L essor des énergies renouvelables, une étape de l ouverture des marchés de l électricité



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Transcription:

L essor des énergies renouvelables, une étape de l ouverture des marchés de l électricité Mon intervention repose sur un constat, que je dresse en France mais qui serait susceptible d être étendu à d autres pays d Europe : le développement des énergies renouvelables (notamment autres qu hydrauliques) n a été permis, juridiquement, que grâce à la libéralisation du secteur de l électricité réalisée progressivement depuis les années 2000 sous l impulsion communautaire. C est cette libéralisation qui a conduit à la reconnaissance du droit, pour des producteurs indépendants, de produire de l électricité, de l acheminer sur les réseaux publics d électricité et de la commercialiser. Financièrement, cet essor des énergies renouvelables a certes été permis par des mesures publiques de subventionnement qui seront détaillées dans une intervention ultérieure. Mon objectif ici est de mesurer l effectivité de cette libéralisation telle qu elle est appréhendée dans le secteur de la production d électricité de source renouvelable. C est en effet dans ce secteur qu ont émergé des acteurs au profil nouveau, privés et indépendants du producteur historique EDF, venant exploiter des installations de production d électricité de petite ou moyenne capacité (3kW à 12MW) dispersées sur le territoire national. Ces nouveaux acteurs alimentent aujourd hui une volonté d approfondissement des réformes engagées dans le secteur d électricité, en venant contester ce qui apparaîtrait comme des héritages de son architecture historique monopolistique. Une illustration en est, dans le domaine de l accès aux réseaux, l augmentation impressionnante des demandes de règlement de différents dont est saisie l autorité française de régulation du secteur de l énergie, la Commission de Régulation de l Energie (CRE), mais aussi les interventions ponctuelles du Conseil de la concurrence. J envisagerai ainsi successivement les barrières juridiques restantes au développement des énergies renouvelables en France, au regard des trois principaux apports de la libéralisation du secteur de l électricité que sont: - l élargissement du droit de produire de l électricité (I), - la diversification des modalités de commercialisation de cette électricité (II), - et la reconnaissance d un droit d accès au réseau (III). I. Le droit de produire de l électricité de source renouvelable La situation antérieure 1

En France, c est la loi du 8 avril 1946 1 qui a procédé à la nationalisation de la production, du transport, de la distribution, de l importation et de l exportation d électricité 2. La nationalisation des installations de production n était pas intégrale, mais seules quelques catégories d installations limitativement énumérées en étaient exclues 3. Ces dérogations concernaient pour l essentiel : - les entreprises dont la production annuelle était inférieure à 12 millions de kwh lors de l adoption de la loi ; - les installations construites par des entreprises pour les besoins de leur exploitation, à condition qu elles soient l accessoire de leur activité principale «par récupération d énergie résiduaire» ; - les «aménagements de production d électricité» réalisés par des entreprises ou particuliers dont la puissance ne dépasse pas 8000kVA (soit env. 6400kW). Leur exploitation était soumise à une décision ministérielle constatant que les installations répondaient bien à l une ou l autre de ces catégories, et faisait l objet de contrats avec l opérateur d Etat, EDF. La reconnaissance d un droit de produire autonome La loi de modernisation du 10 février 2000 a consacré le principe selon lequel «les nouvelles installations de production sont exploitées par toute personne» 4. Elle a ainsi rendu l activité de production indépendante d électricité accessible à tous, sans limitation de puissance. La seule condition légale à l exploitation d installations de production d électricité réside dans un régime d autorisation assez simple, encore récemment simplifiée fin 2011 5. Il existait jusqu à cette date un régime d autorisation pour les installations d une puissance supérieure à 4,5MWc et de déclaration pour les installations d une puissance inférieure, cette déclaration étant même «réputée réalisée» pour les installations inférieures à 450kWc. Désormais, il n existe qu un régime d autorisation pour les installations supérieures à un seuil variant, selon les ressources utilisées, de 4,5MWc (fossiles) à 30MWc (éolien). En deçà, les installations sont «réputées autorisées». Ce régime vise pour l essentiel à s assurer de la capacité technique et financière de l exploitant, ainsi que pour l Etat à avoir une vision des installations de production existantes sur le territoire nationale. Ce contrôle est assez formel, et on observe que depuis la simplification de 2011 il n existe même plus pour les installations de source renouvelable dont la puissance est généralement inférieure à ces seuils. Pour être exact, on peut relever deux situations dérogatoires. D une part, les installations hydroélectriques d une puissance supérieure à 4,5MWc sont soumises à l octroi préalablement 1 Loi n 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l électricité et du gaz. 2 Article 1 de la loi du 8 avril 1946. 3 Article 8 de la loi du 8 avril 1946. 4 Article 6 de la loi du 10 février 2000. 5 Décret n 2000-877 du 7 septembre 2000 relatif à l autorisation d exploiter les installations de production d électricité modifié par le décret n 2011-1893 du 14 décembre 2011. 2

d une concession 6. L hydroélectricité fait historiquement l objet d un régime particulier, qui s explique par la sensibilité particulière de la ressource et la concurrence de ses usages. D autre part, le Ministre chargé de l énergie peut recourir à des appels d offre «lorsque les capacités de production ne répondent pas aux objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements, notamment ceux concernant les techniques de production et la localisation géographique des installations» 7. Dans ce cas, la désignation des lauréats vaut autorisation d exploiter et permet d obtenir un tarif de vente d électricité plus avantageux. Il est cependant toujours possible, pour les projets non retenus, d être exploités dans le cadre du régime normal d autorisation. A la seule lecture des dispositions du Code de l énergie, l exploitation d électricité de source renouvelable apparaît ainsi parfaitement libre. L essentiel des contraintes juridiques à cette activité se trouve en réalité ailleurs, au titre d autres législations : celles du droit de l environnement et de l urbanisme. Les restrictions environnementales croissantes L essentiel des contraintes pesant sur les producteurs d électricité de sources renouvelables tiennent non à l activité de production d électricité en tant que telle mais au lieu d implantation des installations et à leurs caractéristiques environnementales et visuelles. C est ainsi le droit de l urbanisme et de l environnement qui prennent la relève du droit de l énergie pour encadrer, et de fait, fortement restreindre, l activité de production d électricité de source renouvelable. L enjeu actuel est que ces contraintes sont grandissantes. Les cadres juridiques existants étant mal adaptés à l appréhension de ces constructions d un type nouveau, ces installations ont d abord pu bénéficier d un relatif vide juridique 8. Ces législations ont été progressivement révisées pour les envisager expressément 9, et les encadrer très étroitement. Le développement d installations éoliennes est ainsi devenu extrêmement contraint, considérées comme des installations classées pour la protection de l environnement (ICPE) depuis juillet 2011 10 et ainsi soumises à autorisation dès lors qu elles dépassent 50m ou 20MW (rubrique 2980) ainsi qu à l obligation de constituer une réserve de démantèlement préalablement à la mise en service de l installation 11. Cette exigence constitue une contrainte financière très forte en l absence de 6 Régime issu de la loi du 16 octobre 1919 désormais codifié aux articles L.511-1 et suivants du code de l énergie. 7 Articles L.311-11 et suivants du code de l énergie. 8 C est le cas notamment des installations photovoltaïques au sol, non créatrices de SHON (sauf locaux techniques). Elles n étaient ainsi soumises à autorisation d urbanisme qu au titre de ces derniers. 9 Ce fut notamment l objectif du décret n 2009-1414 du 19 novembre 2009 relatif aux procédures administratives applicables à certains ouvrages de production d'électricité venant modifier le code de l urbanisme pour expressément soumettre les installations éoliennes et parcs solaires à autorisation d urbanisme. 10 Cette qualification résultait de la loi n 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite «Loi Grenelle 2». Leur régime a ensuite été défini par le décret n 2011-984 du 23 août 2011 modifiant la nomenclature des installations classées et le décret n 2011-985 du 23 août 2011 pris pour l'application de l'article L.553-3 du code de l'environnement. 11 Articles L.553-3 et R.553-1et suivants du code de l environnement. 3

revenus encore perçus par l exploitant. Les parcs solaires d une puissance supérieure à 250kWc sont eux soumis à permis de construire, étude d impact et enquête publique 12. Ils sont en outre frappés d un certain nombre d incertitudes, qu il s agisse de leur soumission à la loi sur l eau 13 ou de leur implantation sur des terrains à vocation agricole. Ces contraintes sont génératrices de délais de réalisation allongés, de frais importants et de risques de recours supplémentaires à un stade très amont de développement des projets. Ces contraintes, extérieures à la régulation du secteur de l électricité, ont un impact très fort sur le développement effectif de l activité de production d électricité de source renouvelable : elles viennent à la fois affecter, au sein du marché d électricité, les possibilités d émergence d une concurrence réelle à la production d électricité de source fossile, et au sein du secteur de la production d électricité de source renouvelable, le profil des acteurs émergeants. II. Les modalités de commercialisation de l électricité de source renouvelable La situation antérieure et l apport de la loi de 2000 Comme je l indiquais, sous le régime de la loi de 1946, l exploitation de nouvelles installations de production n était permise qu à des fins d autoconsommation, ou dans le contrat de contrats de vente d électricité avec l opérateur national EDF. L électricité produite par des indépendants ne pouvait être librement commercialisée sur le marché, ni de gros, ni de détail ; les consommateurs étant captifs de l opérateur national. Ces restrictions ont disparu avec la loi du 10 février 2000 : d une part, les producteurs et les fournisseurs ont désormais librement accès au marché ; d autre part, les consommateurs se sont vus progressivement reconnaître le droit de choisir leur fournisseur d électricité 14. Les modalités désormais ouvertes Les producteurs d électricité de source renouvelable disposent ainsi, du moins théoriquement, de deux modalités de commercialisation de leur électricité : 12 R. 421-9 du code de l urbanisme et R.122-8 du code de l environnement. 13 Au titre de leur soumission à la rubrique 2.1.5.0 : «Rejet des eaux pluviales dans les eaux douces superficielles ou sur le sol ou dans le sous-sol, la surface totale du projet, augmentée de la surface correspondant à la partie du bassin naturel dont les écoulements sont interceptés par le projet, étant : 1. Supérieure ou égale à 20 ha (A). 2. Supérieure à 1 ha mais inférieure à 20 ha (D)». 14 La masse des «clients éligibles» a en effet été élargie par paliers successifs définis en fonction de seuils de consommation, jusqu à s étendre aux clients résidentiels en 2007. Cette reconnaissance est désormais totale : «Tout client qui achète de l'électricité pour sa propre consommation ou qui achète de l'électricité pour la revendre a le droit de choisir son fournisseur d'électricité. Il peut conclure un contrat d'achat d'électricité avec un producteur ou un fournisseur d'électricité de son choix installé sur le territoire d'un Etat membre de l'union européenne ou, dans le cadre de l'exécution d'accords internationaux, sur le territoire d'un autre Etat» (article L.331-1 du code de l énergie). 4

- Ils peuvent la revendre à l opérateur historique 15, acheteur obligé, à un tarif préférentiel supérieur au prix de marché. Le bénéfice de cette obligation d achat est soumis à conditions (limitations de puissance, appels d offres). C est l option qui est suivie en grande majorité ; - Ou ils peuvent la commercialiser sur le marché, de gros ou de détail, à des fournisseurs ou consommateurs final. La difficulté de cette commercialisation réside dans les coûts de production encore élevés de l électricité de source renouvelable. Ces coûts ne la rendent pas compétitive sur le marché français de l électricité dominé par le nucléaire, malgré la valorisation possible du caractère «vert» de cette production, par la commercialisation de certificats verts ou garanties d origine 16. Il existe ainsi différents systèmes de subventionnement par les pouvoirs publics. Une étape essentielle à l essor de la commercialisation de cette électricité sera ainsi l accès aux marchés européens, laquelle est juridiquement possible depuis la disparition du monopole à l exportation. Elle est cependant extrêmement réduite en raison de l insuffisance des capacités d interconnexion des réseaux français et transfrontaliers. Cette situation illustre l importance de l accès aux réseaux des installations de production d électricité de source renouvelable. III. L accès aux réseaux des installations de production d électricité de source renouvelable Les lois de 1946 et 2000 La loi de 1946 a confié la gestion des réseaux publics de transport et de distribution à un opérateur unique, EDF, ainsi titulaire des concessions locales 17 et nationale d électricité. La loi de 2000 a maintenu le caractère monopolistique de la gestion de ces réseaux considérés comme des «infrastructures essentielles» en dissociant cette activité, comptablement puis juridiquement, de celles désormais exercées de façon concurrentielle par EDF. Elle a ainsi conduit à la création de deux filiales: - ERDF, en charge de la gestion des réseaux publics de distribution 18 ; - RTE, en charge de la gestion du réseau public de transport 19. De façon essentielle, elle a consacré l existence d un droit d accès des tiers à ces réseaux, dans des conditions transparentes et non discriminatoires, exercé sous le contrôle d un régulateur, la CRE. 15 Ou aux entreprises locales de distribution, pour les installations situées dans leur périmètre de desserte. 16 Articles L.314-14s du code de l énergie. En France, depuis janvier 2012, elles ont seules valeur de certification du caractère renouvelable de l électricité produite (L.314-16). 17 Sous l exception tenant au maintien des «entreprises locales de distribution» constituées par des collectivités locales : article 23 de la loi du 8 avril 1946. 18 Articles 17s de la loi du 10 février 2000. 19 Articles 12s de la loi du 10 février 2000. 5

Les enjeux juridiques et techniques de l accès des EnR aux réseaux Indispensable au développement de la production d électricité de source renouvelable, l accès au réseau de ces installations en augmentation croissante constitue un défi majeur pour les gestionnaires de réseau. Ces enjeux, qui sont majoritairement d ordre technique, font l objet de différentes réponses juridiques. - Une des premières difficultés rencontrées a été celui du traitement d un afflux massif de demandes de raccordement d installations (photovoltaïques notamment), générant de très longues files d attente de raccordement. Ces files sont traditionnellement gérées dans l ordre chronologique d arrivée des dossiers (complets) selon le principe «premier arrivé, premier servi». L entrée en file d attente d un projet a une incidence forte puisqu elle lui permet de bénéficier d une réserve de capacité. Ce principe est cependant apparu insuffisant : les files d attente se sont retrouvées encombrées de projets dont la faisabilité administrative et technique était encore très incertaine. Sous le contrôle de la CRE, les procédures de traitement des GRD ont ainsi évolué afin d exiger un plus haut niveau de degré de maturité des projets, démontré par l obtention de l autorisation d urbanisme. Le bénéfice de l obligation d achat est par ailleurs désormais subordonné à l établissement d une attestation financière à hauteur de «0,6 par watt pour l'installation considérée, ainsi que pour l'ensemble de ses projets en file d'attente» 20. - Un autre enjeu essentiel est celui du coût du raccordement, notamment lorsque l installation envisagée est de faible puissance. En France, un mécanisme dit de «réfaction» conduit habituellement à ce qu un demandeur de raccordement (consommateur ou producteur) ne prenne en charge qu une fraction du coût de celuici (60%); la fraction restante (40%) étant supportée par l ensemble des utilisateurs du réseau 21. Face à l essor du nombre de raccordement d installations de source renouvelable, le bénéfice de cette réfaction a été supprimée à compter de fin 2010 22 pour les installations de production d électricité. Ceci a conduit à un fort renchérissement du coût du raccordement des installations de production d électricité de source renouvelable, encore accentué par l alourdissement des prescriptions techniques de raccordement. L autre difficulté apparue avec l apparition de demandes de raccordement multiples sur un même ouvrage est celle de la mutualisation des coûts générés par le renforcement de celui-ci. Elle a conduit à l apparition de nouveaux outils de planification, 20 Article 9 de l arrêté du 4 mars 2011 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3 de l'article 2 du décret n 2000-1196 du 6 décembre 2000. 21 Dans le cadre des Tarifs d Utilisation des Réseaux Publics d Electricité (TURPE). 22 Loi n 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l électricité ( loi NOME ), désormais codifié à l article L.341-2 du code de l énergie : «( ) Toutefois, lorsque le raccordement est destiné à desservir une installation de production d'électricité, la contribution versée au maître d'ouvrage couvre intégralement les coûts de branchement et d'extension des réseaux». 6

les «schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables» 23 élaborés par le GRT et définissant les ouvrages à créer ou à renforcer pour atteindre les objectifs fixés par les «schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie en matière d'énergies renouvelables» (SRCAE), ainsi que les périmètres de mutualisation de ceuxci. Les coûts de raccordement des installations situées dans ce périmètre sont ainsi augmentés d une quote-part intégrant cette mutualisation 24. - Enfin, une difficulté technique essentielle à l intégration des énergies renouvelables sur le réseau tient à l imprévisibilité de leur production à court terme. Cette imprévisibilité est peu compatible avec le maintien en temps réel de l équilibre du réseau, dont est chargé le GRT et qui implique une parfaite connaissance des programmes de production d un côté, et des estimations de l évolution de la demande de l autre. Sur le territoire métropolitain dit «interconnecté», les puissances concernées restent en proportion suffisamment faibles pour être facilement rééquilibrées. En revanche, dans les zones insulaires dites «non interconnectées», le raccordement de sources intermittentes fait l objet de limitations : la puissance admise y est plafonnée à hauteur de 30% de la puissance totale injectée sur le réseau 25 afin de conserver en permanence une réserve de puissance électrique garantie. Des heures d effacement préventives peuvent être imposées aux producteurs lorsque ce seuil risque d être atteint. L exercice de ce droit se trouve ainsi limité en raison de contraintes techniques. L émergence d une activité de production d électricité de source renouvelable d ampleur implique ainsi l organisation d un environnement juridique cohérent, considérant chacune des facettes de cette activité pour en offrir un encadrement stable et en soutenir la croissance. 23 Schéma prévus par l'article L. 321-7 du code de l'énergie, précisés dans le décret n 2012-533 du 20 avril 2012 relatif aux schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables. 24 Article L342-12 du code de l énergie : «Lorsque le raccordement est destiné à desservir une installation de production à partir de sources d'énergie renouvelable et s'inscrit dans le schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables mentionné à l'article L. 321-7, le producteur est redevable d'une contribution au titre du raccordement propre à l'installation ainsi qu'au titre de la quote-part définie dans le périmètre de mutualisation mentionné à l'article L. 321-7. Cette quote-part est calculée en proportion de la capacité de puissance installée sur la puissance totale disponible garantie sur le périmètre de mutualisation». 25 Arrêté du 24 novembre 2010 modifiant et complétant l article 22 de l arrêté du 23 avril 2008 relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement à un réseau public de distribution d électricité en basse ou en moyenne tension d une installation de production d énergie électrique 7