Le stockage de déchets radioactifs contenant du tritium : impact des rejets sur l environnement



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Transcription:

Le stockage de déchets radioactifs contenant du tritium : impact des rejets sur l environnement CHAPITRE 2 Yannick Arimone, Sophie Dinant, Alain André, Laurence Legrand, Alain Delaplanche, Jean-Pierre Vervialle, Philippe Chino - ANDRA L ANDRA bénéficie d un retour d expérience en termes de stockage des déchets contenant du tritium et de leur impact environnemental, et ce sur deux centres de stockage de déchets radioactifs, chacun dans une phase de vie différente : le Centre de stockage de la Manche, en phase de surveillance, et le centre de stockage FAMA de l Aube, en phase d exploitation. Le présent article synthétise les points saillants de ce retour d expérience. 1 Le centre de stockage de la Manche 1 1 Présentation Le centre de la Manche (CSM) est historiquement le premier centre français de stockage de déchets radioactifs. Sa création a été autorisée par décret en date du 19 juin 1969. Son exploitation s est terminée fin 1994. Le volume de déchets stockés est estimé à environ 530 000 m 3. Le CSM est situé à l extrémité Nord-Ouest de la presqu île du Cotentin, dans la presqu île de la Hague, à une vingtaine de kilomètres de Cherbourg. Cette installation a une superficie de 14 ha et est localisée en bordure Sud de la commune de Digulleville, dans le canton de Beaumont-Hague, dans le département de la Manche. Il est implanté à l Est du site AREVA NC avec lequel il possède une clôture mitoyenne. Le passage en phase de surveillance du centre de stockage a été autorisé par décret en date du 10 janvier 2003. La poursuite des rejets du centre a été autorisée par l arrêté d autorisation de rejets du 10 janvier 2003. Le CSM est un centre de déchets radioactifs de faible à moyenne activité contenant en majorité des radionucléides à vie courte (période inférieure ou égale à 30 ans). 1 2 Inventaire radiologique du Tritium L inventaire en tritium stocké sur le Centre de la Manche a été actualisé en 1994. Cet inventaire a fait l objet en 2003, d un examen critique afin d établir un historique de l activité présente sur le centre. Il est constitué de deux parties : un bilan du tritium relatif à l ouvrage TB2, tranchée bétonnée n 2 située à l est du site, qui constitue à lui seul près de la moitié de l activité tritium encore présente sur le Centre, un bilan du tritium contenu dans les colis. Il est basé sur les déclarations des producteurs ainsi que, pour certains colis particuliers et notamment les plus anciens, d une réévaluation par l Andra. L évolution annuelle de l activité tritium présente sur le Centre (Figure 1) a été déterminée à partir des données suivantes : l inventaire révisé de l ouvrage TB2 suite à la reprise des déchets : 2 200 TBq en juillet 1971 et 190 TBq en février 1978, l inventaire stocké, en comptabilisant chaque ouvrage à partir de son année de fermeture. La décroissance radioactive est alors appliquée à compter de cette date, l activité tritium présente en entreposage sur le Centre suite à la reprise des déchets de l ouvrage TB2. Elle représente 85 à 65 % de l activité présente sur le Centre entre 1978 et 1989. Ces colis ont été entreposés sur le centre jusqu en 1990, débarassés du tritium par lavage et restockés sur le CSM en 1992. des bilans annuels des rejets et relâchements de la nappe phréatique sous jacente au Centre et qui permettent d établir une estimation de l activité tritium effectivement présente dans les ouvrages de stockage du Centre à ce jour. 157

Figure 1: Evolution de l activité tritium sur le centre de stockage de la Manche avec prise en compte des rejets La figure 1 montre que les activités estimées à partir des rejets sont cohérentes avec les activités déduites de l inventaire. 1 3 Surveillance radiologique du centre et de son environnement Le plan réglementaire de surveillance du Centre, intègre des mesures des activités en tritium dans les réseaux du Centre, dans la nappe phréatique sous jacente ainsi que dans les ruisseaux en aval hydraulique du Centre. 1 3 1 Activité du tritium dans la nappe L évolution de la moyenne des activités volumiques annuelles moyennes des piézomètres est présentée dans la Figure 2. Figure 2: Evolution de l activité moyenne tritium dans les piézomètres au droit du centre depuis 1996 158

On note que la pose de la couverture, achevée en 1997, a induit une baisse globale de l activité volumique en tritium, à un rythme supérieur à celui de la seule décroissance radioactive de ce radionucléide entre 1997 et 1998. Depuis 2002, celle-ci semble globalement suivre une tendance similaire à la décroissance radioactive. Par ailleurs, du fait des forts contrastes des activités mesurées l évolution moyenne est surtout caractéristique de l évolution des piézomètres les plus marqués. 1 3 2 Les rejets en tritium Le BDS (bac du séparatif) est l exutoire des effluents à risque, en provenance des différents réseaux du Centre. Ces effluents sont alors rejetés en mer via l émissaire d AREVA NC (émissaire marin du raz Blanchard) et ce en respect des autorisations de rejets du centre. La mise en place de la couverture entre 1991 à 1997 a permis de réduire significativement les rejets dans l environnement (Figure 3). Figure 3: Activité tritium rejetée au BDS La baisse régulière des relâchements du tritium à partir de 1999 indépendamment des variations de volumes atteste des niveaux de plus en plus faibles des réseaux contribuant à l apport en tritium au Bac du Séparatif (BDS) par lequel transitent les effluents à risque qui sont envoyés à AREVA NC pour traitement. L augmentation en 1997 et 1998 résulte des travaux de nettoyage effectués en galerie du RSGE produisant un relâchement tritium. Depuis 1997, les relâchements en tritium calculés à l exutoire des effluents à risques respectent les limites annuelles définies dans l arrêté d autorisation de rejet du 10 janvier 2003 pour les eaux du BDS (125 GBq en tritium). 1 3 3 Le tritium dans les ruisseaux Le Centre de stockage de la Manche (CSM) se situe sur trois bassins versants et le réseau hydrographique concerne trois ruisseaux situés à proximité (Figure 4). Il s agit d Ouest en Est des ruisseaux de la Sainte-Hélène, du Grand Bel et des Roteures. Ils ont un cours dirigé vers le Nord et aboutissent en mer en moins de 4 kilomètres. 159

On retrouve donc d Ouest en Est : le ruisseau de la Sainte-Hélène, qui prenait autrefois sa source à l intérieur de la propriété d AREVA NC. Aujourd hui, après contrôles, sa source est évacuée par le déversoir du bassin tampon (point GPNE: Gravitaire pluvial Nord-Est) et le ruisseau atteint la mer à l anse Saint-Martin, après un parcours d environ 3,2 km ; le ruisseau du Grand Bel, qui prend sa source au Nord du CSM au Hameau-Es-Clerges et qui aboutit au ruisseau de la Sainte-Hélène, après un parcours de 1,7 km, au lieu-dit «l Etang-Paysan», près du hameau de la Fosse ; le ruisseau des Roteures, qui naît à l Est du CSM et rejoint le ruisseau La Vallace après un parcours d environ 1 km. La Vallace se jette dans la mer au port du Hable à Omonville-La- Rogue, à 2 km en aval. Figure 4 : Localisation des ruisseaux autour du CSM 160

Figure 5 : Localisation des points de prélèvements des ruisseaux 161

Figure 6 : Activité volumique du tritium dans les ruisseaux autour du CSM 1 3 3 1 Le ruisseau de la Sainte-Hélène Le point de contrôle R6 est localisé en amont du Pont-Durand (Figure 5). Les eaux du ruisseau ne présentent pas d activité particulière en alpha et béta global. Les activités en tritium fluctuent autour d un niveau moyen annuel de 100 Bq/l au point R6 (Figure 6). Les évolutions des activités tritium en ce point sont essentiellement dues aux modalités de gestion des eaux par AREVA NC Etablissement da la Hague, et sont cohérentes avec les moyennes mensuelles mesurées au point GNPE (point de rejet des eaux AREVA et ANDRA dans le ruisseau de la Sainte Hélène, de l ordre de 91 Bq/L situé à la naissance du ruisseau. Depuis 1989, des dispositions techniques ont été prises par AREVA NC dans le but de diminuer l activité volumique tritium des eaux de Sainte Hélène, notamment en détournant les eaux de drainage des différents bassins vers le réseau GR (Gravitaire à risque) ; ces eaux étant marquées par les eaux souterraines. 1 3 3 2 Le ruisseau du Grand Bel La surveillance du Grand Bel est effectuée à sa source au point R3 jusqu en 2001 et à la sortie du hameau Es Clerges depuis (Figure 5). Les eaux du ruisseau ne présentent pas d activité particulière en alpha et bêta global. La plupart des résultats de mesure est inférieure ou proche de la limite de détection. Par contre, les eaux du Grand Bel sont marquées en tritium (Figure 6). Ce marquage détecté pour la première fois fin 1981, augmente jusqu en 1993 ; depuis 1997, l activité volumique moyenne du Grand Bel se maintient aux alentours de 700 Bq/L avec un maximum à 800 Bq/L. La fuite de tritium dans les terrains sous l ouvrage TB2, identifiée lors de l incident de 1976, est à l origine de la contamination en tritium de la nappe. Le suivi des teneurs en tritium des eaux souterraines, réalisé depuis 1977, a en effet permis de constater la contamination de l aquifère au droit du Centre puis de suivre l extension du panache de tritium dans la nappe en direction notamment du Grand Bel. L analyse de la chronique des teneurs en tritium montre que la teneur en tritium ne s est plus inscrite en forte hausse au point R3 à compter de l année 1993, c est-à-dire après la pose de la couverture sur la partie Nord du site. Le décalage entre l évolution des activités relâchées dans les réseaux de collecte du stockage et l évolution du marquage dans la nappe semble imputable aux terrains naturels situés entre la base des ouvrages et la surface de la nappe qui constituent la zone non saturée (ZNS). Et c est justement dans la partie Nord du CSM, en amont hydraulique du point R3, que les épaisseurs de ZNS sont les plus importantes. Même s il existe des possibilités de circulation rapide au travers de ces matériaux, l essentiel des transferts de tritium est lent, ce qui génère un décalage de plusieurs années entre l entrée du tritium dans ces terrains et son arrivée effective dans la nappe. Le décalage est d autant plus important que les flux d eau sont faibles. Depuis la pose de la couverture, la progression du tritium libéré en phase d exploitation dans ces terrains peut continuer sous l effet de deux mécanismes : le ressuyage gravitaire des eaux tritiées contenues dans les terrains et la diffusion du tritium sous forme gazeuse. Le ralentissement, depuis la pose de la couverture, des transferts dans la zone non saturée du tritium libéré pendant la phase d exploitation masque donc, au niveau de la nappe, l effet de réduction des relâchements constaté depuis plusieurs années au niveau des ouvrages. La stabilité apparente des flux en tritium parvenant à la nappe peut alors être expliquée par la persistance d une progression lente de la contamination tritium au travers de la zone non saturée et son atténuation par la décroissance radioactive, les deux phénomènes se compensant. Néanmoins, si la période 1993-1998 voit le marquage tritium décroître, cette décroissance est faible et est inférieure à ce qu on pouvait attendre de la seule décroissance radioactive du tritium. La pose de la couverture a eu un effet immédiat au niveau du stockage, avec la baisse des volumes d eau et des activités totales collectés annuellement au point BRS0. Cette réduction des infiltrations d eau au travers du stockage correspond chronologiquement au changement de tendance observé en 1993 au point R3. Sur la période 1993-2001, les teneurs les plus faibles sont obtenues pendant la période des hautes eaux de la nappe, qui correspond également à la réalimentation de nappe par l eau de pluie, notamment à l aval du Centre. Cette recharge induit une dilution saisonnière : la valeur moyenne annuelle peut donc fluctuer en fonction de la durée et de l intensité de la période de recharge de la nappe. La teneur moyenne annuelle en tritium des eaux du Grand Bel au point R3 est un indicateur à analyser sur une durée pluriannuelle et dont on peut dire qu il est sensible aux conditions locales, à la durée et à l amplitude des fluctuations climatologiques saisonnières et interannuelles. 162

L incertitude majeure réside probablement dans la dynamique de relâchement du tritium par le Centre. Seule la surveillance du point R3 et des piézomètres plus proches du Centre permettra d expliciter, dans la durée, si la tendance à la baisse constatée sur R3 depuis 2005 après 4 années de stabilité se poursuivra. 1 3 3 3 Le ruisseau des Roteures Les niveaux de la radioactivité des eaux de ce ruisseau au point R1 (Figure 6) sont constants pour tous les émetteurs α, β, et le tritium et correspondent à l environnement naturel du Centre (les mesures sont inférieures ou proches des seuils de détection). Les mesures réalisées sur le ruisseau des Roteures, au point R1, confirment que ce ruisseau est hors influence hydraulique du CSM en amont de ce point. Néanmoins, le marquage de la nappe issu de la zone Nord-Est du Centre n est pas intégralement capté par le ruisseau du Grand Bel. Une partie est vraisemblablement drainée par le cours aval du Ruisseau des Roteures, comme l indique le marquage du piézomètre P0167 situé sur la ligne de crête entre les vallons du Grand Bel et des Roteures (Figure 7). Il en résulte que l eau issue des résurgences de la nappe est susceptible d être marquée à hauteur d une centaine de Bq/L. Après dilution dans le cours du ruisseau des Roteures, l activité volumique reste inférieure au seuil de détection. Pour vérifier cette situation, des prélèvements ont été réalisés en aval du point R1 et ont donné lieu aux résultats suivants (Figure 7 et Tableau 1) : 1998 : un prélèvement en aval du hameau de La Chesnaye a été mesuré à 20 Bq/L ; mars 2003 : des prélèvements en amont et en aval du Hameau La Chesnaye ont présenté des résultats allant du seuil de détection (soit inférieurs à la limite de détection 19 Bq/L) jusqu à 17 Bq/L ; octobre 2003 : un prélèvement effectué dans la Vallace (confluence avec le ruisseau des Roteures) dans le cadre d une visite de surveillance de l ASN a présenté une activité de 8,7 Bq/L. Figure 7 : Points de mesures des activités Tritium 163

Il existe par ailleurs des mesures réalisées par l ACRO, à l aval du point R1, dépassant la centaine de Bq/L au point «La galerie» : 20 mesures ont été réalisées entre 2002 et 2004 et ont donné des résultats allant de 70 à 160 Bq/L. Lors de la période de basses eaux 2007, au cours de laquelle la proportion d eau de nappe drainée par le ruisseau est importante, plusieurs campagnes de prélèvements dans le bassin versant de ce ruisseau ont été réalisées par l Andra, en aval du point R1 : Tableau 1 : Activités volumiques en tritium dans le bassin versant des Roteures Ces différentes campagnes de mesure montrent que le marquage mesuré sur les eaux de surverse de mare (alimentée par des résurgences de la nappe) en rive gauche du ruisseau des Roteures présente un marquage similaire à celui des mesures ACRO au point «La galerie». A la suite de cette campagne de mesures et d investigations, l Andra a décidé de créer le point R1-10 (Figure 5), situé en aval du hameau la Chesnaye et qui intègre l ensemble des résurgences. A partir de 2008, des prélèvements à fréquence hebdomadaire ont été effectués, afin de vérifier la pertinence de ce nouveau suivi et permettre d envisager le remplacement du point R1 par le point R1-10 pour le prélèvement effectué dans le ruisseau des Roteures (Figure 8). Figure 8 : Evolution des activités en tritium au point R1 et R1-10 en 2008 164

Les premiers résultats des mesures d activité volumique du Tritium indiquent : Une évolution globalement similaire entre janvier et mai autour de la limite de détection ; Une séparation des deux courbes en période estivale ; l activité tritium R1-R10 atteignant 38 Bq/L, la dilution par les eaux de ruissellement diminuant, la contribution de la résurgence par la mare devient plus importante. En conclusion, ces résultats d analyse mettent en évidence l impact radiologique du CSM sur l activité volumique dans la partie aval du ruisseau, à un faible niveau (<100 Bq/L en regard de l arrêté du 11 janvier 2007), et confirme que le ruisseau des Roteures en R1 est hors influence du CSM. 1 4 Impact radiologique du tritium Malgré des conditions d exploitation et une conception de «1ère génération» l impact radiologique du CSM est très faible. La valeur maximale obtenue pour cumul des doses potentiellement reçues par individu du groupe critique (situé à la confluence entre les ruisseaux de la Sainte Hélène et du Grand Bel) est de 0,035 msv/an en phase de surveillance, le tritium contribuant à hauteur de 2,5% de cette dose. Bien que des traces de radionucléides d origine artificielle aient été mesurées sporadiquement entre 1999 et 2000, ces résultats n ont jamais été confirmés par les campagnes qui ont suivi et compte tenu du très faible niveau de ces activités, le seul radionucléide artificiel présent de façon récurrente est le tritium depuis l incident de 1976. Suite à cette incident et à l exploitation du centre, l environnement est marqué durablement par du tritium dans les eaux souterraines. Ce marquage est à l origine de la relative stabilité de l activité volumique en tritium du Grand Bel (de l ordre de 700 Bq/L) et a un impact sur l eau du ruisseau des Roteures en aval du hameau La Chesnaye et ce principalement lors des périodes de basses eaux et de faibles dilutions. Ce retour d expérience guide la conception et l exploitation des nouveaux centres de stockage et incite à limiter fortement les quantités de tritium stockées. 2 Le centre de stockage FAMA de l Aube 2 1 Description du centre Crée par décret du 4 septembre 1989, le Centre de stockage de déchets de faible et moyenne activité à vie courte (CSFMA) de l Aube est en exploitation depuis le 13 janvier 1992. D une capacité de stockage d un million de mètres cube, il sera exploité pendant encore une cinquantaine d années. Le Centre est implanté sur trois communes : Soulaines-Dhuys, Epothémont et La Ville-aux-Bois. Il s étend sur 95 hectares dont 30 hectares réservés au stockage des déchets et est bordé à l ouest par la rivière des Noues d Amance. Les déchets de faible et moyenne activité destinés à être stockés au CSFMA contiennent essentiellement des radionucléides à vie courte (<30 ans) et ne contiennent qu une faible proportion de radionucléides émetteurs alpha ou à vie longue (<0,37GBq/t pour l activité massique de chaque colis des déchets). 2 2 Conception du stockage Suite à l expérience au centre de la Manche, un principe de stockage multi barrière en surface a été adopté au CSFMA afin d éviter tout contact entre l eau et les déchets et d assurer la protection de l homme et l environnement sur le long terme. Associés à ce dispositif, des réseaux de collecte distincts ont été mis en place pour permettre une gestion optimale des effluents liquides du centre (Figure 9). Il s agit de : un réseau de collecte des effluents produits dans les bâtiments techniques qui comprend deux sous-réseaux distincts : - un réseau pour les effluents susceptibles d être contaminés (Effluents A). Ces effluents sont destinés à être rejetés dans l environnement via le bassin d orage, sous réserve du respect des limites radiologiques - un réseau pour la récupération des liquides éventuellement présents dans les fûts de déchets au moment de leur compactage. Ces déchets font l objet d une élimination dans une installation agréée. un réseau séparatif gravitaire enterré (RSGE) qui permet de collecter les eaux éventuellement infiltrées au travers des ouvrages de stockage et donc susceptibles d avoir été en contact avec les déchets radioactifs. Ces effluents sont soit rejetés au bassin d orage soit orientés vers les cuves d effluents liquides (effluents B). un réseau des eaux usées qui achemine les eaux résiduaires domestiques vers la station d épuration. Après traitement biologique, les effluents de la station sont déversés dans le bassin d orage. le réseau de collecte des eaux pluviales aboutissant au bassin d orage. 2 3 Mesure des rejets du tritium 2 3 1 Surveillance des Installations 2 3 1 1 Rejets liquides Une caractérisation radiologique, comprenant en particulier la mesure de l activité volumique en tritium, est effectuée pour les effluents A et les effluents du RSGE. Les effluents A sont dirigés vers le bassin d orage si les résultats d analyses préalables confirment en particulier que : l activité en tritium est inférieure à 3000 Bq/L ; l activité annuelle rejetée dans l environnement (ruisseau des Noues d Amance) est inférieure à 5 GBq. Les eaux du RSGE peuvent suivre la même voie de rejet si elles respectent les mêmes limites que pour les effluents A et si les volumes produits sont conséquents (>100L). Dans le cas contraire, ces effluents (effluents A et RSGE) sont considérés comme déchets liquides et évacués par citerne vers une station de traitement extérieure. Ces limites de rejets sont définies dans l arrêté de rejet du 21/08/2006 et en vigueur depuis cette date. Auparavant, les rejets étaient assujettis aux prescriptions du SCPRI définies à la mise en exploitation du Centre ; concernant le tritium, ces prescriptions autorisaient le rejet d effluents liquides au bassin d orage à la condition que l activité volumique ajoutée après dilution dans le bassin d orage soit inférieure à 400 Bq/L. Les rejets du bassin d orage dans la rivière des Noues d Amance s effectuent automatiquement par l intermédiaire des quatre pompes dont les mises en route sont étagées en fonction du niveau d eau dans le bassin d orage. Une surveillance des eaux du bassin d orage permet notamment de contrôler l activité volumique en tritium des eaux. Valeurs mesurées L activité volumique maximale des effluents en tritium a été mesurée en 1994 à hauteur d environ 3000 Bq/L ; ce rejet a généré une activité volumique ajoutée après dilution dans le bassin d orage de 1,2 Bq/l (soit 0,3% par rapport aux prescriptions SCPRI). L activité annuelle maximale en tritium rejetée au bassin d orage est de 4,0.10-2 GBq (figure 10). Depuis 1993, la totalité des effluents produits sur le centre a été dirigée vers le bassin d orage en respectant les autorisations (SCPRI de 1993 à 2006 et arrêté d autorisation de rejet depuis 2006). 165

2 3 1 2 Rejets gazeux Les opérations de conditionnement des déchets représentent une source potentielle de transfert des radionucléides dans l air rejeté par la cheminée par le biais du compactage des fûts de 200 L, de l injection mortier dans les caissons de 5 et 10 m 3 et du dégazage continu des effluents «B» entreposés dans des cuves dont les évents sont connectés sur la ventilation nucléaire. Les filtres à très hautes efficacités (THE) sont en place dans les conduits de ventilation de façon à épurer les poussières et aérosols présents dans les effluents repris par la ventilation nucléaire. Toutefois, les effluents gazeux ne sont pas retenus par les filtres THE, tels que le tritium, les halogènes (iodes en particulier) et le carbone 14. Valeurs mesurées Des mesures a postériori de tritium sont réalisées de façon systématique dans les prélèvements continus d air effectués à l émissaire de la cheminée de l atelier de conditionnement des déchets (ACD) (Figure 10). Par ailleurs, un appareil de contrôle permet un suivi en continu du tritium dans l air rejeté par la cheminée de l ACD. Figure 9 : Schéma de collecte des eaux usées et de ruissellement 166

De 1993 à 2008, l activité maximale annuelle (provenant des pics enregistrés en 1995) rejetée à la cheminée de l ACD est de 1,2 10 11 Bq pour le tritium sous forme de gaz (HT), de 4,0.10 9 Bq de tritium sous forme de vapeur d eau (HTO) et de 1,2.10 11 Bq pour HTO+HT. L origine des pics incidentels de juin et novembre 1995 semble être due à la présence d ampoules de tritium dans les fûts compactés. Figure 10 : Activités totales annuelles en tritium (HT+HTO) rejetées dans l atmosphère depuis 1993 (autorisation de rejet mensuelle 50 GBq) Ces rejets ponctuels n ont pas eu d influence sur la qualité de l air ambiant mesurée aux points d observation et de contrôle de la qualité de l air. 2 3 2 Surveillance de l environnement du centre Les contrôles radiologiques environnementaux en tritium concernent l air, les eaux de pluie, souterraines et superficielles, les végétaux terrestres et les éléments de la chaîne alimentaire (lait, céréales, champignons). 2 3 2 1 Eaux de pluies et de ruisseau Pour les eaux de pluies, des activités volumiques significatives en tritium sont observées à des niveaux faibles (22 Bq/L au maximum). Ces marquages sont ponctuels et ne concernent que moins de 2 % des échantillons constitués depuis 1993. Certains de ces marquages peuvent être corrélés à des activités notables en tritium dans les rejets gazeux du Centre. Toutefois, ils sont fréquemment détectés simultanément de part et d autres des installations aux deux stations atmosphériques et sans lien apparent avec les chroniques de rejets gazeux, ce qui suggère une influence extérieure au Centre. A partir de 1999, le suivi radiologique de la nappe a mis en évidence des traces de tritium en divers endroits situés sous influence des écoulements du Centre (Figure 11) : Piézomètre interne TS06 : un léger marquage en tritium varie du seuil de détection à 9,5 Bq/L pour la période de septembre 1999 à juin 2001. A compter de juin 2001, plus aucune mesure significative en tritium n est relevée dans les eaux du TS06. Piézomètre interne DS24 : les résultats des analyses rendent compte d activités significatives dont les teneurs ont augmenté d août 2004 (9,4 ± 3,8 Bq/L) à février 2005, puis se sont stabilisées jusqu en décembre 2005, dans une gamme de valeurs comprises entre 11 et 17 Bq/L, autour d une valeur moyenne de 14 Bq/L ; enfin, ces activités ont diminué progressivement jusqu à un niveau proche du seuil de décision depuis août 2006. Plus aucun marquage n y est observé depuis septembre 2008 (Figure 12). Les investigations menées pour identifier l origine de ces marquages conduisent à conclure que l hypothèse la plus réaliste est celle d une migration depuis les ouvrages de stockage. 60 % des activités tritium sont stockées dans les lignes d ouvrages E3 et E21 (1,03 TBq en E3R03, 6,16 TBq en E3R04, 3,44 TBq en E3R05, 5,98 TBq en E21R02 et 6,33 TBq en E21R03) ; pour l ouvrage E21 R03, le tritium est stocké sous forme de plaques radio-luminescentes. Depuis 1993, les activités volumiques en tritium des eaux de ruisseaux sont inférieures aux seuils de limites de détection (environ 8 Bq/L). 2 3 2 2 Activités dans la nappe Des traces de tritium ont été mesurées dans les eaux de la nappe lors des premières années de surveillance entre 1992 et 1995. Les valeurs mesurées étaient faibles (maximum à 10,3 Bq/L en 1992), détectées en divers piézomètres situés sous et hors influence des écoulements du Centre et comparables aux mesures acquises lors de l état de référence actualisé en 1990 (eau de puits à 8,1 Bq/L). 167

Figure 11 : Plan de localisation des piézomètres Cette origine semble confirmée par les prélèvements d air qui ont mis en évidence des indices de dégazage très marqués dans l air de la conduite du RSGE de l ouvrage E21R03 (en moyenne environ 350 Bq/m 3 en HTO et 350 000 Bq/m 3 en HT sur la période 1999-2006). Les résultats des calculs de diffusion gazeuse ont conforté la possibilité d un relâchement depuis cet ouvrage. L injection de ces colis dans l ACD en 1994 avait par ailleurs donné lieu à un marquage des effluents A à hauteur de 3000 Bq /L, valeur jamais atteinte depuis à ce jour. Figure 12 : Evolution des activités volumiques en tritium dans les eaux prélevées DS24 168

Les marquages dans la nappe au piezomètre DS24 ont conduit à la réalisation de piézomètres complémentaires (DS54 à DS68) en août 2005 (Figure 11). Depuis 2005, une surveillance spécifique est conduite afin de caractériser plus précisément la trajectoire du tritium dans la nappe, partant de l hypothèse d un relâchement depuis l ouvrage E21R03 et de détecter de façon précoce toute évolution du niveau d activité en tritium des eaux souterraines. Pour ce faire des prélèvements d eaux sont effectués à l aval de la plateforme de stockage dans quelques points du réseau de piézomètres spécifiquement réalisé. Ces points de prélèvements interceptent les écoulements en provenance des lignes E3 et E21, selon un maillage resserré comme le montre la figure 11. Ceci a permis d identifier la présence de tritium en d autres points du réseau piézométrique et d en suivre l évolution au même titre que le forage DS24. Le point marquant de cette surveillance rapprochée est la détection de tritium dans les eaux des forages DS63 et DS62, distants de 12,5 m. Ces points, localisés à proximité des ouvrages E01R02 et E01R01, sont situés sur une ligne d écoulement transitant en amont sous l ouvrage E21R03 et passant en aval au droit ou au voisinage de DS24 (Figure 13). En DS63, les teneurs mesurées ont diminué progressivement d environ 13 Bq/L en 2005 à des valeurs proches du seuil de décision au 1er semestre 2007 (Figure 14). En DS62, les activités sont restées comprises entre 4 et 8 Bq/L au cours de la même période. Figure 13 : Localisation des piézomètres et sens des écoulements de la nappe 169

Depuis octobre 2007, des fluctuations des niveaux d activité sont observées en ces deux points ; l activité en tritium a atteint un maximum de 53,3 Bq/L en DS62 (mars 2008) et 44,5 Bq/L en DS63 (août 2008). Au cours de l année 2008, les piézomètres situés à plus de 12,5 m, de part et d autre de DS62 et DS63 (forages DS61 et DS64) ne rendent pas compte de marquage notable (seulement 18% de valeurs significatives de l ordre du seuil de décision, affichant une valeur maximale de 3,4± 2,9 Bq/L), confirmant ainsi que le tritium se disperse faiblement dans les eaux de la nappe de l Aptien, résultats conformes aux essais de traçages réalisés in situ en 2003-2004. Figure 14 : Evolution des activités volumiques en tritium aux points du DS63 et DS62 2 4 Evaluation quantitative des rejets diffus Les déchets et les effluents liquides sont susceptibles de laisser s échapper des radioéléments sous forme gazeuse. Une partie est reprise dans le circuit de ventilation et de rejet de l atelier de conditionnement des déchets et ainsi comptabilisée dans les rejets à la cheminée. Pour le reste, les dégazages, émis plus ou moins directement vers l atmosphère, sont issus principalement : des ouvrages de stockage en cours de remplissage ou après fermeture, des galeries souterraines du RSGE situées sous ou le long des ouvrages de stockage, des opérations d injection de colis de grande dimension en ouvrage, comme dans le cas des couvercles de cuve, des colis présents dans le bâtiment de transit ou en attente de déchargement, des sorbonnes du laboratoire d analyse du bâtiment des services. Suite à la détection de tritium dans la nappe phréatique, une fraction du dégazage peut également provenir de la nappe phréatique au droit du Centre ou des terrains sus-jacents. Pour l évaluation quantitative de ces rejets diffus, on retient que le terme source principal est constitué par les colis de déchets, et que le radionucléide concerné est principalement du tritium qui peut migrer à la fois sous forme de gaz (HT) ou de vapeur d eau (HTO). Dès leur réception sur le Centre, les colis de déchets sont supposés dégazer directement vers l atmosphère jusqu à la fin de l exploitation de leur ouvrage de stockage. Quand les ouvrages sont fermés, le tritium doit diffuser au travers des bétons pour parvenir à l atmosphère. Comme il n est pas possible de collecter les émanations de tritium issues des ouvrages en exploitation ou au travers des parois en béton des ouvrages de stockage fermés, l évaluation des rejets gazeux diffus est réalisée par calcul, au contraire des rejets à la cheminée de l ACD basés sur des mesures ou à défaut des seuils de décision. L évaluation est réalisée en considérant l inventaire en tritium des colis stockés dans chaque ouvrage, la décroissance radioactive et des taux de dégazage (fraction d inventaire dégazée annuellement sous forme HT et sous forme HTO) définis selon la nature du déchet et déterminés par mesure directe sur colis dans le cadre du processus d agrément. Du fait de propriétés de migration différentes entre les formes HT et HTO au sein des ouvrages de stockage fermés, les rejets diffus sous forme HTO évoluent, d une année sur l autre, uniquement en fonction des livraisons de déchets, alors que les rejets en HT tendent à augmenter d une année sur l autre par cumul du dégazage issu des ouvrages de stockage en exploitation avec celui des ouvrages fermés. Pour l année 2008, 1,2 TBq de tritium ont été livrés sur le Centre, ce qui porte à près de 50,8 TBq le cumul de tritium réceptionné dans les ouvrages de stockage depuis le début de l exploitation. 170

2 5 Evaluation du risque du tritium pour la population environnante Depuis 1993, l activité pour le tritium dans les rejets gazeux ou liquides, depuis l épisode de rejets de 1995, a toujours été inférieure aux limites de rejet (arrêté d autorisation de rejets du CSFMA du 21 aout 2006). En considérant les activités limites autorisées des rejets pour le tritium faisant l objet de l arrêté d autorisation de rejets du CSFMA du 21 aout 2006 et les impacts en situation normale pour le groupe de référence CD24 le plus pénalisant : la dose cumulée due au tritium et reçue par un individu du groupe CD24 exposé pendant 50 ans aux rejets liquides et gazeux serait d environ 3,3.10-3 msv. Afin de préciser l impact des rejets gazeux et liquides du tritium par le CSFMA sur l environnement la constitution d un état radioécologique dans l environnement est en cours en particulier pour quantifier le tritium susceptible d être lié à la matière organique. Des premiers prélèvements effectués simultanément avec l ACRO sur des arbres et des végétaux n ont pas mis en évidence de marquage. En ce qui concerne spécifiquement la nappe malgré des dispositions de conception et d exploitation exemplaires, on observe par endroit et par moment quelques émergences dans la nappe sous le centre. Les investigations menées depuis 2005 conduisent à attribuer le marquage en tritium des eaux souterraines à la migration d un panache ayant pour origine un relâchement au niveau de l ouvrage E21R03. Des études complémentaires sont en cours pour caractériser plus finement les phénomènes de migration gazeuse du tritium. Le tritium mis en évidence au droit du DS24 d août 2004 à août 2006, poursuit sa migration en aval du forage, en direction des Noues d Amance. A ce jour, concernant les forages DS62 et DS63, il n est pas possible d être catégorique sur l origine des niveaux de tritium, notamment depuis le dernier trimestre 2007, et sur la raison des fluctuations observées. Compte tenu de l implantation de ces deux forages par rapport aux lignes d écoulement, l hypothèse la plus probable reste la migration depuis l ouvrage E21R03, attribuant ainsi une même origine aux marquages observés depuis 1999 dans les eaux souterraines. Il n est toutefois pas exclu qu un autre ouvrage apporte une contribution au marquage observé. 3 Conclusion Le Centre Manche est le premier centre de stockage de déchets radioactifs en France. Depuis son ouverture, il y a 50 ans, les conditions d exploitation et les règles de conception des ouvrages n ont cessé d évoluer avec l expérience acquise par l exploitation et la surveillance du centre. Cette évolution est allée vers de plus en plus de fiabilité et malgré une technologie de «première génération» l impact radiologique du CSM reste faible. Cependant suite à l exploitation du site, l environnement est marqué durablement par le tritium. Le retour d expérience sur ce centre a guidé la conception et l exploitation des nouveaux centres de stockage. Concernant le centre de stockage de l Aube des dispositions exemplaires ont été adoptées pour son fonctionnement. Malgré ces dispositions on observe par endroit et par moment quelques émergences dans la nappe sous le centre. Sur la base de l expérience acquise sur ces deux centres, l Andra a tiré des conséquences pour l acceptation en stockage des colis contenant du tritium : Un principe : le marquage de la nappe pour le tritium ne doit pas dépasser 100 Bq/L Une ligne de conduite : la gestion prudente de la capacité radiologique Des règles contraignantes : un taux de dégazage à ne pas dépasser et une limitation des activités en tritium des colis destinés à être conditionnés sur le Centre. 171