Projet : Diagnostic moléculaire, conseil génétique et thérapie génique des épidermolyses bulleuses dystrophiques récessives



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Année 2010 Projet : Diagnostic moléculaire, conseil génétique et thérapie génique des épidermolyses bulleuses dystrophiques récessives Responsable scientifique: Pr. HOVNANIAN Alain Services de Dermatologie et de Génétique et INSERM U781 Tour Lavoisier 3ème étage Hôpital Necker - Enfants malades 149 rue de Sèvres 75713 Paris cedex 15 E-mail : alain.hovnanian@inserm.fr Portable : 06 08 98 67 11 Tel : 01 40 61 54 44 Résumé : Les épidermolyses bulleuses dystrophiques récessives (EBDR) sont des maladies génétiques rares mais très sévères de la peau atteignant 3 à 24 personnes par million d habitants. Ce sont des maladies orphelines pour lesquelles nous ne disposons pas à ce jour de traitement efficace. Elles sont responsables de décollements et d érosions cutanées dès la naissance survenant spontanément ou après traumatisme minime, entraînant de graves complications locales et générales pouvant engager le pronostic vital. Notre équipe travaille de longue date sur cette maladie dont elle a identifié le gène en 1993. Il s agit du gène COL7A1 codant le collagène VII qui est le composant essentiel des fibres d ancrage, des structures indispensables pour la stabilité de la jonction entre l épiderme et le derme. Nous avons réalisé les premiers diagnostics prénataux, avons décrit les corrélations génotype-phénotype et identifié le premier gène modificateur de la maladie. Notre projet vise à préparer un premier essai clinique de thérapie génique de ces maladies utilisant un vecteur rétroviral sécurisé exprimant le collagène VII, développé en collaboration avec Généthon. Nous avons montré que ce vecteur permettait de corriger génétiquement les cellules de l épiderme et du derme de ces enfants en culture, et de faire des peaux reconstruites génétiquement corrigées permettant de retrouver une adhérence normale de l épiderme au derme, sans formation de bulles, après greffe chez la souris. Nous abordons donc maintenant une période charnière du développement de ce projet, au cours de laquelle la technologie développée dans le laboratoire de recherche doit être transférée au Centre de Biothérapie de l hôpital Necker - Enfants malades afin de préparer le premier essai clinique de thérapie génique des EBDR. Pour cela, le diagnostic moléculaire, l étude des conséquences des mutations sur l expression de la protéine et la tolérance immunitaire vis à vis du collagène VII des malades présélectionnés seront réalisés. La préparation de l essai clinique comprendra la validation des lots viraux pilotes GMP (Good Manufactoring Practice) en cours de production, la mise au point de la préparation de greffons cutanés de 100 cm2, l élaboration des procédures opérationnelles standardisées et la mise en place d un protocole de préparation des greffes génétiquement corrigées selon les règles GMP. La réalisation de ce projet constituerait une preuve de principe de l innocuité et de l efficacité de cette nouvelle approche thérapeutique, et constituerait un formidable progrès vers l amélioration du pronostic et de la qualité de vie de ces jeunes malades.

I - Que sont les épidermolyses bulleuses héréditaires? a. Des maladies génétiques de la peau rares mais sévères Les épidermolyses bulleuses dystrophiques récessives (EBDR) sont des maladies orphelines de l enfant et de l adulte jeune pour lesquelles il n existe actuellement pas de traitement. Il s agit de maladies rares, dont la fréquence est estimée entre 3 à 24 par million d habitants, mais qui sont parmi les maladies génétiques les plus sévères de l enfant. Elles se caractérisent par des décollements bulleux de la peau et des muqueuses (oculaires, oropharyngées, oesophagiennes) survenant dès la naissance, spontanément ou après traumatisme minime (Figure page 3). Ces décollements surviennent en raison d une perte de l adhésion de l épiderme (couche la plus superficielle de la peau) au derme sous-jacent. Le gène impliqué a été identifié par le Pr Hovnanian en 1993. Il s agit du gène COL7A1 codant le collagène VII, composant des fibres d ancrage, qui constituent des structures d attachement indispensables à l adhérence de l épiderme au derme sous-jacent. Les patients atteints d EBDR portent une mutation sur chacune des deux copies du gène COL7A1. Ces mutations sont le plus souvent héritées de chacun de leurs parents qui sont porteurs asymptomatiques car ils possèdent une copie saine du gène COL7A1. Le risque de récidive de la maladie pour les couples ayant déjà un enfant atteint est de 1/4 à chaque grossesse, ce qui justifie pleinement un conseil génétique et la réalisation d un diagnostic prénatal précoce en raison de la sévérité de la maladie. b. Un seul gène, COL7A1, responsable de toutes les formes d EBDR Les mutations de COL7A1 responsables de la maladie sont de nature et de localisation variables, et ont des conséquences différentes sur la production de collagène VII, la plus grave étant l absence complète de production de la protéine. Quelle que soit leur nature, ces mutations entraînent toutes une perte de fonction du collagène VII, et par conséquent une anomalie plus ou moins importante de formation des fibres d ancrage, qui peuvent être complètement absentes. Ceci conduit à une perte de l adhésion de l épiderme au derme sous-jacent, qui est responsable des décollements de la peau dont souffrent ces enfants. c. Une grande fragilité cutanée et des complications locales et générales Sur le plan clinique, les lésions sont souvent étendues et prédominent au niveau des extrémités. Elles peuvent conduire à la fusion des doigts et des orteils, à des rétractions articulaires. Elles exposent à des complications infectieuses, nutritionnelles et surtout au développement de cancers cutanés agressifs qui constituent la première cause de décès chez ces enfants. d. Une absence de traitement spécifique à ce jour, mais la thérapie génique constitue un espoir sérieux Il n existe pas à ce jour de traitement spécifique de la maladie, mais les progrès récents réalisés dans une autre forme d épidermolyse bulleuse, les fomes jonctionnelles, ont fait naître un réel espoir dans le traitement de ces maladies gravissimes. Cette approche repose sur la transplantation de greffe cutanée génétiquement corrigée à l aide d un vecteur viral qui apporte une copie saine du gène défectueux. La preuve de principe de ce traitement a été apportée par l équipe du Pr Michele De Luca de Modène en Italie, qui a ainsi montré que la transplantation de feuillets épidermiques constitués de cellules de l épiderme du patient génétiquement corrigées, sur les cuisses d un patient de 36 ans permet de reconstruire une peau qui a une résistance normale aux traumatismes et ne forme plus de bulles. Le bénéfice clinique pour le patient est donc considérable, et c est ce type d approche que nous avons développée pour les EBDR et qui fait l objet de cette demande.

Figure. Aspects cliniques des épidermolyses bulleuses dystrophiques récessives. La perte d adhérence de l épiderme au derme sous-jacent entraîne des décollements bulleux et des érosions cutanées et des muqueuses survenant dès la naissance, spontanément ou après traumatisme minime. Ces décollements conduisent à la fusion des doigts et des orteils, à des plaies étendues ne cicatrisant pas, qui pourraient bénéficier d une approche par greffe de peau autologue reconstruite génétiquement corrigée II - Qui sommes-nous? Le Pr Alain Hovnanian est généticien, spécialisé dans les maladies génétiques sévères de la peau de l enfant et de l adulte, en particulier les épidermolyses bulleuses héréditaires dystrophiques. C est lui qui en a identifié le gène en 1993. Diplômé de la faculté de Médecine de Paris XII, après un internat, un clinicat et un assistanat en Génétique à Paris, il a développé un groupe de recherche sur ces maladies à l université d Oxford où il a travaillé pendant 7 années. Il a ensuite été nommé Professeur des Unités - Praticien Hospitalier en Génétique au CHU Purpan de Toulouse en 1999. Il y a créé et dirigé un département de Génétique des maladies à l unité Inserm U563, et le Centre de référence des maladies rares de la peau Midi-Pyrénées. Il a également coordonné le projet européen THERAPEUSKIN et coordonnera le prochain projet européen GENEGRAFT et qui visera à préparer un essai de thérapie génique ex vivo pour les épidermolyses bulleuses dystrophiques récessives. Depuis le 1er septembre 2009, le Pr Hovnanian a pris ses nouvelles fonctions en Génétique et en Dermatologie à l hôpital Necker - enfants malades à Paris. Il a rejopint le centre MAGEC (Maladies Génétiques à Expression Cutanée) et l unité de recherche Inserm U781. Son équipe y poursuit ses activités de diagnostic moléculaire et de conseil génétique, mais aussi ses travaux de recherche visant à mieux comprendre les facteurs influant la sévérité de la

maladie et préparer un premier essai clinique de thérapie génique des formes les plus sévères. L équipe à Necker sera initialement constituée de deux chercheurs statutaires de l Inserm, un chercheur post-doctorant, une assistante-ingénieure et une étudiante en thèse. Nous travaillons de longue date sur les épidermolyses bulleuses héréditaires et avons publié de nombreux articles sur les aspects cliniques, physiopathologiques, moléculaires, génétiques, et thérapeutiques de ces maladies. En particulier, après avoir identifié le gène (COL7A1) de la maladie, nous avons été les premiers à appliquer ces résultats au conseil génétique et au diagnostic prénatal des familles, nous avons décrit les différents mécanismes moléculaires impliqués, les corrélations génotype-phénotype, et avons identifié le premier gène modificateur (MMP1 codant pour la collagénase de type 1 qui dégrade de nombreux composants de la matrice extra-cellulaire, dont le collagène VII) qui module la sévérité de l expression de la maladie. III - Que voulons-nous faire? Ce projet a deux objectifs principaux: a. Le premier est de continuer à assurer le diagnostic moléculaire de ces maladies sur lequel repose le conseil génétique. Il apporte donc une aide directe et immédiate aux malades et à leur famille. Il vise aussi à étudier les conséquences des mutations identifiées et contribue ainsi à l identification des malades pouvant bénéficier de l approche par thérapie génique b. Le second objectif est thérapeutique. Il vise à mettre en place à l hôpital Necker - enfants malades un premier essai de thérapie génique de ces maladies sur les bases des résultats pré-cliniques obtenus. IV - Qu avons-nous déjà réalisé? 1. Activité diagnostic moléculaire, conseil génétique et diagnostic prénatal Au cours des 9 dernières années, nous avons réalisé 78 diagnostics moléculaires d EBDR et 39 diagnostics prénataux précoces pour le risque de récidivice d EBDR. Ces malades et leur famille nous ont été adressés par de nombreux médecins de France, pédiatres, dermatologues et généticiens, de toutes les régions de France, avec une prédominance pour la région parisienne. 2. Démonstration de la preuve de principe de la thérapie génique ex vivo des EBDR Nous avons démontré la faisabilité de l approche proposée par transplantation de peaux équivalentes autologues (provenant du malade lui-même) génétiquement corrigées. Ces résultats ont été obtenus lors d études pré-cliniques (avant leur application chez l homme) dans le contexte du projet européen THERAPEUSKIN coordonné par le Pr Hovnanian. Au cours de ce travail, un vecteur rétroviral sécurisé (c.a.d ne présentant pas de risque d effets indésirables secondaires à son intégration dans le génôme de la cellule hôte) transportant l ADNc du gène COL7A1 a été mis au point en collaboration avec Généthon. L ADNc est une version intermédiaire du gène qui contient toute l information nécessaire pour produire la protéine, en l occurrence le collagène VII. Nous avons corrigé au laboratoire les cellules de l épiderme (kératinocytes) et du derme (fibroblastes) en culture d un enfant atteint d EBDR à l aide de ce retrovirus sécurisé exprimant COL7A1. Nous avons montré que ces cellules, qui n exprimaient pas le collagène VII avant leur correction génétique, exprimaient alors cette protéine de façon prolongée tout en conservant un potentiel prolifératif et de différenciation normal. Nous avons montré que le collagène VII produit par ces cellules corrigées était de

taille normale et avait des propriétés biochimiques normales. Surtout, après greffe chez la souris, ces peaux reconstruites faites d un épithélium et d un derme constituées de cellules corrigées, étaient capables d exprimer le collagène VII et de former des fibres d ancrage comme le démontrait l étude en microscopie électronique 6 mois après la greffe. Nous n avons pas observé de signes de tumorigénicté ou de toxicité chez la souris. Nos résultats ont démontré la faisabilité de cette approche lors d études pré-cliniques chez la souris. Ceci nous a permis : 1. D obtenir une Désignation de Médicament Orphelin auprès de l agence européenne du médicament à Londres, ce qui constitue une étape importante dans la préparation d un essai clinique chez l homme. 2. De faire produire un lot clinique du vecteur viral sécurisé exprimant le collagène VII selon les normes GMP (Good Manufactoring Practice) par un industriel. Le strict respect de ces normes de production est indispensable pour l utilisation d un produit de thérapie génique chez l homme. 3. De travailler avec l aide de Généthon, à la constitution des dossiers réglementaires nécessaires à une demande d autorisation d essai clinique de thérapie génique auprès de l AFSSAPS (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé). V - Description du projet 1. Diagnostic moléculaire, conseil génétique, étude des conséquences des mutations et pré-sélection des malades Cette activité est à la base du diagnostic de la forme d épidermolyse bulleuse et de son pronostic. Elle permet un conseil génétique, un suivi et une prise en charge clinique adaptés. L évolution et le pronostic de la maladie dépendent en effet de la forme clinique et des anomalies moléculaires sous-jacentes. Ces conséquences peuvent être très variables pour des mutations d un même gène, déterminant autant de présentations cliniques différentes. Cette activité sera réalisée en collaboration avec le Pr Christine Bodemer, dermatologue au CHU Necker, qui coordonne le centre national de référence des maladies génétiques à expression cutanée (M.A.G.E.C.) prenant en charge en particulier les épidermolyses bulleuses (EB) héréditaires. De nombreux dermatologues, pédiatres et généticiens de France qui nous adressent également très régulièrement des malades pour diagnostic seront également impliqués afin de couvrir l ensemble des régions de France. 1.1. Identification des défauts moléculaires de COL7A1 Trente familles et malades sont en attente de diagnostic moléculaire pour EBDR. Nous anticipons qu au moins une dizaine de famille nous sera adressée au cours de l année à venir. L étude pour chaque malade comprend l isolement de son ADN (Acide Désoxyribonucléiique contenant l information génétique de l individu) à partir d une prise de sang, le séquençage (détermination) des 8900 lettres du code génétique constituant la partie codante du gène COL7A1 (il s agit d un très grand gène dont l analyse est donc longue et difficile), et l identification des deux mutations responsables de la maladie chez le malade. Les mutations sont en effet le plus souvent différentes d un malade à un autre, sauf lorsqu il sont issus d isolats géographiques. L identification des mutations de COL7A1 permet deconfirmer le diagnostic d EBDR sur le plan moléculaire, ce qui est particulièrement important pour les distinguer des formes dominantes de la maladie (EBDD) dont la présentation clinique est souvent comparable, mais souvent moins sévère, et pour laquelle le risque de transmission à la descendance est de 1/2 à chaque grossesse. La connaissance de la mutation permet également de prédire dans une certaine mesure la sévérité de l évolution de la maladie, et de définir une prise en charge et une surveillance adaptées

1.2. Conseil génétique Le conseil génétique adapté nécessite l identification des mutations de COL7A1 chez l enfant afin de vérifier la présence de chacune d elle chez les parents. Ceci permet par la suite, en cas de nouvelle grossesse du couple à risque, de proposer un diagnostic prénatal précoce par étude de l ADN foetal extrait à partir d une biopsie de trophoblaste dès la 10ème semaine d aménorrhée. Cette activité est un des services rendus immédiats que l on peut offrir aux couples ayant déjà eu un enfant atteint, afin qu ils puissent avoir des enfants sains. 1.3. Etude des conséquences de ces mutations Pour chaque malade EBDR dont les mutations de COL7A1 seront identifiées, les conséquences des mutations sur la production de collagène VII seront étudiées. Ceci nécessite la réalisation d une biopsie cutanée pour : a. Etude en immunohistochimie à l aide d anticorps anti-collagène VII afin de déterminer si la protéine est détectable in vivo b. Analyse en microscopie électronique afin de confirmer le plan de clivage et caractériser les anomalies des fibres d ancrage c. Culture de kératinocytes afin d étudier la taille de la protéine mutée par immunoblotting, et rechercher par RT-PCR et séquençage des anomalies du «découpage» de l ARNm de COL7A1 en fonction de la nature et/ou la localisation de la mutation de COL7A1. La compréhension des conséquences des mutations identifiées sur la molécule de collagène VII est importante car elle conditionne en partie la pré-sélection des malades dans l essai clinique. 1.4 Pré-sélection des patients : Pour ce premier essai clinique, 20 patients atteints d une forme modérée, exprimant des taux détectables de collagène VII seront pré-sélectionnés. Les critères biologiques de cette première sélection reposeront sur la présence de collagène VII détectable à la jonction dermo-épidermique et la production d une protéine de taille normale. 1.5. Détermination de la tolérance du patient vis à vis du collagène VII normal à l aide des tests biologiques (ELISPOT et ELISA) développés par l équipe du laboratoire. Ces tests permettront d identifier des malades qui ne présentent pas de réactivité immunologique vis à vis du collagène VII et qui constitueront donc de bons candidats pour l essai clinique. 1.6. Constitution d une banque de cellules cutanées pour transplantation autologue. Les cellules épidermiques (kératinocytes) et dermiques (fibroblastes) des malades ainsi identifiés seront alors cultivées à partir d une nouvelle biopsie cutanée dans des conditions de qualité GMP afin de rendre possible leur utilisation dans un essai clinique chez l homme. Le Centre d investigation clinique (CIC) de Biothérapie à Necker où se déroulera la préparation de cet essai clinique répond entièrement à ces normes GMP très strictes. 2. Préparation de l essai clinique Cet essai clinique se déroulera donc dans le Centre d investigation clinique (CIC) de Biothérapie dirigé par le Pr Marina Cavazzana-Calvo à l hôpital Necker - enfants malades. Il s agit d un des très rares centres en France autorisés à réalisés ce type d essai clinique, et le seul qui a une expérience couronnée de succès en thérapie génique ex vivo chez l homme (enfants SCID ou bébés bulles traités avec succès dès 2000). Afin de préparer cet essai, les étapes suivantes sont nécessaires : 2.1. La validation des lots viraux «pilotes» et GMP Plusieurs lots viraux produits par l industriel seront testés afin de déterminer leur efficacité à corriger les kératinocytes et les fibroblastes de malades EBDR en culture. La validation des lots pilotes conduira à faire produire et tester un lot GMP pour l essai clinique.

Les différentes étapes de cette validation peuvent être décrites de la façon suivante: a. Correction génétique des kératinocytes et des fibroblastes d un patient EBDR à l aide des lots pilotes de rétrovirus produits par EUFETS AG. Les kératinocytes et les fibroblastes EBDR isolés à partir d une biopsie cutanée seront cultivés à faible densité cellulaire et mis en présence de différentes concentrations de surnageant du vecteur viral. Deux cycles d infection seront réalisés à 24 heures d intervalle afin d augmenter l efficacité de la correction. b. Etude de l efficacité de la correction génétique Celle-ci sera mesurée en dénombrant le nombre (et le pourcentage) de colonies de kératinocytes par boite de Pétri, ou de fibroblastes par champ de microscope, exprimant le collagène VII après immunomarquage avec un anticorps anti-collagène VII. En parallèle, le nombre de copies du vecteur intégré par cellules sera déterminé par PCR génomique quantitative. c. Détermination de l intégrité du transgène L intégrité du transgène COL7A1, cad l absence de réarrangements qui peuvent se produire lors de la correction génétique, sera vérifiée au niveau génomique (Southernblot) et protéique (western-blot). Seules les populations cellulaires ne montrant pas de réarrangement détectable seront utilisées par la suite. d. Analyse des capacités prolifératives des cellules corrigées (plating efficiency) La capacité des kératinocytes à se diviser au cours des passages successifs sera étudiée en détail en raison de l importance que revêt cette propriété des kératinocytes pour le succès de l approche. Tous les 7 jours, lors des passages des kératinocytes, 100 à 500 cellules seront transférées dans de nouvelles boites de Pétri de 10 cm. Après 15 jours de culture, les colonies de kératinocytes formées sont fixées et colorées à la Rhodamine afin de les compter. Les tests seront réalisés au cours de 10 passages successifs e. Construction de peaux équivalentes corrigées et greffe chez la souris nude. Afin de démontrer le caractère fonctionnel de la correction génétique, des peaux équivalentes constituées de kératinocytes et de fibroblastes corrigés seront produits et greffés chez la souris immunodéficiencte. Ce système de peau equivalent est entièrement autologue: il comprend un substrat dermique constitué d un gel de fibrine extrait du plasma du patient dans lequel sont ensemencés les fibroblastes autologues génétiquement modifiés. Les kératinocytes autologues génétiquement modifiés sont ensuite ensemencés à la surface de ce derme equivalent, ce qui permet une différenciation et une adhésion dermo-épidermique de grande qualité. Ce système a déjà été utilisé avec succès pour greffer des patients sévèrement brûlés à l aide de peaux equivalentes autologues non génétiquement corrigées. Deux mois après la greffe cutanée chez la souris, la greffe sera analysée en détail afin de préciser l expression de collagène VII, la formation des fibres d ancrage et la qualité de la jonction dermo-épidermique obtenue. 2.2. Le scale-up de la préparation des greffons cutanés Les procédures actuelles utilisent des greffons de peau équivalente de 4 cm2 sur la souris. Nous adapterons donc le protocole afin de générer des greffons de 100 cm2 pour l essai clinique. 2.3. Le transfert de la technologie de la recherche au CIC de Biothérapie Une partie importante du projet consistera à adapter cette technologie de recherche aux standards GMP (Good Manufactoring Practice) indispensables pour un essai clinique chez l homme. Pour cela, la localisation du projet au Centre d investigation clinique (CIC) de Biothérapie de l hôpital necker-enfants malades est indispensable. a. La rédaction des procédures opérationnelles standardisées. L élaboration de ces procédures expérimentalles standardisés pour un essai clinique porteront sur toutes les étapes de la procédure, et en particulier sur :

- La culture des kératinocytes et fibroblastes primaires - La correction génétique de ces cellules - La production de greffons de 100 cm2 et leurs contrôles qualité. b. La mise en place du protocole de préparation des greffes génétiquement corrigées selon les règles GMP Ce protocole utilisera exclusivement des réactifs et du matériel certifiés GMP, des cellules GMP de pateints sélectionnés et le lot viral clinique GMP. Les cellules GMP servant de sous-couche nourricières aux kératinocytes lors de leur phase d expansion seront obtenues à partir d un industriel. 2.4. Elaboration d un protocole clinique consensuel La réalisation de ces différentes étapes permettra d élaborer, en collaboration avec les cliniciens dermatologues, chirurgiens, pédiatres, généticiens et immunologistes, un protocole d essai clinique de phase I/II visant à démontrer l inocuité et l efficacité de ces greffes de peau autologue reconstruites génétiquement corrigées chez un nombre limité (4) de malades. Ce protocole est en cours de rédaction avec l aide de Généthon. VI - Retombées sur la qualité de vie des malades EBDR La réalisation de ce projet constituerait une preuve de principe de l inoccuité et de l efficacitté du traitement de ces formes sévères d EBDR par thérapie génique ex vivo par transplantation de peau équivalente génétiquement corrigée. Il conduira à proposer un essai clinique de phase II à un plus grand nombre de patients. Le bénéfice clinique attendu permettra d éviter la survenue des complications les plus sévères de la maladie, améliorant ainsi le pronostic fonctionnel et vital de ces jeunes patients. VII - Ressources nécessaires au projet Afin de réaliser ce projet, nous avons besoin : - de recruter une nouvelle personne pour travailler plein temps pendant une année exclusivement sur ce projet. Cette personne travaillera sur les deux objectifs du projet (diagnostic moléculaire et préparation de l essai clinique). La nature du projet nécessite qu il(elle) soit un(e) ingénieur(e) d étude. Le coût employeur du salaire annuel d un ingénieur d étude en biologie est de 43 000 - A cela, il est nécessaire d ajouter des frais de fonctionnement correspondant à l achat de réactifs de biologie moléculaire et de culture cellulaire, des plastiques de culture, soit environ 17 000 Soit un total de 60 000 Demande financière : 1 année Personnel technique : 1 ingénieur(e) d étude plein temps : 43 000 Consommables de laboratoire : 17 000 Total TTC 60 000 Les autres moyens dont nous disposons pour réaliser ce projet sont apportés par l Inserm- DHOS (Direction de l Hospitalisation et de l Organisation des Soins). Ils s élèvent à 50 000 /an pendant 2 ans, mais ils restent insuffisants pour mener à bien l ensemble du projet. Un chercheur statutaire Inserm récemment recruté (Matthias TITEUX) travaillera également à hauteur de 80% sur le projet et encadrera l ingénieur d étude.