Prévention de la maladie hémolytique du fœtus et du nouveau-né



Documents pareils
Tableau 1 : Valeurs normales de l hémoglobine chez les nouveau-nés. Taux d hémoglobine (g/l) moyen (- 2 ET) Prématuré De 1,0 à 1,5 kg

FICHE D INFORMATION AVANT UNE TRANSFUSION

Maladie hémolytique du nouveau né. Dr Emmanuel RIGAL Unité d hématologie transfusionelle GENEVE Présentation du 13 janvier 2012.

LES DIFFERENTS PSL : qualifications, transformations et leurs indications

CATALOGUE DES FORMATIONS

La planification familiale

LE DIRECTEUR GENERAL DE LA SANTE LE DIRECTEUR DE L'HOSPITALISATION ET DE L'ORGANISATION DES SOINS

Transfusions sanguines, greffes et transplantations

L incompatibilité immunologique érythrocytaire

DON DE SANG. Label Don de Soi

Sang, plasma, plaquettes...

Exposé sur la Transfusion Sanguine

WHA63.12 Disponibilité, innocuité et qualité des produits sanguins 4,5

Information à un nouveau donneur de cellules souches du sang

La Greffe de Cellules Souches Hématopoïétiques

Transfusion Sanguine et Produits dérivés du sang : indications, complication. Hémovigilance (178) Ph. De Micco Avril 2005

SAUVEZ UNE VIE... EN DONNANT LA VIE!

Sang, plasma, plaquettes...

AIDE MÉMOIRE DE PROMOTION DU DON DE SANG

MINISTERE DE LA SANTE ET DES SOLIDARITES DIRECTION GENERALE DE LA SANTE- DDASS DE SEINE MARITIME

Test direct à l Antiglobuline (TDA ou Coombs direct)

Coombs direct positif (et tout ce qui se cache derrière) : Gestion et interprétation. Dr J.C. Osselaer, Luxembourg,

Que sont les. inhibiteurs?

Guide Classes CM1-CM2

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE AVIS. 18 janvier 2006

PLAN D ACTION POUR ACCELER LA REDUCTION DE LA MORTALITE MATERNELLE ET NEONATALE

Lundis de la Santé - Brest 12 Décembre Tabac et Grossesse M. COLLET

Le don de moelle osseuse :

Projet de grossesse : informations, messages de prévention, examens à proposer

I- L ÉTABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG ÎLE-DE- FRANCE, ACTEUR MAJEUR DE SANTÉ PUBLIQUE

L observation des aspects non techniques d une simulation

LES BONNES PRATIQUES TRANSFUSIONNELLES

À compter de 2010 les codes du chapitre XVI ne doivent plus être employés au-delà de 2 ans. Créé le 1 er Mars 2011

ROTARY INTERNATIONAL District 1780 Rhône-Alpes Mont-Blanc Don volontaire de cellules souches

Campagne nationale pour l élimination des fistules obstétricales en Mauritanie

+ Questions et réponses

MANUEL D AIDE A LA FORMATION EN TRANSFUSION SANGUINE

Le don de cellules souches. M.Lambermont Pascale Van Muylder

Leucémies de l enfant et de l adolescent

AMAMI Anaïs 3 C LORDEL Maryne. Les dons de cellules & de tissus.

AUTOUR DE LA MISE BAS

Zone de commentaires. Convention EFS / ES ( document à joindre) II, Les systèmes d'information OUI NON NC Zone de commentaires. Zone de commentaires

Le Don de Moelle Ça fait pas d mal!

L AUTOGREFFE QUELQUES EXPLICATIONS

TEST DE DÉPISTAGE DE L IMMUNITÉ CONTRE LE

TRAIT FALCIFORME. Clinique spécialisée d hématologie pédiatrique

LIGNES DIRECTRICES CLINIQUES TOUT AU LONG DU CONTINUUM DE SOINS : Objectif de ce chapitre. 6.1 Introduction 86

Tout ce qu il faut savoir sur le don de moelle osseuse

Guide de Mobilisation. de cellules souches pour mon. Autogreffe AVEC LE SOUTIEN DE. Carnet d informations et de suivi pour le patient et sa famille

Évolution des pratiques vaccinales : 3. vaccination après la grossesse

Streptocoque B :apports des tests en fin de grossesse, nouvelles propositions.

des banques pour la recherche

DÉFICITS IMMUNITAIRE COMMUN VARIABLE

B MIS À JOUR EN MARS 2013

Le test de dépistage qui a été pratiqué à la

PRISE EN CHARGE DES PRE ECLAMPSIES. Jérôme KOUTSOULIS. IADE DAR CHU Kremlin-Bicêtre. 94 Gérard CORSIA. PH DAR CHU Pitié-Salpétrière.

I - CLASSIFICATION DU DIABETE SUCRE

Accidents des anticoagulants

Mise en banque du sang de cordon ombilical : Implications pour les fournisseurs de soins périnatals

Direction des risques biologiques, environnementaux et occupationnels Institut national de santé publique du Québec

L assurance maternité des femmes chefs d entreprises et des conjointes collaboratrices. Édition 2013

ANEMIE ET THROMBOPENIE CHEZ LES PATIENTS ATTEINTS D UN CANCER

F us u ses c ouc u he h s s po p nt n a t né n es J. L J. an sac CHU H T ou

RÉFÉRENCES ET RECOMMANDATIONS MEDICALES

Qu est-ce que la maladie de Huntington?

Mise à jour du dossier de presse du 2 février 1999 «Organisation d un réseau de sang placentaire en France»

Nous avons tous un don qui peut sauver une vie. D e v e n i r. donneur de moelle. osseuse

QU EST-CE QUE LA PROPHYLAXIE?

Décidezvous. Sinon, vos proches devront le faire pour vous. Informations sur le don d organes, de tissus et de cellules en cas de décès.

Traitement de l insuffisance rénale chronique terminale: Place de la greffe de donneur vivant

Principales causes de décès selon le groupe d âge et plus

sur la valve mitrale À propos de l insuffisance mitrale et du traitement par implantation de clip

Dépistage drépanocytose. Édition 2009

vaccin pneumococcique polyosidique conjugué (13-valent, adsorbé)

En considérant que l effet anticoagulant du dabigatran débute dans les 2 heures suivant la prise du médicament :

Les anticoagulants. PM Garcia Sam Hamati. sofomec 2008

Le don de moelle osseuse

Des soins après avortement : Amis des Jeunes. Cartes à conseils 1-6

INFORMATIONS pour le médecin qui contrôle et complète le formulaire

Dossier de presse. Le don de sang sur les lieux fixes de collecte. Juin Contact presse :

ACADÉMIE NATIONALE DE MÉDECINE 16, RUE BONAPARTE PARIS CEDEX 06 TÉL : FAX :

Informations sur le rivaroxaban (Xarelto md ) et l apixaban (Eliquis md )

Diagnostic des Hépatites virales B et C. P. Trimoulet Laboratoire de Virologie, CHU de Bordeaux

Infection VIH et Grossesse Rédigée par : Laurichesse Hélène, C Jacomet

E.R.A. Echanges des Résultats d Analyses

L EMEA accepte d évaluer la demande d autorisation de mise sur le marché de la LENALIDOMIDE

Maternité et activités sportives

Conférence de Presse 11/09/2013. «Système de Surveillance de la Santé Périnatale au Luxembourg»

Suivi de la grossesse et orientation des femmes enceintes en fonction des situations à risque identifiées

INAUGURATION LABORATOIRE DE THERAPIE CELLULAIRE 16 FEVRIER 2012 DOSSIER DE PRESSE

Connaissance et observance de la rééducation périnéale en grossesse

Livret des nouveaux anticoagulants oraux. Ce qu il faut savoir pour bien gérer leur utilisation

Dossier «Maladies du sang» Mieux les connaître pour mieux comprendre les enjeux liés au don de sang

ÉVALUATION ET AMÉLIORATION DES PRATIQUES. Développement professionnel continu. Simulation en santé. Fiche technique méthode

Un test Pap pourrait vous sauver la vie

Sommaire de la rubrique «Faire un don du sang» Site Internet des villes région Pays de la Loire FAIRE UN DON

Comment se déroule le prélèvement? Il existe 2 modes de prélèvements des cellules souches de la moelle osseuse:

EVOLUTION DE CESSIONS DES PSL ET OBJECTIFS 2013 EN AQUITAINE-LIMOUSIN

Indications de la césarienne programmée à terme

LES PETITS DOSSIERS DE L OBSERVATOIRE RÉGIONAL DE LA SANTÉ NORD-PAS-DE-CALAIS 2009 Numéro 22 UNE RÉGION DE DON

Transcription:

12 : MALADIE HÉMOLYTIQUE DU FŒTUS ET DU NOUVEAU-NÉ ET THROMBOCYTOPÉNIE IMMUNE PÉRINATALE Kathryn Webert et Heather Hume Prévention de la maladie hémolytique du fœtus et du nouveau-né Épreuves sérologiques effectuées durant la grossesse On recommande de faire subir à toutes les femmes enceintes des épreuves de groupage ABO et de typage Rh ainsi que des épreuves de recherche d anticorps irréguliers anti-érythrocytaires dès que possible durant la grossesse. Idéalement, ces épreuves doivent être réalisées lors de la visite initiale effectuée pendant le premier trimestre de la grossesse. Dans le cas d une première grossesse, la présence ou l absence de l antigène D doit être confirmée en deux occasions distinctes en l absence de vérification antérieure de la question. L épreuve de dépistage de l anticorps anti-d vise à vérifier si les femmes ne présentant pas l antigène D ont produit des anticorps anti-d et à repérer les femmes porteuses d autres anticorps irréguliers anti-érythrocytaires pouvant provoquer la maladie hémolytique du fœtus ou du nouveau-né. On doit faire subir aux femmes non porteuses de l antigène D une autre épreuve afin de dépister des anticorps irréguliers anti-érythrocytaires entre la 26 e et la 28 e semaine, avant l administration prophylactique d immunoglobulines Rh (IgRh), mais ne pas différer l administration d IgRh (voir plus loin) en attendant les résultats de ces épreuves. Les femmes ayant des antécédents d anticorps anti-érythrocytaires cliniquement significatifs, de transfusions sanguines ou d accouchements traumatiques pourraient devoir subir d autres épreuves de dépistage de tels anticorps, qu elles soient ou non porteuses de l antigène D. Ces recommandations sont résumées dans le tableau 1. Tableau 1 : Calendrier d épreuves sérologiques recommandé durant la grossesse Épreuve Groupage ABO Toutes les grossesses Autres Typage Rh Toutes les grossesses Première grossesse Autres Recherche d anticorps Toutes les grossesses Mères Rh(D) négatif Mères Rh(D) positif Autres Moment Visite initiale Analyses prétransfusionnelles Visite initiale Entre la 26 e et la 28 e semaine (à moins qu il ait été confirmé, à deux reprises, que la patiente est Rh positif) Analyses prétransfusionnelles Visite initiale Avant l administration d IgRh Au 3 e trimestre dans le cas d une transfusion ou en présence d antécédents d anticorps inattendus Analyses prétransfusionnelles Détermination des anticorps Lors du dépistage initial Source : Judd, WJ. for the Scientific Section Coordinating Committee of the AABB. Practice guidelines for prenatal and perinatal immunohematology, revisited. Transfusion 2001; 41: 1445-1452. Adapté avec permission. 116

Phénotype D faible Certains globules rouges présentent l antigène D mais l expriment faiblement. On parle en l occurrence d antigène D faible. Les femmes ayant ce phénotype sont génétiquement porteuses de l antigène D et risquent très peu de produire des anticorps anti-d. En fait, elles produiront de tels anticorps seulement si l expression affaiblie de l antigène D est également associée à une anomalie de l antigène D appelée D partiel. La question de savoir si l épreuve de dépistage de l antigène D faible devrait être réalisée systématiquement ou non chez les femmes enceintes est controversée parmi les spécialistes. Dans les directives et opinions les plus récentes, il est recommandé de NE PAS réaliser l épreuve de dépistage de l antigène D faible, compte tenu de la sensibilité accrue des réactifs anti-d actuellement utilisés et du risque, si faible soit-il, de formation d anticorps anti-d chez les patientes porteuses d un antigène D partiel. Les normes actuelles de l AABB et de la SCMT n exigent pas le dépistage de l antigène D faible chez les femmes enceintes. Les laboratoires d analyses périnatales de la Société canadienne du sang ne procèdent pas systématiquement à cette épreuve ou sont en voie de l éliminer pour les femmes enceintes Rh(D) négatif. Lorsque l épreuve de dépistage de l antigène D faible n est pas réalisée, ces femmes sont considérées Rh(D) négatif et sont admissibles à un traitement préventif par immunoglobulines Rh. Cette approche peut protéger les femmes porteuses d un antigène D partiel contre l apparition d anticorps anti-d. Un autre effet de cette approche est la probabilité d obtenir des réactions faussement positives lors du test de dépistage d une hémorragie fœto-maternelle (le test de rosette). D autres méthodes de dépistage d une hémorragie fœto-maternelle pourraient donc s avérer nécessaires pour ces femmes. Immunoglobuline Rh L immunoglobuline Rh (IgRh) est principalement composée d immunoglobuline G anti-d concentrée à partir de mélanges de plasma humain contenant des anticorps anti-d. Les doses recommandées d IgRh sont indiquées dans le tableau 2. Pour fixer ces doses, on se fonde sur le fait que 20 µg d IgRh neutralisent 1 ml de globules rouges Rh(D) positif ou 2 ml de sang Rh(D) positif. Le mode d action de l IgRh n a pas été clairement élucidé, mais ses bienfaits sont bien établis dans la littérature médicale. Lorsque des IgRh sont administrées au cours des 72 heures suivant l accouchement à terme d un enfant porteur de l antigène D par une mère Rh(D) négatif, l incidence de l allo-immunisation recule de 12 ou 13 % à 1 ou 2 %. Quand des IgRh sont aussi administrées à 28 semaines, l incidence de l allo-immunisation descend à 0,1 % à peine. Réactions transfusionnelles Transfusion d urgence 12 : Maladie hémolytique du fœtus et du nouveauné et thrombocytopénie immune périnatale 117

12 : MALADIE HÉMOLYTIQUE DU FŒTUS ET DU NOUVEAU-NÉ ET THROMBOCYTOPÉNIE IMMUNE PÉRINATALE Tableau 2 : Doses recommandées d immunoglobulines Rh chez les femmes Rh(D) négatif n ayant pas d anticorps anti-d durant la grossesse + Indication Grossesse (28 semaines de gestation) # Post-partum, si le nouveau-né est Rh(D) positif, y compris s il exprime faiblement l antigène D Risque d avortement spontané (n importe quand) Avortement avant 34 semaines (y compris la perte du fœtus très tôt durant la grossesse) Amniocentèse et prélèvement de villosités choriales avant 34 semaines de grossesse # Avortement, amniocentèse ou toute autre manipulation après 34 semaines de grossesse # Autres indications Dose d IgRh (WinRh o ) 120 µg (600 UI) par voie IV ou IM * ou 120 µg (600 UI) par voie IV ou IM + Lorsqu on connaît avec certitude l identité du père, on peut proposer à une femme Rh(D) négatif de déterminer le typage Rh du père de l enfant afin d éviter toute administration inutile de produits sanguins. # Une dose devrait être administrée toutes les 12 semaines après l administration de la dose initiale. * On devrait procéder à des vérifications pour déterminer l importance de l hémorragie fœto-maternelle. On devra administrer des IgRh supplémentaires si l hémorragie transplacentaire fœto-maternelle correspond à une perte de plus de 12 ml de sang fœtal (6 ml de globules rouges fœtaux). On devra administrer des IgRh supplémentaires si l hémorragie transplacentaire fœto-maternelle correspond à une perte de plus de 30 ml de sang fœtal (15 ml de globules rouges fœtaux). Les autres indications comprennent tout incident pouvant entraîner l introduction de cellules fœtales dans le sang de la mère à n importe quel stade de la grossesse. On pense notamment ici à une version, à un traumatisme abdominal, à une grossesse ectopique et à une mort fœtale in utero. D après la notice d accompagnement de WinRh o SDF [immunoglobuline Rh o(d) (humaine) pour injection], Cangene Corporation, Winnipeg (Manitoba), août 2001, et le document suivant : Fung Kee Fung K, Eason E, Crane J, et al. au nom du comité de médecine fœto-maternelle et du comité de génétique. Prévention de l allo-immunisation fœto-maternelle Rh, Directives cliniques de la SOGC. J Obstet Gynaecol Can 2003; 25: 765-773. 118

Prise en charge des femmes Rh(D) négatif non sensibilisées On doit administrer systématiquement des IgRh (300 µg) à toutes les femmes Rh(D) négatif non sensibilisées à la 28 e semaine de grossesse. Sinon, on pourrait leur administrer une dose de 120 µg à la 28 e et à la 34 e semaine. On doit aussi administrer des IgRh à toutes les femmes Rh(D) négatif n ayant pas d anticorps après tout incident susceptible d entraîner l introduction de cellules fœtales dans le sang de la mère à n importe quel stade de la grossesse; on pense ici notamment à un avortement, à un risque d avortement spontané, à une amniocentèse, au prélèvement de villosités choriales, à une version, à un traumatisme aux organes abdominaux, à une grossesse ectopique et à une mort fœtale in utero. À l accouchement, toutes les femmes Rh(D) négatif doivent recevoir 120 ou 300 µg d IgRh au cours des 72 heures suivant la naissance d un enfant Rh(D) positif. En général, on recommande de rechercher chez toutes les femmes la présence d une hémorragie fœto-maternelle et, le cas échéant, de réaliser un dosage quantitatif (voir ci-après). Cette mesure est particulièrement importante si la dose la plus faible d IgRh est administrée. Si des IgRh ne sont pas administrées au cours des 72 heures suivant l accouchement, il faudrait y voir dès que le besoin est constaté jusqu à 28 jours après l accouchement. Si la dose prénatale d IgRh est administrée avant la 28 e semaine de gestation, on doit envisager de répéter l administration d IgRh avant la naissance si la période sans traitement avec de l IgRh dépasse 12 semaines. Lorsqu on connaît avec certitude l identité du père, on peut proposer à une femme Rh(D) négatif de déterminer le typage Rh du père de l enfant afin d éviter toute administration inutile de produits sanguins (s il se trouve que le sang du père est aussi Rh(D) négatif). Dépistage et traitement d une hémorragie fœto-maternelle Bien que la rentabilité d une telle mesure n ait pas été démontrée, on recommande habituellement, après l accouchement, d analyser le sang de la mère afin de rechercher la présence de globules rouges fœtaux et, si le résultat est positif, de déterminer l importance de l hémorragie fœto-maternelle. Si l ampleur de l hémorragie dépasse la capacité protectrice de l IgRh, on doit administrer davantage d IgRh. Étant donné qu une dose de 120 µg d IgRh confère une protection contre 6 ml de globules rouges Rh(D) positif ou 12 ml de sang total, une hémorragie plus importante nécessitera l administration d IgRh supplémentaires. Ce supplément d IgRh doit être administré au cours des 72 heures suivant l accouchement. Cela dit, si on constate qu il faut administrer d autres IgRh plus de 72 heures après l accouchement, mais à l intérieur d un délai de 28 jours, on recommande toujours d administrer des doses supplémentaires dès que possible. Réactions transfusionnelles Transfusion d urgence 12 : Maladie hémolytique du fœtus et du nouveauné et thrombocytopénie immune périnatale 119

12 : MALADIE HÉMOLYTIQUE DU FŒTUS ET DU NOUVEAU-NÉ ET THROMBOCYTOPÉNIE IMMUNE PÉRINATALE Prise en charge des femmes présentant des anticorps anti-érythrocytaires On doit déterminer sans tarder la spécificité des anticorps anti-érythrocytaires chez toutes les femmes [Rh(D) positif ou négatif] obtenant un résultat positif à une épreuve de dépistage de ces anticorps. Si l anticorps est une cause éventuelle de maladie hémolytique du fœtus et du nouveau-né, on doit soumettre le père à des analyses pour déterminer s il exprime le ou les antigènes correspondants. Chaque fois qu il existe un risque de maladie hémolytique du fœtus et du nouveau-né, il convient de consulter un obstétricien et un hématologue ou un hématopathologiste d expérience en début de grossesse concernant le plan de traitement, puis, s il y a lieu, de leur adresser la mère à des fins d examen et de traitement. En raison du risque qu elles comportent pour le fœtus, les épreuves invasives doivent être réservées au cas où le fœtus pourrait contracter la maladie hémolytique. L accouchement devrait se dérouler dans un lieu pourvu d installations de soins intensifs néonatals. Le tableau 3 dresse une liste des anticorps anti-érythrocytaires associés à la maladie hémolytique du fœtus et du nouveau-né. Tableau 3 : Anticorps anti-érythrocytaires courants pouvant être associés à la maladie hémolytique du fœtus et du nouveau-né *, selon le groupe sanguin et la spécificité antigénique Indication Anticorps anti-érythrocytaires pouvant être associés à une forme grave de la maladie hémolytique du fœtus et du nouveau-né Anticorps anti-érythrocytaires pouvant être associés à une forme légère de la maladie hémolytique du fœtus et du nouveau-né Anticorps anti-érythrocytaires non associés à la maladie hémolytique du fœtus et du nouveau-né Système Rh Kell Duffy Kidd ABO li Duffy Lutheran Lewis Ii P Antigènes D, C, c, E K, k Fy a Jk a, Jk b A, B i Fy b Lu a, Lu b Le a, Le b l P 1 * Cette liste ne fait état que des anticorps anti-érythrocytaires les plus fréquents. Le document suivant traite d anticorps plus rares : Issit PD, Anstee DJ. Applied Blood Group Serology, 4th ed. Montgomery Scientific Publications, Durham NC, 1998. Rôle de la pratique transfusionnelle dans la prévention de la maladie hémolytique du fœtus et du nouveau-né L allo-immunisation anti-érythrocytaire pouvant entraîner une maladie hémolytique du fœtus et du nouveau-né est un risque inhérent à la transfusion allogénique chez les patientes en âge de procréer ou plus jeunes. Tout comme c est le cas pour les autres complications liées à la transfusion sanguine, le meilleur moyen de les prévenir est de procéder à des transfusions uniquement en cas d absolue nécessité. Si possible, (p. ex., pour une intervention chirurgicale non urgente susceptible de nécessiter une transfusion de culot globulaire chez des adolescentes et des femmes), on devrait, si la situation le permet, privilégier la transfusion autologue plutôt qu allogénique. Si une patiente Rh(D) négatif reçoit des plaquettes provenant d un donneur Rh(D) positif ou d un donneur dont on ignore s il est ou non porteur de l antigène D, on devrait lui administrer une dose adéquate d IgRh. Enfin, une femme en âge de procréer ne doit pas recevoir un don dirigé provenant de son conjoint. 120

Thrombocytopénie périnatale Thrombocytopénie néonatale La thrombocytopénie néonatale peut être causée par un défaut de production de plaquettes, par une consommation accrue de ce composant ou par sa dilution. Une augmentation de la consommation est la cause la plus fréquente de thrombocytopénie; elle peut résulter de divers facteurs, dont un sepsis, une entérocolite nécrosante, une coagulation intravasculaire disséminée, une insuffisance placentaire, une infection congénitale ou une asphyxie; elle peut aussi être d origine immunologique. En général, la thrombocytopénie néonatale immune se divise en deux catégories : 1) la thrombocytopénie néonatale allo-immune et 2) la thrombocytopénie causée par un purpura thrombopénique immunologique (PTI) maternel. Les nourrissons et les enfants en bas âge peuvent présenter une thrombocytopénie en raison d un PTI. Thrombocytopénie néonatale allo-immune La thrombocytopénie néonatale allo-immune survient lorsque des plaquettes du fœtus expriment un antigène paternel absent sur les plaquettes de la mère. Les plaquettes fœtales peuvent pénétrer dans le sang de la mère durant la grossesse ou l accouchement. Si la mère devient allo-immunisée, ses allo-anticorps anti-igg peuvent franchir le placenta et provoquer une thrombocytopénie chez le fœtus. Cette thrombocytopénie se résorbe spontanément et disparaît habituellement au cours des deux à trois semaines qui suivent l accouchement. La gravité de la thrombocytopénie néonatale allo-immune est variable : elle va de la thrombocytopénie légère à la thrombocytopénie grave avec hémorragie clinique. L incidence d hémorragie intracrânienne peut atteindre 30 %; environ 50 % de ces incidents se produisent in utero. Épreuves sérologiques : Les parents qui ont donné naissance à un enfant souffrant d une thrombocytopénie néonatale allo-immune devraient subir des épreuves sérologiques, dont un typage plaquettaire relativement aux systèmes d antigènes plaquettaires spécifiques associés à la thrombocytopénie néonatale allo-immune. L antigène le plus fréquent, l HPA-1a (Pl A1 ), est à l origine d environ 90 % des cas chez les personnes de race blanche. On devrait également rechercher chez la mère la présence d anticorps anti-plaquettaires spécifiques. Traitement d un nourrisson atteint : Un nourrisson atteint d une thrombocytopénie néonatale allo-immune et ayant besoin d une transfusion de plaquettes devrait recevoir des plaquettes dépourvues de l antigène. Si on utilise des plaquettes de la mère, on doit extraire le plasma et remettre les plaquettes en suspension dans du plasma ou une solution saline. Comme il s agit ici d un don dirigé, il est également crucial d irradier les plaquettes avant de les transfuser. Parmi les autres traitements qui pourraient être efficaces, mentionnons la perfusion d immunoglobulines et l exsanguino-transfusion. Réactions transfusionnelles Transfusion d urgence 12 : Maladie hémolytique du fœtus et du nouveauné et thrombocytopénie immune périnatale 121

12 : MALADIE HÉMOLYTIQUE DU FŒTUS ET DU NOUVEAU-NÉ ET THROMBOCYTOPÉNIE IMMUNE PÉRINATALE Grossesses ultérieures : Lors de grossesses ultérieures, les femmes ayant déjà accouché d enfants atteints d une thrombocytopénie néonatale allo-immune doivent être suivies par un obstétricien et un hématologue ayant de l expérience dans le traitement de telles patientes. La numération plaquettaire du fœtus pourrait être suivie d une cordocentèse à partir de la 20 e semaine de gestation. S il s avère que le fœtus est atteint d une thrombocytopénie (ou si, de l avis de l obstétricien ou de l hématologue, le risque de thrombocytopénie néonatale est significatif), la mère peut recevoir chaque semaine une perfusion d immunoglobulines (à raison de 1 gramme par kilogramme) jusqu à l accouchement. On prélève souvent des plaquettes chez la mère avant l accouchement en vue de leur utilisation chez le nourrisson. Subsidiairement, on pourrait recourir au prélèvement de plaquettes par aphérèse auprès d un donneur dont on sait qu il n a pas l antigène plaquettaire en cause. Purpura thrombopénique immunologique maternel Les nourrissons nés de mères atteintes d un PTI peuvent aussi présenter une thrombocytopénie due à un transfert passif d auto-anticorps maternels à travers le placenta. Chez la plupart des nourrissons, la thrombocytopénie est légère; de plus, le risque d hémorragie est très faible, et l hémorragie intracrânienne est rarissime. Traitement : Les nourrissons présentant une thrombocytopénie causée par un PTI maternel ont rarement besoin d un traitement. Si des transfusions de plaquettes sont nécessaires, il n y a pas d avantage à employer des plaquettes de la mère, car toutes les plaquettes ont un bref délai de survie. Au nombre des autres traitements qui peuvent être bénéfiques dans les cas graves, on compte la perfusion d immunoglobulines et l administration de corticostéroïdes. 122

Suggestions de lecture 1. Blanchette VS, Kühne T, Hume H, Hellman J. Platelet transfusion therapy in newborn infants. Transfusion Medicine Reviews 1995; 3: 215-230. 2. Blanchette VS, Rand M, Carcao MD, Hume H. Platelet transfusion therapy in infants and children. In: Kickler TS, Herman JH (eds). Current issues in platelet transfusion therapy and platelet alloimmunity. AABB Press, Bethesda, MD, 1999. 3. Fung Kee Fung K, Eason E, Crane J, et al. au nom du comité de médecine fœto-maternelle et du comité de génétique. Prévention de l allo-immunisation fœto-maternelle Rh, Directives cliniques de la SOGC. J Obstet Gynaecol Can 2003; 25: 765-773. 4. Issit PD, Anstee DJ. Applied blood group serology, 4th ed. Montgomery Scientific Publications, Durham NC, 1998. 5. Judd WJ, for the Scientific Section Coordinating Committee of the AABB. Practice guidelines for prenatal and perinatal immunohematology, revisited. Transfusion 2001; 41: 1445-1452. 6. Judd WL, Luban NLC, Ness PM, et al. Prenatal and perinatal immunohematology: Recommendations for serologic management of the fetus, newborn infant, and obstetric patient. Transfusion 1990; 30: 175-183. 7. Perinatal issues in transfusion practice. In: AABB Technical Manual, 2005. 8. Bowman J. Thirty-five years of Rh prophylaxis. Transfusion 2003; 12: 1661-1666. 9. Bowman J. Rh-immunoglobulin: Rh prophylaxis. Best Pract Res Clin Haematol 2006; 19: 27-34. Réactions transfusionnelles Transfusion d urgence 12 : Maladie hémolytique du fœtus et du nouveauné et thrombocytopénie immune périnatale 123