de marbrures sur le tirage et assure une meilleure capacité de traitement du fixateur. La capacité de travail du bain d arrêt est en général de 1 m 2 /l de solution prête à l emploi, soit environ 25 feuilles 18 x 24 cm ou l équivalent dans les autres formats. La solution de travail en cuvette découverte se conserve pendant trois jours, 1 mois en bonbonne bouchée. Le fixateur Le fixateur élimine de l émulsion les cristaux d halogénures d argent non développés. Il a le même rôle que pour le traitement des films. Les fixateurs employés pour les papiers sont donc les mêmes, de type classique (à base de thiosulfate de sodium) ou rapide (à base de thiosulfate d ammonium), mais parfois utilisés à des concentrations différentes, sauf recommandations particulières du fabricant. Kodak réserve le fixateur T-Max pour les films et propose pour les papiers le fixateur tannant Polymax, présenté sous forme de liquide concentré. Cela dit, le fixateur T-Max possède des caractéristiques semblables à de l Hypam ou de l Agefix. Deux fixateurs vendus plus spécifiquement pour les papiers sont à rajouter à la liste des fixateurs de la page 71 : le Kodak Polymax et l Agfa Multicontrast Classic (formule non tannante en liquide concentré). L emploi d un fixateur non tannant est préférable: il permet des temps de fixage et de lavage plus courts qu avec une solution tannante. C est un avantage appréciable pour le traitement des papiers barytés. Cependant, si on fixe sans tannant à une température trop élevée (audessus de 25 C), la surface du papier risque plus facilement d être endommagée par des abrasions. Si ce cas se présente, il faut ajouter au fixateur une solution tannante (Ilford Rapid Hardener, partie B du fixateur Kodak 3 000 ou Tetenal Hardener) et modifier ou non le temps de fixage selon les recommandations du fabricant. La fabrication des supports plastifiés puis des papiers à contraste variable a conduit les fabricants à commercialiser des fixateurs rapides qu ils recommandent pour leur traitement. Il n y a pas de différence de qualité de fixage entre ces produits et les fixateurs standards rapides ou classiques actuellement disponibles. Les fixateurs classiques sont moins énergiques que les fixateurs rapides. Lesquels employer? C est une affaire strictement personnelle. Les deux types de fixage sont efficaces. La durée du fixage Comment et combien de temps fixer? Deux pratiques existent : le fixage en un seul bain ou une séquence en deux bains. Ils procurent l un et l autre un traitement
LES PRODUITS CHIMIQUES garantissant une très bonne conservation des photographies à condition de respecter quatre paramètres: un temps de fixage approprié, une agitation constante, un bain frais et une température de traitement comprise entre 18 et 24 C. Nous avons vu qu il était facile de déterminer le temps de fixage d un film : il suffit de doubler le temps nécessaire à l éclaircissement de son voile laiteux, qui indique que les cristaux d halogénures d argent non développés ont été dissous. Les papiers ne permettent pas d observer un phénomène similaire. Les expériences très précises conduites par les fabricants de surfaces sensibles et les organismes de normalisation pour déterminer la durée adéquate du fixage dépassent le cadre de notre ouvrage. Il est sage de respecter leurs recommandations fournies sur les notices techniques vendues avec le fixateur. Nous indiquons toutefois un test facile à conduire avec du Kodak Rapid Selenium Toner. Préparez une petite quantité de solution de virage au sélénium Kodak Rapid Selenium Toner diluée à 1+9 (5 ml de virage concentré pour 45 ml d eau). Déposez une goutte de cette solution sur une partie claire du tirage correctement lavé (par exemple une marge blanche) et attendez pendant 5 minutes. Aucune tache brune ne doit apparaître si le papier a été bien fixé. Tetenal suggère un autre type d expérience. En lumière inactinique, on coupe en plusieurs morceaux une feuille de papier vierge. On fixe les différents morceaux 10, 20, 30, 45 et 60 secondes, et on les lave immédiatement au sortir du fixateur, en pleine lumière ; 2 à 3 minutes pour du papier RC, au moins dix minutes pour du papier baryté. Ensuite, en pleine lumière, on redéveloppe les morceaux dans un révélateur papier, pendant 90 secondes. Certains d entre eux vont se noircir, d autres non. L échantillon le plus brièvement fixé ne présentant aucune trace de noircissement sert à déterminer le Quai de la Mégisserie, Paris. On peut mélanger les marques de papier et de produits chimiques et obtenir d excellents résultats (ici, papier Agfa Multicontrast Classic et révélateur Kodak Dektol). Nikon FM2, 55 mm, 1/125 s à f/5,6, film Kodak Tri-X. 125