Les anciens tramways de Tours : le réseau urbain et suburbain de 1874 à 1948. Dès 1874, la ville de Tours parle de la création d un tramway. Des enquêtes publiques sont menées, des voix de protestations s élèvent mais finalement, après la présentation de plusieurs projets, c est le réseau de voies ferrées tracté par des chevaux et proposé par l entrepreneur belge, Frédéric de la Hault, qui est retenu. Le 8 juillet 1877, le tramway de Tours est inauguré. En 1879, ce petit réseau est repris par la Compagnie Générale Française des Tramways (C.G.F.T.). Lettre à-entête de la Compagnie Générale Française des Tramways (C.G.F.T.), (A.D.I.L., S 3114) En 1889, un autre exploitant, la Société de Tramways à Vapeur de Tours à Vouvray propose le prolongement du réseau urbain jusqu'à Vouvray en longeant la Loire, sur 7,6 km, avec des rames tractées par des locomotives à vapeur empruntant les voies posées par la CGFT sur la traversée de la Loire.
Lettre à en-tête de la Société de Tramways à Vapeur de Tours (A.D.I.L., S 3188) D où vient l idée de la création de ce premier réseau de tramway suburbain? A la belle saison de nombreux tourangeaux vont danser dans les guinguettes. Ils empruntent des voitures publiques assurant les liaisons plus ou moins régulières entre les deux villes. Un service de bateau à vapeur effectue également le trajet entre Tours et Vouvray en une petite heure lorsque le niveau de la Loire le permet. Un des exploitants de voitures, M. Davenat entreprend alors de transporter en tramway et de manière plus régulière à la fois les promeneurs dominicaux et les usagers de la semaine habitant tout le long du parcours (Tours, Saint- Symphorien, Sainte-Radegonde, Marmoutier, Saint-Georges, Rochecorbon, Les Pâtys, Vouvray).
Une semaine en Touraine : Guide du touriste suivi de l indicateur des Chemins de fer, imprimerie la Tourangelle, 1898 (A.D.IL. In 16 59). Deux exploitants sont à l origine du réseau des transports en commun de Tours : la Société de Tramway à Vapeur pour la ligne Tours-Vouvray et la Compagnie Générale Française de Tramways qui a repris le réseau de la Ville de Tours. Ces deux compagnies sont réunies en 1898 pour former la Compagnie des tramways de Tours.
Lettre à en-tête de la Compagnie des Tramways de Tours, (A.D.I.L, S 3067) C est elle qui crée le réseau de tramways composé de cinq lignes urbaines et de 3 lignes suburbaines : Tours (Place Anatole France) - Vouvray ; Tours (Place du Palais) - Saint-Avertin, ligne qui sera prolongée jusqu à Véretz et Azay-sur Cher ; Tours (Place de Choiseul)- Mareuil - Luynes et Mareuil - Fondettes. Inauguration des tramways à Azay-sur-Cher en 1912. Carte postale (A.D.I.L. 10 Fi 15/028)
Carte postale (A.D.I.L., 10 Fi 15/029) Carte postale (A.D.I.L. 10 Fi 208/48)
Carte postale (A.D.I.L. 10 Fi 208/068) À Sainte-Radegonde avec sapeurs-pompiers et fanfare, [entre 1926 et 1950], (A.D.I.L., 5 Fi10442)
Les travaux d'électrification commencent en 1898 et s'achèvent en 1901. En revanche, la ligne de Vouvray conserve encore ses tramways à vapeur. Après 1918, le réseau connaît des difficultés financières qui incitent à la réduction des services non rentables. Dès 1919, une ligne de tramway est supprimée. La situation reste médiocre durant toutes les années 20 et s'aggrave avec l'apparition en 1931, de services routiers qui viennent concurrencer les tramways suburbains. Le vieillissement du matériel roulant ne permet pas de faire face à cette concurrence. Le 1er septembre 1932, les tramways suburbains sont remplacés par des autobus sur trois lignes. Après la libération de la ville, le 1er septembre 1944, la compagnie s'attache à remettre en état les installations endommagées. Durant quelques temps, le réseau est coupé en deux et un autobus assure la liaison entre les deux parties en traversant un pont provisoire. Cette situation dure jusqu'au 10 septembre 1947. On peut voir sur ces photographies les lignes de l ancien tramway dans ces derniers jours en 1949. Tours en mai 1949. (A.D.I.L., 5 Fi 13258)
Tours en mai 1949. (A.D.I.L., 5 Fi 13259) En effet, le matériel de tramway présente un état de délabrement avancé. Sa modernisation n'est pas envisagée et le tramway disparaitra de Tours en 1949. Les cartes postales, les estampes et photographies, ici présentés ne sont qu un petit échantillon parmi d autres documents iconographiques, visibles dans la base Images de Touraine [lien]. Elles illustrent la présence du tramway dans le tissu urbain et rural comme dans les communes d Azay-sur-Cher, Vouvray.à différentes époques tandis que les documents d archives conservés en série S provenant des fonds de la préfecture et des Ponts et Chaussées, concernent pour la période entre 1874 et 1940, les débats et les projets aboutis ou non du raccordement du réseau urbain aux lignes suburbaines et au réseau de chemin de fer d intérêt local, gérés par le Département.
Il ne s agit pas uniquement de dossier de travaux mais aussi de fonctionnement ou de.dysfonctionnement des tramways avec des comptes rendus d exploitation ou des plaintes de voyageurs mais aussi des dossiers de personnel (agréments de wattmen) ou vote de tarifs. Ainsi, dans un cahier des charges de 1900, on peut comparer les prestations proposées selon un voyage en 1 ère ou seconde classe : les prix du voyage sont en centimes de francs. Cahier des charges de 1900 de la Compagnie des Tramways de Tours (A.D.I.L. S 3026) Les conducteurs de tramway sont recrutés après enquête sur leurs bonnes mœurs et après présentation d un extrait de casier judiciaire, le milieu est très masculin mais période de guerre oblige, une femme est nommée en 1916, une «wattwoman «(le vocabulaire de la profession se féminise).
Agréments d un wattman et d une wattwoman : épouse Maloisel, (A.D.I.L., S 3039). nomination de Georgina Marie Anna Crossin, Parmi les plaintes de voyageurs, on peut constater les retards récurrents, les problèmes techniques ou incidents sur la voie mais aussi des aléas qui nous paraissent aujourd hui d un autre temps. Ainsi, dans un extrait de plainte en date du 2 novembre 1903 (A.D.I.L., S 3044), on peut lire les faits suivants : «J ai pris hier soir, 1 er novembre, au point dit Beaujardin, à 5h50 environ le tramway venant de Fondettes. Arrivé au croisement situé à 15 mètres de là environ, le mécanicien s aperçut que sa machine n avit plus d eau ne pouvait en faire à la Loire, faute de seaux, le receveur doit partir à Tours sur une bicyclette obligeamment prêtée par un voyageur chercher uen machine de secours. Comme j avais à faire à Tours, j ai dû me faire rembourser les 0,35 centimes que j ai versés en montant en voiture. je réclame donc contre le matériel, car une machine partie de Fondettes ne doit pas manquer d eau. De plus, s il n y avait pas eu de bicyclette dans le train, à quelle heure les voyageurs auraient-ils pu arriver?» [signé : R. Liéron, 34 rue des halles, Tours]
S il évidemment est plus facile de trouver des récits de voyageurs déçus que des éloges du tramway, qui malgré tout était très emprunté et qui était indéniablement aussi un moyen de locomotion agréable pour les visiteurs de la Touraine, on peut lire des éloges de celui-ci dans le Guide illustré du touriste «Une semaine en Touraine» de 1898 : «La promenade a Vouvray est assurément la plus agréable de nos excursions suburbaines, surtout que depuis la création des tramways a jeté sur cette joyeuse route, l animation qui lui manquait autrefois». Ainsi malgré les réticences des habitants des communes concernées et les bouleversements créés par l arrivée des tramways dans les paysages urbains et les «campagnes», ils ont assuré pendant une trentaine d années les liaisons entre Tours et sa banlieue (terme déjà utilisé dans les documents de l époque). Ils n ont pas résisté à la concurrence d un autre transport en commun, l autobus, plus «polluant» dirait-on aujourd hui.