L employeur peut-il mettre un salarié en congés payés forcés?



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Transcription:

L employeur peut-il mettre un salarié en congés payés forcés? Pour éloigner temporairement de l entreprise un salarié surmené, irascible avec ses collègues, certains employeurs trouvent comme solution de mettre le salarié en congés payés forcés afin qu il se repose un peu. Souvent aussi, les employeurs sont tentés de mettre en congés payés forcés des salariés dans l attente du déroulement de la procédure de licenciement pour faute grave, plutôt que de prononcer une mise à pied conservatoire. Mais quelle que soit la raison, la chose est juridiquement impossible. Même s il estime que le salarié ne peut pas rester physiquement dans l entreprise, l employeur ne peut l obliger à prendre des jours de congés payés. En revanche, l employeur doit faire prendre aux salariés leurs congés payés et, en cas de litige, être en mesure de prouver qu il a respecté ses obligations d information des salariés sur les périodes de prise de congés, les règles de priorité et d affichage (Cass. soc. 13 juin 2012, n 11-10.929). Si un salarié est en désaccord avec l employeur sur le calcul de ses congés, il peut faire appel aux représentants du personnel pour le conseiller et intervenir auprès de l employeur, ou éventuellement saisir le conseil des prud hommes ou l inspection du travail. L employeur doit veiller à la prise des congés payés par les salariés Le Code du travail dispose que l employeur est décisionnaire dans la prise des congés payés par les salariés, selon l article L.3141-13 : «La période de prise des congés payés est fixée par les conventions ou accords collectifs de travail. Elle comprend dans tous les cas la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année. A défaut de convention ou accord collectif de travail, cette période est fixée par l employeur en se référant aux usages et après consultation des délégués du personnel et du comité d entreprise.» Parfois des difficultés peuvent survenir lorsque le salarié est dans l impossibilité de prendre ses congés. Traditionnellement, la Cour de cassation imposait au salarié de démontrer qu il était dans l impossibilité de prendre ses jours de congés du fait de son employeur (Cass. Soc. 14 janvier 2004, n 02-43.575). Dans un arrêt du 13 juin 2012, la Cour vient d opérer un véritable revirement de jurisprudence en renversant la charge de la preuve et en imposant désormais à l employeur de démontrer qu il a accompli toutes les diligences pour permettre au salarié de bénéficier de ses jours de congés. La Cour en profite pour préciser que le versement d une majoration de 10% du salaire ne compense pas l absence de prise des jours de congés. Pour cela la Cour se fonde sur la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 qui précise que les jours de congés ne peuvent pas être remplacés par une indemnité financière.

Un employeur doit donc tous mettre en œuvre pour permettre au salarié de bénéficier d au moins 4 semaines de congés. A défaut, le salarié peut bénéficier une indemnisation fondée sur le préjudice subi du à l absence de prise des jours de congés, et ce même s il a bénéficié d une majoration de 10% du salaire. Cour de cassation, chambre sociale, 13 juin 2012, n 11-10.929 : «Attendu qu eu égard à la finalité qu assigne aux congés payés annuels la Directive 2003/ 88/ CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l aménagement du temps de travail, il appartient à l employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement ; Attendu que pour débouter le salarié de sa demande à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la privation de congés annuels, l arrêt retient que les bulletins de salaires ne mentionnent pas de date de prise de congés payés annuels mais attestent du versement de la majoration de 10 % et que le salarié ne démontre pas s être trouvé dans l impossibilité de prendre ses congés annuels du fait de l employeur alors que ces congés lui ont été payés ; Qu en statuant ainsi, alors que le versement d une indemnité ne peut suppléer la prise effective des congés et qu il ressortait de ses constatations que l employeur ne justifiait pas avoir satisfait à ses obligations, la cour d appel a violé les textes susvisés ;» Yann BOUGENAUX Avocat droit du travail droit de la sécurité social Congés payés : le changement (du régime de la preuve) c est maintenant! La Cour de Cassation adopte une solution nouvelle en matière de congés payés : ce n est désormais plus au salarié qu il incombe de démontrer qu il a été mis dans l impossibilité de prendre ses congés payés du fait de l employeur, mais à ce dernier de prouver qu il a mis le salarié en mesure de les prendre. Il s agit là d un revirement de jurisprudence dont il convient pour l employeur de tenir compte en se ménageant à l occasion de la gestion des congés payés la preuve de ce qu il a bien: Informé les salariés de la période de prise des congés payés deux mois avant l ouverture de cette période, Communiqué à chaque salarié l ordre des départs en congés au moins un mois avant et affiché cet ordre de départs. L enjeu n est pas neutre puisque si l employeur ne peut faire cette démonstration, il ne pourra désormais plus considérer comme perdus les congés que le salarié n aurait pas pris de son fait. Cass soc 13 Juin 2012 n 11-10.929 FS-PBR

La preuve des congés payés incombe à l employeur Selon les dispositions du droit du travail, doivent apparaitre sur le bulletin de salaires les dates de prise de congés payés et le versement de la majoration de 10% correspondant au paiement de l indemnité des congés payés. Or, en l occurrence, le versement de la majoration apparaissait bien mais pas les dates des congés. La Cour d appel a estimé que, d une part, l indication du versement de la majoration prouvait la prise de congés payés, et d autre part, que l employé n avait pas prouvé que son employeur lui avait refusé ses congés. Dans un arrêt du 13 juin 2012, la Cour de cassation censure l arrêt de la Cour d appel en indiquant qu en cas de contestation, c est toujours à l employeur de prouver qu il a bien accordé et payé les congés de ses employés. De plus, notons qu en raison de la position d infériorité et de faiblesse de l employé, la jurisprudence consacre la formule : le doute profite à l employé. (Cass. soc. 13 juin 2012, n 11-10.929, Barthelemy c/ Sté Médiapost) Les congés payés et la maladie : l histoire de la poule et de l œuf. En cette période estivale, un petit rappel sur les droits à congés payés des salariés et sur les obligations de l employeur. - Droit à congés payés : la condition de travail effectif pendant 10 jours n est plus nécessaire Depuis le 1er juin 2012, il est prévu que le salarié a le droit à deux jours et demi de congés payés par mois de travail effectif, la durée totale du congé exigible ne pouvant excéder trente jours ouvrables (article L. 3141-3 du Code du Travail). Cette modification du droit français, introduite par la loi n 2012-387 du 22 mars 2012, fait suite à un arrêt de la Cour de Justice de l Union Européenne en date du 21 janvier 2012 (aff. C-282/10, Maribel Dominguez c. Centre informatique du Centre Ouest Atlantique et Préfet de la région Centre). En effet, la Cour de justice de l Union européenne s était prononcée lors de sa saisie relative à une question préjudicielle posée à la Cour de justice de l Union européenne sur la compatibilité des dispositions de l article 7 de la Directive européenne n 2003/88 en date du 4 novembre 2003 qui prévoit que «les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d un congé annuel payé d au moins quatre semaines, conformément aux conditions d obtention et d octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales» (article 7). On se souvient de la rédaction de l article L. 3141-3 du Code du travail avant l entrée en vigueur de cette loi :«Le salarié qui justifie avoir travaillé chez le même employeur pendant un temps équivalent à un minimum de dix jours de travail effectif a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail»(art. 22 de la loi n 2008-789 du 20 août 2008). Ainsi, l obligation faite au salarié d avoir dix jours de travail consécutifs chez un employeur pour bénéficier de ses congés payés n est pas valable.

- Congés payés et maladie : le salarié malade pendant ses congés payés n est plus en congé De même, la Cour de justice de l Union européenne (CJUE) est intervenue récemment pour préciser qu un salarié tombant malade alors qu il est en congés payés peut reporter les jours de congés dont il n a pas pu bénéficier du fait de sa maladie (CJUE, 21 juin 2012, aff. C-78/11, Anged). Le juge communautaire reconnait le droit au report des congés payés aux salariés malades indépendamment du moment où la maladie survient. Or, en droit français, la priorité est donnée à la première cause de suspension du contrat de travail : Si le salarié tombe malade avant ses vacances, il ne les perd pas et peut les reporter en dehors de la prise de ses congés. En cela, la cour de cassation a rejoint la CJUE (Cass Soc 24 février 2009, n 07-44.488 ; Cass Soc 28 sept 2011, n 09-70.612). La maladie prime sur les congés payés. En revanche, si le salarié tombe malade pendant ses congés payés, il ne peut exiger de prendre ultérieurement le congé dont il n a pu bénéficier du fait de son arrêt de travail, sauf accord de l employeur. La première cause de suspension du contrat de travail prime. Cette position devrait sans aucun doute évoluer compte tenu de l arrêt ci-avant mentionné pour permettre la mise en conformité du droit français avec la jurisprudence communautaire. - Rappel des obligations de l employeur en matière de congés payés vis-à-vis de ses salariés En attendant, il serait que trop conseillé à l employeur de s assurer de la prise effective des congés par le salarié. Un arrêt récent de la Cour de cassation en date du 13 juin 2012 constituant un revirement de jurisprudence a pu retenir qu «il appartient à l employeur de prendre toutes les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d exercer effectivement son droit à congé et, en cas de contestation, de justifier qu il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement» (Cass. Soc. 13 juin 2012, n 11-10.929, Barthélémy c/sté Médiapost). En effet, antérieurement, la charge de la preuve revenait au salarié et ce dernier se devait de prouver la faute de son employeur afin d obtenir des dommages et intérêts correspondant aux congés non pris (Cass. Soc. 6 mai 2002, n 00-41.401, CRAM du Centre c/ Remondeau). Pour mémoire, toute infraction aux dispositions légales et réglementaires sur les congés payés est passible d une amende maximale de 1.500 pouvant être portée à 3.000 en cas de récidive dans le délai d un an (article R.3143-1 du Code du Travail). - A titre de conclusion : attention aux congés dit «spéciaux»! Enfin, l attention des employeurs sera également attirée sur les congés dit «spéciaux», qui ne sont pas en reste du côté de la jurisprudence : L employeur ne peut pas refuser un congé parental même en cas de non-respect du délai de prévenance. (Cass. Soc. 25 janvier 2012 n 10-16.369, Sté Riou Vetillard Tombeck SCP c/ Marois) Dès lors que la salariée réunit les conditions pour bénéficier d un congé parental d éducation l employeur ne saurait la licencier sous prétexte qu elle l a informé tardivement de son absence. Ce congé étant de droit, l employeur ne peut donc pas s y opposer dès lors que l intéressé remplit les conditions requises. Même si le Code du travail prévoit un délai de prévenance, son non-respect n est pas sanctionné par une irrecevabilité de la demande.

L employeur ayant été informé in fine de la raison de l absence, celle-ci était considérée comme régulière donc étrangère à toute cause de licenciement. La date choisie par le salarié pour son congé de paternité s impose à l employeur (Cass. Soc. 31 mai 2012 n 11-10.282, Sté Côté Fjord c/ Milet) Dès lors qu il a été régulièrement informé par le salarié de la date de son congé de paternité (un mois de prévenance pendant les 4 mois à compter de la naissance), l employeur ne peut s opposer à son départ, ni exiger un report de cette absence. Congés payés Le premier semestre de l'année 2012 a été marqué par un certain nombre de décisions relatives aux congés payés, provenant non seulement de la chambre sociale de la Cour de Cassation, mais aussi de la Cour de Justice de l'union Européenne (CJUE). Retour sur une jurisprudence qui, certainement, fera l'objet de nouveaux ajustements. OUVERTURE DU DROIT A CONGES PAYES Le Code du Travail (article L.3141-3) conditionne l'ouverture du droit à congés payés au salarié qui justifie avoir travaillé chez le même employeur, pendant un temps équivalent à un minimum de 10 jours de travail effectif. Par une décision du 24 janvier 2012 (CJUE, 24 janvier 2012, aff. C-282/10), la Cour de Justice de l'union Européenne a déclaré la législation française incompatible avec le droit communautaire. Une loi entrée en vigueur le 1er juin 2012 est venue remédier à cette situation: désormais, dès le premier jour de travail, le salarié acquiert des droits à congés payés: il n'y a donc plus de condition minimale de travail effectif pour l'ouverture de ce droit. PRISE DES CONGES PAYES S'agissant d'un droit au repos, les congés payés doivent théoriquement être pris chaque année. Une jurisprudence de 2007 (Cass. soc. 27 septembre 2007, n 05-42.293) avait précisé qu'en cas d'accident du travail, le salarié en arrêt pouvait reporter les congés acquis qu'il n'avait pu poser. La situation est identique lorsque l'absence est due à une maladie, professionnelle ou non professionnelle. Ainsi donc, le salarié en question peut reporter une seconde fois ses congés qui n'ont pas pu être pris pendant sa période de reprise. (Cass. soc. 16 février 2012, n 10-21.300).

ARRÊT MALADIE ET CONGES PAYES Voici donc l'épineuse question du salarié qui, tout en étant en congés payés, adresse à son employeur un arrêt maladie. Tout d'abord, un bref rappel: pour une période déterminée, il ne peut y avoir qu'une seule qualification: Soit congés payés, soit maladie. Le salarié ne peut revendiquer le bénéfice des 2 qualifications pour la même période (indemnités journalières et indemnité de congés payés). Dès lors, comment combiner les deux? Lequel faire primer? Pour la CJUE, le salarié en congé maladie durant sa période de congés payés annuels a droit, à sa demande, de bénéficier des congés payés et donc de les prendre à une autre période ne coïncidant pas avec son arrêt maladie (CJUE, 10 septembre 2009, aff. C-2777/08). Par une décision du 21 juin 2012 (aff. C-78/11) elle vient de préciser que ce report était possible peu importe la date de survenance de l'arrêt maladie. Le salarié en congés payés qui tombe malade durant ses congés payés pourra reporter ses congés. Au contraire, pour la Cour de cassation, si la maladie survient durant les congés payés, le salarié ne peut pas demander à prendre ses congés payés après l'arrêt maladie. Compte tenu du fait que les normes communautaires ont une force juridique supérieure aux normes nationales, ne doutons pas que la Cour de cassation soit amenée à revenir sur sa jurisprudence habituelle. IMPOSSIBILITE DE PRENDRE LES CONGES - CHARGE DE LA PREUVE Jusqu'à présent, la charge de la preuve de ce que l'absence de prise des congés payés était imputable à l'employeur reposait sur le salarié (Cass. soc. 15 décembre 2006, n 99-41.629; Cass. soc. 12 mars 2008, n 06-45.465). Opérant un revirement de jurisprudence, la Cour de Cassation vient de décider qu'en cas de litige relatif à la prise des congés, c'est à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a accompli toutes les diligences propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer son droit à congés (Cass. soc. 13 juin 2012, n 11-10.929). Toujours en vertu du principe suivant lequel le droit à congés payés est un droit au repos, la Cour de cassation a précisé dans la même décision que le versement d'une indemnité ne pouvait suppléer la prise effective des congés. Quelles sont les diligences qui incombent à l'employeur? Non seulement il doit informer les salariés de la période de prise de congés payés au moins 2 mois à l'avance, et doit aussi communiquer à chaque salarié l'ordre des départs en congés au moins 1 mois à l'avance et l'afficher dans des locaux accessibles aux salariés.