LA CHAMBRE D APPEL. M. le juge Philippe Kirsch M. le juge Georghios M. Pikis Mme la juge Navanethem Pillay M. le juge Erkki Kourula



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ICC-01/04-01/06-424-tFR 24-01-2007 1/10 CB PT OA3 Original : anglais N : ICC-01/04-01/06 Date : 12 septembre 2006 LA CHAMBRE D APPEL Composée comme suit : Greffier : M. le juge Sang-Hyun Song, juge président M. le juge Philippe Kirsch M. le juge Georghios M. Pikis Mme la juge Navanethem Pillay M. le juge Erkki Kourula M. Bruno Cathala SITUATION EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO AFFAIRE LE PROCUREUR c. THOMAS LUBANGA DYILO Public Décision relative à la demande d autorisation du Procureur de répondre aux conclusions de la Défense en réponse au mémoire d appel du Procureur Le Bureau du Procureur M. Luis Moreno-Ocampo, Procureur Mme Fatou Bensouda, procureur adjoint M. Fabricio Guariglia, premier substitut du Procureur en appel M. Ekkehard Withopf, premier substitut du Procureur Le conseil de la Défense Me Jean Flamme 1/10

ICC-01/04-01/06-424-tFR 24-01-2007 2/10 CB PT OA3 La Chambre d appel de la Cour pénale internationale, Saisie de l appel interjeté par le Procureur en vertu de la décision rendue le 23 juin 2006 par la Chambre préliminaire I, intitulée «Décision relative à la requête de l Accusation aux fins de réexamen et, à titre subsidiaire, d autorisation d interjeter appel» (ICC-01/04-01/06-166-tFR), Saisie de la demande du Procureur sollicitant l autorisation de déposer une réplique aux Conclusions de la Défense en réponse au mémoire d appel du Procureur, datée du 21 juillet 2006 (Application for Leave to Reply to Conclusions de la défense en réponse au mémoire d appel du Procureur, ICC-01/04-01/06-202), Rend à l unanimité la présente DÉCISION i) La demande du Procureur sollicitant l autorisation de déposer une réplique est rejetée. ii) La réplique du Procureur aux Conclusions de la Défense en réponse au mémoire d appel du Procureur (Prosecution s Reply to Conclusions de la défense en réponse au mémoire d appel du Procureur, ICC-01/04-01/06-223) ne sera pas prise en compte par la Chambre d appel dans ses délibérations sur le présent appel. MOTIFS 1. Le 20 juillet 2006, le conseil de M. Thomas Lubanga Dyilo a déposé un document intitulé «Conclusions de la Défense en réponse au mémoire d appel du Procureur du 5 juillet 2006 (ICC-01/06-01/04-199, «la Réponse au mémoire d appel»), dans lequel il fait notamment valoir que la Chambre d appel devrait rejeter l appel du Procureur au motif qu il est irrecevable (voir les paragraphes 5 à 7, 13 et 14 de la Réponse au mémoire d appel). 2/10

ICC-01/04-01/06-424-tFR 24-01-2007 3/10 CB PT OA3 2. Le 21 juillet 2006, le Procureur a déposé une demande sollicitant l autorisation de déposer une réplique aux «Conclusions de la défense en réponse au mémoire d appel du Procureur» (ICC-01/04-01/06-202, «la Demande d autorisation de déposer une réplique»). Le Procureur a demandé l autorisation de déposer une réplique à la Réponse au mémoire d appel conformément aux normes 24-5 et 34-c du Règlement de la Cour qui, comme il l a affirmé, s appliquent aux procédures en appel en vertu de la règle 155 du Règlement de procédure et de preuve (voir le paragraphe 9 de la Demande d autorisation de déposer une réplique). Pour étayer sa Demande d autorisation de déposer une réplique, le Procureur a fait valoir que les arguments relatifs à l admissibilité de l appel qui ont été avancés dans la réponse au mémoire d appel étaient nouveaux et qu il fallait lui donner la possibilité d y répondre. Il a également affirmé que la Chambre d appel devrait avoir «[TRADUCTION] la possibilité d examiner tous les arguments pertinents avancés par les deux parties avant de statuer» (voir le paragraphe 8 de la Demande d autorisation de déposer une réplique). 3. Aux paragraphes 10 et 11 de la Demande d autorisation de déposer une réplique, le Procureur a indiqué qu il déposerait une réplique à la fin du délai de dix jours prévu par la norme 34-c du Règlement de la Cour si la Chambre d appel ne rendait pas une décision sur sa demande avant cette date. Il a fait remarquer que, la date à laquelle la réplique devait être déposée en vertu de cette norme tombant pendant les vacances judiciaires, la Chambre d appel ne serait peut-être pas en mesure de rendre une décision autorisant ou rejetant la demande de déposer une réplique avant cette date. Dans ce contexte, le Procureur a déclaré qu il déposerait sa réplique «[TRADUCTION] afin de préserver ses droits en matière de procédure» et a fait valoir que la Chambre d appel pourrait choisir de ne pas tenir compte de ladite réplique si elle décidait de ne pas en autoriser le dépôt (voir les paragraphes 10 et 11 de la Demande d autorisation de déposer une réplique). 4. Le 31 juillet 2006, le Procureur a déposé une réplique aux Conclusions de la Défense en réponse au mémoire d appel du Procureur (Prosecution s Reply to Conclusions de la défense en réponse au mémoire d appel du Procureur, «la Réplique du Procureur», ICC-01/04-01/06-223). 3/10

ICC-01/04-01/06-424-tFR 24-01-2007 4/10 CB PT OA3 5. La demande du Procureur sollicitant l autorisation de déposer une réplique à la Réponse au mémoire d appel est rejetée car, dans une procédure d appel, conformément aux règles 154 et 155 du Règlement de procédure et de preuve, l appelant n a pas le droit de demander l autorisation de déposer une réplique à la réponse au mémoire d appel déposée par l autre partie. 6. Cela découle des motifs suivants : la norme 60-1 du Règlement de la Cour dispose que la Chambre d appel peut ordonner à l appelant de déposer une réplique à la réponse au mémoire d appel déposée par l autre partie si elle considère que «l intérêt de la justice le commande». La référence, dans la norme 60-2 du Règlement de la Cour, aux normes 58 et 59, indique que la norme 60 s applique uniquement aux appels interjetés en vertu de la règle 150 du Règlement de procédure et de preuve car les normes 58 et 59 s appliquent seulement aux appels interjetés en vertu de cette règle. Il n existe aucune disposition concernant les répliques aux mémoires d appel pour des appels interjetés en vertu des règles 154 et 155 dans la première sous-section de la section 4 du chapitre 3 du Règlement de la Cour, qui régit les procédures en appel. La norme 24-5 du Règlement de la Cour ne peut pas non plus s appliquer à cette procédure car les dispositions plus précises de la première sous-section de la section 4 du chapitre 3 du Règlement de la Cour ne prévoient pas de répliques aux réponses à des mémoires d appel pour des appels interjetés en vertu des règles 154 ou 155. Il ressort a contrario qu aucune demande de réplique ne peut être déposée en vertu de la norme 24-5 du Règlement de la Cour à des réponses aux mémoires d appel dans le cadre des appels interjetés en vertu des règles 154 ou 155 du Règlement de procédure et de preuve. 7. Cela ne signifie pas pour autant que les participants n auront jamais la possibilité de déposer de nouvelles écritures dans le cadre de telles procédures : si, en raison des arguments soulevés en réponse à un mémoire d appel, l appelant était amené à présenter d autres arguments pour que la question faisant l objet de l appel puisse être dûment tranchée, la Chambre d appel rendra alors une ordonnance à cet effet en vertu de la norme 28-2 du Règlement de la Cour, en tenant compte du principe d égalité des armes et de la diligence nécessaire de la procédure. 8. En l espèce, la Chambre d appel estime qu il n est pas nécessaire d exercer ses pouvoirs en vertu de la norme 28-2 du Règlement de la Cour car les arguments 4/10

ICC-01/04-01/06-424-tFR 24-01-2007 5/10 CB PT OA3 présentés en réponse au mémoire d appel ne justifient pas d autres répliques de la part du Procureur. Par conséquent, la Chambre d appel ne tiendra pas compte de la réplique du Procureur dans ses délibérations sur le présent appel. Le juge Pikis joint à la présente décision une opinion individuelle concordante. Fait en anglais et en français, la version anglaise faisant foi. /signé/ Juge Sang-Hyun Song Juge président Fait le 12 septembre 2006 À La Haye, Pays-Bas 5/10

ICC-01/04-01/06-424-tFR 24-01-2007 6/10 CB PT OA3 Opinion individuelle concordante du juge Georghios M. Pikis 1. Les faits sur lesquels se fonde la demande et les questions portées à l attention de la Chambre sont exposés dans la décision, je n y reviendrai donc pas. Le Procureur demande l autorisation de déposer une réplique 1 à la réponse de la partie adverse, au motif que l intimé a soulevé de «nouveaux arguments» qu il n avait pas lui-même soulevé dans le mémoire d appel. De toute évidence, les «nouveaux arguments» sont, selon le Procureur, des éléments tendant à confirmer ou infirmer le bien-fondé de l appel qu il n avait pas lui-même envisagés ou abordés. Qualifier ces motifs de «nouveaux» est, à mon sens, inapproprié. Tout argument relatif à l objet de l appel tel que défini par les motifs de l appel est d emblée un sujet pertinent et prévisible qui peut faire partie des arguments de l intimé. Le fait que l appelant ne les ait pas soulevés dans son mémoire d appel ne les dissocie en rien de l appel ni ne permet de les qualifier de nouveaux. Pour être considéré comme «nouveau» au sens où l entend le Procureur, l argument doit se référer à une question se présentant ex improviso. Ce que le Procureur recherche en fait est une seconde occasion de saisir la Chambre d appel pour défendre sa cause. 2. Je conviens que les normes 65-4 et 65-5 et, par référence, les normes 64-2 et 64-4 du Règlement de la Cour, établissent le cadre dans lequel peuvent être présentés les arguments des parties en faveur de l appel ou contre celui-ci dans des procédures engagées conformément à l article 82-1-d du Statut (voir la règle 155 du Règlement de procédure et de preuve). L objet de la présente opinion individuelle est de souligner que les dispositions 4 et 5 de la norme 65 du Règlement de la Cour sont conformes au principe d égalité des armes qui doit guider l interprétation et l application de chaque aspect du droit applicable en vertu du Statut. 3. Selon l article 21-3 du Statut, la Cour doit appliquer et interpréter le droit applicable en vertu du Statut en conformité avec «les droits de l homme internationalement reconnus». Sont considérés comme internationalement reconnus les droits de l homme reconnus par le droit international coutumier ainsi que les conventions et les traités internationaux. Le droit à un procès équitable entre dans 1 Le terme «réplique» est un terme technique qui provient essentiellement de l usage qu il en est fait dans les procédures des pays de common law et du droit français et qui désigne une deuxième plaidoirie ou réponse de la première partie (en général le plaignant ou l appelant) en réponse à la réponse de la seconde partie. 6/10

ICC-01/04-01/06-424-tFR 24-01-2007 7/10 CB PT OA3 cette catégorie de droits. Il est consacré à l article 10 de la Déclaration universelle des droits de l homme 2, qui dispose que «[t]oute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle». Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques 3 place également le droit à un procès équitable au cœur du processus judiciaire. Son article 14-1 dispose en effet : «Tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil [ ]». La Convention de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales 4 («La Convention européenne des droits de l homme») dispose quant à elle à l article 6-1 que «[t]oute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle [ ]». L article 8-1 5 de la Convention américaine relative aux droits de l homme 6 va dans le même sens. Enfin, le droit à un procès équitable est un droit fondamental de la personne inscrit dans la Charte africaine des droits de l homme et des peuples 7, dans plusieurs dispositions énoncées à l article 7-1 8. Le fait que le droit à un procès équitable ait été érigé en norme juridique 2 Adoptée et proclamée par l Assemblée générale des Nations Unies dans sa résolution 217A(III) du 10 décembre 1948. 3 Résolution 2200A (XXI) de l Assemblée générale, Document des Nations Unies A/6316 (1966), entré en vigueur le 23 mars 1976, Recueil des traités des Nations Unies, vol. 999, n 171. 4 Signée le 4 novembre 1950, Recueil des traités européens n 5. 5 «Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue avec les garanties voulues, dans un délai raisonnable, par un juge ou un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi antérieurement par la loi, qui décidera du bien-fondé de toute accusation dirigée contre elle en matière pénale, ou déterminera ses droits et obligations en matière civile ainsi que dans les domaines du travail, de la fiscalité, ou dans tout autre domaine.» 6 «Pacte de San José, Costa Rica», signé le 22 novembre 1969 et entré en vigueur le 18 juillet 1978, Recueil des traités des Nations Unies, vol. 1144, n 17955. 7 Signée le 27 juin 1981 et entrée en vigueur le 21 octobre 1986, Recueil des traités des Nations Unies, vol. 1520, n 26363. 8 «Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend : a/ le droit de saisir les juridictions nationales compétentes de tout acte violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus et garantis par les conventions, les lois, règlements et coutumes en vigueur ; b/ le droit à la présomption d innocence, jusqu à ce que sa culpabilité soit établie par une juridiction compétente ; c/ le droit à la défense, y compris celui de se faire assister par un défenseur de son choix ; d/ le droit d être jugé dans un délai raisonnable par une juridiction impartiale». 7/10

ICC-01/04-01/06-424-tFR 24-01-2007 8/10 CB PT OA3 et inscrit dans plusieurs instruments internationaux montre bien que son émergence en tant que principe de droit international coutumier est généralement acceptée 9. 4. Le Règlement de procédure et de preuve fait partie du droit applicable en vertu du Statut (voir l article 21-1 du Statut) et, en tant que tel, doit être interprété conformément aux dispositions de l article 21-3. En cas de conflit entre le Statut et le Règlement susmentionné, le Statut prévaut (voir l article 51-5 du Statut). En outre, le Règlement de la Cour doit être élaboré «conformément au [ ] Statut et au Règlement de procédure et de preuve» (article 52-1 du Statut) et doit être «subordonné aux dispositions du Statut et du Règlement de procédure et de preuve», comme l indique la première disposition de la norme première du Règlement de la Cour. Il est donc évident qu il doit se conformer au Statut. L article 21-3 du Statut forme partie intégrante des dispositions du Statut et est également applicable au Règlement de la Cour. Les dispositions de l article 21-3 du Statut régissent l interprétation et l application du Règlement de procédure et de preuve comme celles du Règlement de la Cour. 5. De plus, le droit de bénéficier d un procès équitable à toutes les phases d une procédure devant la Cour pénale internationale est expressément garanti par l article 67-1, l article 64-2, et les règles 121-1 et 149 du Règlement de procédure et de preuve (voir également l article 55 du Statut). 6. L égalité des armes est considérée comme un élément indissociable d un procès équitable, comme l ont maintes fois reconnu et proclamé les cours 10 et les institutions 11 internationales mises en place pour contrôler l application des droits de 9 Voir notamment A. Cassese, International Criminal Law (Oxford University Press, 2003), p. 395. 10 Voir notamment la Cour européenne des droits de l homme (les arrêts et décisions sont consultables dans la base de données HUDOC, à l adresse Internet suivante : www.echr.coe.int/echr), affaire Dombo Beheer B.V. c. Pays-Bas, requête n 14448/88, Arrêt, 27 octobre 1993, par. 33 : «Néanmoins, certains principes liés à la notion de "procès équitable" dans les affaires de caractère civil se dégagent de la jurisprudence de la Cour. Ainsi, l exigence de "l égalité des armes", au sens d un "juste équilibre" entre les parties, vaut en principe aussi bien au civil qu au pénal (arrêt Feldbrugge c. Pays-Bas du 26 mai 1986, série A n o 99, p. 17, par. 44)»; affaire Brandstetter c. Autriche, requête n 11170/84 ; 12876/87 ; 13468/87, Arrêt, 28 août 1991, par. 66 ; affaire Ruiz-Mateos c. Espagne, requête n 12952/87, Arrêt, 23 juin 1993, par. 63 ; affaire Belziuk c. Pologne, requête n 23103/93, Arrêt, 25 mars 1998, par. 37. 11 Voir notamment la Décision du comité des droits de l homme concernant la communication n 207/86 (Morael c. France), par. 9.3 : «il convient d interpréter la notion de "procès équitable" dans le contexte du paragraphe 1 de l article 14 du Pacte, comme exigeant un certain nombre de conditions, telles que l égalité des armes, le respect du débat contradictoire, l interdiction de l'aggravation d office des condamnations et la rapidité de la procédure. Il y a donc lieu d examiner les faits à la lumière de 8/10

ICC-01/04-01/06-424-tFR 24-01-2007 9/10 CB PT OA3 l homme. En outre, l égalité des armes constitue une condition indispensable à un procès contradictoire, un élément de la notion de procès équitable destiné à offrir à l accusation et à la Défense les mêmes moyens lorsqu elles présentent leur cause 12. La notion de procès équitable, sous tous ses aspects, est étroitement liée au principe d égalité des armes, qui garantit que chaque partie a la même possibilité de présenter sa cause devant la cour 13. Cette possibilité offerte à chaque partie doit, sans nul doute, leur permettre de présenter leur cause de manière adéquate. L égalité devant la loi et l administration de la justice est omniprésente dans l ensemble du processus judiciaire. C est un pilier de la justice, un principe fondamental du droit, comme le reconnaît la Cour internationale de Justice 14. 7. Le Règlement de la Cour offre les mêmes possibilités aux parties de saisir la Chambre d appel en prévoyant le dépôt d un mémoire d appel et d une réponse de longueur égale (normes 65-4, 65-5 et 37-1 du Règlement de la Cour). Dans des circonstances exceptionnelles, si le nombre de pages autorisé se révèle insuffisant pour permettre la présentation de la cause d une partie, celui-ci peut être augmenté sur demande (norme 37-2 du Règlement de la Cour). 8. Il convient de faire la distinction entre, d une part, cette possibilité réglementaire de saisir la Chambre d appel et, d autre part, les éclaircissements que la Chambre peut demander aux parties concernant leur position ou leur point de vue, ou encore des éclaircissements sur une question qu elles n ont pas abordée ou de façon incomplète. Dans le cas qui nous intéresse, comme indiqué dans la décision ci-dessus, ces critères.» et la communication 514/92 (Fei c. Colombie), par. 8.4 (citées en anglais dans S. Joseph, J. Schultz, M. Castan, The International Convenant on Civil and Political Rights. Cases, Materials and Commentary (Second Edition, Oxford University Press, 2004), par. 14.41 et 14.42. 12 Voir notamment la Cour européenne des droits de l homme, affaire Rowe et Davis c. Royaume-Uni, requête n 28901/95, Arrêt, 16 février 2000, par. 59 à 61 ; affaire Laukkanen et Manninen c. Finlande, requête n 50230/99, Arrêt, 3 février 2004, par. 34. 13 Voir notamment la Cour européenne des droits de l homme, affaire Bulut c. Autriche, requête n 17358/90, Arrêt, 22 février 1996, par. 47 : «La Cour rappelle que, selon le principe de l égalité des armes l un des éléments de la notion plus large de procès équitable chaque partie doit se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de désavantage par rapport à son adversaire [ ]. Dans ce contexte, la Cour attribue une importance aux apparences autant qu à la sensibilité accrue aux garanties d une bonne justice [ ]». 14 Voir notamment la Cour internationale de justice, Jugements du Tribunal administratif de l OIT sur requêtes contre l UNESCO, avis consultatif du 23 octobre 1956, Rapports de la CIJ (1956), p. 77, 84 et suivantes (cité en anglais par Kolb R. in Zimmermann A., Tomuschat Ch., Oellers-Frahm K. (éd.), The Statute of the International Court of Justice. A Commentary, (Oxford University Press, 2006), p. 800 et 803). 9/10

ICC-01/04-01/06-424-tFR 24-01-2007 10/10 CB PT OA3 la Chambre d appel ne demande pas de précisions supplémentaires concernant la position des parties sur quelque question que ce soit. 9. Pour conclure, le Procureur n a plus le droit de saisir la Chambre d appel pour traiter de questions soulevées par l appel, ni celui de demander une seconde occasion de s exprimer à ce sujet. La norme 65 du Règlement de la Cour assure l application du principe d égalité des armes ; par conséquent, je m associe au rejet de la demande pour les raisons invoquées dans la décision qui précède et celles qui viennent d être fournies. /signé/ M. le juge Georghios M. Pikis Fait le 12 septembre 2006 À La Haye, Pays-Bas 10/10