Conseil Général de la Moselle Réunion extraordinaire - Situation économique, sociale et environnementale de la Moselle - 18 novembre 2014 en présence de Nacer Meddah - Préfet de la Région Lorraine - Préfet de la Moselle DISCOURS DE PATRICK WEITEN Président du Conseil Général de la Moselle Monsieur le Préfet, Mesdames et Messieurs les Conseillers généraux, Chers collègues. Notre Assemblée est coutumière de cette réunion extraordinaire qui nous permet d ausculter la Moselle. Chaque année, nous nous livrons à ce diagnostic nécessaire et indispensable au département. Mais une nouvelle fois, c est dans une configuration quelque peu inédite que se déroule cet exercice. A votre demande expresse Monsieur le Préfet, elle est décalée dans le temps puisque cette réunion extraordinaire avait en général lieu au début et non en fin de l automne. Et par ailleurs, selon votre souhait Monsieur le Préfet, la présentation par l Etat est cette année encore dissociée de l analyse qui a été menée par les services du conseil général. Elle s est soldée par l adoption lors de la dernière Réunion Trimestrielle, d un rapport précis et détaillé dont le contenu a été unanimement salué par toute notre Assemblée mais également hors nos murs. Les Collectivités décentralisées, comme le prouve leur histoire, ont toujours su s adapter aux exigences de la République. 1
Cette petite entorse à la tradition méthodologique et au calendrier habituels, ne porte, tout bien réfléchi, pas à conséquence. Je pense malgré tout que le temps politique, comme celui de l'administration, doivent être en concordance avec celui de notre société et même en avance lorsqu'il s'agit de l'avenir de nos territoires. Mais si l on peut accepter des dissonances de détail dans la méthode et la forme, encore nous faut-il veiller à la cohérence sur le fond. L an passé, lorsque nous vous accueillions en cette enceinte Monsieur le Préfet, je déclarais à cette même tribune, dans mon propos introductif : «Maintenant que la signature du Pacte Lorraine est officiellement acquise, nous sommes dans l attente des premières démarches tout aussi officielles pour à la fois en disséquer le contenu et en faire profiter, je l espère notre territoire, notre recherche, nos entreprises et nos populations en situation de crise de confiance.» Patrick Weiten, Président du Conseil Général de la Moselle - 24 octobre 2013. Ce passage de mon allocution, vous en conviendrez tous, je pourrais aisément un an plus tard, le réitérer sans en changer la moindre virgule tant il demeure d actualité. Nous devons donc nous poser, in fine, la question cruciale : quels sont les effets concrets et actuels de la politique nationale au profit de notre territoire régional? Et dans cette politique, quels sont les apports du Pacte Lorraine, alors que les derniers chiffres de l INSEE sont des plus alarmants pour la Lorraine? Permettez-moi de les rappeler brièvement : - 500 emplois perdus dans le secteur marchand, - 600 suppressions d emplois nettes dans l industrie, - 460 emplois en moins dans la construction, - 900 000 nuitées de moins dans l hôtellerie par rapport à 2013, - 1900 entreprises placées en redressement ou liquidation judiciaire, - Baisse de 17,9% dans la mise en chantier de logement. Ces chiffres ne sont pas bons et les augures le sont encore moins. Partout notre région se situe en dessous de la moyenne nationale. Les effets des plans préconisés et la réalité concrète des pactes signés ont-ils été bien évalués? Ou s'apparentent-ils à des promesses sans lendemain? L Etat dans le même temps qu il cherche des sources d économies au plan national, diminue les dotations aux collectivités décentralisées et fait aux territoires des déclarations discordantes qui souvent nécessitent une volte-face. 2
Alors que sur ces questions aussi il faut être concret et constant! Parler clair, parler vrai, c est entrer dans la réalité du quotidien avec une vision du futur. C est surtout ne pas se contenter de pétitions générales, d admonestations de principe et d engagements souvent contredits par les faits. Des promesses, à l instar de la gare de Vandières pour laquelle l Etat nous annonce qu il mettra 100 M sur la table. Ce dossier deviendra-t-il la priorité du moment? - Alors que nous manquons d'infrastructures autoroutières, de dessertes ferroviaires et de plateformes fluviales. - Alors que nous subissons le fiasco de l écotaxe, ou plus exactement du fiasco d Ecomouv, qui devait compenser pour partie la saignée lorraine de la loi de programmation militaire. Où l Etat trouvera-t-il ces mêmes 100 M alors que le Pacte Lorraine a du mal à justifier les moyens annoncés? Est-il vraiment nécessaire de construire une nouvelle gare TGV Lorraine là où celle de Louvigny existe déjà? Alors même que le niveau de fréquentation prescrit par la déclaration d'utilité publique est parfaitement atteint. Ne peut-on pas dégager désormais des priorités absolues et non pas organiser un simili référendum de convenance en pleine période électorale? Ces temps de crise et d économies budgétaires nous imposent d observer une grande sagesse dans nos investissements productifs, contrairement aux financements régionaux annoncés sans justification économique. Est-ce vraiment si difficile? Les centaines de casques de sécurité de couleur orange érigée récemment en pyramide devant la Préfecture en signe de colère ajoutés aux tonnes de lisier déversées sur les parvis de toutes les préfectures de France ne suffisent-ils pas à attirer notre attention et ne sont-ils pas un simple rappel au bon sens républicain? Les mauvais chiffres de la conjoncture économique, et ceux du chômage requièrent des mesures réelles, claires et concrètes. Combien de temps nous faudra-t-il encore attendre pour nous extraire des sables mouvants qui nous aspirent inexorablement vers le fond? Jour après jour le doute s'installe, l'exaspération monte et les voix populistes se font entendre. Après Depalor et Ecomouv, la presse relate quotidiennement les difficultés de Lorraine Tubes, l'avenir de Tata Steel ou le devenir du site de Holcim, démontrant, vous en conviendrez, que l heure est grave pour notre région. 3
En effet, en constatant avec colère la poursuite de la dévitalisation économique, c est la parole même de l Etat qui se dévalorise. Ce que nous mesurons surtout, c est que nous sommes et restons dans la difficulté. Peut-on faire montre de plus de patience encore? Est-ce encore possible? A la question de la force économique, on nous répond obésité institutionnelle. A la question de la force de la particularité européenne de notre territoire on nous oppose le médiocre bilan des structures régionales actuelles. Il nous faut ensemble et avec ambition adapter à notre territoire les atouts de cette réforme aujourd'hui encore bien mystérieuse. A ce jour, la lettre ouverte que j ai adressée à Monsieur le Premier ministre proposant l expérimentation d une Eurorégion, reste toujours sans réponse. Un silence pesant, alors même que les médias régionaux et nationaux s en sont fait l écho jusques et y compris au récent congrès de l Assemblée des Départements de France (l ADF) organisé à Pau, les 5 et 6 novembre. Un silence lourd, alors même que les gouvernements luxembourgeois et belge ont questionné leur parlement respectif suite à ma lettre parue dans leurs médias quant à la faisabilité d une telle démarche. Cette attente qui ne trouve aucune réponse est-elle à ce point la marque de considération de l Etat pour la Lorraine en général et la Moselle en particulier pour leur histoire, leur géographie, leurs atouts? La considération qu attendent nos concitoyens lorrains m impose de ne pas attendre plus longtemps que la politesse ne l exige. C est pourquoi depuis cet été, j ai endossé de nouvelles responsabilités au sein de l ADF où je co-préside la commission sur la réforme territoriale. Et je veux croire que mon action, conjuguée à l action d autres présidents de départements tout aussi déterminés que combatifs, tout aussi passionnés que responsables, a porté ses fruits. Subitement, le 6 novembre dernier, lors de ce 86e congrès de l ADF, le Premier ministre disait son amour des départements et la nécessité de les maintenir dans notre pays. Je n ose croire que ce discours n était qu un discours de circonstances destiné à apaiser un auditoire que l on redoutait. Le département de la Moselle et ses élus ont toujours eu la volonté d'apporter des solutions pour soutenir, voire relancer la machine économique. Je m y emploie avec TerraLorraine, avec Europort, avec le grand projet industriel du CNPE de Cattenom. Je me bats depuis le premier jour, souvent seul, quelquefois avec un acharnement incompris, mais toujours convaincu qu il ne saurait y avoir de place pour le doute dans ces projets. 4
Les baux récemment signés sur TerraLorraine démontrent la viabilité et l intérêt de ce chantier non seulement pour la Moselle mais aussi pour la Lorraine, le Grand-Est et la Grande Région. Il y a des réalités fortes qui s imposent à nous et nous devons plus que jamais les accompagner ensemble. C est tout l objet de cette matinée : articuler nos actions, dans une approche pragmatique qui ne se laisse engluer : - ni dans une vision macroéconomique éthérée sur laquelle nous n aurions prise, - ni dans le traitement exclusivement local et politiciens des dossiers. Il est indispensable que nous prenions la hauteur de vue nécessaire, celle qui doit nous permettre de faire face aux enjeux attendus par nos concitoyens. Des défis que nous devons traiter dans la proximité et dans une démarche partagée entre l'etat et toutes les collectivités territoriales. Je vous remercie de votre attention. Patrick Weiten 5