Il faut avant tout faire une introduction, un historique et préciser que nous parlons du Niger. Cette technique est probablement applicable dans d autres pays mais pour chaque zone il faudra analyser le contenu de la poubelle. Au Niger la poubelle contient 50% de terre. Cela est dû plus particulièrement à un objet très dangereux qui est le balai traditionnel. Dans le temps on étalait dans les cours une couche de terre latéritique. On la mouillait avec de l eau résultant d une décoction de «neeré» ou de «bagaroua» et on damait avec des dames en bois jusqu à obtenir une espèce de ciment naturel sur lequel passait le balai pour ôter les poussières. Aujourd hui les cours sont de simple terre et le balai traditionnel enlève environ 1 mm de terre à chaque passage, avec comme résultat premier un abaissement du niveau de la cour. Cette terre se retrouve dans la poubelle, les cours et les rues en saison des pluies deviennent des étangs. En plus de la terre, dans la poubelle du Niger on trouve quelques matières organiques, des matériaux ferreux, un peu de vitres et le fameux plastique. La matière organique, y compris les papiers (ceux qui ne sont pas récupéré pour servir d emballages divers) pourrait être, avec la terre, enfouie dans des trous à l intérieur même de la cour. Un trou d environ un mètre cube peut recevoir les matières organiques d une famille moyenne pendant toute une année si on y jette de temps en temps un seau d eaux usées (qui ne se sera plus jetée ainsi dans la rue). Après une année on creuse un nouveau trou en recouvrant l ancien. L année d après on redécouvre l ancien trou et on utilise son contenu comme très bon engrais en le libérant des déchets transformés en terreau et en le préparant ainsi à recevoir des nouvelles matières. Si on enlève la terre et la matière organique il reste le fer, les vitres et le plastique. Le fer est totalement récupéré pour transformation. Il en est ainsi de tout ce qui est pot ou bouteille, en plastique ou en vitre et de tout ce qui est plastique en PVC (chaussures, bassines, etc.). Le fer est réutilisé pour diverses fabrications et les rebuts sont lentement entassés jusqu à en faire des cargaisons qui partent vers les fonderies du Nigeria. Le même chemin est pris par tout ce qui est pot, bouteille et PVC. Les fragments de vitres pourraient être mieux récupérés (ils le sont en partie) pour la fabrication de protections sur les murs d enceinte des maisons. Il ne reste que le plastique des sachets, du polyéthylène et du polypropylène. Nous commençons par dire que ces deux plastiques n émettent pas des substances nocives lors de leur incinération, pas plus que lorsqu on brûle du papier ou du bois. Dans notre cas ils se révèlent même utiles. 1
Nous avons commencé, il y a quelques années, à récupérer ces sachets pour une utilisation comme énergie auprès de la briqueterie de Saga (qui produit des briques rouges en argile cuite). Cette utilisation se poursuit à un rythme moins élevé qu à ses débuts pour éviter des taches noires sur les briques ce qui nuit, semble t il, à leur commercialisation. Nous avons essayé aussi de transformer les sachets en poudre utilisable par certains fours industriels) avec un processus qui débutait par une réduction en agglomérés à travers une vis sans fin chauffante. Le processus se poursuivait par le broyage des agglomérés et leur réduction en poudre. Malheureusement ce processus s est révélé très peu intéressant parce qu on consommait trop d énergie fossile (un gros moteurs à gas-oil) pour la transformation. Nous avons fabriqué des cordes, ce qui est décrit sur le site web, mais cela n utilise que très peu de plastique, peut-être 2 à 3% des sachets. En plus les opérations sont longues et coûteuses : choix des sachets encore en bon état, lavage, découpe en bandelettes 2
Nous avons aussi fabriqué des fours à cuisson à chauffage indirect. Comme dans les modernes fours à pain, le feu n est pas en contact direct avec l aliment en cuisson. Le feu circule tout autour du four sans toucher aux aliments qui sont cuits par la chaleur émise par la tôle qui entoure les aliments. Cela marche très bien mais demande un entretien assez méticuleux pour découvrir et réparer les éventuels trous qui se créeront forcement après un certain temps. Tout entretien un peu important demande en plus la démolition du four et sa reconstruction. Tout en étant en terre et donc assez facile à reconstruire, il est peu évident que cet entretien serait fait correctement. Nous avons aussi tenté la fabrication de tubes et autres objets. Le dernier essai à été fait en tentant le mélange de sable avec des sachets en fusion. Grâce à Internet j avais lu que cela se faisait au Tchad mais en utilisant un demi-tonneau. J ai tout de suite pensé que cela, vu la forme cylindrique du tonneau, portait à des difficultés énormes pour «mélanger» les composants. En plus le tonneau, posé sur des pierres, dégageait des fumées molestes pour les travailleurs. Nous avons donc utilisé ces fonds de tonneaux qui sont transformés en abreuvoirs pour le bétail par les forgerons qui, à la force du marteau, produisent une cuvette à partir d un disque en tôle. Cette cuvette métallique est fixée sur un four en terre, derrière lequel se lève une cheminée en tôle légère enroulée mais autant haute que possible. Les sachets les plus sales servent de combustible et les moins sales sont fondus et mélangés à du sable pour en faire des pavés. Cela marche très bien pour le moment même si nous avons dû acquérir «l expérience du toucher». Nous avions commencé par des essais à petite échelle et nous étions arrivés à dire : 40% de plastique et 60% de sable. 3
Dans la réalité cela n est pas vrai! Ce n est que l expérience qui dicte le mélange et son temps de permanence dans la cuvette. Si les sachets sont vieux il en faut plus, s ils sont «frais» il en faut moins. Le mélange doit arriver à un point de plasticité précis avant d être moulé. S il reste trop peu ça ne colle pas, s il reste trop longtemps les propriétés de liant du plastique se perdent en séchant. Un grand coup de marteau sur chaque pavé après refroidissement sélectionne les bons à garder et les mauvais à jeter. Le processus est en principe très simple. Quand le plastique commence à fondre, on ajoute le sable tout en remuant avec une petite pelle à angle droit (le même type de pelle qui était utilisée en Europe pour mélanger la chaux liquide éteinte au sable). Dès que la quantité de sable prévue est atteinte et le mélange est homogène on prend le mélange à la truelle et on le met dans des moules qui sont les mêmes que ceux utilisés pour fabriquer les pavés en ciment vibré. Pendant que le mélange est encore mou, on presse très rapidement à la main pour que la pâte remplisse bien le moule. On laisse refroidir et on démoule. La quantité de moules nécessaire est assez importante et les temps de refroidissement sont assez longs. Nous avons testé un certain nombre de pavés à des périodes différentes auprès du laboratoire des travaux publics. Leur résistance à l écrasement est égale à celle des pavés en ciment. Nous ne savons pas quelle sera la résistance au frottement. Nous essayé ces pavés sur les routes il y a trois mois. Les résultats sont excellents pour le moment. Nous sommes de toute façon certains que la résistance est tout à fait suffisante pour en faire des trottoirs et autres bordures de caniveaux. Des essais sont en cours pour produire d autres objets utilitaires et aussi pour améliorer le processus de fusion. 4
On nous a demandé si on ne pouvait pas moderniser le système. Impossible selon nous. Dès qu on introduit par exemple une vis sans fin chauffante, il faudrait que celle-ci soit recouverte de métaux durs comme le titane. Une vis en fer ne coûterait pas grand chose mais serait rapidement usée par le sable. Et ainsi de suite. Les coûts deviendraient vite prohibitifs. Ce dont nous sommes certains c est que ce processus permet D ELIMINER TOUS LES SACHETS, les sales vont dans le four comme énergie, les moins sales à la fusion. Ce dont nous sommes certains c est que cela utilise beaucoup de main d œuvre : deux personnes par four. Dix fours égal à 20 emplois! Ce dont nous sommes moins certains c est la rentabilité finale, à savoir si une micro entreprise peut vivre de cette transformation. Nous espérons que les pouvoirs publics et les donateurs, qui savent très bien que, même en Europe, la transformation des déchets n est pas rentable, mettront la main à la poche pour une opération qui peut être développée sur tout le pays, qui peut donner des centaines d emplois et qui éliminerait tous les sachets plastiques. La balle est dans leur camp! Nous espérons que les pouvoirs publics et les donateurs vont financer des rues ou des trottoirs en mettant comme condition qu elles soient couvertes avec des pavés en plastique et sable. Nous ne leur demandons pas de faire des cadeaux mais de payer le mètre carré de pavés à 6.000 cfa (le mètre carré des pavés en ciment est vendu entre 5.200 et 5.600 cfa). Une rue de 6 mètres de largeur et 1000 mètres de longueur va utiliser 300.000 pavés. Pour faire deux mètres carrés de pavés il faut deux personnes, un four et un jour de travail. Pour 6000 mètres carrés on pourra payer 20 manœuvres pendant 150 jours à 1000 cfa par jour. Et on consommera environ 7.500 kg de sachets plastique, soit 7 tonnes et demi, pour fabriquer les pavés et on en consommera presque le double pour les fondre. La fabrication de 300.000 pavés détruira donc plus de 20 tonnes de sachets. Et ce n est pas le sable quoi manque au Niger! Qui dit mieux? 5