Accident de parapente Bi à FISS (avec Maud) Récit : Bertrand fontaine : bertrand@lesfontaines.be Introduction : Ceci n a pas du tout le but de trouver des excuses ou de me déculpabiliser des erreurs que j ai commises mais bien de tenter de trouver les explications à cet accident à FISS en Biplace. Maud et moi, avons le sentiment d avoir frôlé l accident grave, voire fatal. Pourquoi avoir voulu décoller en BI, avec comme conséquence une forte chute de tous les deux sur 35 mètres sur pente herbeuse de plus de 45 parsemée de roches. Commotion cérébrale avec grosses écorchures et gros bleus impressionnants pour moi, 3 fractures pour Maud : calcanéum, radius et nez et surtout un gros choc psychologique lorsqu elle se remémore ce qui est arrivé et qu elle pense aux enfants qu elle aurait pu ne plus revoir. Maud a, malheureusement, rapidement perdu son casque, pourtant attaché (mais trop lâche) pendant les roulés mais n a heureusement rien touché avec la tête; j ai heureusement gardé mon casque parce que l impact sur le casque démontre que je ne serais probablement plus là pour décrire cette expérience malheureuse. Il a fallu deux hélicoptères pour nous emmener à l hôpital le plus proche. L objectif également de ce récit est de permettre aux parapentistes qui liront ceci d éventuellement tirer profit de cette expérience pour ne pas la reproduire eux-mêmes. Il est certain qu après ce qui nous est arrivé, il est indéniable que j ai fait des erreurs et j en suis le seul responsable. A ces erreurs se sont très probablement rajoutés un véritable manque de chance au niveau conditions de vent. J ai besoin de comprendre comment j en suis arrivé à prendre ces mauvaises décisions qui nous ont amené à ce que nous soyons à la merci de conditions météo qui pouvaient certainement changer à tout moment et nous envoyer dans le décor comme ce fut le cas. Historique : Je pratique le parapente depuis près de 20 ans, qualification biplace en 2007, de 50 à 70 vols en biplace. Jusque maintenant, je n avais jamais eu le moindre accident en parapente. J ai fait largement plus de 500 vols solos, mais probablement moins d une centaine en montagne (ma connaissance des conditions en montagne n est pas parfaite). Depuis le début de cette pratique, il a toujours été clair pour moi qu il était exclu de décoller sous une crête alimentée par un vent météo de derrière, que le vent soit fort ou faible, qu il y ait brise de face ou pas. Or, un certain nombre d éléments dans les 12 derniers mois m ont plutôt forgé une opinion plus nuancée que j explique ici plus bas mais qui est à l origine de ma décision de décoller ce vendredi noir. Il m est arrivé de très nombreuses fois d avoir vraiment envie de voler, seul ou accompagné en BI, et de finalement ne pas me lancer, vu l analyse des conditions qui m indiquent qu il y a un risque qu il ne faut pas prendre. Mon envie de voler avec Maud lors de cette dernière journée de notre semaine sortie club ne me semble donc pas être l explication ou en tout cas, qu une partie de l explication, si ca l est. L envie de voler est contrebalancée par les différents éléments que nous analysons et certainement pas un seul élément positif mais bien un faisceau d éléments analysés.
Visualisation du déco et de la chute :
Vue de l autre côté
Vue de face, vue google earth avec trace GPS
Vue du déco, on voit une voile d où nous avons démarré.
Vue d en haut, ca permet de mieux apprécier le dénivelé
Chiffres : Entre le décollage et le premier impact principal : 10 mètres de dénivelé, «20 mètres» de course (google earth) Entre le premier impact (premier chemin) et arrêt final (deuxième chemin) : 24 mètres de dénivelé, 35 mètres de roulés dans la prairie-caillasse (google earth). Déroulement de l accident : - Une fois prêt, au début, le vent venait trop de gauche (est-sud-est). Après quelques dizaines de secondes, finalement le vent se met face à nous, de l ordre probablement de 5 à 10km/h. Décollage face à la voile pour moi, Maud, face à la pente - L aile se lève bien face à moi, je me retourne la voile en l air - J encourage Maud à courir vite, la voile au dessus de nous mais la voile ne nous «porte pas». - Nous prenons de la vitesse et très rapidement, malgré que je tente la ressource (ou l arrêt) avec les mains aux hanches, nous arrivons à hauteur du chemin en dessous du déco que nous tapons probablement à «25-30 km/h» (sur base des infos de mon GPS) tous les deux. Maud me dit qu elle n a pas du tout décollé. Perso, je n en ai plus le souvenir mais j avais plutôt eu l impression que nous commencions légèrement à décoller au moment de l impact. - Nous dévalons ensuite, tête, jambes, bras, tête, sur 35 mètres la pente parsemée de rochers à du 30 km/h et nous arrêtons finalement sur le second chemin (le même après son lacet) - Je pense avoir perdu connaissance pendant ces 35 mètres et repris connaissance une fois arrêté sur le second chemin. Je ne parviens pas à me souvenir de tout ce qui s est passé pendant l accident mais d une partie. - En état de choc, je me relève, j ai rapidement vu que Maud n avait pas de casque (elle l a perdu rapidement après le premier choc et avait perdu du sang au moment où je l ai regardée la première fois. Effroi. - J ai pu me mettre debout et sentais une douleur dans le haut du dos. - Je la faisais compter pour éviter qu elle ne perde connaissance ; elle réclamait régulièrement que je me replace pour lui faire de l ombre parce que le soleil lui arrivait en pleine figure. - Elle est partie la première en hélicoptère et j ai pris le second hélicoptère vu qu il n y avait pas assez de place pour nous emmener tous les deux. Les deux erreurs principales : - Avoir voulu décoller malgré, au sommet, un vent arrière (nord, nord ouest) de 5 à 10 km/h. A posteriori, même si la brise était face à nous (était-ce la brise?), le risque que les choses changent d un moment à l autre, ce qui s est plus que probablement passé, était important et il ne fallait donc pas décoller. - Sentant que la voile ne nous portait pas «suffisamment», avoir cru qu en courant plus vite, nous allions décoller, j ai donc encouragé Maud à courir plus vite, ce qui a évidement rendu l accident plus grave. Pourquoi ai-je pris la décision de vouloir décoller? Alors que depuis mes débuts en parapente, il était pour moi, assez évident qu on ne décolle jamais lorsque le vent météo vient de dos, un certain nombre d éléments, infos, expériences m ont fait récemment changer cette conviction et finalement penser que nous pouvions décoller malgré un vent arrière sur la crête de 5 à 10 km/h: Les deux éléments principaux qui m ont fait penser qu il est possible, dans certaines conditions, de décoller malgré un vent météo arrière: - Le principal est le livre «Vol en Thermique» Martens, p. 84 et 85 dont voici quelques bribes : la conclusion que j avais retenue était qu en dessous d une certaine force de vent, on peut décoller sous le vent avec une brise montante face à nous.
Lorsque nous étions au déco, j avais la conviction que nous étions dans une situation similaire à la première photo : Nous étions en fait probablement en bout de thermique, au moment où, éventuellement par effet du vent météo qui se renforce, en train de passer à la seconde photo. Conclusion de l auteur : Mon erreur vient du fait de ne pas avoir traduit ceci plus clairement dans des termes : en BI, cette règle ne devrait pas s appliquer vu que tout doit être particulièrement plus «safe» qu en vol solo. - La plupart des vols (une dizaine) de la semaine passée à FISS se sont déroulés avec un vent météo arrière ou en tout cas arrière droit mais toujours avec une brise venant de face. Tous ces vols se sont déroulés sans accrocs. Une heure avant, je décollais avec adèle, ma petite fille de 4 ans, sans aucun problème, du même déco ; La veille deux vols avec Anatole, mon fils de 6 ans, toujours du même déco, dans aucun problème. Voici, en vrac, d autres choses qui ont fait que je n étais plus convaincu qu on ne décollait et volait jamais avec un vent météo arrière/sous le vent mais que la brise a un impact important sur le vent météo: - Drome open 2009 : 3 ème manche, après une longue descente de la première balise (Glandas) avec Stef (et Noëlle), j opte pour une face qui me semble exposée au vent alors que stéf opte pour une face qu il me semblait être sous le vent. Or, l expérience montre que Stéphane a eu raison et que je me suis fait chahuter. Une fois à terre, je demande à Stef son avis qui me dit que la brise venait de l autre côté. - Probablement au niveau de mon subconscient : la «blague» postée le 2 avril (après il a expliqué qu il était juste un peu trop tard mais il voulait la poster le 1 avril) indiquant à Coo un déco vent arrière et finalement un thermique au dessus de Coo permettant de remonter et faire un super cross sur le forum «parapente belge». Même si dès le départ, je n y croyais pas et que finalement, il s est avéré que c était bien un poisson posté un jour trop tard, ca a dû travailler sur mon subconscient. A côté de cela, voici les différents éléments que j ai pris en compte le vendredi avant l accident :
- Prévisions XCwheather de la veille donnent une prévision de 1 à 3 Mi/h prévus pour le vendredi, c'est-à-dire pas de vent météo. - Infos au matin sur la TV de l hôtel indiquant le vent en haut de la station= 0 KM/h (bien évidemment, c était 2 ou 3 heures avant l accident mais ca a probablement dû influencer mon analyse du moment). - Un élément important était la brise montante importante (probablement de l ordre de 15 à 20 km/h) à la middle station, remontant la face Sud sur laquelle nous avons décollé, 300-400 m en contre bas de notre déco. Il est vrai que je pouvais difficilement imaginer qu avec une forte brise juste quelques centaines de mètres plus bas, je pouvais difficilement croire que la brise que nous ressentions en haut était un rouleau ou que cette brise de face ne nous emmènerait pas rapidement en l air. - Manche à air indiquant un léger vent face à nous au moment du décollage. - Parapente rouge (Pierre?) encore au niveau de la crête, «tenant», au moment de notre décollage. J ai dû me dire, «si un parapente tient sur la crête, c est que la brise thermique est suffisamment forte pour contrer le vent météo relativement faible. - Lorsque nous sommes arrivés en haut, le drapeau indiquait bien un vent arrière mais faible (de l ordre de 5-8 km/h.) - Ce n est évidemment pas à prendre en compte puisque tout peut toujours changer d une minute à l autre mais une dizaine de parapentes avaient décollé la demi-heure qui a précédé. On décide de décoller par rapport à un faisceau d éléments analysés (conscients ou inconscients). Malheureusement, il y avait un certain nombre d éléments favorables qui m ont fait prendre cette mauvaise décision. Ce qui s est probablement passé : En sus de la manche qui indiquait un vent de face, vu que la voile s est levée sans problème face à moi, il est certain que le vent était bien de face à ce moment ; par contre, vu notre accident, il est évident qu une fois cette voile en l air, le vent a commencé à redescendre à l endroit où nous étions. Deux possibilités : - Soit tout cela n était en fait que des rouleaux. Je ne connais pas bien le phénomène de rouleaux mais est-ce que les 10 minutes précédents (installation de la voile) sans jamais que la manche n indique un vent arrière, ne signifie pas que ce n était pas des rouleaux? - Soit, comme sur l illustration voler en thermique, nous étions à la fin du passage du thermique, le vent météo reprenant alors ses droits - Soit le combat entre brise et vent météo tourne au profit du vent météo par l effet d un «coup de vent» au moment où la voile est levée ; ce tournant dans ce combat permis au vent météo de prendre le dessus et pousser notre voile vers notre accident. Deuxième erreur : pourquoi ne pas s être arrêté? Tout d abord, il faut dire que tout cela se passe très vite. Ensuite, l explication vient du faite que, vu tous les éléments mentionnés ici plus haut, je n ai malheureusement pas douté de mon analyse. Et c est le «Cours, cours, cours» que l on crie au débutant parapentiste qui ne parvient pas à décoller parce qu il ne prend pas suffisamment de vitesse qui a remporté dans mon esprit lorsque, en un quart de seconde, on doit décider que faire au moment où la voile est au dessus de nous, que nous commençons à courir et que nous ne ressentons pas «suffisamment» la voile nous porter. CONCLUSION : Je suis assez convaincu que si j étais en solo, les conséquences auraient été particulièrement moins graves. Je me serais d ailleurs très probablement arrêté une fois les mains aux hanches. Ce phénomène de brise montante alors que le vent météo vient de derrière est une arme à double tranchants. Il y a toujours une partie d inconnu dans la pratique du parapente. En bi, il faut que cet inconnu soit presque nul ; ce n était pas le cas et c est là ma plus grande erreur. Heureusement, ce ne sera finalement que des fractures, et blessures superficielles ou profondes mais rien qui devrait nous laisser des séquelles, à vie, si ce n est psychologique. Il y a peu de chances que je revole avec les enfants en bi ce qui était un des mes bonheurs les plus intenses lorsque je contemplais leur plaisir de voler.