par Jacques REY, Muriel HÉLALI & Claude BOU



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Transcription:

LES RESSOURCES EN EAU POTABLE ET LEUR PROTECTION DANS LE DÉPARTEMENT DU TARN par Jacques REY, Muriel HÉLALI & Claude BOU 5 et 19 0ctobre 2008

Cette manifestation a été réalisée dans le cadre de l Année Internationale de la Planète Terre avec la collaboration de : - Direction Régionale des Affaires Sanitaires et Sociales Midi-Pyrénées ; - Préfecture du Tarn ; - Laboratoire de Conservation du Patrimoine de l Université Paul Sabatier ; - Centre Universitaire François Champollion ; - Académie de Toulouse ; - Ville de Castres ; - Régie Eau Assainissement de la Ville de Graulhet ; - Amis des Sciences Naturelles du Tarn ; - Association des Géologues du Sud-Ouest ; - Société des eaux de Mont-Roucous ; - Véolia Eau ; - Gaillac Tourisme. Extraits des cartes géologiques de la France à 1/50 000, feuilles Le Vigan n 937, Najac n 906, Naucelle n 907, Villemur-sur-Tarn n 957, Gaillac n 958, Réalmont n 959. Extrait de la carte géologique de la France au 1/1 000 000, 6 ème édition. Extrait de la carte géologique de la France au 1/80 000, feuille de Castres. BRGM - www.brgm.fr - Autor. R08/19Ed. Extraits des cartes IGN Tarn. IGN France - 2008. 2

GÉNÉRALITÉS 3

GÉOLOGIE DU DÉPARTEMENT DU TARN Le Département du Tarn s étend sur deux domaines géologiques différents (figs. 1,2) : - à l Est, les terrains anciens du Massif Central - datant de l ère Primaire ou «Paléozoïque» -, composés de roches très variées : éruptives (granites du Sidobre, de la région d Anglès, de la Montagne Noire), métamorphiques (gneiss des Monts de Lacaune et de la Montagne Noire, micaschistes et schistes de l Albigeois, du Carmausin et de la Montagne Noire) et sédimentaires (calcaires, dolomies, grés, quartzites des régions de Viane, Montredon-Labessonié ou Dourgne). Toutes ces roches ont été intensément déformées lors du plissement hercynien, il y a 250 millions d années ; - à l Ouest, les terrains sédimentaires plus récents du Bassin d Aquitaine où l on peut distinguer : o des calcaires, dolomies marnes et grès du Permien, du Trias et du Jurassique qui affleurent au Nord Ouest du Département, dans la région de la Grésigne, et qui ont subi les effets du plissement pyrénéen (- 55 Ma) ; o des alternances de calcaires et de marnes (appelées «molasses») datant de l ère tertiaire ou «Cénozoïque», qui forment les paysages tabulaires caractéristiques du Gaillacois et du Pays Cordais. Ces roches s inclinent très faiblement avec une pente («pendage») de 2 à 3 vers le Sud Ouest, vers le centre du bassin d Aquitaine. Il apparaît à la base de cet ensemble une épaisse couche d argiles rouges à graviers et galets de quartz, les «Argiles à graviers de l Albigeois et du Carmausin». Ces argiles recouvrent les terrains hercyniens plissés (par exemple au Nord de Carmaux, à l Est d Albi, autour de Réalmont et entre Castres et Lafontasse) puis s enfoncent sous le bassin d Aquitaine, se trouvant ainsi à 300 m de profondeur à Graulhet et à 500 m de profondeur à Lavaur (fig. 1). Localement, des failles séparent les terrains hercyniens des Argiles à graviers (exemple : Saut du Sabo) ; Fig. 1. Relations entre les terrains hercyniens du Massif Central et les terrains tertiaires du Bassin d Aquitaine 4

o des plaines alluviales, composées de minces placages (4 à 10 m) de limons, sables graviers et galets apportés par les principales rivières du Département, notamment le Tarn, l Agout et le Dadou. Les alluvions sont disposés en plusieurs terrasses, s abaissant en gradins des bords des vallées aux lits des rivières actuels, à la suite des divagations des cours d eau et de leur encaissement progressif. Fig. 2. Géologie du Département du Tarn (extrait de la Carte Géologique de la France à 1/1 000 000) 5

LES PRINCIPAUX TYPES D AQUIFÈRES ET LEURS CARACTÉRISTIQUES 1 ) LES TROIS TYPES D AQUIFÈRES Toutes les eaux souterraines résultent de l infiltration d eaux météoriques (pluies, neiges). Elles sont stockées dans des réservoirs perméables ou «aquifères». On distingue trois types d aquifères en fonction de leur perméabilité (fig. 3) : - des aquifères poreux, à perméabilité d interstices, où l eau baigne tous les petits vides entre les grains de la roche. Ils correspondent généralement à des roches meubles (sables, graviers, galets) et abritent, par exemple, les nappes phréatiques des plaines alluviales ; - des aquifères fissurés où l eau circule entre les diverses fissures de la roche : plans de stratification, diaclases, failles, plans de schistosité. Ils sont constitués à partir de roches dures, pratiquement imperméables à l échelle de l échantillon, de toutes natures : calcaires, dolomies, grés, schistes, gneiss, granites - des aquifères karstiques, rencontrés dans les massifs de roches carbonatées (calcaires, dolomies). Suite à la dissolution et à l érosion par l action de l eau, les fissures initiales s élargissent et laissent la place à de larges conduits dans lesquels s écoulent les eaux, pouvant même former de véritables rivières souterraines. 2 ) NAPPES LIBRES ET NAPPES CAPTIVES Lorsque les aquifères sont directement alimentés par les infiltrations verticales des eaux de surface, on parle de nappe libre ou nappe phréatique. Lorsqu ils sont séparés de la surface du sol par un écran imperméable, on parle de nappe captive. 3 ) VITESSE D ÉCOULEMENT DES EAUX SOUTERRAINES La vitesse d écoulement des eaux souterraines varie considérablement en fonction du type de perméabilité de l aquifère : - dans les aquifères poreux, elle est de 2 à 3 m par jour ; - dans les aquifères fissurés elle est de 5 à 10 m par jour ; - dans les aquifères karstiques elle est de 500 m à 25 km par jour. 4 ) PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DES EAUX SOUTERRAINES Les caractéristiques des eaux souterraines dépendent de la composition chimique de l aquifère, de la vitesse d écoulement des eaux et de la profondeur du réservoir : 6

Fig. 3. Les trois principaux types d aquifères - dans les granites, les gneiss et les schistes, les eaux sont acides (ph entre 5,5 et 6,5), corrosives, claires, très peu minéralisées et, si les conditions environnementales sont favorables, bactériologiquement pures (car les écoulements y sont lents) ; - dans les calcaires et les dolomies, les eaux sont alcalines (ph supérieur à 7), agressives, fortement minéralisées et calciques. Dans les aquifères karstiques, elles se troublent en période d orages par suite de la vidange des conduits souterrains. Ces eaux n y 7

subissent pas d épuration bactériologique dans le sous-sol car les écoulements y sont trop rapides ; - dans les nappes alluviales, les eaux sont neutres, claires, moyennement minéralisées et bactériologiquement épurées lors de leur circulation souterraine ; - dans les nappes captives profondes, les eaux sont neutres, chaudes, excessivement minéralisées et bactériologiquement pures. LES RESSOURCES EN EAUX SOUTERRAINES DANS LE TARN Nous évoquerons ici les principaux types d eaux souterraines exploitées dans le Département du Tarn. 1 ) AQUIFÈRES GRANITIQUES Fig. 4. Exemple d aquifère granitique dans le Sidobre 8

En pays granitique, les granites s altèrent superficiellement sous l action de l eau pour former un sable («arène granitique») qui emballe des boules de roche saine préservée (fig. 4). En profondeur, la roche est découpée par des fissures partiellement comblées de sable ou de granite altéré. Ce type d aquifère est donc à la fois poreux et fissuré. Plus bas, la roche devient massive, compacte, pratiquement imperméable. Ainsi, le principal aquifère en pays granitique est constitué par l arène. Les eaux baignent la base de ce sable, en circulant lentement entre les boules de granite. Elles s accumulent dans les points bas, formant des zones marécageuses, ou bien elles alimentent les sources lorsque le plan de contact entre l arène est recoupé par la surface topographique. Ce type de ressource est fréquemment exploité dans le Tarn (Sidobre, région d Anglès, Arfons, Mazamet ). Exceptionnellement, des sources peuvent apparaître sur des versants, à l intersection d importantes fissures. On peut aussi rechercher à atteindre le réservoir par des forages atteignant des réseaux de faille dans la roche. 2 ) AQUIFÈRES SCHISTEUX Fig. 5. Exemple d aquifère schisteux dans l Est Albigeois 9

Les schistes (et roches métamorphiques apparentées) sont des roches qui présentent uns forte fragmentation et fissuration dans la partie la plus proche du sol (fig. 5). En profondeur, elles deviennent beaucoup plus massives et compactes. En surface, elles sont souvent recouvertes de fins éboulis, à cailloutis dispersés, constituant des «colluvions». Elles constituent donc un aquifère poreux (superficiellement) et fissuré (à faible profondeur). Les eaux météoriques qui tombent sur ces terrains circulent dans les colluvions et dans l horizon de schistes fragmentés, conformément aux pentes des surfaces topographiques. Elles reviennent en surface à la faveur de seuils rocheux (par exemple de filons de quartz) où dans les fonds de vallons où elles saturent les colluvions. Ce type de ressource est très fréquemment exploité dans l Est albigeois. Exceptionnellement, des forages peuvent atteindre des eaux plus profondes, dans des zones où les schistes sont particulièrement fracturés et fissurés. 3 ) AQUIFÈRES KARSTIQUES Fig. 6. Exemple d aquifère karstique dans la Grésigne et résurgence de Notre-Dame-de-Livron (Tarn-et-Garonne) 10

Les principaux aquifères karstiques du Département du Tarn sont constitués : - d une part par les calcaires cambriens (-540 à -500 Ma) qui affleurent dans les Monts de Lacaune ou dans la Montagne Noire ; - d autre part par les calcaires jurassiques (-200 à -150 Ma) qui sont connus dans la région de la Grésigne. Les eaux pénètrent dans le sous-sol par des fissures de la roche, des dolines, des avens ou des pertes de ruisseau. Elles descendent jusqu au plancher de l aquifère qui est composé de terrains imperméables (marnes ou schistes), puis circulent en profondeur en suivant les pentes du plan de contact entre terrains perméables et imperméables. Les directions des écoulements souterrains sont donc contrôlées, non par la topographie mais par la géométrie et les déformations des masses rocheuses dans le sous-sol. Elles reviennent en surface lorsque la base de l aquifère est recoupée par la surface topographique ou au niveau des vallées actuelles (Aveyron, Cérou ) 4 ) AQUIFÈRES MULTI-COUCHES Fig. 7. Exemple d aquifère multi-couches dans le pays cordais Dans la région de Gaillac et du pays cordais, les terrains sédimentaires horizontaux du Tertiaire, datant de -40 à -30 Ma, sont composés d une alternance de barres calcaires, épaisses de 5 à 10 m, et de couches de marnes (fig. 7). Les calcaires sont fissurés, localement karstifiés. Les eaux qui tombent sur les plateaux calcaires s infiltrent jusqu à la base des bancs calcaires. A la faveur de failles qui décalent verticalement les couches, les eaux peuvent passer d un niveau calcaire à l autre. Elles ressortent sur les versants des vallées où les barres calcaires sont entaillées par la surface topographique. Souvent, l émergence vraie est masquée par des éboulis et les eaux arrivent en surface par des émergences descendues à la base des éboulis. De telles sources, de faible débit, sont captées dans la région de Cordes (Souel) et dans la vallée de la Vère (Villeneuve-sur-Vère, Noailles ). 11

5 ) AQUIFÈRES ALLUVIAUX Fig. 8. Les divers types d aquifères alluviaux et affleurement de nappe phréatique à Saint-Paul-Cap-de-Joux Dans la partie occidentale du département du Tarn, les vallées sont généralement encaissées dans des marnes imperméables du Tertiaire. Elles sont recouvertes de placages d alluvions qui sont toujours composées de 2 termes : - un terme inférieur de sables, graviers et galets ; - un terme supérieur de limons. La couche de sables, graviers et galets constitue un excellent aquifère poreux qui est alimenté par l infiltration des eaux météoriques sur la surface de la plaine ainsi que par les ruissellements sur les 12

versants de la vallée. Cet aquifère abrite une nappe phréatique dont le plancher de l aquifère est constitué par les marnes imperméables (fig. 8). Les eaux s écoulent lentement de l amont vers l aval de la vallée et des versant vers le lit du cours d eau. Elles sautent d une terrasse alluviale à l autre, au niveau de talus jalonnés de sources (exemples : sources de Ladin et du Griffoulet, à Lisle-sur-Tarn). Lorsque les alluvions sont décapées par des gravières ou entaillées par de profonds fossés, la nappe phréatique arrive au jour. Les relations avec les cours d eau actuels sont de 2 types (fig. 8) : - ou bien le lit actuel est très encaissé par rapport à sa plaine, atteignant le plancher de marnes imperméables (Tarn, Agout, Dadou). En ce cas, la nappe dite «suspendue»- revient en surface par des sources qui jalonnent les falaises des berges et alimente la rivière ; - ou bien le lit actuel, peu profond, n est ouvert que dans les alluvions (Vère, Sor). En ce cas, la nappe dite «d accompagnement» - et en échange hydraulique avec la rivière. En période d étiage de la rivière, les eaux de la nappe alimentent la rivière. En période de hautes eaux de la rivière, les eaux du cours d eau alimentent la nappe. 6 ) NAPPES CAPTIVES Dans le Département du Tarn, la principale nappe captive est la «nappe infra-molassique» qui baigne les «Argiles à graviers de l Albigeois et du Carmausin» (fig. 9). Elle est alimentée par les pluies qui tombent sur les affleurements de ces argiles aux environs de Carmaux, Albi ou Réalmont. Les eaux circulent très lentement vers le centre du Bassin d Aquitaine (vers le Sud Ouest) et sont rapidement piégées par le recouvrement des marnes imperméables du Tertiaire. Seuls des forages artésiens permettent d exploiter ces eaux (exemple : forage Weishart, à Graulhet, où le plancher de l aquifère est à 300 m de profondeur). Dans la région de Toulouse, la nappe infra-molassique se trouve à 700 m 800 m de profondeur. Les eaux ainsi captées datent de plusieurs milliers d années et leur renouvellement est très lent. Il faut donc être très attentif à ne pas surexploiter cette ressource. Fig. 9. La nappe captive infra-molassique 13

LES RESSOURCES EN EAUX SUPERFICIELLES DANS LE TARN 1 ) NATURE Les collectivités du Département du Tarn utilisent 3 types de ressources d eau potable : - les lacs de barrages (les Cammazes, La Roucarié, Fontbonne, Rassisse, la Bancalié, Miquelou). Ces ouvrages, qui sont de capacités très variées - de 19 millions de m 3 (les Cammazes, fig. 10) à 513 000 m 3 (Miquelou) -, constituent les principales réserves en eau du Département ; - les grandes rivières (Tarn, Agout, Dadou, Viaur), avec des prises d eau sur berges (fig. 11) ou au fil de l eau, généralement implantées en amont de retenues qui permettent d en régulariser le débit. Ces ouvrages desservent de nombreuses agglomérations établies à proximité de leurs berges (Albi, Arthès, Castres, Gaillac, Rabastens, Graulhet, Pampelonne ) ; - les petites rivières et torrents de montagne, souvent exploités pour l alimentation de petites collectivités à partir de prises d eau installées dans des zones relativement sauvages et boisées (fig. 12). Fig. 10. Vue du barrage des Cammazes 14

Fig. 11. Prise d eau sur le Tarn, à Arthès Fig. 12. Prise d eau sur la Durencuse, à Saint-Salvy-de-la-Balme 2 ) PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DES EAUX SUPERFICIELLES Les caractéristiques chimiques des eaux sont influencées par la composition géologique du bassin versant : eaux acides en pays granitiques ou schisteux, alcalines et calciques en pays calcaires..etc. Ce sont des eaux qui se troublent fortement en période d orages par lessivage des sols. Elles sont, 15

en général, moyennement minéralisées. Comme elles ne traversent pas de filtres naturels, elles sont très vulnérables à toutes les pollutions bactériologiques et chimiques. LA PROTECTION DES EAUX POTABLES La maîtrise des risques sanitaires liés à la production d'eau potable exige une vigilance depuis la ressource jusqu'au robinet du consommateur. Les périmètres de protection correspondent à un zonage établi autour des captages utilisés pour la production d'eau d'alimentation en vue d'assurer la préservation de sa qualité. En complément aux indispensables actions générales de préservation du milieu, les périmètres de protection s'affirment comme l'outil privilégié pour prévenir et diminuer toute cause de pollution susceptible d'altérer la qualité des eaux prélevées. Ils sont définis sur la base de critères hydrogéologiques. Les périmètres de protection permettent également de réduire le risque de survenue de pollutions accidentelles de la ressource, situations dont les conséquences peuvent être importantes pour les collectivités (restriction des usages alimentaires de l'eau voire interruption de la distribution d'eau). Les périmètres de protection sont constitués de trois zones: 1 ) LE PÉRIMĖTRE DE PROTECTION IMMÉDIATE Il correspond à l'environnement proche du point d'eau (fig. 13). Il est acquis par la collectivité, clôturé et toute activité y est interdite. Il a pour fonctions principales d'empêcher la détérioration des ouvrages et d'éviter les déversements de substances polluantes à proximité immédiate du captage. Fig. 13. Exemple de périmètre de protection immédiate 16

2 ) LE PÉRIMĖTRE DE PROTECTION RAPPROCHÉE Il délimite un secteur, en général de quelques hectares, en principe calqué sur «la zone d'appel» du point d'eau (fig. 14). A l'intérieur de ce périmètre, toutes les activités susceptibles de provoquer une pollution sont interdites ou soumises à des prescriptions particulières (constructions, activités, rejets, dépôts, épandages,...). Fig. 14. Exemple de périmètre de protection rapprochée 3 ) LE PÉRIMĖTRE DE PROTECTION ÉLOIGNÉE ou Zone sensible à la pollution Il est créé si certaines activités sont susceptibles d'être à l'origine de pollutions importantes et lorsque des prescriptions particulières paraissent de nature à réduire significativement les risques sanitaires. Il correspond à la zone d'alimentation du point de captage d'eau, voire à l'ensemble du bassin versant (fig. 15). Fig. 15. Exemple de périmètre de protection éloignée 17

La protection des sites de captage d'eau entre souvent en conflit avec d'autres intérêts : voies de circulation, urbanisation, activités agricoles. C'est pourquoi l'arrêté préfectoral d'autorisation de prélèvement et d'institution des périmètres de protection fixe les servitudes de protection opposables aux tiers par déclaration d'utilité publique (DUP). Les périmètres de protection ont été rendus obligatoires pour tous les ouvrages de prélèvement d'eau d'alimentation par la loi sur l'eau du 3 janvier 1964. Ils sont proposés par un expert indépendant, l'hydrogéologue agréé en matière d'hygiène publique par le ministère chargé de la santé. Afin de faciliter l'instauration des périmètres de protection et d'en garantir l'efficacité, la loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004 donne la possibilité de ne créer qu'un périmètre de protection immédiate pour les captages d'eau qui bénéficient d'une bonne protection naturelle. Ces nouvelles dispositions législatives facilitent également la maîtrise foncière des zones intégrées dans les périmètres de protection d'eau en permettant aux collectivités locales de préempter les terrains concernés par la protection des ressources en eau. De plus, les collectivités locales propriétaires des terres, peuvent prescrire au preneur des modes d'utilisation du sol afin de préserver la qualité des ressources en eau. 18