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Transcription:

CHRONIQUE BLOC-NOTES Entretien Max Liniger-Goumaz, membre du comité de rédaction de Genève-Afn'que.: et l'un des trois rares spécialistes de la Guinée équatoriale, vient de publier un second livre sur ce pays (Guineé e'quatonàle, De la dictature des colons à la dictature des colonels, Genève, Les Editions du Temps). Q. Les choses ont-elles change- en Guinée e?uatmale depuis le renversement de Macias Nguema, en 1979? EB particulier, la situation s'est-elle amdiorée du. point de vue des droits de l'homme, et l'e'conomie connaît-elle un nouveau de'part? R. Le pays a accédé à l'indépendance en 1968, après avoir subi 30 ans de modèle franquiste. Imitant ses maîtres, Macias Nguema, démocratiquement élu président de la seule République hispanophone d'afrique noire, s'est entouré de parents de son ethnie Esangui, de la région de Mongomo (les Esangui représentent 1 % de la population). Ces hommes, et leurs complices, ont éliminé physiquement les députés élus en 1968. La dictature népotique agissait principalement par : - Obiang Nguema, un neveu, chef d'6tat-major, vice-ministre de la Défense, gouverneur militaire de Fernando Poo, directeur de la prison de la capitale où il supervisait personnellement la torture ; - Ela Nseng, un neveu, commandant militaire du Rio Muni, directeur de la prison de Bata, où ont été liquidés des centaines de démocrates ; - Oyono Ayingono, un neveu, titulaire de six ministères, direc- 137

CHRONIQUE BIBLIOGRAPHIQUE, teur de la Sûreté, responsable de la mort du vice-président Bosio Dioco ; - Mba Onana, un neveu, commandant de la 2 compagnie, puis gouverneur militaire ; - Obama Nsue Mengue, un Esangui, dit Mbato (gourdin), chef de la Sûreté et de la Politique intérieure à Fernando Poo, tortionnaire célèbre ; - Seriche Bioco Dougan, un Bubi/Créole, lieutenant, compagnon de formation militaire d Obiang Nguema (Gmrpo de Zaragoaz) ; et je ne détaille pas les catrières des Nguema Esono, Nguema Onguene, Nguema Ela, Abaha Ondo, Ondo Obiang, Eloy Elo, Monsui Mba, etc., etc. En 1979, parce que leur solde restait impayée et que montait la colère populaire à travers la résistance à la dictature qu incarne 1 Alianza Nacional de RestauraciBn Democrática (ANRD), fondée en 1974, et dont le secrétaire général est depuis 1976 le Professeur Eya Nchama, les neveux ont éliminé l oncle Macias Nguema avec l assentiment de l Espagne, des Etats-Unis, de la France, du Gabon, etc. Et de mettre en place un Conseil militaire suprême comprenant 80 % d Esangui. Pour faire oublier leur crimes - qui ont occasionné plus de 40 000 assassinats et fait fuir du pays 125 000 nationaux - ils ont intitulé leur opération << coup de la liberté )). Pour simuler le changement, ils renversent 1:s alliances : à l URSS et à ses satellites succèdent l Espagne, les Etat-Unis, la CEE et le FMI. Les médias occidentaux clament alors la fin de la dictature er de l oppression, comme si celles-ci ne pouvaient exister que dans l autre camp. Afin de protéger les héritiers de Macias Nguema (appelés nguémistes), subitement prooccidentaux, le Maroc leur fournit 400 gardes présidentiels (tout comme à Bongo et à Mobutu) en échange de l abandon du soutien au Front Polisario. Hormis le rétablissement de la liberté de culte, rien n a changé 4ans le pays : disette, misère, corruption, hantise des coups d Etat persistent. Les postes-clé sont à nouveau monopolisés par des Esangui et des collaborateurs de feu Macias Nguema, tels Nko Ivasa et Mesa Bill, titulaires des Finances et de la Fonction publique. Selon le HCR, peu de réfugiés sont rentrés à l appel des sirènes nguémistes ; quelque 110 000, dont la quasi-totalité de l intelligentsia, refusent de se jeter dans la gueule du tigre (la mascote du parti unique de Macias Nguema). D oiï une paralysie administrative, économique, culturelle, qu aucune coopération, fût-elle française, ne saura atténuer sans adhésion populaire. La Commission des droits de l homme des Nations Unies, la Commission internationale des juristes, les journalistes, les personnels de l ONU et les coopérants espagnols s accordent pour souligner la banqueroute d un régime dont l armée continue à terroriser 138

ENTRETIEN AVEC M. LINIGER GOUMAZ autochtones et hangers, et dont les diplomates s adonnent au trafic du hashisch. On sait que la côte équato-guinéenne recèle du pétrole. Cela allume des convoitises : en 1972 déjà, le Gabon a occupé militairement le sud du Rio Muni. A part des sondages pétroliers au nord de Fernando Poo, une seule réalisation économique depuis 1969 : une usine italienne de déroulage d okoumé, à Bata. Pour le reste, la stagnation des plantations s aggrave, faute de main-d œuvre, notamment à cause de la résistance populaire qui remonte à l ère Macias Nguema, et témoigne de la continuité du régime. Côté pêche, la France a remplacé l URSS. Cela montre qu outre la Chine populaire (qui poursuit son assistance médicale), la France n a pas été touchée par le renversement des alliances ; sous Macias Nguema elle était le seul pays occidental avec un ambassadeur sur place et les sociétés françaises (Forestière du Rio Muni, Dragages et Travaux publics implantée par l Union financière pour l Afrique) se taillaient de juteux bénéfices en fermant les yeux sur la terreur sanglante alentour. Q. Quelle est la base sociule et politique du régime? R. Lors de la Conférence des pays donateurs, organisée par le PNUD en avril 1982, à Genève, en contradiction avec les recommandations de prudence de la Commission des droits de l homme et de l ECOSOC, la délégation de 32 membres conduite par Obiang Nguema comprenait 2 1 Esangui. Le gouvernement actuel, sur 38 postes, compte plus d une vingtaine d Esangui et une dizaine d anciens complices de Macias Nguema. Comme par le passé, 99 % de la population ne sont pas représentés. En août 1982, la junte a contraint la population à voter une soi-disant constitution, rédigée par un groupe de vétérans et parents de Macias Nguema, dont Nko Ivasa et le sinistre Mbato : vote obligatoire avec bulletins e oui )) et <( non )> de couleurs différentes, alors que le texte n avait pas encore été publié dans Ebano, le seul périodique du pays. La recommandation de la Commission des droits de l homme et du Secrétariat général de l ONU de réunir une conférence constitutionnelle représentative de toutes les ethnies, de tous les milieux politiques et économiques, y compris la diaspora, n a pas été entendue. Pas étonnante, donc, l analyse faite en janvier 1983 par la Commission internationale des juristes, et diffusée par l ONU, qy on peut résumer comme suit : du temps de Macias Nguema, 1 Etat était gouverné sans lois, par des règlements arbitraires ; avec Obiang Nguema, la nouvelle constitution rappelle ce qui s est fait au Chili en 1980 et en Turquie en 1982 ; elle est parfaitement dictatoriale, outrancièrement présidentielle et gravement lacunaire. 139

CHRONIQUE BIBLIOGRAPHIQUE Mais il y a mieux. Obiang Nguema, grâce à un subterfuge déjà utilisé par son oncle en 1972, s est fait élire pour sept ans par une clause additionnelle, apposée derrière le projet de constitution. Sans que le peuple en soit conscient, il s est fait plébisciter lors d un vote obligatoire, en annulation des dispositions de la même constitution fixant les modalités de l élection présidentielle. Le pays continue donc à être c( gouverné s à l insu du peuple : depuis quartorze ans, la Guinée équatoriale est prisonnière d une bande de hors-la-loi. Et tous les observateurs notent que le pouvoir nguémiste (même dans le district de Mongomo) est l objet d une haine générale. Q. Le travail force* a-t-ì! el& maintenu? R. La question devrait plutôt être : le travailleur est-il maintenant protégé en Guinée équatoriale? On sait que sous Macias Nguema, suite au retrait par le Nigeria de 25 O00 ouvriers, en 1976, après que plusieurs furent assassinés par les troupes commandées par Obiang Nguema, le travail forcé a été instauré. Après la révolution de palais, Maye Ela a expliqué qu il n y avait plus de travailleurs forcés, puisque maintenant ils étaient salariés. Or, ce n est qu un an après le coup que les bagnards du cacao purent enfin rentrer chez eux. Mais en 1980 encore, une opération de recrutement fut conduite au Rio Muni par le ministre de l Intérieur en personne. Depuis, Obiang Nguema lance régulièrement des appels désespérés pour inciter une population qui le hait à travailler. Début 1981, il avouait que 70 % des Equato- Guinéens encore au pays étaient inactifs ; aussi proclama-t-i1 1981 e Année du travail s, sans plus de succès que son ministre. Début 1983, le travail E( obligatoire s dans les cacaoyères semble avoir repris. En octobre 1980, la Conférence de l Union syndicale africaine (Mogadiscio) vit débarquer comme représentants de la Guinée équatoriale, au lieu de représentants des ouvriers, deux fonctionnaires Esangui. Par l art. 5 de ses résolutions, l Union pria (( le gouvernement de Guinée équatoriale de prendre les mesures nécessaires afin de restaurer le fonctionnement normal des syndicats, en conformité avec les dispositions de l OIT D. Le 30 janvier 1981, le pays adhérait à l OIT. Mais le décret 1/81 édicté par le second dictateur nguémiste, peu auparavant, dit à l art. 5 que <( le travail, en plus d un droit inaliénable, est un devoir inéluctable des Guinéens D ; et l art. 8 d imposer un carnet de travail, véritable passeport de type sud-africain, sans lequel il est impossible de se déplacer. Bien sûr, en dépit des règles de l OIT et malgré les appels de l Union syndicale africaine, aucun syndicat n a 140

ENTREl7EN AVEC M. WNIGER GOUMAZ vu le jour et l Union générale des travailleurs de Guinée équatoriale (UGTGE) continue à vivre en exil, au sein de I ANRD. Le simulacre de constitution élude le concept de droit d association, au point que les analystes de la CIJ concluent au non-respect par la dictature des dispositions de l OIT. Obiang Nguema ne respecte aucun engagement international s il ne sert pas à le maintenir à son poste. Avec ses complices, il craint autant les syndicats que les partis. Le médiocre salaire moyen de 8 500 bikwele, dans un pays où sévit un grave marché parallèle, fait que la population se rabat sur une stricte production de subsistance. Dans les villes, les travailleurs, hormis les privilégiés d une administration pléthorique, connaissent des conditions de travail et de vie déplorables. En décembre 1982, le reportage d une journaliste espagnole, I. Olivares, qualifiait les conditions des travailleurs des sociétés de pêche de Santa Isabel d a infrahumaines P. Q. Pensez-vous que la visite de Françoìs Mitterrand, envisagée pour juin 1983, soit de nature à contribuer à un assaìnìssement de la sìtuatìon e quato-guìnëénne? R. Je rappelle que sous Macias Nguema la France collaborait, éçonomiquement, par une société forestière et une entreprise de travaux publics, et militairement, par du personnel desservant un hélicoptère. P. Decraene, dans le Monde d.lomatique, reconnaissait en juin 1981 que <( comme le précédent chef de I État, le président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo entretenait de bonnes relations avec la France. Peu attentif aux violations constantes des droits de l homme en ce pays, le gouvernement de M. Raymond Barre avait compris tous les profits qdune minorité d hommes d affaires français pouvaient tirer d un Etat qui, sous prétexte de contrebalancer l influence des pays de l Est, multipliait des avances en direction de Paris D. Les sept ans de collaboration giscardienne avec la famille Macias Nguema n ont servi qu a consolider la dictature et les revenus des milieux d affaires français. C est pendant que la Société forestière du Rio Muni (avec son siège prudemment installé en Suisse) et la Société française,des dragages et travaux publics faisaient leurs affaires que 125 000 Équato- Guinéens fuyaient leur pays, au point que ces sociétés durent engager du personnel béninois ou voltaïque. On sait par M. Cot, ex-ministre de la Coopération, que la politique africaine de la France est élaborée par le président avec l appui de son gouvernement. Une brève visite de M. Mitterrand suffira-t-elle pour I éclairer, quand, à I évidence, seul le réexamen global de la politique africaine de la France pourrait étouffer les 141

CHRONIQUE BIBLIOGRAPHIQUE dictatures? Certes, la France a, dans le passé, a répandu sur toute la terre le mot d ordre de liberté D ; encore faudrait4 maintenant dépasser les mots. Or, au niveau des actes, le gouvernement socialiste se montre plutôt giscardien. En février 1982, le Pape faisait lui aussi une courte visite en Guinée équatoriale, sans jamais prononcer les mots (( droits de l homme )) ; en récompense, la junte, se sentant plébiscitée par le Saint-Père, a fait frapper 50 O00 pièces d or à son effigie. Si M. Mitterrand entreprend un même voyage Q purement pastoral )), il risque lui aussi d être immortalisé dans une pièce d or de la dictature nguémiste. La dictature équato-guinéenne, après avoir lâché l Est, s appuie sur l Ouest, par pur opportunisme, puisque c est grâce à lui qu elle escompte pouvoir durer. L Espagne socialiste, trop faible et à la diplomatie maladroite, est incapable d aider une Guinée équatoriale qui a sombré en 1982 dans le groupe des PMA. La France socialiste pourrait être la bouée de sauvetage du peuple équato-guinéen. Mais elle rêve surtout de déshispaniser le pays. Santa Isabel sait que les territoires ex-français de part et d autre de la Guinée équatoriale ont été volés à l Espagne durant le XW siècle et que la France, en 1900, a laissé à contre-cœur à 1 Espagne le territoire qui est aujourd hui étouffe par Obiang Nguema. Cette écharde hispanophone démange surtout depuis que le pétrole se fait cher. Des articles de Politique ufnkaine ont montré que les bases militaires françaises en Afrique faisaient partie du << devoir africain D de la France, entendez : de sa mission de protéger ses intérêts économiques. Comment François Mitterrand pourrait4 assainir la situation en Guinée équatoriale, alors qu il courtise, voire protège des pouvoirs autocratiques comme ceux du Gabon, du Zaïre, de RCA, etc.? En avril 1981, peu avant l arrivée au pouvoir de François Mitterrand, est arrivé à Santa Isabel l ambassadeur C. Soubeste, qui avait œuvré à Bangui durant le coup de Bokassa, au Gabon pendant la consolidation du pouvoir de Bongo, puis au Tchad. Son successeur, désigné par le gouvernement socialiste et naguère affecté à Madrid, recueillait en mai 1982 les fruits du travail de son prédécesseur d arrachage de la Guinée équatoriale à la sphère d influence espagnole. Et, fin 1982, le principe de l admission de la Guinée équatoriale à I UDEAC, soit son passage à la zone franc, était acquis. La France est un des plus beaux mod eles de démocratie : mais l Afrique francophone en restitue une image fort déformée. Si François Mitterrand, dans le sillage de l Union syndicale africaine et de la Commission des droits de l homme des Nations Unies, parvient à briser le carcan de la dictature. nguémiste, il aura, comme I écrivait récemment M. de La Fournière, du Secrétariat national du PS, réellement encouragé << les avancées considérables - 142 P.

ENTREZ EN AVEC M. LINIGER GOUMAZ dans la voie de la liberté et de l affirmation des droits de l homme dans le monde... dans la vraie tradition du socialisme démocratique n. Mais quand on sait les difficultés actuelles de l hexagone, on peut penser que le socialiste Mitterrand privilégiera les mêmes intérêts économiques que MM. Giscard et Barre ; qu il va pratiquer la même Realpolitik, et fermer lui aussi les yeux devant I écrasement du peuple équato-guinéen par la junte d Obiang Nguema. Et pourtant... J aime trop la France et la Guinée équatoriale pour ne pas espérer me tromper. Propos recueì& pur Jeun- Frafzçois Buy art De Maspero à la Découverte... François Maspero est probablement I éditeur français qui a le plus contribué à une meilleure compréhension des sociétés africaines. Sous sa responsabilité ont été publiés quelques uns des chercheurs les plus représentatifs de la a nouvelle vague s de I anthropologie française, tels C. Meillassoux, P.P. Rey, J. Copans, G..Althabe, J. -L. Amselle, sans compter quelques traductions prestigieuses (comme celle de la Byzance noire de Nadel). L analyse proprement politique a été un peu négligée, encore que l on doive souligner les contributions d Yves Benot sur les idéologies des indépendances et la monographie de René Lefort sur 1 Ethiopie. Mais en tout état de cause, que serait le catalogue a africaniste 2 de I édition française si François Maspero, courageusement, n avait ouvert au continent les portes de ses collections? I1 convient de lui rendre cet hommage, au moment où il se retire et où. la maison qui portait son nom se transforme en La Découverte, sous la direction de François Gèze (1, Place Paul-Painlevé, 75005, Paris). A noter Sur les relations entre la France et l Afrique : le numéro spécial de Murche3.?ropicazx et me2itevuneéns (1937, 24 décembre 1982) et la thèse de B. No,uaille-Degorce sur Lu pohique française de coopérutìon mec les Etats ufncuìns et malgache au sud du Sahara, 1958-1978 (Bordeaux, Centre d étude d Afrique noire). 143