L encadrement juridique de la responsabilité sociétale des entreprises : réalisations et potentialités du droit français

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Transcription:

L encadrement juridique de la responsabilité sociétale des entreprises : réalisations et potentialités du droit français Isabelle DESBARATS Maître de Conférences en Droit, Université Toulouse 1, IRDS ; isabelle.desbarats@univ-tlse1.fr Si l idée d une responsabilité de l entreprise à l égard de son environnement est loin d être récente (cf. pratiques de mécénat d entreprise et paternalisme dit d entreprise...), le concept de RSE 1 occupe une place aujourd hui incontournable dans les débats sur les conséquences sociales de la mondialisation. Une première raison tient au fait que cette idée de responsabilité sociétale est profondément renouvelée par l expansion des groupes à dimension transnationale... et les velléités de certains d entre eux de pratiquer des politiques dites de «shopping social», notamment dans les pays en voie de développement. En outre, on ne saurait minimiser le rôle exercé par certains acteurs de la société dite civile (investisseurs, consommateurs, associations de victimes...) qui exercent désormais une forte pression sur les entreprises. En effet, les objectifs poursuivis par les mouvements de consommateurs ont beaucoup évolué puisque, par exemple, les campagnes de boycott des années 1970 étaient dirigées contre des gouvernements tandis qu aujourd hui, ces mouvements le sont davantage à l encontre des acteurs privés (actions menées contre le travail des enfants en Asie...). Quant aux investisseurs et s agissant de leurs placements, on sait que soucieux de taux de rentabilité élevés ils exigent également le respect de critères éthiques, comme en témoigne la montée en puissance des agences dites de notation sociale dans la plupart des pays industrialisés. Ainsi soumises à une série de pressions sociales, environnementales et économiques, nombre d entreprises ont donc été conduites à promouvoir des stratégies de responsabilité sociale, encore encouragées dans cette voie par la médiatisation de certains procès (Nike...) et le caractère stratégique de l image de marque dans un marché de plus en plus concurrentiel. Voilà pourquoi certaines pratiques dites de RSE se sont développées, certaines entreprises décidant de doter leurs produits ou leurs services de labels sociaux 2 ; d autres prenant des engagements publics ou finançant des initiatives de type caritatif qui les mènent ensuite à communiquer ; les plus nombreuses se dotant de chartes sociales et autres codes de conduites d ailleurs très hétérogènes, du point de vue de leur contenu comme de leur champ d application. Dans ce contexte, le caractère éminemment volontaire de ces démarches dites socialement responsables doit être naturellement souligné. D ailleurs, telle est la définition que donne du concept la Commission européenne en décidant que la RSE s appréhende comme «l intégration volontaire des préoccupations sociales et écologiques des entreprises à leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes» [Livre vert, juillet 2001]. Pour autant, loin s en faut que la RSE échappe à toute analyse juridique. Bien au contraire, l analyse du Droit spécialement français montre que la responsabilité sociétale s exerce aujourd hui dans un cadre juridique dont l élaboration n est vraisemblablement pas achevée. S agissant des raisons poussant les pouvoirs publics à attirer dans le giron du Droit certains comportements éthiques, sans doute se trouvent-elles dans le fait que ce type de démarches renvoie à des considérations d intérêt général auxquelles l acteur public ne saurait rester étranger : préoccupations environnementales et sauvegarde du Bien Commun ; respect des droits et libertés fondamentaux tels la dignité au travail et l interdiction du travail des enfants... Par ailleurs, peut-être convient-il de faire également état d une tradition française d intervention publique à mettre en parallèle avec une 1 Acronyme désormais utilisé. 2 À noter que les démarches de labels soulèvent de nombreuses difficultés parce qu elles relèvent souvent de l auto certification, processus auquel certains reprochent une insuffisante indépendance. Certes, le recours à des autorités de labellisation indépendantes peut constituer une solution mais qui est, pour l heure, peu utilisée, si l on excepte le cas de la Belgique. L adoption de la future norme ISO 26000 s inscrit dans cette problématique, puisque son objet est de fournir des lignes directrices pour rendre opérationnelle la responsabilité sociétale [www.afnor.org]. 1

tradition communautaire de dialogue social à l origine, pour sa part, des nombreux accords cadres internationaux adoptés dans les entreprises européennes 3. Quant aux manifestations de cet interventionnisme qui est le fait du législateur, du juge mais aussi de certaines autorités administratives, elles se déploient dans les deux directions suivantes. D abord en effet, on observe que certaines démarches engagées volontairement par les entreprises afin de satisfaire leurs parties prenantes sont aujourd hui sous contrôle : tel est le cas des codes de conduites mais également des dispositifs dits d alerte professionnelle ce qui n est pas sans rejaillir sur la protection désormais à octroyer à ceux qui la déclenchent (I). Ensuite, il est patent que le droit français contemporain se caractérise par un accroissement des contraintes juridiques imposées aux entreprises dans une logique de développement durable... bien que la démarche du législateur reste imprégnée d ambiguïté (II). I- Codes de conduite et alertes professionnelles : démarches volontaires sous surveillance Alors qu il s agit là, en principe, de normes privées, adoptées volontairement par des entreprises soucieuses de concilier leurs activités économiques avec l impératif de développement durable, il faut savoir que, faisant preuve de volontarisme, certaines autorités françaises judiciaires et administratives se sont penchées sur deux des principaux instruments auxquels une entreprise peut recourir au nom de sa responsabilité sociétale. Ainsi les premières ont-elles eu à connaître de la valeur juridique d un code de conduite (A), et les secondes des conditions de mise en place d une alerte éthique (B). Dans les deux cas, c est une solution protectrice de certaines des parties prenantes de l entreprise qui a été privilégiée sans que, pour autant, soit occulté l intérêt de celle-ci. A- De la portée juridique des codes de conduite S agissant des normes de conduite privées dites RSE aujourd hui en plein essor sous la pression conjuguée des consommateurs, investisseurs et autres parties prenantes soucieuses d éthique, on sait que ce processus d autorégulation présente ceci de particulier qu il combine, a priori exclusivement, sanctions dites «sociales» et «économiques» : sanctions sociales, en premier lieu, que l on peut définir comme des «formes de contrainte dont une société dispose pour assurer un contrôle diffus sur ses membres (réprobation, désaveu, boycottage...)» 4 et dont d ailleurs, elle peut, elle-même, faire l objet à l initiative des acteurs de la société civile ; sanctions d ordre économique, ensuite, puisque la société émettrice d un engagement éthique est susceptible de sanctionner les entreprises liées à elle et ne respectant pas cet engagement en rompant, par exemple, toutes relations commerciales 5. Mais à supposer le droit français applicable, des sanctions d ordre juridique sont-elles également concevables? Quelle est donc la portée d un code éthique contenant, selon les cas, des engagements souscrits par l entreprise et/ou des obligations imposées à ses salariés ou à ses autres partenaires? À l évidence, loin d être à l origine d un droit sans contrainte, l engagement d une entreprise dans une démarche éthique constitue, bien au contraire, un choix lourd de conséquences juridiques, comme en atteste l attention aujourd hui portée par les juges à la délicate qualification juridique des codes de conduite. Qui plus est, la question est loin d être épuisée tant les potentialités du droit français paraissent riches à cet égard 6. Au regard du droit positif et sur le terrain plus précisément social, il convient de souligner que c est une solution en passe de devenir classique que les juges retiennent aujourd hui puisque, à plusieurs reprises déjà, ils ont décidé qu un code de conduite pouvait être assimilé à une adjonction du règlement intérieur, ce dont résultent deux principales conséquences: en premier lieu, le nécessaire respect de l article L 1321-4 du code du travail, à défaut de quoi les dispositions litigieuses doivent être considérées comme inopposables aux salariés ; en second lieu, celui de l article L 1321-3 du code du travail interdisant toute atteinte excessive aux droits et libertés des salariés et dont le jeu peut 3 Sur cet aspect, voir notre article, «L entreprise citoyenne face à sa responsabilité sociétale : nouveaux enjeux ou vieux débats?», in Production et consommation durables, 2008, Éditions Yvon Blais, Québec. 4 L. Dubin, La protection des normes sociales dans les échanges internationaux, PUAM, 2003, p. 321. 5 Ibid. 6 Sur l ensemble de la question, voir Circulaire DGT 2008/22 du 19 novembre 2008 relative aux chartes éthiques, dispositifs d alerte professionnelle et au règlement intérieur. 2

justifier la nullité de certaines clauses 7. Certes, la Cour de cassation vient de restreindre la portée de cette solution en décidant que de simples modalités d application de dispositions réglementaires et non de réelles adjonctions ne sauraient déclencher le jeu des règles légales susvisées 8. Reste que le principe même du recours à la norme réglementaire ne semble pas avoir été censuré ce dont il s ensuit qu aucune disposition prescriptive destinée à s imposer aux salariés sous peine de sanction ne saurait échapper à la vigilance des juges. Un argument de fond à l appui de cette opinion : le fait que, du point de vue du droit du travail, seul, «le risque disciplinaire auquel sont exposés les salariés (doit) déterminer la qualification juridique du code de conduite» 9. L idée selon laquelle l engagement d une entreprise en faveur d une stratégie éco-citoyenne ne saurait être dépourvu de conséquence juridique trouve ainsi un premier argument que d autres pourraient conforter, si l on en juge par les virtualités du Droit en la matière. En effet, il semble bien qu une réponse positive s impose à la question de savoir si, en présence d une norme volontaire, un contractant de la société émettrice, un tiers consommateur ou pas voire la société elle-même peut en revendiquer le respect. L analyse concerne ici, non plus les codes et autres normes ayant vocation à régir le comportement des parties internes à l entreprise mais ceux orientés vers l extérieur destinés, dans une logique d information et de communication, à peser sur les choix des parties dites externes. Saisis d un recours en violation d une norme éthique par un client ou un fournisseur de la société émettrice, les juges pourraient ainsi se placer sur le terrain du droit des obligations et d abord sur celui du droit des contrats pour admettre le jeu d une action en responsabilité contractuelle destinée à sanctionner une mauvaise exécution du contrat. Certes, encore faudrait-il que les engagements souscrits par l entreprise au titre de son comportement socialement responsable aient bien valeur contractuelle. Or sans s appesantir sur le cas où de tels engagements seraient explicitement inclus dans le contrat cette solution est concevable dans l hypothèse contraire. En effet, il existe une tendance forte à conférer valeur contractuelle aux documents publicitaires émis par les professionnels, tout au moins pour ceux remis au client : catalogue, brochure, tracts... et pourquoi pas une charte éthique? Ainsi, «le message publicitaire (engage le professionnel) qui le diffuse : son contenu (est) intégré au contrat comme étant ni plus ni moins qu une annexe de celui-ci, à condition évidemment que le contrat n ait pas apporté une précision en sens inverse» 10. Par ailleurs, à l initiative non plus d un contactant de la société émettrice mais, cette fois, d un tiers, rien ne devrait interdire l engagement de la responsabilité délictuelle de cette société sur le fondement de l art 1382 du code civil non plus que le recours à la notion d engagement unilatéral de volonté. Qualifier ainsi un engagement éthique constituerait d ailleurs une solution intéressante puisqu elle permettrait l attribution d une action en exécution forcée au bénéficiaire d un tel engagement, en cas de violation de celui-ci par la société émettrice. On sait bien cependant que la jurisprudence revêt une part d incertitude même s il est vrai qu après avoir hésité entre plusieurs fondements juridiques pour contraindre une société à exécuter sa promesse (engagement unilatéral 11 ; responsabilité délictuelle 12 ; voire contrat 13 ), elle semble désormais décidée à leur substituer un fondement quasicontractuel 14. Outre le recours au droit des obligations, un juge saisi d un recours dirigé à l encontre d une société émettrice d un engagement dit socialement responsable ne le respectant pas devrait également pouvoir s appuyer sur le droit de la consommation, comme l ont d ailleurs déjà admis des magistrats américains dans la célèbre affaire Nike. En effet, les conditions de mise en œuvre de l article L 121-1 du Code de la consommation prohibant les pratiques commerciales trompeuses qui «reposent sur des 7 V. TGI Nanterre, 6 octobre 2004, DO 2005, p. 219, note F. SARAMITO ; TGI Versailles (4 e chambre), 17 juin 2004, DO 2004, p. 47, note MF BC ;TGI Nanterre (référés), 15 juillet 2005, DO 2006, p. 593 note I. MEYRAT. 8 Soc, 28 mai 2008, n 07-15-744, P+B : v. I. DESBARATS, «Regard sur un instrument majeur de la gouvernance d entreprise : quid de la nature juridique des codes éthiques?», RLDA, novembre 2008, p. 68. 9 I. MEYRAT, note sous TGI Nanterre 15 juillet 2005, DO 2006, p. 595. 10 Ph. LE TOURNEAU, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz Action, 2008, n 3713. 11 Civ. 1, 19 octobre 1999, D 2000, SC, 357 note D. MAZEAUD. 12 Entre autres, Cass. Civ 3 mars 1988, D 1988, SC, 405 (note J. L. AUBERT). 13 Cass. Civ, 2, 11 février 1998, D 1999, SC, 109, obs R. LIBCHACHER. 14 Cass ch mixte, 6 septembre 2002, D. 2002, JCP, 2963 note D. MAZEAUD. Rapp Soc. 29 septembre 2004, TPS 2004, p. 29. 3

allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur», semblent pouvoir être ici remplies. D ailleurs, cette interprétation compréhensive des textes semble confirmée par le nouvel article L 121-1-1 du Code de la consommation, issu de la loi LME du 4 août 2008, identifiant de nouvelles présomptions de pratiques commerciales trompeuses telles celles ayant pour objet, «pour un professionnel, de se prétendre signataire d un code de conduite alors qu il ne l est pas (...), d affirmer qu un code de conduite a reçu l approbation d un organisme public ou privé alors que ce n est pas le cas» 15... Si un certain nombre de recours peuvent être ainsi intentés, avec quelques chances de succès, à l encontre d une société émettrice d un engagement éthique sur le terrain du droit commun des obligations ou du droit de la consommation, on ne saurait exclure, enfin, le cas d un recours intenté, cette fois, par la société elle-même à l encontre de ses propres dirigeants sur le terrain du droit des sociétés : en effet, tout porte à croire que la violation d une norme éthique est de nature à engager la responsabilité civile des dirigeants puisque la faute de gestion est définie à l aune de l intérêt social et que, sous l influence de la théorie dite du «gouvernement d entreprise», une déontologie de plus en plus précise est imposée, notamment, aux dirigeants des sociétés cotées 16. De fait, ce foisonnement d actions susceptibles de conférer valeur contraignante à des normes volontairement adoptées dans une logique dite socialement responsable ne saurait surprendre. On sait bien, en effet, qu aucun juge ne saurait se considérer comme automatiquement lié par l intention des parties de priver leur accord de toute valeur obligatoire, et donc de sanction judiciaire ; cela signifie donc que saisis d une telle difficulté les juges français devraient qualifier la charte au regard des catégories juridiques françaises, sachant donc, on le vient de le voir, que plusieurs d entre elles sont tout à fait envisageables. Plus précisément encore, rien de moins étonnant que le Droit du travail et celui de la consommation apparaissent comme les fers de lance d une approche juridique de ce type d engagements éthiques : on comprend en effet que les salariés et les consommateurs étant les principales parties prenantes intéressées par ce type de démarche, ils méritent, à ce titre, une protection toute particulière ; d ailleurs, ce souci de protection semble partagé par certaines autorités administratives, comme en témoignent les conditions auxquelles la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) subordonne aujourd hui la mise en œuvre des dispositifs dits d alerte éthique. B- Du contrôle des alertes professionnelles à la protection des lanceurs d alerte 1) Comme on le sait, le contexte dans lequel la CNIL a été amenée à se prononcer sur le recours aux dispositifs d alerte professionnelle est celui de l adoption, en 2002, de la loi américaine dite Sarbanes-Oxley et de son application aux SA françaises cotées aux USA. Plus précisément encore, l enjeu étant l instauration d un système d alerte requérant un traitement automatisé de données à caractère personnel, l intervention voire l autorisation de la CNIL s imposait en application de la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978. Il est vrai que, dans un premier temps, la CNIL fit alors preuve de réticence au motif que de tels dispositifs étaient, selon elle, susceptibles de conduire à «un système organisé de délation professionnelle»... Une nécessaire harmonisation des droits français et américain s imposant dans l intérêt des entreprises nationales cotées aux USA, un assouplissement de cette position s imposait néanmoins. C est dans ce contexte et dans un souci de simplification des obligations déclaratives des entreprises que la CNIL adopta donc, en décembre 2005, une procédure dite simplifiée d autorisation unique. Ainsi, aujourd hui, deux procédures doivent-elles être alternativement suivies, selon le type de dispositif d alerte instauré par une entreprise. Première hypothèse, une entreprise peut se prévaloir de la procédure dite simplifiée de l autorisation unique dont l intérêt est de présenter un caractère simplement déclaratif et donc d exclure tout contrôle a priori de la CNIL : pour ce faire, trois séries de conditions doivent toutefois être cumulativement réunies. 15 Sur cette question, voir M.-P. BLIN, «Entreprise et responsabilité : aperçus de quelques avancées récentes du développement durable dans la vie des affaires...», Chron. EJERIDD, RLDA, novembre 2008, p. 61. 16 Voir par exemple A. COURET, «Le gouvernement d entreprise. La «corporate governance», D. 1995, ch, 163 ; C. MALECKI, «Pour que gouvernance d entreprise écologique rime avec éthique», D. 2008, p. 1774. 4

En premier lieu, la portée du système doit être limitée. Ceci suppose que son instauration réponde à une obligation issue du droit français ou bien à un «intérêt légitime» qui peut tenir à la nécessaire soumission de l entreprise à la loi Sarbanes-Oxley. Cela implique ensuite que le système présente un caractère complémentaire par rapport aux autres modes d alerte déjà existants en droit national (liberté d expression, droit d alerte des représentants du personnel...). Il faut encore que ce dispositif ait un caractère facultatif puisqu une obligation de dénonciation imposée à un salarié risquerait d être contraire à l article L 1121-1 du nouveau Code du travail et qu il soit circonscrit, enfin, aux domaines «financier, comptable, bancaire et de lutte contre la corruption». Par ailleurs, d autres conditions doivent être respectées tenant, cette fois, à la nécessaire protection des salariés «auteurs» et «cibles» de la dénonciation. Il est ainsi prévu que, si les informations utiles peuvent être obtenues «par tout moyen approprié», encore faut-il garantir le respect des droits de la défense et celui des règles de confidentialité. Enfin, en troisième et dernier lieu, une attention particulière est portée aux modalités de traitement des données ainsi collectées : celles-ci doivent faire l objet d une diffusion restreinte et doivent être conservées pour une durée limitée. Hors de ce cadre, la procédure dite «normale» i.e. de déclaration préalable reprend ses droits : cela signifie, pour l essentiel, que la CNIL va exercer un contrôle cette fois a priori, les entreprises s y soustrayant encourant sanctions pécuniaires et pénales 17. 2) Enserrant ainsi les initiatives d entreprises désirant s engager dans une démarche socialement responsable, de telles exigences administratives ne sauraient surprendre dés lors qu elles s inscrivent plus largement dans le maillage de dispositions légales et jurisprudentielles encadrant aujourd hui les dispositifs d alerte professionnelle. Ceux-ci se trouvent en effet sous haute surveillance comme l illustre la protection désormais conférée aux salariés dits lanceurs d alerte. ces derniers pouvant encourir des sanctions, non seulement disciplinaires, mais également pénales pour commission du délit de dénonciation calomnieuse, un réseau de solutions convergentes est en cours d élaboration, tendant à entourer la liberté individuelle d expression de solides garanties. Première pierre à l édifice : la loi du 13 novembre 2007 relative à la lutte contre la corruption qui a instauré un régime de protection des salariés dénonçant, de bonne foi, soit à l employeur, soit aux autorités judiciaires ou administratives, des faits de corruption révélés à l occasion de leurs fonctions 18 : en effet, le nouveau code du travail contient désormais un titre relatif à la corruption et prévoit, dans son art L 1161-1, la nullité de la décision patronale ainsi qu un aménagement de la charge de la preuve inspiré de celui déjà en vigueur en matière de discrimination ou de harcèlement moral ou sexuel. Hors cette hypothèse, le salarié dénonciateur de faits, selon lui, délictueux ou à tout le moins critiquables, n est cependant pas dépourvu de toute protection. D abord, en cas de dénonciation d agissements de harcèlement ou de discrimination, il pourra bénéficier des mesures spécifiques prévues par les articles L 1152-2 et L 1132-3 du code du travail. Ensuite, dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux, il ne pourra pas être licencié par son employeur pour avoir témoigné de mauvais traitements ou privations infligés à l un des pensionnaires : l art L 313-24 Code de l action sociale et des familles instituant «une véritable immunité d expression, à la fois de témoignage et de liberté de parole au profit des salariés qui dénoncent certains traitements dégradants dans les établissements ou ils exercent leur profession» 19, leur licenciement encourt la nullité avec les conséquences en résultant en terme de réintégration. Cela étant, le législateur n est pas le seul à se préoccuper de l élaboration d un cadre de protection du lanceur d'alerte... car, ayant conscience des enjeux de la question, la jurisprudence récente contribue également à la mise en oeuvre de cet arsenal juridique. Ainsi la Cour de cassation a-t-elle eu l occasion de prononcer la nullité du licenciement d un salarié consécutif à un dépôt de plainte concernant la dénonciation d une infraction pénale 20 comme de celui d un salarié dont la mission était de veiller 17 Délibération n 2005-305 du 8 décembre 2005 portant autorisation unique de traitements automatisés de données à caractère personnel. 18 JO 14 novembre. 19 C. PIZZIO-DELAPORTE, note sous Cass Soc 30 octobre 2007, JCP 2008, S, n 1098. 20 Cass Soc 12 juillet 2006, SS Lamy 4 septembre 2006, n 1272, p. 11. 5

au «respect de l éthique» dans l entreprise 21. Plus généralement, on peut estimer que la liberté d expression du salarié ne saurait être restreinte que dans les limites posées par l article L 1121-1 du Code du travail 22, au même titre que ses autres droits et libertés fondamentaux (liberté d'expression, religieuse, de mœurs ou encore de choix de son apparence physique). Au-delà, que devraient néanmoins décider les juges, s agissant de ces incitations à dénoncer instituées par des dispositifs d alerte professionnelle? S agit-il là, en effet, d un mode de preuve loyal ou bien, au contraire,... déloyal? Dans quelle mesure un employeur peut-il donc utiliser les informations obtenues par ce biais pour prononcer, par exemple, le licenciement du salarié dénoncé? De ce point de vue, on peut penser que ces dispositifs destinés à encourager les salariés à révéler les faits dont ils ont connaissance et qui portent atteinte aux intérêts de l'entreprise ou à ceux de tiers constituent des modes de preuve possibles... sous réserve que le salarié dénoncé soit protégé de tout arbitraire grâce au respect de la procédure disciplinaire et au contrôle juridictionnel instaurés par le législateur. Quoi qu il en soit, une nouvelle étape dans la protection des lanceurs d alerte devrait être prochainement franchie puisque le projet de loi de programmation du Grenelle de l environnement dit Grenelle I 23 prévoit que, saisis sur la base de la loi du 31 décembre 2007 sur la modernisation du dialogue social, les syndicats auront à se prononcer sur les conditions qui devraient être requises pour la mise en place d un dispositif de traitement des alertes environnementales et de santé publique dans les entreprises. L objectif est d assurer une plus grande transparence des informations sociales et environnementales et de garantir leur accès, conditions essentielles de la bonne gouvernance des entreprises. Restera une inconnue à laquelle les juges sont, d ores et déjà, confrontés : la façon dont la «bonne foi» des lanceurs d alerte doit être appréciée et dont dépend la protection à laquelle ils aspirent... En raison de cette mise sous contrôle des démarches volontaires, on constate donc que le droit français se caractérise aujourd hui par un encadrement juridique des démarches dites socialement responsables, qu elles se matérialisent par l adoption d un code de conduite ou par l instauration d un dispositif d alerte professionnelle... Cette opinion est confortée par l accroissement des contraintes imposées aux entreprises au nom d une logique de développement durable ce qui confère, en la matière, une grande densité à l action publique française... et contribue à façonner un véritable droit de la responsabilité sociétale des entreprises. II- Obligations de dire et de faire : contraintes légales en expansion Dans la mesure où la problématique RSE s est initialement déployée au sein des entreprises à vocation transnationale, il est compréhensible que l élaboration des premiers instruments visant à intégrer des critères éthiques dans l'action des entreprises ait été le fait d organisations internationales. De ce point de vue, la plus-value du Global Compact lancé par le secrétaire général des Nations Unies à l occasion du forum de Davos en 1999 consiste dans le fait d avoir créé un espace de dialogue où la transparence est valorisée et, surtout, d être porté par l ONU 24. Les principes directeurs de l OCDE à l intention des entreprises transnationales présentent pour leur part l intérêt d être issus d une coopération intergouvernementale 25. Quant aux initiatives communautaires en la matière, elles sont tout à la fois le fait de la Commission et du Parlement Européens ce qui confirme l intérêt des acteurs publics, au niveau international, pour les préoccupations suscitées par et liées à la performance dite «sociétale» 26. Pour autant, les initiatives publiques en faveur et au soutien des démarches dites socialement responsables sont loin d être l apanage des seuls acteurs internationaux. Elles sont, également, le fait 21 Cass Soc 6 novembre 2006, SS Lamy n 1284 du 27 novembre 2007, p. 12. 22 Anc. art L 120-2 aux termes duquel : «Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.» 23 À noter qu après avoir été adopté à l Assemblée nationale le 21 octobre 2008, le projet de loi de programme des engagements du Grenelle de l environnement, dit «Grenelle 1» vient de l être au Sénat, le 10 février 2009. 24 www.globalreporting.org 25 http://www.oecd.org/dataoecd/56/39/1922470.pdf 26 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social «Mise en œuvre du partenariat pour la croissance et pour l emploi : faire de l Europe un pôle d excellence en matière de responsabilité sociale des entreprises» (http://eur-lex.europa.eu/lexuriserv/lexuriserv.do?uri=com:2006:0136:fin:fr:pdf). 6

des acteurs publics nationaux et singulièrement du législateur français (A), encore que le positionnement de celui-ci par rapport à ce type de démarches reste passablement ambigu (B). A- Nouvelles initiatives publiques et encadrement de la liberté d entreprendre Il est incontestable que toutes les entreprises qu elles le maîtrisent ou le subissent se trouvent désormais de plus en plus impliquées par le changement de société induit par la logique de développement durable et cela, non seulement sous la pression de la société civile (consommateurs ONG...) et de certains actionnaires, mais également au travers des lois. Effectivement, un phénomène majeur aujourd hui à l œuvre est le développement de diverses formes d interventions publiques qui devraient avoir un fort impact sur la vie des entreprises et qui tendent à favoriser la diffusion d une sorte de définition forcée du comportement citoyen attendu des sociétés, notamment cotées. Plus précisément encore, on peut observer qu au plan national, la liberté d entreprise se trouve aujourd hui insérée, encastrée, dans un maillage de dispositions publiques incitatives, voire contraignantes destinées à encourager les entreprises à adopter un comportement éthique 27. De ce point de vue, l approche juridique de la performance sociétale des entreprises est d abord le fait du droit public comme l illustre le nouveau Code des marchés publics qui autorise l'introduction des considérations sociétales dans les clauses d'un marché public 28. Ainsi, les cahiers des charges des maîtres d'ouvrage peuvent comprendre des dispositions visant à «promouvoir l'emploi de personnes rencontrant des difficultés particulières d'insertion, à lutter contre le chômage ou à protéger l'environnement». Ces clauses peuvent par exemple consister en l'emploi d'un certain nombre de chômeurs ou bien encore, en cas de sous-traitance, en une exigence de sous-traitance d'une fraction du marché à une entreprise d'insertion de gestion de déchets. Le but poursuivi n'est pas la consécration de la clause du «mieux-disant social ou environnemental» en tant que critère de sélection des entreprises, mais l'instauration de nouvelles conditions d'exécution des marchés. Dans la même logique, on notera que la CJCE considère également qu'une municipalité est fondée à intégrer des critères environnementaux dans ses appels d'offre, sous réserve de certaines conditions 29. Ainsi les collectivités publiques peuvent-elles désormais incorporer des critères sociaux et environnementaux dans leurs procédures d'achats publiques. Ce mouvement d intégration des préoccupations sociétales dans les décisions publiques devrait d ailleurs vraisemblablement s amplifier si l on en juge par les projets de loi Grenelle I et II 30. En effet, ces textes prévoient qu à l avenir, l Etat devra prendre les dispositions nécessaires pour que les projets de loi soient accompagnés d études d impact préalables faisant apparaître les conséquences environnementales des dispositions législatives envisagées, en complément d évaluation des impacts économiques et sociaux. Il est également rappelé que l État doit avoir pour objectif de promouvoir l achat public respectueux de l environnement en favorisant l insertion de critères environnementaux et le recours aux variantes environnementales dans les appels d offre lancés dans le cadre d un marché public. Mais plus encore que le droit public, c est le droit privé des affaires et plus spécialement encore le droit des sociétés qui semble aujourd hui habité par une logique éthique comme en atteste notamment l expansion de l obligation dite de reporting, c est-à-dire l obligation de rendre des comptes sur la performance sociétale 31. On peut plus précisément observer que cette obligation, selon les cas, se trouve imposée soit directement, soit indirectement aux entreprises 32. 27 Voir par exemple, F. G. TRÉBULLE, «L accroissement de la prise en compte du développement durable dans le secteur de la construction», Revue de droit immobilier, mai 2008, p. 176. 28 P. COSSALTER, «La prise en compte de la protection de l environnement dans le nouveau Code des marchés publics», Dr. Environnement, mars 2004, n 116, p. 38. 29 CJCE, 17 septembre 2001, Aff. C.513/99. 30 Projet de loi de programme des engagements du Grenelle Environnement, ou «Grenelle 1» (adopté par l AN le 21 octobre 2008 et par le Sénat le 10 février 2009) ; projet de loi de transition environnementale dit Grenelle 2 (déposé en novembre 2008 au Conseil d État). 31 Pour plus de développements sur ce point, voir M.-P. BLIN et I. DESBARATS, «Le droit des affaires saisi par le développement durable», in La modernisation du droit des affaires, 2007, Litec, p. 89-109. 32 Sur cette distinction, A. SOBZACK, «Le cadre juridique de la responsabilité sociale des entreprises en Europe et aux États- Unis», D Soc 2002, p. 806. 7