Résumé. Youssef MOUMNI & Mohamed MOUSSA 1 moumni.youssef@ira.rnrt.tn ; Mohamed.Moussa@ira.rnrt.tn



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Transcription:

Tourisme et Développement durable en Tunisie Compatibilité du milieu naturel montagneux et mise en tourisme cas d'irzod dans la chaîne de Matmata (sud-est tunisien) Dr. Youssef Moumni 1, moumni.youssef@ira.rnrt.tn Dr. Mohamed Moussa 1, Mohamed.Moussa@ira.rnrt.tn 1 Institut des Régions arides, 4119 Médenine Tunisie 1

Tourisme et Développement durable en Tunisie Compatibilité du milieu naturel montagneux et mise en tourisme cas d'irzod dans la chaîne de Matmata (sud-est tunisien) Youssef MOUMNI & Mohamed MOUSSA 1 moumni.youssef@ira.rnrt.tn ; Mohamed.Moussa@ira.rnrt.tn Résumé Située dans le Sud tunisien, couvrant 1 356 Km² avec environ 33 000 habitants en 1999, la région de Béni Khédache, en quasi-totalité rurale, a bénéficié d'un projet de recherche développement (IRZOD) entre les années 2002 et 2006. Ce projet avait pour principale hypothèse : "La seule issue pour résoudre les problèmes de la zone, réside dans de nouvelles activités exercées sur place qui ne soient pas des activités agricoles conventionnelles et qui puissent ainsi améliorer emploi et revenus sans augmenter la pression sur les ressources". L'expérience a été autant riche que la richesse de ses problématiques et ses hypothèses. Elle n'a non seulement répondu au questionnement principal au niveau théorique à savoir qu'il est possible de multiplier les vocations du territoire tout en préservant sa nature rurale et ses ressources naturelles, mais elle a aussi ancré des nouvelles options de développement durable. Beni Khédache et d'autres zones de la chaîne montagneuse de Matmata (Matmata et Tataouine) sont des régions qualifiées difficiles mais qui s ouvre sur quatre unités géographiques différentes à savoir le Sahara, le Djebel qui s étend depuis les monts de Matmata au Nord jusqu au delà de la frontière tuniso-libyenne au Sud, le Dhahar (vaste plateau) et la Djeffara (plaine littorale). La chaîne est une région stratégiquement importante pour le tourisme puisqu elle permet le passage du balnéaire au saharien. Ses richesses naturelles et patrimoniales (les troglodytes, les Jessour et les Ksour) agencées à celles culturelles, manifestées par les riches traditions locales, justifient le choix de la zone pour une telle expérimentation. La région est basée sur des potentialités qu offre sa position géophysique : un milieu presque à l état naturel, des vues pertinentes de paysage ainsi que des vestiges d anciens Troglodytes et Ksour (greniers en dur) en plus de ses verdoyants Jessour 1 Enseignants-chercheurs à l'institut des Régions Arides de Médenine (Tunisie). 2

(bassins de cultures agricoles typiques). Mais, ses zones sont inégalement développées au point de vue tourisme. Le domaine touristique est presque vierge dans l'ensemble de la zone du projet. Son développement y devrait passer par la découverte de nouveaux produits, sites et circuits ayant des critères solides qui les qualifient pour être commercialisables. A travers notre travail, nous proposons de présenter l'expérience IRZOD avec ses points forts et ses carences et s'interroger sur l'état de développement touristique dans les autres zones de Matmata pour introduire, tout simplement, à une sorte de comparaison entre la mise en tourisme et la durabilité du développement dans ces régions arides tunisiennes. Mots clés : Sud tunisien, Matmata, développement, tourisme, projet. Abstract Located in the South of Tunisia, covering 1,356 km ² with approximately 33,000 habitants in 1999, the area of Beni Khédache, profited from a project of research and development (IRZOD) between the years 2002 and 2006. The principal working hypotesis of this project: the resolution of zone problems, beginning with creation of new activities. These are not agricultural activities but rural activities ho improve employment and incomes without increasing the pressure on the resources. The experiment was as richer than the richness of his problem case. It did not only founding answer of the principal question at the theoretical level. It is possible to multiply the vocations of the territory while preserving its natural resources, but it also anchored new options of sustainable development. Beni Khédache and other zones of the mountainous chain of Matmata (Matmata and Tataouine) are qualified difficult areas. Because of their openings on four different geographical units: the Sahara, Jebel which extends since the mounts from Matmata in North until the border Tuniso-Libyan in the South and Dhahar (vast plate) and Djeffara (littoral plain). This area is strategically for tourism. It placed between sea and Sahara. Its natural resources and patrimonial (troglodytes, Jessour and Ksour) witch fits with the rich cultural resources as expressed by the local and ancestral tradition. 3

The area is based on potentialities which its geophysical position offers: a natural zone, vestiges of Troglodytes and Ksour besides green Jessour (basins of agricultural cultures typical), but its touristy zones are unequally developed. The tourism is recent in the region and its development must pass through discovering new products. Sites and circuits must have solid criteria which qualify them to be marketable. Through our work, we propose to present experiment IRZOD with its strong points and its deficiencies. We asked another questions about the tourist level of development in the zones of Matmata. Our work introduces, simply, for a comparison between the setting in tourism and the durability of the development in these Tunisian arid areas. Key words: South Tunisia, Matmata, development, tourism, project. 4

1 - Introduction Dès les années soixante dix, les préoccupations de l'etat de la Tunisie indépendante, concernant la gestion des ressources naturelles et la protection de l environnement, sont apparues progressivement dans les plans de développement économique et social du pays. Ces priorités se sont renforcées depuis la conférence de Rio (juin 1992) qui a institué les premiers repères du développement durable. Les nouvelles orientations de ce développement ont amorcé, en quelque sorte, le processus d'une réglementation internationale de l usage de ces ressources naturelles dans chaque pays (signature des conventions de Rio). La nouvelle démarche qualitative de développement dans laquelle la Tunisie s'est engagée sans retard n'a pas éliminé le souci de prospérité basé sur un développement qui assure la richesse du pays : taux de croissance de plus en plus élevé au niveau économique et socialement, une amélioration de la qualité de vie de plus en plus durable. Mais, dans les zones rurales arides, l agriculture qui constitue toujours l'activité économique la plus dominante, a connu à cause de la fragilité des ressources, un affaiblissement qui a entraîné automatiquement le départ progressif, d'une population auparavant peu stable (agro-pasteurs à titre d'exemple), vers les villes. Ainsi, en plus des "difficultés" de ces milieux ruraux, un phénomène de migration est apparu sous forme d'exode et d'émigration. Dans ces conditions, la ruralité des régions arides, particulièrement en "zones difficiles", est touchée par une altération exercée à des niveaux différents : écologique ("perturbations écologiques")2, économique (limite du développement) et social (fléaux : chômage, exode, émigration). Dans cette expérience tunisienne, comme dans toute autre région aride, Beni Khédache et l'ensemble des régions, ont bénéficié des acquis des projets de 2 Il faut signaler que le mot écologie se comprend, ici, dans le sens large du terme. Dans le dictionnaire encyclopédique de 1 Écologie et des Sciences de I Environnement (1993), il est mentionné clairement que les ressources naturelles font partie intégrante des sciences écologiques «l eau, les sols (terres cultivables) et les ressources dites biologiques constituent des communautés vivantes exploitées par l homme : forêts, pâturages, pêcheries, biodiversité (espèces animales et végétales). Dans cela, les agronomes incluent ce qu ils dénomment les ressources génétiques, c est-à-dire l ensemble des variétés de plantes cultivées et de races d animaux domestiques". 5

développement nationaux et régionaux : projet de développement rural intégré (PDRI), projets de développement régionaux (PDR), projet régional de l emploi et du développement, projet du fonds national de solidarité 26/26, (etc.). Mais, toutefois, l'accent n'était mis sur les aspects de "dégradation" que partiellement dans certains projets. L'innovation rurale dans les zones difficiles (IRZOD) est un projet expérimental dont les acquis ont été testés dans le développement rural d'autres territoires. Il s'intègre dans les politiques de développement que la Tunisie n'a épargné aucun effort pour les soutenir. Ce projet est partenarial et innovant. Il s'inspire des programmes ruraux de développement rural en Europe. L'expérience proposée aux zones difficiles s'apparente aux programmes réalisés par les fonds structurels européens. Parmi ces programmes régionaux de développement figurent les programmes Leader dont les premières générations sont apparues à partir du début des années quatre vingt dix. Le schéma économique développé et que présentent ces programmes, est basé sur des objectifs structurels. Il s'agit d'instaurer un développement pour : "créer des revenus nouveaux, assurer une durabilité dans le développement, générer des activités non agricoles, valoriser l existant et faire participer les populations aux actions de développement pour les préparer à une gestion locale des projets" (projet "Jessours et Ksour de Béni Khédache", septembre 2002. Inédit). Dans le cas de Béni Khédache, le scénario de développement est le suivant: "sur le plateau émergent en effet trois sites, Ksar Jouama, Ksar Zammour et Ksar Hallouf, de nombreux Jessours, des sites archéologiques, historiques et géologiques, et enfin le «Djebel Mzenzen»". Pour ce faire, "on a choisi d articuler ces activités autour d un tourisme patrimonial (écotourisme), que l on choisit comme facteur principal de valorisation des autres ressources locales. L idée force est que Béni Kheddache devienne une «destination touristique» pour un public spécifique qui y viendra pour ce qu il veut y découvrir, les paysages (montagnes, jessours, ksour, ) les produits spécifiques de la zone, les savoirs faire, les traditions (manifestations culturelles, festivals et rencontres environnementales)" (projet "Jessours et Ksour de Béni Khédache", novembre 2002. Inédit). Mais, cela ne peut se réaliser sans tenir compte des difficultés de la zone. Car, "on est dans un environnement fragile qui réclame une gestion particulière. La position géographique de Béni Khédache qui est aux portes du désert, en fait une zone 6

menacée par la désertification. La pression sur les ressources qu exercent les hommes et les animaux, l érosion hydrique et éolienne, représentent un danger pour cet environnement. Toutes les activités doivent donc être conditionnées par cet aspect" (Idem). Donc, il s agit d un projet de développement intégré qui prend compte, outre la mise en valeur de l'ensemble des potentialités locales, de la préservation du milieu identifié "difficile". Il s'intègre concrètement dans la tendance internationale du développement du tourisme dans le monde puisque "depuis le milieu du XX ème siècle, le tourisme figure parmi les secteurs les plus vigoureux de l'économie mondiale. En 2002, l'organisation Mondiale du Tourisme (OMT) dénombrait plus de 700 millions d'arrivées de touristes internationaux: soit 25 fois les chiffres de 1949" (Adeline CEZEUR, 2004). Dans le présent travail, on expose comment ce projet a été mené et quels résultats a-t-il donné? 2 - Milieu naturel montagneux de Djbel Matmata Les monts de Matmata (fig.1) correspondent à l'extrémité septentrionale de la chaîne du "Dhahar" qui s'étale de la région de Matmata, au nord, jusqu'à la frontière tuniso-libyenne, au sud. Il s'agit d'un alignement de structures monoclinales légèrement inclinées vers l'ouest et nettement façonnées par l'érosion qui y a dégagé des cuestas remarquables. Cette longue série de "cuesta" se développe depuis les Monts des Matmata à l Ouest-Sud-Ouest de Gabès jusqu au sud de Tripoli. Les couches alternées des différentes strates minérales sont constituées de bancs de calcaire dur et dolomitiques et de marne tendre. Le Dhahar est un plateau calcaire de revers, caillouteux, à l aspect de Reg, se terminant à l Est par un front de Cuesta dû à la superposition de calcaire (50 m) sur de marne (200 m). De point de vue géologique, la chaîne de Matmata englobe des domaines morpho-structuraux incluant des séries sédimentaires. Ces séries présentent une variation de faciès et d épaisseurs. Cette chaîne est accrochée au Dhahar à une altitude comprise entre 500 et 700 m. Elle est fortement délimitée et divisée par de nombreux monts. Du sud des Matmata au Djebel Nefousa, en Libye, un grand arc montagneux, délimite le plateau saharien et la plaine alluviale de la Djeffara qui vient littéralement buter contre le relief montagneux. Les sols sont de types lœssiques, ils se développent sur une roche mère d origine éolienne ayant subi pendant le quaternaire des remaniements et des 7

pédogenèses assez prononcées. Ces sols profonds occupent presque toute la totalité de la chaîne des Matmata. Cette région est caractérisée par un climat aride où des quantités de pluie ne dépassant que localement les 200 mm dans les reliefs situés entre Matmata et Béni Khédache. Elle est favorisée par les pluies par rapport au reste du Sud tunisien puisqu au front du djebel les vents humides, provenant rarement de la mer, dégagent leur humidité sous forme de pluies montantes. En parcourant ces zones montagneuses des régions arides en Tunisie, on est impressionné, d'une part, par la très faible densité de la couverture végétale, la grande étendue des sols squelettiques ou à roche calcaire affleurante et, d'autre part, par des petits barrages avec des retenues comblées en partie ou en totalité par des sédiments qui sont désignés sous le nom de jessours (fig.5). Le grand nombre de retenues cultivées est planté en arbres fruitiers (oliviers, figuiers, palmiers, ). Ils sont construits au travers de petits ravins en vue de retenir les eaux de ruissellement qui permettent de satisfaire les besoins en eau des cultures installées. Sans ces aménagements hydrologiques, les cultures seraient pratiquement non rentables dans ces montagnes arides, où la pluviométrie moyenne annuelle est faible et se manifeste souvent sous forme d'averses de forte intensité. 3 - Le projet, ses origines et ses objectifs 3.1 - Cadre institutionnel du projet Le projet est le résultat de coopération décentralisée entre le Conseil Régional de Médenine et le Conseil général du département de l Hérault en France (accordcadre de 1995). Dans cette coopération, l Institut des Régions Arides a signé un protocole technique avec l Institut Agronomique Méditerranéen de Montpellier pour mener un programme de recherche-développement dans des zones appelées difficiles. 3.2 - Partenariat Les organismes concernés par la réalisation de ce projet sont répartis en fonction de leur niveau de partenariat. D'une part, les institutions de recherche scientifique et de développement qui sont soutenues par les organes régionaux. D'autre part, les opérateurs de développement (Association du Développement 8

Durable à Beni Khédache (ADD) et le programme Leader + du département de l Hérault) sont les représentants du territoire dans cette expérience. 3.3 Méthodologie Chronologiquement, l année 2001 a été consacrée au diagnostic. Dans l année 2002, la stratégie de développement a été définie et quelques opérations expérimentales ont été repérées. Pour l année 2003, le projet a démarré par une phase organisationnelle accompagnée par l identification définitive des opérations et des actions à mener. Le diagnostic a défini la zone et les déterminants de son fonctionnement. Il a arrêté l identification des atouts et des contraintes du développement de la zone. La définition d une stratégie de développement de la zone a été fondée sur les résultats du diagnostic. Le fond de la démarche vise l'appui des atouts pour diminuer ou supprimer les contraintes. Il a définit les objectifs dits stratégiques pour tracer les grandes lignes des orientations nouvelles de développement. En effet, "la clarté de ces orientations stratégiques a permis de proposer et de mettre en place (en 2003) une série d opérations-test permettant de déterminer en vraie grandeur la pertinence des options proposées" (projet "Jessours et Ksour de Béni Khédache" : avancement du projet et études de faisabilités des actions pilotes 2003, novembre 2002 Inédit). La raison est simple : "la difficulté d obtenir des résultats à l aide des études de faisabilité sur une part non-négligeable de ce que nous en attendions montre clairement leurs limites. Il nous a donc paru indispensable dans certains cas de passer de l étude à l expérimentation pour décider de façon définitive des voies et moyens envisagés. C est le sens de la décision de programmer des opérations-test en 2003. Ainsi, on est sorti du domaine de l étude tout en mettant en place une étape intermédiaire qui, tout en étant déjà de la réalisation, a permis cependant de tester la pertinence de certaines hypothèses de travail" (CIHEAM- IAMM : Projet IRZOD - Rapport d activités, 2003). 3.4 - Problématique Depuis l'indépendance du pays, Béni Khédache connaît une augmentation continue de sa population. Cette augmentation a engendré une pression sur les ressources naturelles. 9

"La faiblesse des revenus tirés d une agriculture pratiquée dans des conditions difficiles et d un élevage ayant à surmonter des handicaps importants a été depuis longtemps (plus ou moins) compensée par les revenus d une émigration dont les origines sont probablement très lointaines"(idem). La solution est d'essayer de maîtriser cette situation difficile du territoire. L hypothèse est la suivante : " la seule issue pour résoudre les problèmes décrits ci-dessus réside dans de nouvelles activités exercées sur place qui ne soient pas des activités agricoles conventionnelles et qui puissent ainsi améliorer emploi et revenus sans augmenter la pression sur les ressources" (CRM, CGH, IRA, IAMM, ADD : Programme de recherche- développement, Innovation Rurale en Zones Difficiles, projet "Jessours e Ksour de Béni Khédache", novembre 2001). 3.5 - Objectifs Le projet IRZOD «Jessours et Ksour de Béni Khédache» est un projet de développement rural intégré. Il propose l'appui et la mise en œuvre d un certain nombre d opérations de développement rural dans la zone. A caractère expérimental, il se limite à une zone de montagne et "destiné à imaginer de nouvelles voies de développement pour ce type de zone" (projet "Jessours e Ksour de Béni Khédache", septembre 2002. Inédit). Il s'étale sur la majorité des secteurs d activités et touche l'ensemble des domaines ruraux. L'allure du schéma de développement qu'il doit réaliser se dessine dans les caractéristiques suivantes : la dominance de la vocation territoriale, multisectoriel et la supposition d'être géré par les acteurs locaux. 3.6 - Axes de développement Les études qui ont devancé le démarrage du projet ont montré que trois axes peuvent être développés dans le projet : le tourisme, l artisanat, et les produits locaux agricoles traditionnels de la zone. "Un quatrième axe "Eau et ressources" émerge clairement à la simple lecture des savoir-faire du territoire". Ces axes ont été répartis sur quatre sites à savoir : Béni Khédache village, Ksar Jouamaa, Ksar Hallouf et village de Zammour. 3.7 - IRZOD : Modèle Au niveau recherche scientifique, le souci pour un développement rural durable est à la base de ce projet. Toutefois, le projet est le résultat d une coopération 10

scientifique entre institutions de recherche. Il a reçu l appui de la coopération décentralisée, chose qui justifie le partenariat dans le projet : partenaires de développement et de recherche. Il est considéré un projet pilote expérimental puisque c'est un projet de développement rural intégré multisectoriel, appliquant l'approche participative, se basant sur la valorisation des résultats de recherche et les innovations locales. 4 - Terrain ou territoire La délégation de Béni Khédache du gouvernorat de Médenine est une zone à presque 100% rurale : une superficie de 1 250 Km², une population de 36 000 habitants en 1997, une densité de 24 habitants par Km² pour la même année et enfin, 13 Imadas (secteurs) dont 12 occupent le milieu rural. Comparée au gouvernorat de Médenine, sur le plan superficie (fig.2) et population (fig.3), la délégation de Beni Khédache (zone du projet) occupe une taille négligeable mais importante au niveau expérimentation du projet, car elle associe les critères pour être classée "zone difficile". Les principales contraintes de cette région difficile se résument dans les points suivants : la zone est montagneuse, des ressources naturelles rares, une population dispersée et une productivité agricole très faible. En revanche, ses atouts sont importants: une biodiversité riche, surtout végétale, les ressources en eaux superficielles sont intéressantes et le savoir-faire technique et culturel est ancestral particulièrement en matière agricole et artisanale. D'après le diagnostic, les deux piliers fondamentaux sur lesquels peut se baser le développement à Béni Khédache sont les Jessour (fig.5) et les Ksour (fig.4). Les premiers se sont les ouvrages (bassins versants) dans lesquels se pratiquent l'agriculture. Les autres ce sont des anciens édifices qui incarnent un patrimoine architectural typique de la région. Les deux constituants de la zone ce sont réunis dans la région de Ksar El Hallouf, auxquels s'ajoute une verdoyante oasis dans l'oued, formant par là, l'un des principaux sites du projet. Le choix du village de Ksar El Hallouf comme site principal du projet revient, en fait, à l'ingéniosité de l'architecture de son Ksar. Il mérite d'être valorisé surtout qu'il a une merveilleuse ouverture sur la palmeraie qui semble être abandonnée du 11

côté agricole mais, reste toujours attirante sur le plan patrimoine naturel (magnifique paysage). La place du site "village de Zammour" est aussi importante que ce soit de point de vue touristique que de l'abondance des produits agricoles locaux (figue et olive). Pour le "village Ksar Jouamaa", la combinaison ressources hydrauliques (Jessours) et patrimoine architectural peuvent correctement faire l'affaire d'une valorisation des potentialités non encore identifiées. 5 - Résultats Les résultats obtenus en matière d'exécution du projet sont nombreux. On peut en citer quelques uns : - Réussite de l approche dans la zone : interaction synchronisée entre les partenaires, surtout entre les équipes de recherche, et "perfection" de la coopération décentralisée comme moyen efficace de partenariat en recherche développement. - Acquis d un savoir-faire en matière de programmation et de réalisation d actions de développement selon les disponibilités de ressources. L'accompagnement de la démarche scientifique a, cependant, introduit dans le développement l'exigence que le produit soit un produit nouveau et durable. De fait, la création du tourisme de qualité "maisons d'hôtes" a trouvé, facilement et à la fois, la confirmation scientifique de la faisabilité et l'approbation automatique des partenaires du développement. Le résultat des actions sur les "maisons d hôtes" peut se résumer de deux manières. Il s agit d'abord d un réaménagement touristique pour créer une sorte d'hébergement nouveau ou d une nouvelle construction d accueil touristique, autre que le système hôtelier. C'est une percée touristique dans le monde rural de la zone. Il est précisé dès le départ que cette nouvelle construction soit architecturalement conçue en harmonie avec l'environnement existant, "dans ses détails, ses formes (et) son organisation" (Idem). Chose qui était respectée sans hésitation. 12

Conclusion Le projet expérimental IRZOD a constitué un travail de partenariat idéal. Sa vision pour le développement était tellement claire que, réaliste et concrète. L'accompagnement du projet était aussi en parfaite commodité avec les activités qui ont trouvé facilement leur réalisation, en l'occurrence, touristiques. Par contre, la mise en tourisme de quelques circuits suppose garantir plusieurs financements pour faire au préalable les aménagements de l'infrastructure touristique. Les encouragements du secteur public ne manquaient pas dans ce domaine. Mais, c'est peut être aux professionnels d'assurer la prise en charge de certains espaces touristiques (sites et circuits). Parfois, le désengagement de nombreux d'entre eux (agences de voyage, syndicats d'initiatives, tours-opérateurs, etc.) a tardé leur participation aux efforts de commercialisation du nouveau produit. L'objectif de tout développement est de créer une dynamique économique et sociale au sein des territoires pour apporter changement et bien-être aux populations. Au de-là de quelques difficultés du projet, l'expérimentation que nous venons d'exposer, a ancré en peu de temps les prémisses d'un développement, même sur un plan restreint, d'innovation et de concertation. Il faut le dire, le développement dans les zones dites "difficiles" passe par la préservation et la valorisation du patrimoine naturel et culturel de ces zones, avec, bien entendu, la participation des populations locales. Sans ces dernières, les choses restent là où se sont achevées les opérations proposées. Autrement dit, la valorisation des potentialités de ces régions en vue de développer le territoire, dépend de la prise en charge de ce développement en partenariat par les acteurs locaux. Aussi, le rôle de la profession que ce soit touristique ou autre, est fondamental. Donc, l'expérience ne peut se réaliser sans la participation de ce type de partenaires. En résumé, on peut conclure que pour réaliser le développement durable dans les "zones difficiles", le partenariat (Etat et populations, profession et coopération) est étroitement lié à la vision d'ensemble du projet. Entre autres, les actions d'innovation touristique, censées être mises en œuvre dans le développement, doivent être conformes aux options de développement proposées. 13

Références bibliographiques Ouvrages - BEN OUEZDOU H, (2001) : «Découvrir la Tunisie du Sud. De Matmata à Tataouine. Ksour, jessour et troglodytes, Tunis» - BONVALLOT J. (1986) : «Tabias et jessour du Sud tunisien Agriculture dans les zones marginales et parade à l érosion», Cah. ORSTOM, Ser. Pedol., vol. XXII, no 2,163-I 71 - MOUSSA M. (2007): «Estudio Edafológico de la Cuenca del Ségui (Mareth sur de Túnez), bases para mejorar los usos del suelo», tesis, 244 p - MZABI H. (1993) : «La Tunisie du Sud-Est, géographie d une région fragile, marginale et dépendante». Publications Faculté des Sciences Humaines et Sociales, Tunis, 685p. - ZAIANE S (2004) : «Tourisme et loisirs dans les parcs nationaux tunisiens, l'exemple du parc national d'ichkeul». Centre de Publication Universitaire, Tunis. Articles - KASSAH Abdelfatteh (2005) : «Tourisme et patrimoine dans la chaîne des Matmatas (Sud-est tunisien)» in Actes du 7 ème colloque maroco-allemand Rabat 2004 sur "Pour une nouvelle perception des montagnes marocaines". Publications de la FLSH de Rabat. Série: colloques et Séminaires, 119) Rabat, pp. 1141 151. - MOUMNI Y (2007) : «Le tourisme des franges pré-sahariennes : potentialités, aménagement et structuration "IRZOD" à Béni Khédache & "Sur la route des caravanes" à Tataouine" in "Tourisme saharien et développement durable enjeux et approches comparatives», colloque international de Tozeur (Tunisie), 9 au 11 novembre 2007. Autres - CEZEUR Adeline (2004) : «Tourisme international et développement en milieu aride le cas de l'oasis de Douz (Sud Tunisien)». Mémoire de Maîtrise de géographie, UFR Lettres et Sciences Humaines, Université d'orléans (France). - DOCUMENTS (2001, 2002, 2003) : données de base du projet Innovation Rurale en Zones Difficiles "Jessours et Ksours de Béni Khédache" (inédits). - NATIONS UNIES (2004) : «Ecotourisme et Tourisme Durable en Tunisie, Situation actuelle et perspectives» (rapport). 14

Abréviations - ADD : Association de Développement Durable de Béni Khédache - CAUE: Conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement de l'hérault - CGH : Conseil Général de l'hérault - CLAR : Comité Local d'animation Rural - CP : Comité de pilotage - CRM : Conseil Régional de Médenine - CRDA : Commissariat Régional au Développement Agricole - IAMM : Institut Agronomique Méditerranéen de Montpellier - IRA : Institut des Régions Arides de Médenine - IRZOD : Innovation Rurale en Zones Difficiles 15

Fig. 1 : Situation de la zone d étude Superficie (Km²) 13% Béni Khédache 87% Médenine Fig.2 : Superficie de la délégation de Béni Khédache Population (1999) habitants 500 000 400 000 300 000 200 000 100 000 0 Médenine Béni Khédache Fig.3 : Population de la délégation de Béni Khédache 16

Fig.4: un ksar Fig. 5: Les jessours 17