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Identification du document iddoc (KID_####) Date création 01/04/2009 Date 01/01/2009 fraîcheur K-121114 31/03/2011 30/04/2012 Titre Responsabilité de la banque en matière d octroi de crédit Auteurs Une ligne par auteur Une ligne dont toutes les cellules sont fusionnées pour les personnes morales civ Prénom d' Nom Fonctions (un paragraphe par fonction) Grégory DAMY Docteur en droit Avocat Certificats de spécialisation en droit commercial et en droit des sociétés Site internet: gregorydamy.niceavocats.fr Aperçu rapide 1.1. Éléments clés Le crédit, qu il soit demandé à titre professionnel ou à titre personnel, est devenu indispensable pour les entreprises et les particuliers. Mais l octroi de crédits peut avoir de graves conséquences. C est pourquoi le législateur et la jurisprudence ont mis à la charge des établissements de crédit des obligations qu ils sont tenus de respecter lors de l octroi d un prêt : mise en œuvre un devoir d information à l égard des clients consistant à les renseigner de façon neutre et objective afin qu ils puissent s engager en toute connaissance de cause ; mise en œuvre d un devoir de conseil obligeant les banques à agir sur la décision de l'emprunteur en l'éclairant sur l'opportunité de sa décision ; respect d un devoir de mise en garde envers l emprunteur non averti (deux arrêts : Cass. ch. mixte, 29 juin 2007, n 05-21.104 : JurisData n 2007-039908. - Cass. ch. mixte, 29 juin 2007, n 06-11.673 : JurisData n 2007-039909). La mise en garde est, à l inverse du conseil, une information orientée de manière négative qui consiste à attirer l'attention du cocontractant sur un aspect négatif du contrat, ou de la chose objet du contrat. En matière de crédit, l obligation de mise en garde est assimilée à un conseil négatif donnée par la banque à son client de ne pas emprunter, accompagné de l explication des risques financiers encourus si ce conseil n est pas suivi. Le praticien pourra être consulté par : un emprunteur pour engager la responsabilité d une banque qui aurait manqué à son devoir de mise en garde ;

un établissement de crédit qui souhaite connaître les modalités de mise en oeuvre du devoir de mise en garde afin d éviter la mise en cause de sa responsabilité. 1.2. Textes 1.2.1. Texte codifié C. civ., art. 1382 1.2.2. Texte non codifié L. n 96-314, 12 avr. 1996, art. 87-I 1.3. Bibliothèque LexisNexis 1.3.1. Fascicule JurisClasseur JCl. Banque - Crédit - Bourse, Fasc. 151, par D. Legeais 1.3.2. Revues P. Bouteiller, La faute du banquier et les moyens de défense de la caution poursuivie : JCP E 2008, 1495 G. Damy, L obligation de mise en garde du banquier dispensateur de crédit confirmée par les décisions de la Cour de cassation : LPA 2008, n 104, p. 12 J. Daniel, Le devoir de mise en garde du banquier : LPA 2008, n 35, p. 5 Gourio, Contrôle de la Cour de cassation sur la mise en œuvre du devoir de mise en garde du banquier au titre de l octroi de crédit : JCP G, II, 10055 D. Legeais, Charge de la preuve de l exécution du devoir de mise en garde du banquier prêteur : JCP E 2008, 1192 D. Legeais, Etendue du devoir de mise en garde du banquier emprunteur à l égard de l emprunteur non averti : JCP E 2008, 2245 D. Legeais, Incidence de la déloyauté de l emprunteur non averti à l égard du devoir de mise en garde du banquier : JCP E 2007, 2576 Fr. Sauvage, Devoir de mise en garde de la banque en matière d assurance de groupe emprunteur : un adhérent averti en vaut un non averti! : RD bancaire et fin., 2010, comm. 16 Préparation 1.4. Informations à recueillir auprès du client Avant de consentir un prêt, l établissement de crédit doit qualifier le client d «emprunteur averti» ou d «emprunteur non averti». 1.4.1. Qualifier le client d emprunteur averti ou non averti À ce jour, la Cour de cassation n a donné aucune définition précise de la notion d emprunteur averti ou d emprunteur profane mais utilise la technique du faisceau d'indices pour déterminer le caractère averti ou non averti du client.

Pour déterminer le caractère averti ou non d un emprunteur, la banque peut prendre en compte : le degré de connaissance et d expérience de l emprunteur : l emprunteur est averti s il est apte à apprécier la réalité des risques liés au crédit notamment l importance des remboursements par rapport à sa capacité financière ; les caractéristiques du prêt tels que son importance au regard des capacités financières de l emprunteur ; l opération financée: plus le financement est complexe, plus l'établissement de crédit est tenu à un devoir de mise en garde. La distinction emprunteur averti et emprunteur profane ne doit pas être remplacée par la distinction professionnel et particulier (Cass. ch. mixte, 29 juin 2007, n 05-21.104 : JurisData n 2007-039908. - Cass. ch. mixte, 29 juin 2007, n 06-11.673 : JurisData n 2007-039909). L emprunteur peut également être qualifié de profane même en cas d assistance de conseils, notamment en cas d opérations d'investissement litigieuses en l'absence d'expérience de gestion de portefeuille d'actions (CA Paris, Pôle 5, 7 e ch., 13 avril 2012, n 2007/20614 : JurisData n 2012-007627). Un particulier peut être qualifié d emprunteur averti, notamment s il dispose de connaissances particulières en matière bancaire et financière. Un professionnel peut être qualifié d emprunteur profane dès lors qu il contracte un prêt pour les besoins de sa profession et qu il n est pas conscient des risques auxquels il s expose. L'établissement de crédit, qui a pour client une entreprise, est donc tenu des mêmes devoirs que ceux mis en œuvre lorsque le client est un particulier. Il doit s'assurer que le crédit consenti est supportable par la société qui emprunte. S il consent un crédit ruineux à cette dernière, il engage sa responsabilité. Une telle faute est également retenue même quand l entreprise qui a emprunté n est pas dans une situation irrémédiablement compromise (Cass. com., 24 sept. 2003, n 00-19.067 : JurisData n 2003-020222). 1.4.2. Se renseigner sur la situation financière de l emprunteur 1.4.2.1. Capacités financières du client et moyens d information Lorsqu un établissement de crédit est en présence d un emprunteur qualifié de non averti, il doit savoir si l octroi du prêt sollicité est dangereux pour ce dernier. Si tel est le cas, l établissement devra mettre en œuvre le devoir de mise en garde. Afin de déterminer s il existe un risque d impossibilité pour le débiteur de supporter la charge de son remboursement, la banque est chargée d obtenir des informations sur les capacités financières de son client. C est en effet en fonction de ce type d informations que la banque apprécie le caractère risqué de l emprunt envisagé (CA Douai, 8 e ch., Sect. 1, 22 mars 2012, n 11/03237 : JurisData n 2011-006171). <conseil> Pour connaître les capacités financières d un emprunteur, la banque prend en compte : ses revenus ; l ensemble de ses charges financières (Cass. com., 20 juin 2006, n 04-14.114 : JurisData n 2006-034266).

Egalement, la banque n a pas satisfait à son obligation de mise en garde à l égard des emprunteurs, avec un enfant à charge, dont les mensualités absorbait plus de la moitié du revenu total du couple (CA Nîmes, 1 e ch. civ., 8 novembre 2011, n 09/03237 : JurisData n 2011-029717). </conseil> L établissement de crédit doit faire preuve de diligence dans sa recherche d informations car, s il ne l est pas, il est considéré comme fautif. Il est donc conseillé à l établissement de procéder à des investigations plus poussées lorsque les éléments fournis par l emprunteur semblent être insuffisants ou inexacts (deux arrêts : Cass. 1re civ., 25 avr. 2007, n 06-12.379 : LPA 21 déc. 2007, p. 13, note J. Attard). <exemple> Lorsque le compte bancaire d'une société est resté débiteur malgré des prêts antérieurs, la banque a tout intérêt à s'informer sur l'existence d'autres emprunts (CA Paris, 15e ch., sect. B, 9 Nov. 2007, n 06/11670 : JurisData n 2007-358165). Egalement, la banque doit rechercher l état d endettement antérieur lorsqu il s agit d un emprunteur profane non averti (CA Agen, 1 e ch.civ., 5 septembre 2011, n 10/00630, 802-11 : JurisData n 2011-022216). </exemple> Aucune disposition légale ne prévoit l obligation pour l établissement de vérifier l exactitude de toutes les déclarations effectuées par ses clients. L établissement de crédit est donc en droit de se fier aux renseignements que l emprunteur lui a communiqués (Cass. 1re civ., 30 oct. 2007, n 06-17.003 : JurisData n 2007-041107 ; JCP E 2007, 2576, note D. Legeais ; JCP G 2008, II, 10055, note A. Gourio. - CA Paris, 8e ch., sect. A, 31 janv. 2008, n 06/11216 : JurisData n 2008-358097). L'emprunteur, comme tout contractant, doit faire preuve de loyauté et de sincérité lorsqu il donne des informations à sa banque (CA Toulouse, 3 e ch., Sect. 1, 21 février 2012, n 88/2012, 10/03718 : Jurisdata n 2012-004739). Lorsqu il ment sur son patrimoine, et plus particulièrement, lorsqu il omet de parler de l existence d autres crédits, l emprunteur ne peut pas réclamer le bénéfice de l obligation de mise en garde (Cass. 1re civ., 30 oct. 2007, n 06-17.003 : JurisData n 2007-041107 CA Aix-en-Provence, 2 e ch. civ., 14 septembre 2011, n 09/22702 : JurisData n 2011-22231). La banque peut également s informer auprès du registre de commerce et des sociétés ou à l aide de documents comptables contrôlés par les commissaires aux comptes. <exemple> Une banque doit demander à une société anonyme qui sollicite des concours très importants de présenter des bilans dont la régularité et la sincérité sont certifiées par des commissaires aux comptes (Cass. com., 22 mai 1985, n 84-10.499 : Bull. civ. 1985, IV, no 165). </exemple> La Banque de France met à la disposition, notamment des établissements de crédit, des fichiers leur permettant d obtenir certains renseignements sur l emprunteur. Le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) répertorie les incidents de paiement ou les demandes de dossier de surendettement effectuées par un particulier. Il permet d éviter qu une personne ayant déjà des difficultés à rembourser son crédit souscrive un autre emprunt. En théorie, une banque peut accorder un crédit même si un particulier est fiché mais dans la pratique, un fichage au FICP revient à interdire un nouveau crédit. 1.4.2.2. Viabilité du projet financier

Après avoir recueilli des informations sur les facultés de remboursement de l emprunteur, le banquier peut se renseigner sur la viabilité du projet financé. <exemple> Un projet est viable si les résultats des exercices des trois années précédentes étaient bénéficiaires et en hausse. Cela prouve alors que les perspectives de rentabiliser l'opération sont normales (Cass. 1re civ., 12 juill. 2007, n 06-17.070 : JurisData n 2007-040162). </exemple> Il ne s agit pas pour l établissement de crédit d une obligation d expertise du projet, il doit seulement vérifier l absence de risque anormal présenté par l opération à financer. En revanche, en présence d une anomalie suffisamment apparente, une vérification complémentaire de la part de la banque s impose (Cass. 1re civ., 25 avr. 2007, n 06-12.379). L établissement de crédit est tenu d effectuer ces diverses recherches concernant la situation financière de l emprunteur dès qu il est sollicité pour une nouvelle demande de prêt. Ces recherches vont permettre à l établissement d obtenir des renseignements sur l éventuelle insolvabilité du débiteur. Si celui-ci a des difficultés financières, l établissement doit être au courant car la restitution des fonds prêtés est menacée et l emprunteur pourrait intenter une action en justice contre lui pour lui avoir octroyé un crédit qu il n était pas en mesure de rembourser. 1.5. Inventaire des solutions et éléments de décisions 1.5.1. Principe du devoir de mise en garde Le devoir de mise en garde qui incombe aux banques ne concerne que les emprunteurs profanes. L établissement de crédit n est pas dispensé de son devoir de mise en garde par la présence d une personne avertie au côté de l emprunteur profane lors de la conclusion du prêt (Cass. 1re civ., 30 avr. 2009, n 07-18.334 : JurisData n 2009-047953). Peu importe que la personne avertie soit tiers ou partie au contrat de prêt. En l espèce, un particulier avait souscrit deux prêts à la banque dont le remboursement excédait ses facultés contributives. Celui-ci était garanti par le cautionnement de son exmari. Ce dernier était qualifié de caution avertie par les juges du fond puisqu il exerçait la profession de conseil financier. En l espèce, un particulier âgé de soixante-et-onze ans, conscient que ses capacités financières sont inférieures aux mensualités du prêt souscrit pour l acquisition d un véhicule destiné à son fils, ne dispense pas la banque de rapporter la preuve de la satisfaction de son obligation de mise en garde (Cass. 1re civ., 24 sept. 2009 : JurisData n 2009-049540). Mais si les crédits, au moment de la conclusion du contrat, étaient adaptés au regard des capacités financières de l'emprunteuse et du risque de l'endettement né de l'octroi de

ces prêts, la banque, en l'absence d'un tel risque, n'était pas tenue à l'égard de l'emprunteuse non avertie, d'un devoir de mise en garde. (Cass. com., 6 déc. 2011, n 10-24.268, F-D, Épx Gries c/ Caisse de crédit mutuel de Saint-Macaire-en-Mauges : JurisData n 2011-027527). L emprunteur averti n est pas sans protection. La banque engage sa responsabilité s il est prouvé qu elle disposait des informations sur la situation financière de son client que ce dernier ignorait (Cass. 1re civ., 12 juill. 2005, n 03-10.770 : JurisData n 2005-029443 ; Bull. civ. 2005, I, n 325, p. 269. - Cass. 1re civ., 12 juill. 2005, n 02-13.155 : JurisData n 2005-029596 ; Bull. civ. 2005, I, n 324, p. 268). En l espèce, la responsabilité de la banque n avait pas pu être engagée, ne détenant aucune information que le client lui-même ignorait (CA Douai, 8 e ch. Sect.1, 16 juin 2011, n 10/02985 : JurisData : 2011-012038). L emprunteur averti est donc protégé par le principe de symétrie de l information sur la situation de l emprunteur posé par la chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt en date du 11 mai 1999 (Cass. com., 11 mai 1999, n 96-13.441, n 96-16.088 et n 95-22.042 : JurisData n 1999-001987). Dans plusieurs arrêts, la chambre commerciale de la Cour de cassation a précisé que les informations détenues par la banque pouvaient porter notamment sur : la fragilité de la situation financière de l emprunteur ; les capacités de remboursement de l emprunteur ; les risques de l'opération financée (Cass. com., 1er juill. 2003, n 01-16.629 : JurisData n 2003-019882. - Cass. com., 13 févr. 2007, n 05-20.884 : JurisData n 2007-037432 ; Bull. civ. 2007, IV, n 31). En revanche, si le changement de situation est postérieur à l offre préalable du prêt, la banque n est pas tenue d une obligation de mise en garde. (CA Colmar, 3 e ch., Sect. A, 9 janvier 2012, n 12/0009, 10/06717 : JurisData n 2012-000172 CA Rouen, Ch. de Prox., 20 octobre 2011, n 10/05475 : JurisData n 2011-025349). 1.5.2. Sanction du non respect du devoir de mise en garde Lorsqu un établissement de crédit n a pas exécuté son obligation de mise en garde alors qu il le devait, il risque : d engager sa responsabilité civile contractuelle ; d être condamné à verser des dommages et intérêts à l emprunteur afin de réparer le préjudice que ce dernier a subi à la suite de l octroi d un prêt inadapté à sa situation financière. Il appartient au juge du fond d évaluer le montant des dommages et intérêts en fonction de l étendu du préjudice. Ainsi, s il a été admis que l emprunteur ne pouvait être totalement déchargé de son obligation de rembourser le prêt, les juges ne mettent pas à sa charge le paiement des intérêts de la sommes prêtée (Cass. 1re civ., 12 juill. 2005, n 03-10.921 : JurisData n 2005-029447 ; Bull. civ. 2005, I, n 327). La banque est donc privée de sa rémunération. Dans un arrêt de principe du 20 octobre 2009, la chambre commerciale de la Cour de cassation a énoncé que «le préjudice né du manquement par un établissement de crédit à son obligation de mise en garde s'analyse en une perte de chance de ne pas contracter» (Cass. com., 20 oct. 2009, n 08-20.274 : JurisData n 2009-049987). Cette perte de chance est un préjudice autonome qui ne peut se confondre avec le montant de l'emprunt restant dû ou avec l'endettement global consécutif à l'emprunt

impayé (CA Montpellier, 1 e ch., sect.b., 8 février 2012, n 11/01238 : JurisData n 2012-004631). Le manquement au devoir de mise en garde de la banque n entraîne pas non plus la nullité du prêt (L. n 96-314, 12 avr. 1996, art. 87-I). La force obligatoire du contrat est donc pleinement conservée et la solution retenue par les juges vise avant tout à compenser le déséquilibre informatif lors de sa formation. Réalisation - Mise en œuvre 1.6. Information de l emprunteur Le devoir de mise en garde consiste pour la banque, lors de la conclusion du contrat de crédit, à : alerter l emprunteur du caractère risqué de l opération de crédit projetée ; l éclairer sur les avantages mais aussi sur les inconvénients du crédit consenti. Le risque sur lequel le banquier doit attirer l attention de l emprunteur est exclusivement «le risque d endettement né de l octroi du crédit» (Cass. com., 11 déc. 2007, n 03-20.747 : JurisData n 2007-041922. - Cass. com., 11 déc. 2007, n 05-21.234 : JurisData n 2007-041947) et par conséquent, le risque de non remboursement auquel l emprunteur s expose en cas de crédit excessif. En l espèce, la banque avait manqué à son obligation de mise en garde en n alertant pas l emprunteur sur les risques afférents à l emprunt compte tenu de sa situation financière (CA Nancy, 2 e ch. civ., 9 février 2012, n 437 /12, 11/00352 : Jurisdata n 2012-005994). Un emprunteur profane peut ainsi invoquer le non respect du principe de proportionnalité entre le montant du crédit et sa faculté de remboursement pour mettre en cause la responsabilité de la banque. 1.7. Octroi d un crédit adapté à la situation financière des clients Le principe de proportionnalité découle du devoir de mise en garde des établissements de crédit. Il impose à ces derniers de consentir des emprunts adaptés à la situation financière de leurs clients. Si tel n est pas le cas, ils octroient des crédits qualifiés «d excessif». <exemple> Sont considérés comme excessifs les crédits présentant les caractéristiques suivantes : le montant du prêt est manifestement hors de proportion avec les facultés objectivement prévisibles de remboursement de l'emprunteur (CA Aix-en-Provence, 31 janv. 2002, n 97/13141 : JurisData n 2002-169969) ; l octroi du crédit doit conduire à l'endettement de ce dernier dans la mesure où il dépasse ses facultés financières (Cass. 1re civ., 26 sept. 2006, n 04-20.508 : JurisData n 2006-035194. - Cass. com., 11 déc. 2007, n 03-20.747 : JurisData n 2007-041947 ; JCP E 2008, 1192, note D. Legeais). </exemple>

Pour prouver que le caractère du crédit est excessif, la jurisprudence de la Cour de cassation prend en compte l'impossibilité pour le client de faire face aux premières échéances du prêt mais également les difficultés de remboursement plus tardives (Cass. ch. mixte, 29 juin 2007, n 06-11.673 : JurisData n 2007-039909). En l espèce, la preuve d un crédit excessif n avait pas été rapportée par les emprunteurs, les modalités de remboursements étaient compatibles avec les capacités financières des emprunteurs (CA Paris, Pôle 5, 6 e ch., 8 mars 2012, n 09/24335 : Jurisdata 2012-003900). Le caractère excessif du crédit par rapport aux ressources de l emprunteur s évalue à la date d octroi du prêt (Cass. com., 12 juill. 2005, n 03-11.089 et n 03-12.033 : JurisData n 2005-029617. - Cass. com., 7 juill. 2009, n 08-13.536 : JurisData n 2009-049119 CA Grenoble, 1 e ch. civ., 17 janvier 2012, n 10/04723 : JurisData : 2012-001847). <conseil> Pour déterminer s il existe un risque de surendettement, le banquier tient compte de l évolution prévisible de la situation de l emprunteur et non pas des éventuelles modifications de la conjoncture économique ou du taux d endettement de l emprunteur après la conclusion du contrat de prêt (G. Damy, L'obligation de mise en garde du banquier dispensateur de crédit confirmée par les décisions de la Cour de cassation : LPA, 23 mai 2008, n 104). </conseil> Ainsi, l établissement de crédit ayant consenti un prêt excessif n est pas responsable du non remboursement des échéances par l emprunteur dans la mesure où ce dernier a vu ses revenus chuter au cours de la durée du prêt (Cass. 1re civ., 18 févr. 2009, n 08-11.221 : JurisData n 2009-047086). Les banques ne doivent pas inciter les particuliers au surendettement (Cass. com., 4 mai 1993, n 91-16.092 : JurisData n 1993-002720 ; Bull. civ. 1993, IV n 162, p. 112). Ainsi, un banquier qui accorde à un emprunteur quatre crédits consécutifs commet une faute car il contribue à la situation de surendettement de son client (Cass. 1re civ., 26 sept. 2006, n 04-20.508 : JurisData n 2006-035194 ; Contrats, conc. consom. 2006, comm. 253, obs. G. Raymond). 1.8. Vigilance des établissements de crédit Les établissements de crédit doivent donc faire preuve d une vigilance renforcée lorsqu ils sont en présence de personnes qui connaissent déjà des difficultés financières telles que les personnes qui sont «interdits bancaires» ou en situation de surendettement. <conseil> Les fichiers tenus par la Banque de France (Fichier central des chèques FCC, Fichier National des incidents de remboursement des crédits aux particuliers FICP) sont à consulter par les banques avant l octroi d un crédit et avant la remise d un chéquier ou d une carte bancaire. </conseil> Ces fichiers ont en effet été spécialement créés pour éviter d aggraver la situation financière de personnes ayant déjà des difficultés à rembourser un crédit ou à régulariser leur situation à la suite d émission de chèques sans provision. Même si, en théorie, il n est pas interdit de consentir un crédit ou de délivrer des moyens de paiement à une personne figurant sur l un de ces deux fichiers, il est clair que ces fichiers ont pour but d éviter que des personnes connaissant des difficultés financières voient leur situation s envenimer. La banque a tout intérêt à refuser son concours lorsqu'une opération ne lui semble pas viable pour ne pas risquer d engager sa responsabilité en cas de litige.

Le devoir de mise en garde ne doit pas être analysé comme une obligation de refuser un prêt si l opération s avérait trop dangereuse. La jurisprudence de la Cour de cassation a ainsi rappelé dans un arrêt que le devoir de mise en garde du banquier était un simple devoir d alerte sur les risques présents dans l opération financière envisagée (Cass. 1re civ., 21 févr. 2006, n 02-19.066 : JurisData n 2006-032291 ; Bull. civ. 2006, I, n 91 ; JCP E 2006, n 13, comm. 1522, note D. Legeais ; LPA, n 35, 18 févr. 2008, p. 5, note J. Daniel). Egalement, comme le devoir d information précontractuelle, le devoir de mise en garde n est qu une obligation de moyen et non de résultat, la banque n ayant pas à s'immiscer dans les affaires de son client qui les gère à sa guise et selon sa volonté (CA Lyon, 1 e ch.civ. A, 17 novembre 2011, n 10/01483 : JurisData n 2011-030431). 1.9. Faute de la banque dans l octroi du crédit La faute de l'établissement de crédit ne peut être retenue que si deux conditions sont réunies : le crédit octroyé est excessif ; l établissement n a pas alerté son client du risque de non remboursement. <conseil> Pour éviter toute mise en cause de sa responsabilité, l établissement de crédit peut se pré-constituer une preuve écrite attestant qu il a bien rempli son devoir de mise en garde. </conseil> 3.5 Responsabilité de la banque en cas de rupture des pourparlers La rupture d un accord de principe par la banque n est pas fautive. Elle n est tenue que de l obligation de poursuivre de bonne foi les négociations en cours. (Cass. Com. 10 janvier 2012, n 10-26149 : JurisData n 2012-000209). Cependant, la banque doit tenir compte de la tendance des juges du fond à sanctionner la rupture de l accord de principe, solution dans la mouvance actuelle favorable au consommateur (CA Aix-en-Provence, 16 septembre 2010). 3.6 Preuve par la banque de sa diligence La charge de la preuve incombe à la banque (CA Montpellier, 1e ch., sect.b., 8 février 2012, n 11/01238 : JurisData n 2012-004631). Lors de l octroi du crédit, la banque peut donc : faire signer au client un document au terme duquel il reconnaît avoir été alerté des risques de surendettement et de non remboursement ; faire remplir au client un dossier de demande de prêt lors de la conclusion du contrat comportant toutes les informations nécessaires pour apprécier la capacité de remboursement de l'emprunteur.

Grâce à ces documents, la banque sera en mesure de prouver qu elle a été diligente dans sa recherche d informations. Par ailleurs, si un établissement de crédit parvient à établir que son client a la qualité d emprunteur averti, il sera dispensé de démontrer qu il a rempli son obligation de mise en garde dans la mesure où cette obligation n est requise que pour les clients profanes (Cass. com., 27 nov. 2007, n 06-17.496 : JurisData n 2007-041658).