Jean-Marc DUPRE Quel beau métier! La kinésithérapie par le rire
Jean-Marc DUPRE, 2018 ISBN numérique : 979-10-262-1874-6 Courriel : contact@librinova.com Internet : www.librinova.com Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Préambule Rien, non vraiment rien, ne me prédestinait à devenir masseur kinésithérapeute. Je suis tombé dans la «kiné» par hasard sans vraiment savoir ce que c était et surtout sans savoir si ça me plairait. Je n avais, jusqu à ce jour, jamais eu à faire à un kiné ni pour une gym corrective, ni pour une entorse ou un quelconque traumatisme sportif. Seul l enthousiasme de mon frère qui est déjà en deuxième année de cette formation m incite à présenter le concours d entrée.
C est donc pendant mon année de service militaire que je prépare le soir mes fiches de travail relatives au programme de ce fameux concours qui doit avoir lieu au mois d avril. Les résultats publiés au mois de juin me confirment mon inscription pour la rentrée prochaine. Du jour où j ai mis le doigt dans la kinésithérapie, je n ai jamais regretté mon choix. Les études m ont passionné, l exercice de mon art m a passionné, j ai adoré ensuite ma fonction de formateur. Tout au long de ma vie professionnelle j ai rencontré des gens formidables, tous m ont aidé à progresser. Chacun à sa manière m a aidé à supporter des situations parfois insupportables, à garder le sourire dans les moments difficiles, à me dépasser quand la cause en valait la peine. Tout au long de ma vie professionnelle, j ai pris des notes ; des notes pour m instruire, des notes pour me souvenir. Me souvenir de situations, d anecdotes, de personnes, de ceux qui m ont fait rire, de ceux qui m ont fait pleurer, de ceux qui m ont fait pleurer de rire J avais en permanence dans ma poche de blouse un petit carnet sur lequel, pendant toutes ces années, j ai noté tout ce que je ne voulais pas oublier. Oublier ce et ceux qui ont fait que j ai eu un beau métier. Je remercie à ce titre, mes collègues de travail, les enfants du centre de rééducation et tous mes patients que je respecte et pour qui j ai toujours eu beaucoup d estime. Sans eux, tout ce que j écris aujourd hui n existerait pas ; qu ils soient remerciés pour leur participation. Aujourd hui je ressors mon petit carnet pour partager avec vous quelques moments délicieux. Que tous mes amis, patients et autres, même s ils se reconnaissent, ne voient dans mes propos aucune manifestation d irrespect à leur égard, mais uniquement la preuve d une reconnaissance infinie pour ce qu ils m ont apporté.
Qu ils en soient tous remerciés aujourd hui.
Vive la rentrée! «Monsieur Dupré, vous n avez pas payé le deuxième semestre de votre scolarité je vous rappelle que vous devez régler la moitié de votre scolarité lors de votre inscription et que l autre moitié doit être réglée le jour de la rentrée.» Nous sommes le 2 octobre 1971 et je découvre pour la première fois le monde que je vais fréquenter pendant toute ma vie professionnelle : la Kinésithérapie. Je dois devenir masseur-kinésithérapeute, appellation très vite transformée en kinésithérapeute par mes confrères syndiqués qui devaient soi-disant défendre la profession de masseur, puis en kinési, puis en kiné, pour enfin devenir ki?...je vous le demande! Nous sommes donc le 2 octobre 1971 je rentre pour la première fois dans les locaux de l école des Enfants Malades et déjà je suis repéré ; on connaît mon nom, mon prénom, on sait que je suis un mauvais payeur. Il va falloir que je rentre dans le rang. Mais je ne suis pas le seul dans ce cas, nous sommes nombreux à être déjà repérés.elle sait tout sur nous, notre nom, notre âge, la profession des parents pour ceux qui en ont, le nom du représentant légal pour ceux qui n en n ont plus. Avant même que nous soyons kinési, même pas kiné, elle sait déjà qui est qui. Elle, c est madame Granpied, la secrétaire consciencieuse, qui a sacrifié ses congés d été pour apprendre par cœur le contenu complet de nos dossiers d inscription. Elle est capable en nous voyant dès le premier jour, de se remémorer notre photo et tel un menu déroulant vous ressortir la totalité de votre dossier scolaire, administratif ou médical. Grande belle femme à chignon choucroute années soixante, alors que
nous sommes déjà en 71, madame Granpied nous impressionne mais nous l admirons secrètement. Elle ne fait pourtant que son travail, elle est payée pour être au courant de tout. Elle est sous les ordres d une ancienne infirmière chef de l Assistance Publique, madame Biscotto qui a choisi de finir sa carrière en sévissant comme directrice administrative dans cet établissement renommé qu est l école de gymnastique médicale et de massage de l hôpital des Enfants Malades tout un programme! Au dire des anciens, madame Biscotto est beaucoup moins sévère que son prédécesseur madame Ray qui menait l école comme un adjudant de carrière mène un régiment. Elle avait une poigne d homme. Les choses s arrangent donc puisque d un adjudant nous sommes passés à une infirmière chef. Je constate que «chef» n a pas de féminin peut-être est-ce à cause du manque de féminité de ce personnel hospitalier.
Un monde nouveau. Dès le premier mois de formation je découvre avec plaisir que j ai choisi la bonne voie. Je ne sais pas si je serai un jour un bon kiné ni même kiné un jour, mais bon, l ambiance me plait. Nous sommes plus de cent dans cette promotion. Cent jeunes gens et jeunes filles qui vont vivre ensemble pendant trois ans dans un même et unique but d obtenir au bout de ces trois années le fameux sésame qui nous permettra tout au long de notre vie, de soulager, d écouter, de soigner des malades imaginaires ou réels, sans distinction des origines: comédiens ou tragédiens? Je découvre avec bonheur que nous sommes tous égaux pour affronter cette formation, tous aussi ignorants devant ces nouvelles matières que sont l anatomie, la physiologie, la pathologie et autre biomécanique ou cinésiologie dont les termes mêmes me permettent de rêver à la supériorité intellectuelle que je vais acquérir! Nous sommes tous égaux, tous sauf quelques étudiants de médecine qui se sont offerts le luxe de venir occuper nos rangs après un échec à une première année d études médicales, pensant probablement qu il vaut mieux être un mauvais kinésithérapeute qu un mauvais médecin. J aime toutes les matières enseignées. J admire déjà certains de mes enseignants dont la prestation sur l estrade devant le tableau noir ressemble plus à une tirade de Molière sur la scène de la Comédie française qu à une description détaillée d une épiphyse osseuse dont je devrai retenir la forme, la grosseur et le rapport avec les tubérosités voisines. À les voir et à les écouter prodiguer leur art, je sens germer l envie d un jour les imiter : un jour je serai enseignant! Parmi les matières que je préfère, il y a la Physiologie Articulaire ; rien
que le nom fait rêver : phy-sio-lo-gie ar-ti-cu-lai-re, ça sonne comme une omoplate 1! L enseignant, docteur en gymnastique médicale, je ne savais même pas que cela existait, nous explique comment les os se déplacent les uns par rapport aux autres, l action des muscles, les leviers utilisés dont les noms changent en fonction de leur point d appui, les amplitudes des mouvements, tant de choses que je sais être indispensables pour devenir un bon professionnel. J aime vraiment cette matière, j y consacre beaucoup de temps à faire des tableaux, des schémas, à apprendre par cœur certains paragraphes, à m inventer des moyens mnémotechniques pour retenir certaines listes de noms; le plus difficile étant d ailleurs de trouver une astuce pour se remémorer le moyen mnémotechnique. Je veux être le meilleur dans cette matière le jour de l examen. En décembre deux jours d examen, portant sur toutes les matières, sont prévus. Ma première note en physio articulaire est : 1/20 j aurais peut-être dû faire médecine!