Le travailleur étranger



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Transcription:

Le travailleur étranger Par Mongi TARCHOUNA, Professeur et Doyen de la Faculté de droit et des sciences économiques de Sousse. Liberté et égalité, telles sont les valeurs universelles à la réalisation desquelles le droit du travail moderne aspire. La liberté, c est la liberté du travail ; l égalité, c est l égalité professionnelle. La liberté du travail a un double aspects. Elle est une liberté positive : c est la liberté de travailler ; elle est aussi une liberté négative : c est la liberté de ne pas travailler. La première signifie que tout individu a le droit de travailler comme il l entend, pour le compte de qui il veut et dans les conditions auxquelles il a librement consenti. La seconde signifie que nul ne peut être forcé à travailler. Elle s identifie à l interdiction du travail forcé. La liberté du travail, s identifie, dans ses aspects, positif et négatif, à la liberté contractuelle, qui comporte la liberté de contacter et la liberté de ne pas contracter. Le principe de la liberté du travail est traité avec peu d égard par la loi. Le préambule de la constitution tunisienne ne le mentionne pas expressément et le code du travail de même. Mais il ne fait pas de doute qu il constitue un principe fondamental du droit du travail au sens de l article 34 de la constitution. D ailleurs le droit civil le considère parmi les droits de la personne (art.118 du C.O.C). Traditionnellement, le principe de la liberté de travailler est conçu de manière abstraite en ce sens qu il signifie la liberté d accéder aux diverses professions et d en choisir librement le mode d exercice. Dans cette optique, la liberté de travailler n est qu une variante de la liberté du commerce et de l industrie. 1

L évolution de la nature de cette liberté s est traduite par le passage d une liberté «abstraite» à une liberté plus «concrète», et ce, par la consécration du droit au travail mentionné par l art.23 de la déclaration universelle des droits de l homme et dans le préambule de la constitution. Ce droit fondamental de l homme constitue un instrument de concrétisation du principe de la liberté de travailler, mais in ne se traduit pas pour l Etat de garantir un emploi à tous. Il signifie simplement, au sens de la convention intentile du travail sur la politique de l emploi (n 122, 1964), que l Etat doit agir pour adopter une politique active de l emploi et lever les obstacles de fait à la liberté du travail de manière à garantir à tous des chances égales pour accéder à un emploi, quels que soient la race, la couleur, le sexe, la religion, l opinion politique, l ascendance nationale ou l origine sociale du travailleur. Il s agit ici de garantir un principe tout aussi fondamental que le droit au travail, celui de la non discrimination. Il s agit ici d un principe fondamental visant à garantir l égalité, non pas dans la réalité sociale, mais dans les chances offertes à tous pour accéder à un emploi. Ce principe apparaît comme un instrument de protection de la liberté de travailler au niveau de l accès à l emploi. Liberté et égalité s épaulent et se rencontrent à ce niveau. Toutefois, la liberté du travail fait l objet de certaines limitations légales, dans tous les pays, qui touchent à l ordre public. Ces limitations tiennent, les unes à des exigences particulières de la profession (comme la condition des diplômes ou des titres) et les autres à la personne du travailleur comme la condition d âge (interdiction du travail des jeunes de moins de 16 ans), d aptitude physique ou de nationalité. Concernant cette dernière condition, tous les pays contrôlent l accès des étrangers à leur marché du travail dans le cadre d une réglementation qui évolue au gré d une politique de l emploi. Cette réglementation apparaît comme un instrument de gestion publique de la circulation, du séjour et de l activité des 2

étrangers. Elle peut avoir des causes variées mais elle répond le plus souvent au souci de protéger la main d œuvre nationale et le marché national contre la concurrence des travailleurs étrangers surtout dans des conjonctures difficiles de l emploi. Ainsi, la liberté du travail de l étranger trouve sérieusement ses limites dans l ordre public économique (1 ère partie). Mais l étranger ne fait l objet d aucune définition juridique. La nationalité apparaît comme le critère distinctif. La loi ne connaît que le citoyen et l étranger. Est citoyen celui qui est inclus dans la nation ; est étranger celui qui en est exclu. Mais cette distinction entre nationalité et citoyenneté n est pas tranchée puisqu elle n exclue pas l idée de reconnaître à l étranger une citoyenneté au travail disctinte de la nationalité. Dès que l étranger est régulièrement établi, le droit tend à imposer l idée du respect, en chaque individu étranger, de l homme qu il représente en lui accordant le bénéfice de l égalité de traitement dans le travail avec le travailleur national. (2 ème partie). 1 ère Partie : L étranger et la liberté du travail 2 ème Partie : L étranger et l égalité de traitement 3

sanctions. I - L étranger et la liberté du travail La loi fixe le régime de l emploi des travailleurs étrangers (A) et des A Le régime de l emploi des travailleurs étrangers Le principe, c est qu il n est pas possible de pénétrer librement sur le territoire tunisien pour y exercer une activité professionnelle salariée. Ce principe est, d ailleurs, commun à la plupart des législations dans le monde. Toutes les conventions de l O.I.T. n 97 (1969)et n 143 (1975) sur les travailleurs migrants, ne mentionnent pas expréssément la nationalité comme motif interdit de discrimination entre les travailleurs au niveau de l accès à l emploi. D ailleurs, ces deux conventions permettent aux législations nationales de prendre des dispositions limitant la liberté du travail des étrangers. L emploi des étrangers dans les entreprises soumises au code du travail est subordonné à des conditions préalables de procédure et de fonds. La règle est que pour pouvoir exercer une activité professionnelle salariée, l étranger doit être muni d une contrat de travail et d une carte de séjour portant la mention «autorisé à exercer un travail salarié en Tunisie» (art.258-2 C.T)- Le contrat doit être visé par le Ministre chargé de l emploi. Il doit être conclu pour une durée n excédant pas une année renouvelable une seule fois à l exception de l emploi des étrangers dans les entreprises exerçant en Tunisie dans le cadre de la réalisation des projets de développement dont le C.T peut être renouvelé plus d une fois. Aucun employeur ne peut recruter ou conserver à son service un étranger non muni des deux pièces. La possession de tels titres ne confère pas à l étranger le droit d exercer une activité salariée de son choix sur le territoire tunisien, il est astreint à travailler dans le gouvernement et la profession indiqués dans son contrat de travail. (art.259). 4

Pour délivrer les titres de travail en question, l autorité compétente prend en considération la situation de l emploi ce qui constitue une forme de protection de la main d œuvre nationale. C est ainsi que l employeur n est un droit de recruter un étranger que lorsqu il n existe pas de compétences tunisiennes dans la spécialité couvrée par le recrutement (art.258-2). Ces règles s appliquent à tout étranger sauf quelques exceptions où l étranger n est pas soumis à la condition du visa du contrat de travail. Il s agit des salariés cadres exerçant dans les banques et les établissements financiers travaillant essentiellement avec les non résidents (loi du 6/12/85) ; des salariés employés par les entreprises des zones franches (loi du 3 août 1992 modifiée par la loi du 31/01/1994) ; des entreprises totalement exportatrices qui peuvent employer des cadres étrangers dans la limite de quatre et à condition d en informer le Ministre chargé de l emploi de leur recrutement ; et enfin les salariés cadres recrutés par les sociétés d exploitation pétrolières. Après l opération de recrutement, l employeur doit inscrire le travailleur étranger recruté sur un registre spécial qui doit être présenté aux agents de l inspection à chaque demande. En outre, l employeur doit informer le Ministre chargé de l emploi du départ de tout travailleur étranger employé dans son entreprise (art.262 CT). B Les sanctions de la réglementation de l emploi des étrangers Les règles relatives à l emploi des étrangers sont d ordre public. Elles sont assorties de sanction pénales, civiles et administratives. 1 Les sanctions pénales En cas de violation de la réglementation de l emploi des travailleurs étrangers, l employeur et le travailleur étranger irrégulièrement employé, encourent des sanctions pénales. 5

a Les sanctions à l encontre de l employeur L employeur est puni d une amende de 12 à 30 dinars par jour et par travailleur à compter de la date de la consommation et jusqu à celle de la constatation des infractions suivantes : - Au cas où l employeur recrute un étranger non muni des titres de séjour et de travail ou lorsqu il le recrute dans une profession ou un gouvernorat non indiqué dans le contrat de travail. - Au cas où il omet d inscrire le travailleur étranger dans le registre spécial 2 Sanction civile : nullité du contrat de travail Le contrat de travail conclu en violation de la réglementation encourt la nullité absolue selon la jurisprudence tunisienne. En principe, la nullité absolue a pour conséquence l anéantissement de tous les effets produits par le contrat de manière rétro-active. Cette solution n est pas adéquate à la protection du travailleur étranger. Pour cette raison, la jurisprudence française écarte l effet retro-actif de la nullité pour garantir au travailleur une protection minimale en décidant que malgré la nullité du contrat de travail, le salarié garde son droit au salaire fourni en contre partie du travail, à la réparation des préjudices résultant des accidents du travail et de la maladie professionnelle et aux congés annuels payés. La jurisprudence va encore plus loin en décidant que le salarié a droit à une indemnité de rupture du contrat de travail bien que cette rupture résultant de la nullité ne soit pas qualifiée de licenciement. 3 Sanction administrative L article 267 du code du travail prévoit la possibilité de refoulement de l étranger, irrégulièrement employé, du territoire tunisien, par décision du directeur chargé de la surêté nationale qui fixe, en outre, les délais accordés au travailleur pour quitter le territoire. 6

II L étranger et l égalité professionnelle Dans le droit commun de l emploi, la nationalité n est un motif de discrimination qu au stade de l accès à l emploi. Une fois l étranger est régulièrement employé, il doit en principe jouir de l égalité de traitement dans le travail avec les travailleurs nationaux. C est le principe de la nondiscrimination qui conférer à l étranger une sorte de citoyenneté dans le travail (A). Mais dans certains régimes dérogatoires plus favorables, les travailleurs de certaines nationalités jouissent pleinement de l égalité de traitement aussi bien au stade de l accès à l emploi que dans le travail. Il y aurait une assimilation de l étranger au national. L instrument pour réaliser cette assimilation consiste dans le principe de la libre circulation des travailleurs instauré conventionnellement entre les états. A Principe de non-discrimination et citoyenneté de l étranger dans le travail En vertu de l article 263 du code du travail, le travailleur étranger bénéficie des mêmes droits et est soumis aux mêmes obligations résultant des relations du travail et applicables aux travailleurs nationaux. Cette disposition consacre le principe de non-discrimination entre travailleurs étrangers et nationaux aussi bien au niveau des relations individuelles du travail qu à celui des relations collectives particulièrement les droits collectifs fondamentaux. 1 Au niveau des relations individuelles Le principe d égalité en matière de relations individuelles du travail implique tout d abord l interdiction de toute discrimination fondée sur la 7

nationalité en matière de salaire pour un même emploi sur la base du principe fondamental à travail égal salaire égal. Ensuite, le travailleur étranger bénéficie, comme le national, de toute la législation sociale (congés annuels payés, repos hebdomadaire, durée du travail, avantages sociaux etc ). Il en est de même pour la protection sociale (les droits résultant des régimes de la sécurité sociale). Enifn, le droit à la santé dans le travail est applicable à l étranger au même titre que le national notamment les règles relatives à l hygiène et à la sécurité au travail et à la protection contre les accidents du travail et les maladies professionnelles. 2 Au niveau des droits collectifs fondamentaux Les droits collectifs fondamentaux concernent surtout la liberté syndicale et la représentation collective au niveau de l entreprise. a La liberté syndicale du travailleur étranger La liberté syndicale est tout d abord une liberté individuelle. Elle signifie la liberté de chaque travailleur d adhérer à un syndicat de son choix ou de ne pas y adhérer. Etant un droit de l homme, le droit syndical est garanti à l étranger au même titre que le national au niveau de la libre adhésion. Aucun condition de nationalité n est exigée pour la loi pour l adhésion du travailleur étranger à une organisation syndicale de son choix. La liberté syndicale est ensuite une liberté collective. Elle signifie le libre exercice du droit syndical dans les limites de la loi qui le réglemente. En principe, l étranger, comme le national, peut exercer librement son droit syndical aussi bien au niveau de la profession qui à celui de l entreprise. Mais l article 251 du code du travail impose des limites ayant trait à la nationalité du travailleur. Cette disposition énonce que les membres du syndicat chargés de l administration ou de la direction de ce syndicat doivent 8

être de nationalité tunisienne originaire ou acquise depuis au moins cinq ans sauf dérogation spéciale accordée par le Ministre des affaires sociales et de la solidarité, laquelle dérogation doit être demandée quize jours au moins avant la constitution ou le renouvellement des instances de direction du syndicat. Cette limite a pour conséquence pratique l interdiction de principe à l étranger d être chargé des fonctions de délégué syndical au niveau de l entreprise. En effet, la représentation syndicale des travailleurs au niveau de l entreprise se fait par le biais de l institution des délégués syndicaux réglementée par le droit conventionnel du travail. Or les délégués syndicaux sont nécessairement des membres du syndicat constitué au niveau de l entreprise chargés de son administration et de sa direction. Cette limite vise sans aucun date à prévenir l éventuelle formation d un syndicat tunisien sous domination syndicale étrangère, et ce, conformément à l article 253 du code du travail qui interdit la constitution de syndicat comme une section d une organisation syndicale étrangère. Le problème concerne sans aucun doute l ordre public interne. b la représentation collective La représentation du personnel de l entreprise se fait pour une institution représentative élue appelée commission consultative d entreprise. Celle-ci est composé d un nombre égal de représentants de l employeur désignés par celui-ci et de représentants des travailleurs élus par l ensemble du personnel. Concernant l élection des représentants des travailleurs aucune condition de nationalité n est exigée pour être électeur. L étranger, comme le national, a le droit de participer aux élections de ses représentants. Il en est de même pour l élégibilité 9

B Principe de la libre circulation des personnes et assimilation du travailleur étranger L égalité de traitement entre nationaux et étrangers au niveau de l accès à l emploi se fait sur une base conventionnelle par la technique des traités internationaux. C est ainsi que la convention Tuniso-Marocaine du 19 décembre 1964 ralifiée par la loi du 3 mai 1966 et la convention Tuniso- Algérienne du 26 juillet 1963 ralifiée par la même loi garantissent le droit au travail sur un pied d égalité aux travailleurs marocains et algériens en Tunisie et aux travailleurs tunisiens au Maroc et en Algérie. La convention Tunisio-française du 7 mars 1988 prévoit un régime de faveur pour les travailleurs français au niveau de l accès à l emploi. En vertu de cette convention, tout français qui a résidé régulièrement en Tunisie pendant trois années peut obtenir une carte de séjour valable pour dix ans. Dans tous les cas, il a droit à une carte de séjour valable pour une année et renouvelable. La carte de séjour mentionne la possibilité pour le travailleur d exercer une activité professionnelle salariée en Tunisie. Enfin, il faut noter que la mondialisation des échanges entraînent progressivement l abolition des frontières pour laisser place à la libre circulation des capitaux et des personnes. Une telle ouverture se fait progressivement sur une base régionale comme c est le cas de l Union Européenne. Sur le plan maghrébin, l article 2 du traité de Marrakech instituant l Union Maghrébine Arabe énonce que l un des objectifs de l U.M.A est «d œuvrer progressivement à assurer la liberté de circulation des personnes, des produits et des capitaux entre les différents pays membres». Il ressort de cette clause que l égalité complète entre les travailleurs maghrébins quant à l accès à l emploi dans les différents pays du Maghreb demeure tributaire de la réalisation effective de la liberté de circulation des 10

personnes et des capitaux. Ce principe demeure, pour le moment, un vœu dont la réalisation conditionne l édification du Maghreb social. 11

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