L'application des règles relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux et à la sécurité générale des produits aux biens immatériels

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Transcription:

L'application des règles relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux et à la sécurité générale des produits aux biens immatériels Christophe Garin, Avocat Counsel, Hogan Lovells (Paris) LLP 11Jugé par la Cour Fédérale d'allemagne (Bundes^eriehlshof). 16 septembre 20(19 (nc VI ZR 107/08) qui a retenu la responsahiliiédn fabricant du véhicule. 2) Jean- Paul Triaillc ICenlre de Recherches Informatique et Droit. Namur). l'application de la directive communautaire du 25 juillet 1985 (responsabilité du fait des produits) au domaine du logiciel, Rcviw Générale des Assurance* et des Responsabilités (1990), page 11617. 3) tinsuite modifiés parta Loi 2004-1343 du 9 décembre 2004. 4) Décret n" 2005-113du 11 février 2005.article 1. La question de l'application des règles relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux aux biens immatériels peut, de prime abord, sembler purement théorique. Toutefois, il ne suffit que de quelques secondes de réflexion pour que viennent à l'esprit des hypothèses où un bien immatériel, et notamment un logiciel ou un progiciel, pourrait se trouver à l'origine d'un dommage à la personne ou aux biens. Ce serait le cas par exemple du dommage causé par le dysfonctionnement du logiciel de contrôle des airbags d'un véhicule (î). Un auteur a pu citer à titre d'illustrations le décès d'un patient à la suite d'un traitement médical mal dosé, l'accident ayant eu pour origine la défectuosité d'un logiciel ou encore le cas d'un ouvrier tué par l'un des robots d'une chaîne de montage là encore du fait de la défectuosité du logiciel (2). Des tels exemples pourraient être multipliés à l'infini. L'application de la réglementation relative à la sécurité des produits se posera de la même façon par exemple au développeur d'un jeu vidéo qui viendrait à être informé que l'un des jeux qu'il a mis sur le marché a été à l'origine d'un nombre significatif de crises d'épilepsie parmi les utilisateurs. L'application aux biens immatériels de ces deux corps de règles, qui ont en commun d'être tous deux issus de la transposition de directives européennes, sera successivement analysée ci-après. I. L'application de la responsabilité du fait des produits défectueux aux biens immatériels La question de l'applicabilité du régime de responsabilité «sans faute» du fait des produits défectueux aux biens immatériels est délicate. La solution ne va pas de soi, ni dans un sens ni dans l'autre. D'une part, ce qui ne manque pas de paraître étonnant au regard de l'apparente fréquence des situations envisagées ci-avant, aucune décision judiciaire n'a encore à notre connaissance clairement tranché la question de savoir si un logiciel, par exemple, entrait dans la définition de «produit» au sens des règles relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux, ni en France, ni dans les Etats membres de l'union européenne que nous avons pu étudier (Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni, Italie et Espagne). D'autre part, la doctrine, qui pourrait constituer une aide précieuse face à cette incertitude, se trouve être divisée. A. Le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux La Directive européenne du 25 juillet 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux (n" 85/374/CE) a été transposée en France par la Loi du 19 mai 1998 aux articles 1386-1 et suivants du Code Civil(3). Pour mémoire, et de façon synthétique, ces dispositions ont introduit en droit français un système de responsabilité sans faute, objective : la victime n'a pas à prouver la faute du fabricant du produit qu'elle considère être à l'origine du dommage qu'elle a subi mais simplement (i) le dommage, (ii) le défaut du produit et (iii) le lien de causalité entre ce défaut et le dommage (article 1386-9 du Code Civil). Le producteur est alors responsable «de plein droit» du dommage causé par le défaut de son produit, sauf à justifier de l'une des causes exonératoires limitativement énumérées par la Loi (article 1386-11 du Code Civil). Peu importe dans ce cadre que le producteur soit ou non lié par contrat à la victime (article 1386-1 du Code Civil) étant précisé que, dans l'hypothèse où un contrat existerait, toute clause visant à exonérer ou limiter la responsabilité du fait d'un produit défectueux sera réputée non écrite (sauf entre professionnels, et encore pour les seuls dommages aux biens «qui ne sont pas utilisés par la victime principalement pour son usage ou su consommation privée», article 1386-15 du Code Civil). Ces dispositions s'appliquent ensuite à la réparation du dommage qui résulte d'une atteinte à la personne ou, à condition qu'il soit supérieur à un plancher fixé actuellement à 500 euros (4), aux biens autres que le produit défectueux lui-même (article 1386-2 du Code Civil). Un produit est défectueux au sens de ces dispositions «lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre» (étant précisé que «dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit

être tenu compte de foutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation», article 1386-4 du Code Civil). Pour le sujet qui nous occupe, c'est sur la définition du «produit» qu'il convient de se pencher. Aux termes de l'article 1386-3 du Code Civil : «Est un produit tout bien meuble, même s'il est incorporé dans un immeuble, y compris les produits du sol, de l'élevage, de la chasse et de la pèche. L'ùlecti-icité est considérée comme un prodidt». Par comparaison, la Directive européenne du 25 juillet 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux dispose, dans sa version modifiée par la Directive 1999/34/CE (5), que «le terme «produit» désigne tout meuble, même s'il est incorporé dans un autre meuble nu dans un immeuble. Le. terme «produit» désigne également l'électricité». La question de savoir si ce régime doit s'appliquer aux biens immatériels se pose donc dans les mêmes termes que l'on fasse référence à la définition française ou à la définition européenne. B. Absence de jurisprudence spécifique Comme déjà indiqué et malgré l'ancienneté de ces règles, aucune décision de justice n'a été rendue sur cette question, ni par la Cour de Justice de l'union européenne, ni par les tribunaux français ni même, à notre connaissance, dans les autres Etats membres (à tout le moins en Allemagne, aux Pays- Bas, au Royaume-Uni, en Italie et en Espagne), Deux décisions, bien que rendues sur des questions distinctes, sont toutefois susceptibles de donner un certain éclairage. Au Royaume-Uni tout d'abord, dans une affaire St Albans City and District Council c. International Computers Ltd. la Cour d'appel (6) a eu à trancher la question de savoir si la vente d'un logiciel devait ou non entrer dans le champ d'application du Sales of Goods Act et du Supply of Goods and Services Act. Le.luge a répondu que. si le support (computer disk) entrait dans la définition de «goods» au sens de cette loi, le programme en tant que tel n'y entrait pas pour sa part. Il a jugé néanmoins que, dès lors que le disque qui servait de support au logiciel avait été vendu et que le logiciel s'était avéré défectueux de sorte que la fonction recherchée par l'acquéreur ne pouvait pas être atteinte, le vendeur du support n'avait pas respecté le Sales of Goods Act. Si une analogie esl permise, il pourrait être déduit de cette décision que, pour le Juge anglais, l'application du régime de la Directive n'est envisageable que lorsque le logiciel est intégré sur un support, lui ôtant ainsi son immatérialité. A suivre strictement ce raisonnement, les logiciels téléchargés seraient hors champ d'application du régime relatif à la responsabilité du fait des produits défectueux. Dans un contexte voisin, la Cour Suprême néerlandaise a eu à connaître d'une affaire dans laquelle elle a dû trancher la question de savoir si la vente d'un logiciel standard était susceptible d'entrer dans le champ d'application des dispositions spécifiques à la vente de marchandises (article 7.1 du Code Civil néerlandais"). Le vendeur, défendeur, a fait valoir que le logiciel n'était pas un bien meuble afin d'éviter l'application de cette disposition mais son argumentation n'a pas été suivie (7). Les enseignements de cette décision restent limités (car la Cour a refusé de donner une qualification précise du logiciel en droit des biens) mais elle peut laisser penser néanmoins que l'application du régime relatif à la responsabilité du fait des produits défectueux aux logiciels est envisageable pour le.luge néerlandais. L'Avocat Général s'était d'ailleurs, pour sa part, montré plus téméraire en faisant valoir dans ses conclusions que, pour lui, il est justifié d'appliquer ce régime aux logiciels, y compris en cas de simple téléchargement (8), C. La position des exécutifs Faute de jurisprudence claire, il est possible de se référer à deux réponses apportées successivement par le Garde des Sceaux français et par la Commission européenne. Dans une réponse écrite du 15 novembre 1988, la Commission européenne a fait valoir que la définition visant «tout meuble» elle devait «par conséquent» s'appliquer «aux logiciels, comme elle s'applique d'ailleurs aux produits artisanaux et artistiques» (9). Dans le même sens, en moins lapidaire, une réponse ministérielle française du 19 mai 1998 est venue préciser que la Loi relative à la responsabilité du fait des produits défectueux «a vocation à englober l'intégralité de la catégorie des meubles, ù laquelle appartiennent les logiciels. Il convient toutefois d'observer que les seuls dommages dont ladite loi assure la réparation sont les atteintes physiques à la personne et les dommages matériels causés aux biens. L'application de ce texte aux logiciels ne vise donc que les situations où ceuxci seraient ù l'origine directe d'une atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, hypothèses pour le moins résiduelles» (10). Fort heureusement, les positions des deux exécutifs sont donc conformes. Cette position tranchée et commune n'a toutefois pas eu pour effet d'emporter l'adhésion complète de toute la doctrine, laquelle reste divisée sur cette question. D. La doctrine est divisée, tant en France que dans les autres Etats membres Le GRERCA (Groupe de Recherche Européen sur la Responsabilité Civile et l'assurance) a entrepris récemment un travail de comparaison relatif aux régimes spéciaux de responsabilité et d'indemnisation et notamment à la responsabilité du fait des produits défectueux. Parmi les trois «points de friction» les plus significatifs relevés au ternie de son analyse figure précisément la question de savoir si les choses immatérielles (logiciels, information,...) peuvent être regardées comme des produits au sens de la Directive. Prenant l'exemple d'un guide des champignons qui contiendrait une erreur sur le caractère comestible, de l'un d'eux, le rapport conclut sous forme interrogative : «Peut-on 5) Cette modification a visé à supprimer l'exclusion initiale des matières premières agricoles et des produits de la chasse. ol" 6) Courl Appeal Civil Division. Nourse. Hirst Ljj and Sir lain Glidcwcll, 26 juillet 1996, ([1995] 4 Ail F.R4XI). 7) Décision de la Cour Suprême néerlandaise. 27 avril 2012. Nederlandse Jurisprudentie 2012/293. paragraphe 3.5. 8) Conclusions de l'avocat Général. Nederlandse Juiïspniriomie 2012/293. paragraphe 3.12.3. 9) Question écrite n" 706/SB. JOCF.daSmm 1989. n' Cl 14/42. U)).IOANQ. 24 août 1998. p. 4728.

)\)R,-cw'ilDa!lû;2t)\2. p. 1872, l.a responsabilité du fait des produits défectueux : quelle évolution possible? I2) Article 2 du Produklhaftungsgcsctz («ProdHaftG»). I3} fin arrêt de tacour Fédérale Allemande du 14juillet 1993 a précisé que toutes les règles applicables aux biens meubles s'appliquent aux logiciels standard ( Bimtksgerichlshof. NJW 1993. p. 2436. 2437). 14) Miinchner Kommentar/ Wagner. Beck-Onlitie. 5' édition. 2009. article 2 ProdHaftG n'' 15. Kun, Produkieigenschaft medi/.inischer Software. CR 1990. p. 171, 175, lslstaudingcr/oechslcr. BGB Kommentar. Beck-Oniine. 2009. article 2 ProdHaftG n' 69, n' X. 16) Kilian/Hcusscn/l.itibarski, Computerrecht. 201 1,Teil IX. Il 3 n0 46 : Miinchner Kommentar/ Wagner. ReckOnline. 5' édition. 2009. article 2 ProdHaftG n" 16. Miinchner Kommcntar/Wagncr. Beck-Onlinc. 5' édition. 2009. article 2 ProdHaftG n1 16. Staudinger/Oechsler. BGB Kommentar, licck-ontine. 2009. article 2 Prodl IaftG n" 65. 17) Article 6: 1X7du Code Civil néerlandais. 18) Article 3:2 du Code Civil néerlandais. 19)J.C van der Steur. Gren«n van rcchlsobjecten. Deventer: Kluwer2001.v. 129-132. F.HJ. Mijnssen. Asser/ Mijnssen. De Hua» tê Vun Dm».?-/ 2006/54, n' 54. 20)J.J. Borking. Risico's voortvloeiend uil produktcnaaivsprakclîjkheid voor programnutuurmakcrs, Informalie 19K7. p.' 928-935. 21) Voir par exemple L. Dommcring- van Rongen. Produktenuansprakelijkheid : eeo nieuwe Furopcsc privaatrechtclijkc rcgeling vcrgclckcn met de produktenaansprakclijkheicl in de Vcrcnigdc Statcn. Devemer: Kluwer 1991. p. 94 ainsi que : RJJ. Westerdijk. Produktenaansprakelijkheid voor software. Duvemer: Klnu-vr 1995. p. 202. C Stuurman Se G.P.V. Vandenbcrghe. 'SoJtwarefouten: cen v.aak* van leven of dood'.\ De status van retenir la qualification de produit en s'appuyant sur la corporalité du support matériel contenant l'information ou doit-on considérer que ce n'est pas tant le support matériel que la prestation de services qui est déficiente, auquel cas la directive n'a aucune vocation à s'appliquer? Les avis sont partagés» (il). De fait, en Allemagne par exemple, où l'article 2 de la loi de transposition de la Directive reprend la définition de cette dernière pour ce qui concerne la définition des produits (12), aucun consensus ne s'est dégagé parmi les auteurs. Pour certains, la responsabilité du fait des produits ne devrait s'appliquer qu'aux progiciels ou logiciels standard (13), car pour les autres la nature de service prédominerait sur la nature de produit (14). Pour d'autres en revanche, il n'y aurait pas lieu de distinguer entre les deux dès lors que ni la Loi allemande ni la Directive ne font de distinction entre le producteur de masse et les autres (15). Cet argument fait écho à la réponse de la Commission européenne citée ci-dessus qui entend appliquer la Directive à l'artisanat au même titre qu'aux producteurs en série, La doctrine diverge encore sur le caractère immatériel du logiciel en vue de lui appliquer ou pas le régime spécifique de la Directive. Pour certains, un logiciel est un produit quand bien même il ne serait pas intégré à un support physique alors que pour d'autres l'application du régime serait conditionnée à l'existence d'un bien corporel dans lequel le logiciel est intégré (16). Le débat est comparable aux Pays-Bas où la définition du texte de transposition de la Directive fait également référence au produit en tant que meuble (17). Cette définition, qui renvoie à la notion de meuble corporel (stoffelkij), c'est-àdire qui doit être susceptible de contrôle par l'homme (18), a fait l'objet de nombreux débats doctrinaux en droit des biens quant à ses éléments constitutifs (19) et il est difficile d'en tirer des conclusions utiles s'agissant de l'application de la Directive aux biens immatériels. Pour le cas précis des logiciels, la doctrine est là encore divisée entre ceux qui considèrent qu'ils ne devraient pas être considérés comme des produits au sens de cette réglementation (20) et ceux qui sont moins affirmatifs (21). On retrouve également la distinction déjà évoquée entre les logiciels standard et les logiciels spécifiques, les premiers pouvant être qualifiés de produits alors que les seconds auraient la nature de service (22). La doctrine est également divisée en France. Pour un auteur (23), les œuvres de l'esprit doivent être exclues. Selon ce dernier, il paraît difficile de considérer que les œuvres de l'esprit, parmi lesquels figurent les logiciels et progiciels, soient des produits dont le défaut puisse engager la responsabilité de leur auteur au sens de la Loi de 1998 pour deux raisons. Tout d'abord, cette Loi ne viserait que les biens matériels, considérant que les auteurs du texte n'ont pas songé lors de sa rédaction aux biens immatériels (24). L'auteur invoque ensuite 1' «origine humaine de ces biens», «liée à leur caractère intellectuel, qui n'est pas envisagée par l'article 1386-3». Ce même auteur s'en remet toutefois à la jurisprudence à venir et souligne qu'elle pourrait élargir le domaine de la Loi, en y incluant les biens incorporels. Pour d'autres auteurs toutefois, le régime doit clairement s'appliquer aux «choses incorporelles» : «Rien ne les exclut, et la mention «tout bien meuble» les comprend suffisamment. La jurisprudence sera peut-être tentée d'opérer certaines distinctions. Les logiciels doivent probablement être couverts (logiciels comportant un virus) ; pour les produits de l'imprimerie, ou de la pi'esse écrite, parlée, audiovisuelle ou informatique la question est plus délicate» mais les auteurs s'y déclarent favorables (25). Dans le même sens, le Professeur Molfessis, considère que le législateur a souhaité n'introduire aucune distinction : «De façon brutale, le texte laisse à penser que tout est produit» (26). Il précise que c'est là un objectif du législateur que «de prévoir une définition du produit aussi large que possible, manière d'éviter les incertitudes sur l'applicabilité de la loi qui pourrait tenir à la nature du produit, Puisque la loi vise tous les meubles, elle englobe également en son sein les meubles incorporels. Pourquoi en effet, faudrait-il exclure du texte les logiciels - qui comporteraient des virus - ou encore les biens qui constituent simplement des informations diffusées par voie informatique ou par voie de presse?». E. De quel côté pourrait pencher la jurisprudence? A notre sens, la jurisprudence devrait se montrer favorable à l'inclusion des biens immatériels dans le champ d'application de la Directive et de la Loi. Plusieurs raisons nous incitent à le penser. Tout d'abord, les juges seront probablement sensibles à l'argument de texte, selon lequel la Directive comme la Loi visent tout bien meuble sans distinction et qu'il n'y a donc pas lieu d'exclure les biens immatériels de la définition des «produits». L'argument opposé par certains selon lequel les auteurs du texte n'auraient jamais eu l'intention de les inclure paraît peu convaincant au regard des deux réponses citées ci-avant, dont il ressort que tant pour le Garde des Sceaux français que pour la Commission européenne, les logiciels doivent sans ambiguïté relever du champ d'application de la Loi et de la Directive. Les logiciels seraient alors des «produits», sans qu'il soit besoin de distinguer, ainsi que cela a été proposé en doctrine, selon que le logiciel est matérialisé par un support ou pas. Les juges pourraient ensuite être d'autant plus enclins à adopter cette voie que la solution inverse, excluant les logiciels non intégrés à un support, conduirait à ne soumettre au régime de responsabilité issu de la Directive que les producteurs qui diffusent leur logiciel sur support physique alors que ceux qui privilégient le téléchargement comme mode de distribution ou de diffusion y échapperaient, et ce pour cette unique raison. Une telle distinction nous semblerait artificielle. Symétriquement, limiter

le régime du fait des produits défectueux aux seuls logiciels intégrés à un support conduirait également à distinguer selon que l'accident a pour origine un logiciel intégré ou mis à disposition sur CD ou un logiciel téléchargé. Ouvrir un régime de responsabilité sans faute dans la première hypothèse et l'exclure dans la seconde semblerait probablement peu justifié pour un juge qui viendrait à être saisi de cette question. La jurisprudence pourrait encore pencher dans cette direction au regard de l'objectif affiché par l'article 1386-8 du Code Civil. Selon cette disposition «en cas de dommage causé par le défaut d'un produit incorporé dans un autre, le producteur de la partie composante et celui qui a réalisé l'incorporation sont solidairement responsables». Kn application de cette disposition, le producteur de l'ensemble (qui aura par conséquent réalisé l'incorporation du logiciel) et le producteur du logiciel «défectueux» à l'origine dn dommage seront donc tenus solidairement à l'égard de la victime. Dans ce cadre, nous pensons probable que la jurisprudence visera à permettre à la victime d'agir.simultanément, et sur le même fondement, contre les deux producteurs, celui de l'ensemble, de la machine par exemple, et celui du logiciel intégré. Or ceci n'est concevable que si le logiciel est lui-même qualifié de produit au sens de l'article 1386-3 du Code Civil. Pour ces diverses raisons, il nous semble donc que si cette question était un jour soumise à un Juge français, il pourrait privilégier une interprétation extensive de la notion de produit afin d'y inclure les biens immatériels, II. L'application de la Directive relative à la sécurité des produits aux biens immatériels La Directive européenne du 3 décembre 2001 relative à la sécurité des produits a été transposée en France par une ordonnance du 22 août 2008 aux articles L. 221-1-2 et suivants du Code de la Consommation. Cette Directive impose diverses obligations de sécurité aux fabricants ou distributeurs de produits de consommation. A. L'obligation de ne mettre sur le marché que des produits sûrs La Directive vise explicitement «à assurer que les produits mis sur le marché sont sûrs» (27). L'obligation des producteurs (terme désignant le fabricant ou, s'il n'est pas établi dans l'union européenne, l'importateur du produit) de ne mettre sur le marché que des produits «sûrs» leur impose concrètement, et schématiquement, de s'assurer en amont de la mise sur le marché que leur produit est conforme à la réglementation applicable au produit en cause et qui fixe les exigences auxquelles le produit doit répondre sur le plan de la santé et de la sécurité pour pouvoir être commercialisé. Ce produit est présumé sûr quand il est conforme aux normes d'application volontaire nationales transposant des nonnes européennes. II ne s'agit là toutefois que d'une présomption et un produit conforme peut néanmoins s'avérer dangereux. La Directive prévoit alors dans cette hypothèse une obligation pour les producteurs qui «savent ou doivent savoir sur la base des informations en leur possession et en tant que professionnels, qu'un produit qu'ils ont mis sur le marché présente pour fe consommateur des risques incompatibles avec l'obligation générale de sécurité» d'en informer les autorités compétentes des Etats membres en précisant les actions engagées afin de prévenir les risques pour les consommateurs (28). Pour les cas les plus graves, ces actions consistent en un rappel du produit. Comme dans le cadre du chapitre précédent relatif à la responsabilité du fait des produits défectueux, le producteur de biens immatériels destinés aux consommateurs peut légitimement se poser la question de savoir si le produit qu'il commercialise entre dans la définition de «produit» au sens de cette Directive de sorte qu'en cas de survenance d'un risque pour la sécurité des consommateurs utilisateurs, il devra le notifier aux autorités compétentes. B.L'application aux biens immatériels Aux termes de la Directive, on entend par «produit» : «Tout produit qui, également dans le cadre d'une prestation de services - est destiné aux consommateurs ou susceptible, dans des conditions raisonnablement prévisibles, d'être utilisé par les consommateurs, même s'il ne leur est pas destiné, et qui est fourni ou mis à sa disposition dans le cadre d'une activité commerciale, à titre onéreux ou gratuit, qu'il soit à l'état neuf, d'occasion ou reconditionné». Cette définition ne s'applique pas «aux produits d'occasion qui sont fournis en tant qu'antiquités ou en tant que produits devant être réparés ou reconditionnés préalablement à leur utilisation, pour autant que le fournisseur en informe clairement la personne à laquelle il fournit le produit» (29). La définition apparaît donc on ne peut plus large alors que, à l'inverse, la seule exception prévue par le texte est très limitée et circonscrite. L'intention du législateur européen est ici limpide : il s'agit de donner à la Directive un champ d'application le plus étendu possible. II ne fait guère de doute en réalité que les biens immatériels, et notamment les logiciels, doivent être inclus dans cette définition même si aucun exemple concret n'a pu être trouvé. Aucun produit immatériel ne figure et n'a jamais été enregistré à notre connaissance dans le système RAPEX (le système européen d'alerte rapide pour les produits de consommation non alimentaires dangereux) où sont répertoriés les produits jugés dangereux par les autorités mis sur le marché dans l'union européenne (ainsi que les mesures prises en conséquence par les producteurs). L'absence de précédent s'explique aisément car il aurait fallu que le logiciel en question ait été vendu isolément aux consommateurs, hors de toute application matérielle. Ce pourrait être l'hypothèse d'un éditeur de jeux vidéo téléchargeables qui se trouveraient, à l'usage, être à l'origine de software onder de F.G-richtlijn produktenaansprakelijkheid en de Ncderlandse nitvoeringswctgeving'. 24/31. décembre I99X, afl. 45/46. p. 1667-1672. N.IH 22) J.J. Borking. Risicn's voortvlociend ull produktenaansprakelijkheid vi»orprogtanimal uurmakers, Infnrmulie I9S7. p. 931. 231Philippe le Toumeau. Droit de la responsabilité etdes contrats. Jhilloz. édition 2010, point 8364. 24) Voir aussi Jean Paul Triailte. op. cit.. pour qui à la lecture du texte de la Directive il apparaîtrait «clairement qu'à aucun moment on n 'cipensé aux biens intangible*^. 25) François-Xavier Testu et Jean-Hubert Moitry. La responsabilité du fait des produits défectueux, numéro spécial. Dtilh: affaires. 1998. n'"' 12. 26) Nicolas Molfessis. Les produits en cause. Petites Afficher. 28 décembre 1998. p. 20. 27) Article 1 de la Directive n" Î001TOCE. 2K)Article 5.3 de la Directive n"2001z95zcetransposé à l'article L. 22 1-1-3du Code de la Consommation. 29) Articles 2 de la Directive cl L. 221-1- 1du Code de la Consommation.

30) Pour plus de détails, voir les lignes directrices édictées par la Commission européenne dans sa Décision du 16décembre 2009. JOUF du 26janvier 2010. 1.22. p. 33et suivantes notamment. nombreuses crises d'épilepsie. En revanche, si par exemple le logiciel de commande d'un appareil électrique s'avérait défaillant de sorte que cela créerait un danger pour les consommateurs, les obligations décrites ci-avant pèseraient non pas sur l'éditeur du logiciel intégré à l'ensemble, mais sur le producteur de l'ensemble. En effet, le produit mis sur le marché au sens de la Directive et de la Loi serait ici l'appareil électrique, pas le logiciel de commande qui y est intégré. Encore faudrait-il naturellement que le produit mis sur le marché se soit révélé dangereux au sens de la Directive, du fait de la défectuosité du logiciel. Or, ces hypothèses seront en réalité peu fréquentes. En effet, les risques que la Directive vise à prévenir s'évaluent, schématiquement, en fonction d'une part du danger du produit et d'autre part de la probabilité que le consommateur soit effectivement blessé par ce danger (30). La combinaison de ces facteurs permet de déterminer quel est le risque encouru par le consommateur et c'est en fonction de ce risque que le producteur devra ou non procéder à une notification auprès des autorités. Dans ce cadre, le danger envisagé est le danger intrinsèque du produit (par exemple les dangers mécaniques, thermiques, chimiques, électriques, microbiologiques, ou ceux liés aux risques d'explosion, à la pression, au bruit, aux vibrations,...). De fait, les hypothèses où le dysfonctionnement d'un logiciel pourrait générer ce type de danger apparaissent extrêmement limitées. Certains cas résiduels pourraient néanmoins se présenter comme par exemple si un appareil électrique venait à présenter un risque de surchauffe, susceptible d'engendrer des brûlures ou incendies, ayant pour cause un défaut de conception du logiciel de commande. Le producteur de l'ensemble ne manquera pas naturellement dans ce cas de se retourner contre le fournisseur du logiciel afin qu'il supporte la charge financière du rappel auquel il a lui-même été contraint en conséquence de la défectuosité du logiciel mais il n'en reste pas moins que l'obligation de notification ne pèsera pas sur le producteur du logiciel. Pour boucler la boucle, ce recours du producteur de l'ensemble contre le producteur du logiciel devra être engagé sur des fondements de responsabilité classiques et non sur le fondement étudié ci-avant de la responsabilité du fait des produits défectueux, quand bien même le logiciel serait, comme nous le pensons, un produit au sens de l'article 1386-3 du Code Civil. En effet, le préjudice subi par le producteur de l'appareil en cause serait ici purement financier, alors que l'article 1386-2 du Code Civil ne vise que la réparation «du dommage qui résulte d'une atteinte à la personne ou à un bien, autre que le produit lui-même». Le coût d'un rappel de produits ne constitue donc pas un chef de préjudice réparable sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux. Pour conclure, la question de l'intégration ou pas des biens immatériels dans la définition des «produits» doit donc recevoir des réponses différentes selon que l'on se situe dans le cadre de la Directive relative à la sécurité des produits de 2001 ou dans le cadre de celle de 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux. Les biens immatériels sont très certainement des produits au sens de la première (mais les applications concrètes seront rarissimes) alors que la réponse est plus incertaine dans le cadre de la seconde. Pour l'ensemble des raisons décrites ci-dessus, nous pensons pour notre part probable que les tribunaux considéreront in fine, lorsque la question leur sera clairement posée, que la notion de produit inclut là aussi les biens immatériels, mais cette réponse reste en suspens en l'état.