RECUEIL DE JURISPRUDENCE CONTENTIEUX DU GENOCIDE TOME III



Documents pareils
La Justice et vous. Les acteurs de la Justice. Les institutions. S informer. Justice pratique. Vous êtes victime. Ministère de la Justice

Introduction. Une infraction est un comportement interdit par la loi pénale et sanctionné d une peine prévue par celle-ci. (1)

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

BULLETIN OFFICIEL DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE n 102 (1 er avril au 30 juin 2006)

Comment se défendre devant le tribunal pénal

Questionnaire du projet Innocence

La chambre du conseil de la Cour d'appel du Grand-Duché de Luxembourg a rendu le douze février deux mille quatorze l'arrêt qui suit:

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, premier décembre deux mille onze.

- La mise en cause d une personne déterminée qui, même si elle n'est pas expressément nommée, peut être clairement identifiée ;

STATUT ACTUALISÉ DU TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR L EX-YOUGOSLAVIE

Responsabilité pénale de l association

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS N , , , , M. Olivier Yeznikian Rapporteur

Loi organique relative à la Haute Cour

Numéro du rôle : 4767 et Arrêt n 53/2010 du 6 mai 2010 A R R E T

Me Balat, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Boulloche, SCP Odent et Poulet, SCP Ortscheidt, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)

Obs. : Automaticité de la pénalité de l article L C. ass. : la victime n a aucune demande à formuler

TRAITÉ SUR L'UNION EUROPÉENNE (VERSION CONSOLIDÉE)

M. Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président), président

Titre I Des fautes de Gestion

CONSIDÉRATIONS SUR LA MISE EN ŒUVRE DES DÉCISIONS DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix-neuf mai deux mille onze.

La responsabilité juridique des soignants

COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L HOMME EUROPEAN COURT OF HUMAN RIGHTS

REPUBLIQUE FRANCAISE. Contentieux n A et A

Alcool au volant : tous responsables? La question de la co-responsabilité sera enfin posée au Tribunal de Saint Nazaire

BULLETIN OFFICIEL DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

E n t r e : appelante aux termes d un exploit de l huissier de justice Jean-Lou THILL de Luxembourg du 14 août 2009,

Décision du Défenseur des droits n MLD

DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE Division générale Assurance-emploi

Arrêt n CAISSE DE CREDIT MUNICIPAL DE LYON

LA REBELLION. a) il faut que l'agent ait agi dans l'exercice de ses fonctions.

MINISTÈRE DE L ÉQUIPEMENT. Direction des routes et de la circulation routièrẹ Sous-direction des routes et des affaires générales. 3 bureau.

LES RESPONSABILITES DES AGENTS PUBLICS DE L ÉTAT. Formation AVS Janvier 2013

La majorité, ses droits et ses devoirs. chapitre 7

Loi du 20 décembre 2002 portant protection des conseillers en prévention (MB )

Numéro du rôle : Arrêt n 136/2008 du 21 octobre 2008 A R R E T

DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE Division générale Assurance-emploi

ARRÊT DU 30 Novembre Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE du 16 novembre N rôle: 2004/369

GROUPE DE RÉDACTION SUR LES DROITS DE L HOMME ET LES ENTREPRISES (CDDH-CORP)

dans la poursuite pénale dirigée contre

Nous constatons de nos jours

MONITORING DES JURIDICTIONS GACACA PHASE DE JUGEMENT RAPPORT ANALYTIQUE

Décrets, arrêtés, circulaires

Introduction au droit La responsabilité professionnelle

CONSEIL DE LA MAGISTRATURE LE MINISTRE DE LA JUSTICE DU QUÉBEC. - et - - et - - et - - et - RAPPORT DU COMITÉ D'ENQUÊTE

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TOULOUSE. ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 01 Juillet 2014

N 25/ 07. du Numéro 2394 du registre.

Le stationnement irrégulier de véhicules appartenant à la communauté des gens du voyage.

Circulaire de la DACG n CRIM 08-01/G1 du 3 janvier 2008 relative au secret de la défense nationale NOR : JUSD C

Loi n du 7 juillet 1993 relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment de capitaux

Leçon n 3 : La justice garante du respect du droit

Responsabilité professionnelle des Infirmiers

CONVENTION D AIDE MUTUELLE JUDICIAIRE D EXEQUATUR DES JUGEMENTS ET D EXTRADITION ENTRE LA FRANCE ET LE MAROC DU 5 OCTOBRE1957

Code de conduite pour les responsables de l'application des lois

(BON du ) (BON du ) Que l on sache par les présentes puisse Dieu en élever et en fortifier la teneur!

RESPONSABILITES ET ASSURANCE DANS LE DOMAINE ASSOCIATIF

Introduction : un contentieux aux trois visages différents

5. Règlement de procédure et de preuve *+

Les victimes et auteur-e (s) de violences domestiques dans la procédure pénale

LE PROCUREUR CONTRE JEAN-PAUL AKAYESU. Affaire N ICTR-96-4-T

COUR DE CASSATION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E. Audience publique du 16 janvier 2014 Cassation Mme FLISE, président. Arrêt n o 47 F-P+B

LE DOCUMENT UNIQUE DE DELEGATION

La responsabilité civile et pénale. Francis Meyer -Institut du travail Université R. Schuman

Guide des bonnes pratiques. Les différentes manières dont on saisit la justice pénale

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE Division générale Assurance-emploi

Cour européenne des droits de l homme. Questions & Réponses

Numéros du rôle : 4381, 4425 et Arrêt n 137/2008 du 21 octobre 2008 A R R E T

LOI N DU 7 MARS 1961 déterminant la nationalité sénégalaise, modifiée

M. Lacabarats (président), président SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat(s)

N 2345 ASSEMBLÉE NATIONALE PROPOSITION DE LOI

La responsabilité juridique des infirmiers. Carine GRUDET Juriste

Allocution de M. Hassan B. Jallow Procureur du TPIR et du MTPI, devant le Conseil de sécurité de l ONU 10 décembre 2014

CODE DE PROCEDURE PENALE TITRE PRILIMINAIRE De l action publique et de l action civile Art. 1 à 9

Convention européenne des droits de l homme

Code de conduite du Label de Qualité BeCommerce pour la Vente à

PROTECTION DES DROITS DU TRADUCTEUR ET DE L INTERPRETE

Numéro du rôle : Arrêt n 21/2011 du 3 février 2011 A R R E T

INTRODUCTION A LA RESPONSABILITE CIVILE ET PENALE DES MANDATAIRES COMMUNAUX EN REGION WALLONE.

LOI N 04/002 DU 15 MARS 2004 PORTANT ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DES PARTIS POLITIQUES

COUR DU QUÉBEC «Division des petites créances»

PROTOCOLE. Entre le Barreau de Paris, le Tribunal de Commerce et le Greffe. Le Barreau de Paris, représenté par son Bâtonnier en exercice,

La présente brochure vous permet de faire plus ample connaissance avec la cour d assises. À la fin de la brochure figure un lexique explicatif 1.

Commentaire. Décision n /178 QPC du 29 septembre 2011 M. Michael C. et autre

RESPONSABILITE ET ASSURANCES

dans la poursuite pénale dirigée contre en présence du Ministère Public l arrêt qui suit :

PROCEDURES DE DIVORCE

«La prison est la seule solution pour préserver la société.»

Comment se déroule le droit de visite et d hébergement d un parent en cas de fixation de la résidence habituelle chez l autre parent?

LAR Police IZEO pour mandataires sociaux

REGLEMENT INTERIEUR TITRE I : DISPOSITIONS GENERALES

le Fichier central des chèques (FCC) et le Fichier national des chèques irréguliers (FNCI),

ACAT-France. Et si la prison n était pas toujours la solution? SANCTIONNER AUTREMENT. Et si la prison n était pas toujours la solution?

RESPONSABILITE DU DIRIGEANT EN DROIT DU TRAVAIL

NOTICE D INFORMATION

DES MEUBLES INCORPORELS

L expulsion de terrain

Lutter contre l habitat indigne : Guide pénal

Continuité d activité. Enjeux juridiques et responsabilités

LA COUR DES COMPTES a rendu l arrêt suivant :

Transcription:

ASF-Belgium RECUEIL DE JURISPRUDENCE CONTENTIEUX DU GENOCIDE TOME III Ce Recueil a été réalisé par Avocats Sans Frontières-Belgique en partenariat avec le Département des Cours et Tribunaux de la Cour Suprême du Rwanda avec le soutien de l'agence Intergouvernementale de la Francophonie, de la Commission Européenne, de la Coopération Belge et de la Coopération Néerlandaise.

TABLE DES MATIERES PREFACE...5 PREMIERE PARTIE : TRIBUNAUX DE PREMIERE INSTANCE ET CHAMBRES SPECIALISEES A. T.P.I. BUTARE : N 1 : Le 30/11/2001, Ministère Public C/NTEZIRYAYO Emmanuel et Consorts..11 B. CS BYUMBA : N 2 : Le 02/05/1997, Ministère Public C/KANYABUGANDE François et Consorts..55 C. CS CYANGUGU : N 3 : Le 06/08/1998, Ministère Public C/RWAMULINDA Antoine et Consorts 95 D. T.P.I. GIKONGORO : N 4 : Le 20/02/2002, Ministère Public C/BIZIMANA Antoine.115 E. CS GISENYI : N 5 : Le 26/06/1997, Ministère Public C/BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie..143 F. CS GITARAMA : N 6 : Le 02/04/1999, Ministère Public C/BUGIRIMFURA Emmanuel et Consorts 159 G. CS KIBUNGO : N 7 : Le 22/09/2000, Ministère Public C/BIZURU André et Consorts..175 H. CS KIBUYE : N 8 :Le 22/03/2000, Ministère Public C/BUREGEYA Edison et UWITONZE Bernard..193 I. CS KIGALI : N 9 : Le15/01/1999 : Ministère Public C/MUKAKAYIJUKA Hadidja 205 J. CS NYAMATA : N 10 : Le 31/07/2000, Ministère Public C/MUKANSANGWA Pascasie..221 3

K. CS RUHENGERI : N 11 : Le 12/12/2000, Ministère Public C/NTAHONDI Ildéphonse..229 L. CS RUSHASHI : N 12 : Le 21/09/2000, Ministère Public C/GASANA Apollinaire et Consorts..239 DEUXIEME PARTIE : COURS D APPEL A. CA CYANGUGU : N 13 : Le 06/07/1999, MUNYANGABE Théodore C/Ministère Public...255 B. CA KIGALI : N 14 : Le 26/12/2000, KAYIJUKA Célestin C/Ministère Public...271 C. CA NYABISINDU : N 15 : Le 20/03/1998, NEMEYIMANA Israël C/Ministère Public 285 D. CA RUHENGERI : N 16 : Le 25/11/1998, BARITIMA Jules C/Ministère Public.295 TROISIEME PARTIE : JURIDICTION MILITAIRE CONSEIL DE GUERRE N 17 : Le 26/11/1998, Auditorat Militaire C/SGT GD BARAYAGWIZA Ildephonse.309 ANNEXES TABLE ALPHABETIQUE DES DECISIONS 381 INDEX ANALYTIQUE DES DECISIONS.383 LOI ORGANIQUE N 8/96 DU 30/08/1996 SUR L ORGANISATION DES POURSUITES DES INFRACTIONS CONSTITUTIVES DU CRIME DE GENOCIDE OU DE CRIMES CONTRE L HUMANITE, COMMISES A PARTIR DU 1 er OCTOBRE 1990 387 4

PREFACE Ce troisième tome du «Recueil de jurisprudence» concernant le contentieux du génocide et des crimes contre l humanité tel qu il est traité par les juridictions rwandaises est le fruit de la poursuite d un important travail, rendu possible grâce à la confiance que le Département des Cours et Tribunaux de la Cour Suprême a accordée à Avocats Sans Frontières. Depuis la parution du 1 er tome, en janvier 2002, la méthode s est affinée. D une part, l expérience a permis d améliorer la qualité des traductions. D autre part, les réactions recueillies de la part des acteurs judiciaires magistrats, avocats et défenseurs judiciaires nous ont amenés à ajuster la méthode d indexation, de manière à répondre au plus près à leurs attentes et à leurs besoins. Enfin, les contacts systématiques instaurés avec l ensemble des juridictions du pays ont permis de recueillir des décisions émanant de chacune d entre elles : c est ainsi que ce recueil rassemble des décisions prononcées par tous les Tribunaux de première instance, par le Conseil de Guerre, et par toutes les Cours d appel. Dix-sept décisions qui nous paraissent représentatives de la justice rendue à ce jour par les tribunaux rwandais. Elles sont présentées ici dans leur intégralité. Certaines d entre elles sont très longues : c est le prix de la pratique qui consiste à retranscrire l ensemble des débats dans le corps du jugement, pratique grâce à laquelle le lecteur dispose d une source d information unique sur l histoire et le déroulement du génocide et des massacres. L observateur relèvera également le souci grandissant des magistrats de motiver leurs décisions en droit, d entendre les victimes, de respecter les droits de la défense, de distinguer selon le degré de responsabilité, mais également de sanctionner par un acquittement les accusations abusives. Le présent recueil paraît à l heure où les juridictions gacaca ont entamé leur travail. Dans l immédiat, les juridictions ordinaires restent saisies des affaires qui leur avaient été transmises par le Parquet avant le 15 mars 2001, date d entrée en vigueur de la Loi organique du 26 janvier 2001 portant création des «juridictions gacaca» et organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l humanité. Elles continuent, dans ces dossiers, à appliquer la Loi organique du 30 août 1996 (publiée ici en annexe). Certaines des dispositions contenues dans la Loi organique de 2001 sont cependant d application immédiate : c est le cas notamment de son article 96 qui supprime les Chambres spécialisées des Tribunaux de première instance et des juridictions militaires, et prévoit que les affaires dont elles avaient été saisies seront jugées par les juridictions dont faisaient partie ces Chambres spécialisées : c est ainsi que figurent, parmi les décisions sélectionnées, deux décisions postérieures au 15 mars 2001, prononcées par des Tribunaux de première instance, et non plus par des Chambres spécialisées. Rappelons par ailleurs qu en vertu de la Loi organique du 26 janvier 2001 portant création des «juridictions gacaca» et organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l humanité, et la Loi du 22 juin 2001 qui la modifie et la complète, les personnes relevant de la première catégorie restent justiciables des juridictions ordinaires. 5

A l issue de l'«instruction» menée par les assemblées générales des juridictions gacaca de cellules, les juridictions ordinaires seront donc prochainement appelées à appliquer intégralement la Loi organique de 2001. La jurisprudence et l expérience développées par les Chambres Spécialisées et les Cours d appel sous l empire de la Loi organique de 1996 constituera, à cet égard, une importante source d interprétation. En mettant à la disposition des praticiens du droit de nouvelles décisions, nous espérons leur offrir un outil de travail pertinent et nourrir le débat juridique. Enfin, en poursuivant la publication de ces jugements qui témoignent du génocide et des massacres et de leur répression, nous souhaitons rendre hommage à ceux qui, en âme et conscience, œuvrent au quotidien à rendre justice à toutes les victimes. Caroline STAINIER, Responsable de projet, Avocats Sans Frontières. 6

PREMIERE PARTIE TRIBUNAUX DE PREMIERE INSTANCE ET CHAMBRES SPECIALISEES 7

8

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE BUTARE 9

10

N 1 Jugement du Tribunal de Première Instance de BUTARE du 30 novembre 2001. Ministère Public et parties civiles C/ NTEZIRYAYO Emmanuel et Consorts. ACQUITTEMENT ACTION CIVILE (FONDEMENT; LIEN DE CAUSALITE) ASSASSINAT (ART. 312 CP) ASSOCIATION DE MALFAITEURS (ARTS. 281 ET 282 CP) AVEUX (COMPLETS; FORCE PROBANTE A L'EGARD DES TIERS) CATEGORISATION (2 ème CATEGORIE; ART. 2 L.O. 30/08/1996) CRIME DE GENOCIDE CRIMES CONTRE L'HUMANITE DESCENTE DU TRIBUNAL SUR LE LIEU DES FAITS DEVASTATION DU PAYS PAR MASSACRES, DESTRUCTION ET PILLAGE (ART. 168 CP) DOMMAGES ET INTERETS (CONDAMNATION IN SOLIDUM) DROITS DE LA DEFENSE (DROIT D'ETRE ASSISTE) PEINE (EMPRISONNEMENT A PERPETUITE ET DEGRADATION CIVIQUE) PREUVE (ABSENCE DE; FORCE PROBANTE DE) PROCEDURE D'AVEU ET DE PLAIDOYER DE CULPABILITE (AVANT PUBLICATION DU NOM SUR LA LISTE DES PERSONNES DE PREMIERE CATEGORIE : ART 9 L.O. 30/08/1996; RECEVABILITE: ART. 6 L.O. 30/08/1996) RESPONSABILITE DE L ETAT (ART. 91 L.O. 26/01/01) TEMOIGNAGES (A CHARGE; A DECHARGE; CONCORDANTS) VIOLATION DE DOMICILE ( ARTS. 304 ET 305 CP) ZELE ET MECHANCETE EXCESSIVE ( ART. 2 CATEGORIE 1c L.O. 30/08/1996). 1. Droit d'être assisté d'un défenseur remise. 2. Procédure témoins tenus hors des débats avant déposition descente du Tribunal sur le lieu des faits. 3. 1 er prévenu défaut de preuve - témoignages à décharge infractions non établies acquittement et ordre de libération immédiate. 4. 2 ème prévenu procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité avant publication du nom sur la liste des personnes de première catégorie conformité à l'article 6 de la Loi organique du 30/08/1996 infractions établies. 5. 2 ème prévenu zèle et méchanceté excessive première catégorie déclassée en deuxième catégorie (article 9 alinéa 2 de la Loi organique du 30/08/1996) emprisonnement à perpétuité et dégradation civique (article 18 de la Loi organique du 30/08/1996). 6. Action civile responsabilité civile de l'etat dans le génocide (article 91 de la Loi organique du 26/01/2001) condamnation solidaire du 2 ème prévenu et de l'etat dommages moraux ex- æquo et bono dommages matériels suivant la valeur du préjudice. 7. Action civile liée à une infraction non poursuivie demande sans fondement rejet. 8. Disjonction de l'action publique prévenus non identifiés. 11

1. L'audience est remise afin de permettre aux prévenus d'accomplir les démarches nécessaires pour bénéficier de l'assistance d'un conseil. 2. Les témoins tant à charge qu'à décharge sont exclus de la salle d'audience jusqu'au moment de leur déposition. Le Tribunal décide d'effectuer une descente sur le lieu des faits afin d'interroger la population. 3. Ni les éléments produits par le Ministère Public, ni les témoignages à charge ne permettent d établir la part de responsabilité que le 1 er prévenu aurait eue dans le génocide. - Doit être écartée comme inexacte l allégation selon laquelle le prévenu aurait désigné un comité de dix personnes chargé d assurer la sécurité, comité dont certains membres ont ensuite été impliqués dans des massacres, les témoignages recueillis établissant que ces personnes avaient été élues par la population. - Est également inexacte l affirmation selon laquelle il ordonnait les assassinats, les témoignages recueillis lors de la descente sur le lieu des faits établissant au contraire qu il a fait ce qui était en son pouvoir pour que les victimes soient épargnées, notamment en fournissant aux personnes menacées des pièces d identité en remplacement de celles qui faisaient mention de leur ethnie Tutsi. Il est acquitté de l ensemble des infractions et sa libération immédiate est ordonnée. 4. La procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité du 2 ème prévenu est acceptée tant par le Ministère Public que par le Tribunal comme conforme au prescrit de l'article 6 de la Loi organique du 30/08/1996. Le prévenu est reconnu coupable de l'ensemble des infractions à sa charge. 5. Le zèle et la méchanceté excessive dont a fait preuve le 2 ème prévenu, notamment en utilisant une hache pour tuer une dame âgée avec laquelle il entretenait de bonnes relations, permettent de le ranger en première catégorie; en raison de son plaidoyer de culpabilité intervenu avant la publication de son nom sur la liste des personnes relevant de la première catégorie, il doit être rangé en deuxième catégorie conformément à l'article 9 alinéa 2 de la Loi organique du 30/08/1996. Il est condamné à l'emprisonnement à perpétuité et à la dégradation civique. 6. L Etat, qui a reconnu sa responsabilité dans le génocide, doit être condamné au paiement des dommages et intérêts alloués aux parties civiles, solidairement avec le prévenu reconnu coupable, selon les dispositions de l'article 91 de la Loi organique du 26/01/2001 portant création des juridictions Gacaca. Les dommages et intérêts moraux réclamés apparaissent excessifs; tenant compte des liens de parenté, ils sont fixés ex- æquo et bono car «un être humain n a pas de prix». Les dommages matériels doivent être alloués en tenant compte de la valeur des biens endommagés. 7. Ne peut être reçue, l'action civile d'une partie qui est fondée sur une infraction dont le Tribunal n'a pas été saisi. 8. L action publique concernant les prévenus dont l identification est restée incomplète est disjointe. (NDLR: L'appel du Ministère Public est pendant devant la Cour d'appel de NYABISINDU). (Traduction libre) 12

RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001 RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE 1 er feuillet. LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE BUTARE EN ITINERANCE A NYANZA, Y SIEGEANT EN MATIERE DE GENOCIDE ET D AUTRES CRIMES CONTRE L HUMANITE, A RENDU LE 30/11/2001 LE JUGEMENT DONT LA TENEUR SUIT : EN CAUSE : LE MINISTERE PUBLIC CONTRE : 1. NTEZIRYAYO Emmanuel fils de KAJANGWE ET NYIRANDIMURWANGO, né en 1950 à KIVUMU-BUSASAMANA-NYABISINDU-BUTARE, y résidant, marié à KABAGEMA, père de 8 enfants, Rwandais, cultivateur, sans biens ni antécédents judiciaires connus ; 2. NSANGANIRA Eugène fils de ZIKAMABAHARI et NYIRADURI, né en 1959 à KIVUMU-BUSASAMANA-NYABISINDU-BUTARE, y résidant, marié à NYIRAMARIZA, père de 6 enfants, Rwandais, cultivateur, sans antécédents judiciaires connus ; 3. MUSAFIRI : non autrement identifié. 4. NKUNDABAGENZI : non autrement identifié. 5. HABIYAMBERE : non autrement identifié. 6. MUNYANKINDI : non autrement identifié. 7. SEMBU : non autrement identifié. 8. NTAGANZWA : non autrement identifié. 9. MASONGA François : non autrement identifié. 10. NDAGIJIMANA : non autrement identifié. 11. SEGEMA : non autrement identifié. 12. MPUNGIREHE Laurent : non autrement identifié. 13. MIKWEGE : non autrement identifié. 14. NCAMIHIGO Idrissa : non autrement identifié. 15. RUGAMBA : non autrement identifié. 16. BAJENEZA Damascène : non autrement identifié. 13

RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001 RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE 17. RUFANGURA : non autrement identifié. 18. JUMA : non autrement identifié. 19. MISAGO Vianney : non autrement identifié. 20. Gérard : non autrement identifié. 21. KAREGE Ildephonse : non autrement identifié. 22. MUNYAMBUGA Phénéas : non autrement identifié. 23. SHEMU : non autrement identifié. PREVENTIONS : A charge de NTEZIRYAYO Emmanuel, NSANGANIRA Eugène, NKUNDABAGENZI Alphonse, MPUNGIREHE Laurent, MIKWEGE, NCAMIHIGO Idrissa, RUGAMBA, BAJENEZA Damascène, RUFANGURA, JUMA, MISAGO Vianney, NDAGIJIMANA Gérard, KAREGE Ildephonse et MUNYAMBUGA Phénéas : - Avoir à KAVUMU, BUSASAMANA, NYABISINDU, BUTARE, République Rwandaise, entre avril et juillet 1994, comme auteurs, coauteurs ou complices tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal, organisé et mis à exécution le plan du génocide et d autres crimes contre l humanité, infraction 14 2 ème feuillet. prévue par la Convention du 09/12/1994 sur la répression du crime de génocide, la Convention du 12/08/1949 sur la protection des personnes civiles en temps de guerre et les Protocoles Additionnels, la Convention du 26/11/1968 sur l imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l humanité telles que ratifiées par Décret-loi n 08/75 du 12/02/1975, ainsi que par la Loi organique du 30/08/96 en son article premier. A)- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme auteurs, coauteurs ou complices, commis l infraction d association de malfaiteurs prévue et réprimée par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal Livre I (sic). B)- Avoir, dans les mêmes circonstances de lieu, en date du 22/04/1994, comme auteurs, coauteurs ou complices, assassiné NYIRABANANI Cécile, NYIRABAKEKA, Pauline et son enfant, MUKANGWIJE Suzanne, NGARAMBE, l épouse de KADENESI et ses deux enfants, l épouse de Gervais, l épouse de NYAMBIRIRA, l épouse de KANYABIHAHO Xavier, la fille de RUBINDO ainsi que NSABUMUKUNZI, infraction prévue et réprimée par l article 3 de la Loi organique n 08/96 du 30/08/96, les articles 89, 90 et 91 du livre I et 312 du Code pénal Livre II. A charge de NSANGANIRA Eugène, HAVUGIMANA Mussa, BAJENEZA, NKUNDABAGENZI et SHEMU.

RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001 RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE C)- Avoir, au même endroit que ci-dessus au cours du génocide d avril à juillet, comme auteurs, coauteurs ou complices, commis l infraction de dévastation du pays par les massacres, les destructions de maisons et de bétail ainsi que les pillages, infraction prévue et réprimée par les articles 89, 90 du livre I ainsi que les articles 169, 144 du livre II du Code pénal(sic). D)- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, commis l infraction de violation de domiciles d autrui, infraction prévue et réprimée par les articles 304 et 305 du livre II du Code pénal. PARTIES CIVILES. 1. MUSAYIDIRE Eugénie fille de BWICAMANUMA et MUKANGWIJE Suzanne, née le 25/12/1952 à BUSASAMANA, ville de NYANZA, province de BUTARE, résidant actuellement en Allemagne. 2. NYIRANTEGEYINKA Véronique fille de RUCEGE Charles et MUTWAKAZI Marie, résidant à BUSASAMANA, ville de NYANZA, province de BUTARE. 3. MUNYANSHONGORE Mussa fils de NDEKEZI et NYIRABANAMA Cécile, résidant à BUSASAMANA, ville de NYANZA, province de BUTARE. 4. MUKARUBAYIZA Virginie fille de NDEKEZI et NYIRABANAMA, résidant à BUSASAMANA, ville de NYANZA, province de BUTARE. 15 3 ème feuillet. 5. RWAGATARE Jean fils de KIMONYO Grégoire et MUKAMUZIMA, né à RUHASHYA, résidant à BUSASAMANA, ville de NYANZA. LE TRIBUNAL, Vu l instruction préparatoire de cette affaire par le parquet de la République à BUTARE après laquelle le dossier a été transmis pour fixation au Tribunal de Première Instance de BUTARE et a été inscrit au rôle sous le n RP 84/2/2001 ; Vu l ordonnance du Président du Tribunal pris en date du 11/06/2001 fixant l audience au 22/11/2001 à NYANZA à 8 heures du matin ; Vu que seuls deux des vingt-deux prévenus poursuivis par le Ministère Public ont été identifiés, NTEZIRYAYO Emmanuel et NSANGANIRA Eugène ont été régulièrement cités à comparaître, qu ils ont comparu à cette date en présence du représentant du Ministère Public et de quelques-unes des parties civiles ; Vu que l une des parties civiles à savoir MUSAYIDIRE Eugénie résidant à BUSASAMANA est accompagnée par des journalistes allemands et par un journaliste rwandais de la télévision nationale en la personne de RUTAREKA Alexis qui demandent au Tribunal de les autoriser à faire un reportage sur le déroulement de l audience, qu après avis du Ministère Public, cette autorisation leur est accordée dans le cadre des bonnes relations entre le Rwanda et l Allemagne

RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001 RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE et notamment certains de ses Lands, que le reportage ne doit pas servir à des fins commerciales ; Vu la lettre que NTEZIRYAYO Emmanuel a remise au Tribunal au cours de la matinée à 10 heures dix minutes avant le début de l audience et par laquelle il sollicite le report d audience au motif qu il s est adressé au Bureau de Consultation et de Défense du Corps des Défenseurs en date du 09/11/2001 pour solliciter une assistance judiciaire, qu à la question de savoir s il ne peut pas assurer personnellement sa défense, il répond par la négative et dit qu il espère qu un défenseur sera disponible dans les prochains jours ; Attendu qu à la question posée à NSANGANIRA Eugène de savoir s il accepte de plaider sa cause, celui-ci répond qu il le souhaite ardemment surtout qu il entend plaider coupable ; Attendu que la parole est accordée à quelques-unes des parties civiles pour émettre leur avis, que MUSAYIDIRE Eugénie dit qu elle a accusé NSANGANIRA Eugène seul, mais que NTEZIRYAYO Emmanuel peut faire un effort pour assurer personnellement sa défense étant donné qu ils ont fait un long voyage à partir de l Allemagne pour suivre l audience, que NYIRANTEGEYINKA dit quant à elle qu elle et MUSAYIDIRE Eugénie poursuivent la même action civile et qu à ce titre, elle ne saurait s en tirer seule au cas où cette dernière partirait sans que l affaire soit clôturée ; Attendu que l Officier du Ministère Public SHUMBUSHO Daniel demande au Tribunal de téléphoner au Bureau de Consultation et de Défense pour savoir si la lettre de demande d assistance judiciaire de NTEZIRYAYO Emmanuel y a été reçue et si elle fera l objet d une suite favorable ; 16 4 ème feuillet. Vu que l audience est suspendue jusqu à 14 heures pour que le Tribunal puisse entrer en communication avec le Bureau de Consultation et de Défense avant de décider la date à laquelle l audience doit être reportée ; Vu que le Bureau de Consultation et de Défense informe le Tribunal qu il n a pas reçu la lettre de NTEZIRYAYO Emmanuel datée du 09/11/2001 ; Vu que l audience est reportée au 27/11/2001 pour qu une copie de la lettre de demande d assistance judiciaire soit envoyée à KIGALI (au BCD et au CDDH) par FAX ; Vu qu en date du 27/11/2001 les deux prévenus comparaissent, NTEZIRYAYO Emmanuel étant assisté par Maître SAYINZOGA J. Pierre, NSANGANIRA Eugène étant quant à lui assisté par Maître SENDAMA Cyrdion, les parties civiles ayant pour Conseil Maître NKURIKIYIMFURA Innocent ; Vu que d autres parties civiles se sont constituées et qu elles sont ainsi au total au nombre de cinq ; Attendu qu il est fait lecture de l identité des prévenus et des préventions libellées à leur charge ; Attendu qu à la question de savoir si des témoins tant à charge qu à décharge se trouvent dans la salle d audience, l Officier du Ministère Public dit qu il y a des détenus qui ont été cités comme

RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001 RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE témoins à charge de NTEZIRYAYO Emmanuel, qu ils sont tous invités à sortir pour être appelés à la barre au moment opportun ; Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre demande lui aussi que les témoins à décharge soient exclus de la salle d audience pour être entendus le moment venu ; Attendu qu après un rappel des préventions à charge des prévenus, NSANGANIRA Eugène est invité à dire s il maintient son recours à la procédure d aveu et de plaidoyer de culpabilité et qu il répond par l affirmative, que l audience se déroule alors selon la procédure prévue par l article 10 de la Loi organique du 30/08/1996 sur l organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de génocide et des crimes contre l humanité commises à partir du 1 er octobre 1990 ; Attendu que la parole est accordée au Ministère Public pour présenter son réquisitoire, que l Officier du Ministère Public requiert que NSANGANIRA Eugène soit rangé dans la deuxième catégorie et bénéficie d une diminution de la peine suite à son plaidoyer de culpabilité ; Attendu que le greffier fait lecture de tous les procès-verbaux contenant les aveux de NSANGANIRA Eugène portant sur le lieu, les dates et les victimes de ses actes, l identité de ses coauteurs ainsi que les excuses qu il présente ; Attendu qu à la question de savoir s il a volontairement recouru à la procédure d aveu et s il a été informé de la peine prévue par la loi pour les actes à propos desquels il plaide coupable, ainsi que de l impossibilité d interjeter appel contre le jugement de condamnation consécutif à cette procédure, il répond qu il a volontairement avoué mais que le Ministère Public ne l a pas informé de l interdiction d interjeter appel en pareille circonstance, qu à la question de savoir 5 ème feuillet. s il est prêt à accepter la peine qui sera prononcée par le Tribunal en vertu de la Loi organique n 08/96 du 30/08/1996, il répond par l affirmative mais dit que l Officier du Ministère Public a été injuste à son égard en requérant qu il soit rangé dans la première catégorie alors qu il n a pas agi en qualité d autorité ; Vu que NSANGANIRA Eugène est informé que la décision sur la recevabilité de ses aveux sera prononcée le 28/11/2001, qu ensuite l audience se poursuit ; Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des parties civiles, dit qu il a des inquiétudes sur le cas de NSANGANIRA Eugène à cause de la méchanceté excessive dont il a fait preuve lors du meurtre d une vieille dame au cours duquel il a fait usage d une hache qui d ordinaire est lourde et du fait qu il ne précise pas le nombre de coups de hache qu il a donnés à la victime, et que par ailleurs, tout en reconnaissant qu ils ont gardé des gens pendant la nuit, il ne donne aucun renseignement sur les actes qu ils ont commis sur eux, qu il demande que les prévenus soient poursuivis du chef de l infraction de séquestration prévue par l article 388 du Code pénal livre II, que la peine requise par le Ministère Public soit majorée dès lors que l intéressé n indique pas pourquoi il s en est pris à cette vieille dame mais se plaint plutôt de ce que la peine requise par le Ministère Public est élevée ; Attendu que Maître SEMANDA Cyrdion, Conseil de NSANGANIRA Eugène, dit qu il parlera 17

RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001 RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE en temps opportun de la procédure d aveu et de plaidoyer de culpabilité de son client, mais qu'il demande que la loi soit respectée car il ne comprend pas comment le Tribunal peut prononcer une peine non prévue par la loi, qu il reconnaît le caractère extrêmement grave des infractions commises par NSANGANIRA Eugène, mais qu il en plaide justement coupable et notamment celle d avoir tué une vieille dame alors qu il était en patrouille pendant la journée et que, selon l entretien qu il a eu avec son client, celui-ci a commis ce crime sur ordre de NKUNDABAGENZI Alphonse ; Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre dit que l action introduite par le Conseil des parties civiles sur base de l article 388 du Code pénal Livre II est irrégulière en la forme, car il devrait plutôt porter plainte auprès du Ministère Public dont l inaction pendant une période de 6 mois pourrait alors ouvrir la voie à la citation directe ; Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des partis civiles, dit que l article 39 de la Loi organique n 08/96 dispose que toutes les formes de saisine des juridictions non contraires aux lois ordinaires demeurent d application en matière de génocide, qu'ainsi l'on ne peut empêcher les parties civiles de faire la citation directe et qu il a d autres éléments qu il souhaite soumettre aux membres du siège dans cette affaire ; Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre, Conseil de NTEZIRYAYO Emmanuel, dit qu ils ne s opposent pas à la sanction de toutes les infractions qui ont été commises, mais qu il faut respecter la procédure ; Attendu que la parole est accordée à l Officier du Ministère Public pour qu il donne son avis sur l incident soulevé par l avocat des parties civiles, qu il dit que le Ministère Public a libellé huit (8) préventions après l instruction préparatoire, mais que l Officier du Ministère Public est également compétent pour relever d autres infractions non découvertes auparavant, qu il demande que cet incident soit examiné conformément à la loi et dit que NSANGANIRA Eugène, en faisant valoir être victime d injustice de la part de l Officier du Ministère Public qui le 6 ème feuillet. range dans la première catégorie alors qu il n était pas une autorité, fait semblant d ignorer que certains prévenus ont acquis une renommée à cause du zèle qui les a caractérisés en tuant les victimes à coups de petites houes usagées ; Attendu qu à la question de savoir le but qu il vise en invoquant devant le Tribunal des infractions dont celui-ci n a pas été saisi et s il souhaite que l audience soit reportée pour que le Ministère Public puisse engager des poursuites du chef des infractions concernées, Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des partis civiles, répond que son objectif est la manifestation de la vérité, qu à celle de savoir si le Tribunal peut connaître de ces infractions sans en avoir été saisi il répond qu il y a lieu de voir si les prévenus veulent présenter leurs moyens de défense sur le champ ou à une autre date mais qu il vaudrait mieux que l affaire soit examinée rapidement ; Attendu qu après examen des avis respectifs de l avocat des parties civiles en la personne de NKURIKIYIMFURA Innocent, du Conseil de NTEZIRYAYO Emmanuel et de l Officier du Ministère Public, le Tribunal constate que la détermination de la peine à charge de NSANGANIRA Eugène se fera selon le prescrit de la loi, spécialement la Loi organique sur l organisation des infractions constitutives du crime de génocide, que l action relative aux faits 18

RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001 RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE qualifiés de nouveaux par NKURIKIYIMFURA Innocent est irrecevable car elle est irrégulière en la forme dès lors qu il ne précise pas s il s agit d une exception qui par ailleurs devrait être invoquée au seuil des débats sur le fond, qu il décide à cet égard que l audience doit se poursuivre par la défense de NTEZIRYAYO Emmanuel ; Attendu qu interrogé sur les infractions qui lui sont reprochées, NTEZIRYAYO Emmanuel dit qu il plaide non coupable ; Attendu que le Ministère Public est invité à rapporter les preuves à la base des poursuites à charge de NTEZIRYAYO Emmanuel pour lui permettre d y répliquer ; Attendu que l Officier du Ministère Public dit que NTEZIRYAYO Emmanuel était conseiller de secteur et qu il a agi en coaction avec un groupe de 10 individus qu il a choisis lui-même pour la mise en exécution du plan de génocide ; qu en date du 21/04/1994, ils ont mené une expédition au cours de laquelle ils se sont saisis de 13 tutsi et les ont conduits à l endroit où une barrière était érigée et où ils ont passé la nuit, qu ils les ont tués le lendemain dans un boisement se trouvant à proximité, qu il poursuit en disant que les intéressés, après avoir tué les victimes, incendiaient et détruisaient leurs maisons et mangeaient leur bétail, que NTEZIRYAYO Emmanuel reconnaît les faits et notamment la formation d une association de malfaiteurs composée de 10 personnes, que c est lui qui donnait chaque fois l ordre de tuer tel que cela apparaît dans les procès-verbaux portant les cotes 6 et 10 du dossier ; Attendu qu invité à présenter ses moyens de défense, NTEZIRYAYO Emmanuel dit qu il y a lieu d interroger la population du secteur qu il dirigeait sur sa conduite au cours du génocide, qu il n a fait aucune discrimination entre les Rwandais et qu il s est plutôt opposé aux massacres tel que NSANGANIRA l a confirmé, qu il poursuit en demandant au Tribunal d interroger la population de tout le secteur de BUSASAMANA et dit qu il a en vain formulé le même souhait auprès du Ministère Public, qu il déclare avoir, à l époque du génocide, secouru MUKAMURIGO et sa fille, KAMASHARA, les membres de la famille NZAYISOMA (cellule BUNYESHYIRA) si bien qu ils ont même attrapé des tueurs auxquels ils ont pris une petite hache, qu interrogé sur l identité de ces tueurs il répond qu ils ont établi un procès-verbal qu ils ont remis au responsable de la cellule, et que parmi eux figuraient les nommés Chadrack, SHEMBU, le fils de MUNYENDAMUTSA, le fils de 19 7 ème feuillet. KIMONYO qui est mort, ainsi que celui de BIMENYIMANA, que cette liste se trouve entre les mains de l actuel conseiller de secteur qui était le responsable de cellule à l époque des faits ; Attendu qu invité à s expliquer sur la liste des tueurs qu il lui est reproché d avoir établie, NTEZIRYAYO Emmanuel répond qu il ne l a pas dressée et que ces individus ont été au contraire choisis par toute la population pour assurer la sécurité dans tout le secteur ; que concernant les quatre barrières il dit qu elles ont été érigées par les militaires et qu il ne comprend pas pourquoi le Ministère Public l'en rend responsable, qu à la question de savoir s il a participé à la réunion relative aux massacres (réunion des conseillers de secteurs), il répond ne pas avoir pris part à une quelconque réunion autre que celle qui a eu lieu un mercredi au cours de laquelle le commandant de gendarmerie s est informé sur la situation sécuritaire et qu on lui a demandé à cette occasion d expliquer pourquoi il plaçait des tutsi aux barrières à l exemple du père de GISAGARA JMV qui a été tué parce qu il s opposait aux massacres ;

RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001 RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE Attendu qu à la question de savoir si KAREGE ne lui a pas fait parvenir un message émanant du bourgmestre, NTEZIRYAYO Emmanuel répond par la négative et dit que ces affirmations sont de pures inventions de la part des autres prévenus qui visent l acceptation de leurs aveux, qu il poursuit en disant que GISAGARA qui était bourgmestre à cette époque venait d être tué alors qu ils s étaient tous deux opposés aux massacres, que lui-même a subi à son domicile une attaque à la grenade ; Attendu que l Officier du Ministère Public dit que NTEZIRYAYO Emmanuel reconnaît avoir participé à une réunion au cours de laquelle les massacres ont été planifiés mais qu il n explique pas pourquoi ceux-ci ont commencé dans le secteur immédiatement après cette réunion, que cela prouve qu il a mis en exécution les décisions prises ; Attendu que NTEZIRYAYO Emmanuel dit que le Ministère Public se fonde essentiellement sur les déclarations des plaignants figurant dans différents dossiers sans daigner tenir compte du fait qu il y avait d autres personnes dans ce secteur qui peuvent confirmer que ladite réunion n avait pas pour objet la planification des massacres, qu il est cependant vrai que ceux qui l ont dirigée étaient des tueurs si bien que quelques-uns d entre eux avaient déjà commis des tueries et menaçaient de s en prendre à son secteur (le secteur de BUSASAMANA) dont la population ne s était pas impliquée dans les massacres ; Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre, Conseil de NTEZIRYAYO Emmanuel, dit que le bourgmestre GISAGARA JMV et NTEZIRYAYO E. étaient tous deux membres d un même parti politique (PSD) et s opposaient aux massacres, qu après la mort de GISAGARA JMV, le nommé MASONGA François a été désigné bourgmestre et s en est pris à NTEZIRYAYO Emmanuel, lui en voulant de ne pas avoir pris part aux tueries, que les dix personnes dont il est question dans l accusation ont été choisies par la population de toutes les ethnies au cours d une réunion convoquée par le conseiller de secteur mais sur ordre du bourgmestre GISAGARA JMV dans le but de veiller à leur sécurité, qu il poursuit en disant qu il était reproché au PSD de collaborer avec les INKOTANYI si bien qu une réunion a eu lieu au cours de laquelle son client a été réprimandé et que, en prenant ses fonctions, MASONGA François a vivement reproché à l intéressé le fait que rien n avait été fait dans son secteur relativement aux massacres, que la population charge le conseiller d avoir dirigé une réunion sans cependant indiquer une victime qu il aurait tuée ou menacée, que l acceptation des aveux d un prévenu ne confère point à ses déclarations la force probante et que, NSANGANIRA dit lui-même que NTEZIRYAYO Emmanuel était pourchassé parce qu il cachait les tutsi, qu il termine en demandant au Ministère Public de rapporter un quelconque acte répréhensible commis par NTEZIRYAYO Emmanuel ; Attendu qu à la question de savoir quand GISAGARA JMV est mort, NTEZIRYAYO Emmanuel répond que c est en avril, qu à celle de savoir si des victimes n étaient pas 8 ème feuillet. mortes auparavant il répond qu elles ont été tuées par les militaires et des jeunes hommes, que concernant le message émanant du bourgmestre dont il est question, il dit qu il n a jamais existé et qu il est par ailleurs prêt à se plier à la sanction s il est établi qu il a désigné les 10 personnes qu on l accuse d avoir réunies dans une association de malfaiteurs ; 20

RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001 RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE Attendu que l Officier du Ministère Public dit que Maître SAYINZOGA J. Pierre fait valoir que le Ministère Public n a pas rapporté de preuves, alors que le prévenu n a pas nié la tenue de la réunion incriminée et que les 10 personnes dont il est question qui ont été désignés pour assurer la sécurité ont plutôt contribué à l insécurité ; que Maître NKURIKIYIMFURA Emmanuel, avocat des parties civiles, renchérit en disant que NTEZIRYAYO Emmanuel a demandé au Tribunal d entendre la population du secteur qu il dirigeait sur sa conduite à l époque du génocide alors que ceux qui ont été interrogés, dont NSANGANIRA, en font partie et qu ils ont affirmé que c est NTEZIRYAYO qui a formé un comité de 10 personnes auxquelles il a donné des instructions et que, dans la soirée, celles-ci ont commencé à ériger des barrières et à tuer, qu il devrait dès lors indiquer la nature du conflit qui l oppose à ces personnes qui le mettent en cause ; qu il continue en disant que si des personnes qui étaient pourchassées et que NTEZIRYAYO Emmanuel aurait défendues sont encore en vie, elles devraient être citées à comparaître aux fins de témoigner sur les circonstances dans lesquelles il les a secourues, qu il arrivait cependant que quelqu un sauve certaines personnes et en tue d autres plus nombreuses ; qu il termine en demandant que NTEZIRYAYO poursuive sa défense sur les faits qui lui sont reprochés et que les personnes qu il a sauvées puissent témoigner par la suite ; que relativement au moyen de défense du prévenu qui dit avoir été réprimandé lors des réunions pour l'inactivité de son secteur dans les tueries, il demande que le prévenu produise le compte rendu de la réunion au cours de laquelle ces faits ont eu lieu ; que le prévenu rétorque cependant que le bourgmestre ne l'a pas invité à ladite réunion ; Attendu que l Officier du Ministère Public dit que les nommés KABERA Adiel, RUKEBESHA Aloys, HATEGEKIMANA et MPUNGIREHE qui ont été condamnés à la peine de mort dans l affaire RMP 49457/S7 ainsi que DUSINGIZIMANA Israël (ex-conseiller) qui est encore prévenu mais est passé aux aveux ont mis NTEZIRYAYO Emmanuel en cause ; Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre relève que son confrère, Conseil des parties civiles, invoque comme preuves les déclarations figurant au dossier et faisant état de la réunion de la population qui a eu lieu, que cependant NTEZIRYAYO Emmanuel ne nie pas la tenue de cette réunion à laquelle a pris part la population de toutes les ethnies, que des gens peuvent se révéler bons lors de leur élection et changer par la suite, mais que NTEZIRYAYO Emmanuel ne saurait aucunement répondre de ce changement, qu il termine en demandant au Tribunal de bien vérifier si les 10 personnes ont été désignées par NTEZIRYAYO E. ou choisies par la population et qu'il dit que l Officier du Ministère Public s appesantit sur les réunions comme preuves à charge sans cependant en indiquer la date ni démontrer ce qui y a été débattu, qu il déclare également ne point approuver les déclarations des détenus qui ont été définitivement condamnés ; Attendu qu interrogé sur les victimes que DUSABEMARIYA Marguerite l accuse d avoir tuées tel que cela apparaît à la cote 20 du dossier, NTEZIRYAYO répond que l intéressée devrait expliquer au Tribunal les circonstances des faits allégués et qu il estime quant à lui que cette accusation relève de l habitude que les gens avaient adoptée à la fin de la guerre en 1994 de faire de fausses dénonciations ; Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre, Conseil de NTEZIRYAYO Emmanuel, dit que la déclaration de DUSABEMARIYA figurant à la cote 20 n est point crédible car une seule personne ne peut pas en toute logique tuer d aussi nombreuses victimes qui sont au nombre de 15 personnes, qu il demande au Tribunal d en faire un examen avec délicatesse et de punir son client si les faits sont avérés ; 21

RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001 RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE 22 9 ème feuillet. Attendu qu invité à répliquer aux déclarations des témoins à sa charge, NTEZIRYAYO dit que ces témoins se fondent sur l unique réunion qu il a dirigée, qu il estime que Israël peut le disculper s il le veut, car il sait bien que les massacres ont commencé quand MASONGA François est entré en fonction, qu à la question de savoir s il a envoyé à Hassan un message lui interdisant de relâcher toute personne arrêtée même s il ne s agissait que d un simple passant, il répond que c est une fausse accusation et termine en disant qu il n a jamais pratiqué la discrimination ethnique et que le compte rendu de la réunion au cours de laquelle les 10 personnes ont été choisies est gardé par le responsable de cellule qui est l actuel conseiller de secteur ; Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre, Conseil de NTEZIRYAYO E, dit que le procèsverbal portant la cote 20 n a aucune force probante car il n a pas été établi conformément aux règles de procédure et que le verbalisant n est pas clairement identifié ; Attendu qu invité à présenter ses moyens de défense sur les preuves rapportées par le Ministère Public et spécialement les déclarations des détenus condamnés, il répond que même en prison où ils se trouvent, ces détenus lui en veulent beaucoup, notamment le nommé RUKEBESHA, car celui-ci a été fortement ébranlé par la peine d emprisonnement à perpétuité à laquelle il a été condamné, que ces détenus ne supportent pas qu il n ait pas subi le même sort si bien que lors des séances dites Gacaca, RUKEBESHA a dit aux autres de lui attribuer faussement des infractions, qu'il ne leur en tient cependant pas rigueur quant à lui, mais qu il va prier pour eux ; Attendu que l Officier du Ministère Public dit que les déclarations faites par les détenus avant leur condamnation doivent être considérées comme crédibles ; Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des parties civiles, dit que NTEZIRYAYO Emmanuel persiste à plaider non coupable alors qu après l élection des 10 personnes il est resté avec elles et que par la suite des gens sont morts, qu il n explique ni pourquoi il est resté avec eux ni comment il a fait un suivi des activités de ce comité ; Attendu qu invité à répliquer aux arguments du Conseil des parties civiles, NTEZIRYAYO Emmanuel dit que les 10 personnes ont été choisies par toute la population et qu elles ont entretemps été utiles jusqu à l arrivée des militaires qui a provoqué une scission au sein de ce comité si bien que quelques-unes d entre elles ont pris part aux massacres, qu il a fait au mieux pour faire un suivi de ses activités ; Attendu qu à la question de savoir s il est satisfait par la réponse donnée par le prévenu NTEZIRYAYO Emmanuel, NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des parties civiles, dit que c est avant la mise sur pied du comité dont il est question que le prévenu a sauvé des gens mais que les victimes ont été tuées après la désignation dudit comité, que ses moyens de défense n ont pour but que de semer le doute dans l esprit du Tribunal ; Attendu qu à la question de savoir pourquoi il est resté avec les personnes qui venaient d être choisies, NTEZIRYAYO Emmanuel répond que c était pour les enregistrer, que ce comité n'était pas destiné à exécuter les massacres et qu il n en faisait pas partie, qu à celle de savoir s il a collaboré avec MASONGA François après la mort de GISAGARA JMV il répond par l affirmative et dit qu ils avaient une réunion chaque vendredi et que MASONGA l accusait de

RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001 RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE placer les Tutsi à la barrière si bien qu il lui est arrivé d amener 6 militaires pour vérifier cette accusation, qu il poursuit en disant que la population peut confirmer ce qu il dit, que les gens qui fréquentaient les cabarets où ils mangeaient de la viande grillée avaient pour objectif de perpétrer des tueries dans le secteur BUSASAMANA où la population s était abstenue de les commettre ; 23 10 ème feuillet. Attendu qu interrogé sur la façon dont MASONGA François l a persécuté, NTEZIRYAYO Emmanuel répond qu ils étaient en réunion au bureau communal quand il lui a demandé pourquoi il place des Tutsi à la barrière et notamment le père de GISAGARA JMV, qu ils l ont mis à bord d un véhicule pour aller vérifier le fait sur les lieux, qu à la question de savoir s il a changé de comportement à l époque où MASONGA François était en fonction après la mort de GISAGARA JMV qui s opposait aux massacres, il répond qu il s est gardé de participer aux méfaits, que la déclaration de NSANGANIRA selon laquelle le bourgmestre lui a envoyé un message est fausse, car GISAGARA JMV avait fui et qu il a gardé ses distances à l égard de MASONGA François si bien qu il n allait au bureau communal que les vendredi dans les réunions hebdomadaires ; Attendu que l Officier du Ministère Public dit que NTEZIRYAYO a lui aussi supervisé les massacres car il reconnaît que MASONGA François est venu lui demander des informations ; Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre souhaite que NSANGANIRA E soit interrogé sur les circonstances dans lesquelles il a entendu parler du message que le bourgmestre a envoyé à NTEZIRYAYO le menaçant de commencer par tuer les membres de sa famille s il continuait à s abstenir de prendre part aux massacres ; Attendu qu invité à donner des éclaircissements sur ce message qui a été envoyé au conseiller NTEZIRYAYO Emmanuel, NSANGANIRA Eugène dit qu il a participé aux réunions comme il l a déjà dit dans sa déclaration figurant au procès-verbal portant la cote 1 et que même Israël qui participait à cette réunion le charge, qu à la question de savoir comment ce message a été communiqué à NTEZIRYAYO, il répond que c est son collègue de service à la laiterie, en la personne de KAREGE, qui le lui a rapporté au moment où ils étaient au service ; Attendu qu à la question de savoir s il est satisfait par la réponse donnée par NSANGANIRA, Maître SAYINZOGA J. Pierre dit qu il se peut que, contrairement à cette affirmation, ce message n ait pas été communiqué à NTEZIRYAYO ; Attendu qu à la question de savoir s il est sûr que ce message dont il a eu connaissance au service à la laiterie est effectivement parvenu à NTEZIRYAYO, NSANGANIRA répond par l affirmative et dit que NTEZIRYAYO s est d abord opposé aux tueries mais qu il a par la suite fait preuve de faiblesse et a participé à une réunion au bureau communal, qu interrogé sur la nature de cette faiblesse et sur les moyens dont disposait le prévenu, il répond que l intéressé a une part de responsabilité dans les massacres car, dès qu ils ont commencé, il n a organisé aucune réunion en vue de demander pourquoi des gens étaient tués, qu il doit ainsi en répondre devant le Tribunal ; Attendu que Maître SENDAMA Cyrdion, Conseil de NSANGANIRA, demande que NTEZIRYAYO soit invité à expliciter son propos selon lequel aucun message ne lui est parvenu parce que le bourgmestre avait fui, que l intéressé répond que ce message ne lui est pas parvenu,

RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001 RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE mais que le bourgmestre dont parle NSANGANIRA est GISAGARA qui avait fui car il était menacé, que NSANGANIRA affirme quant à lui qu il parle du bourgmestre MASONGA François ; Attendu qu à la question posée par Maître NKURIKIYIMFURA Innocent de savoir si la fonction de bourgmestre était assurée par GISAGARA ou MASONGA quand les victimes ont été tuées après la constitution du comité, NTEZIRYAYO répond que c est à l époque où cette fonction était exercée par MASONGA François ; 24 11 ème feuillet. Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil des parties civiles, dit que la population était divisée et que MASONGA François est allé rendre visite à NTEZIRYAYO, qu ils se sont alors concertés et que celui-ci lui a obéi, que c est à ce moment que les victimes innocentes ont commencé à être tuées ; Attendu que maître SAYINZOGA J. PIERRE, Conseil de NTEZIRYAYO, dit que durant la période où GISAGARA était encore bourgmestre, les gens n ont pas été tués, que la population a changé de comportement et a participé aux massacres à l époque où cette fonction était exercée par MASONGA François qui a été un meurtrier, qu il se peut que le message envoyé à NTEZIRYAYO ait existé mais qu il ne lui soit pas parvenu, qu il termine en disant que seul le bourgmestre doit répondre des tueries qui ont été commises étant donné que le conseiller ne pouvait d ailleurs rien faire pour résister à six militaires ; Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent dit qu il estime que c est le conseiller qui a ordonné les massacres car il est resté avec les membres du comité après sa constitution et que les victimes ont été tuées le lendemain ; Attendu qu invité à répliquer aux arguments de Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, NTEZIRYAYO Emmanuel dit que ce comité a été constitué par la population, que cela peut être confirmé par les militaires qui étaient en service à cette époque et qui sont encore en vie ainsi que par la population qu il dirigeait à l exception de ceux qui ont commis les tueries qui actuellement le mettent injustement en cause ; Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre dit que NTEZIRYAYO Emmanuel reconnaît que les individus qui ont été élus par la population sont restés pour se faire enregistrer après la réunion, que Maître NKURIKIYIMFURA argumente que ces personnes sont restées pour recevoir des instructions sans cependant indiquer comment celles-ci ont été données ni la voie par laquelle il en a eu connaissance ; Attendu qu invité à dire quelque chose sur la réunion au cours de laquelle les personnes chargées du maintien de la sécurité dans le secteur BUSASAMANA ont été élues, l Officier du Ministère public répond que NTEZIRYAYO devrait lui aussi dire au Tribunal si cette réunion de sécurité a atteint ses objectifs ; Attendu que NTEZIRYAYO dit que ce comité a mené ses activités dans la cellule BUNYESHWA de façon qu il a même pris à un groupe de malfaiteurs une hache qui devait servir à commettre les tueries, mais qu il s est dissout après que des gens ont été tués par balles à la laiterie par les militaires, que par ailleurs, des gens avaient reçu des grenades de sorte qu il ne

RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001 RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE pouvait pas les affronter, qu il termine en disant que quelques- uns de ces individus ont commis les massacres mais qu en ce qui le concerne, il y a lieu d interroger la population qu il dirigeait pour qu elle témoigne à sa décharge ; qu à la question de savoir si quelques-uns des membres de ce comité chargé de la sécurité n ont pas pris part aux massacres il répond par l affirmative et cite KAMATALI et AMULI, qu interrogé sur l ordre du jour des réunions hebdomadaires qu ils tenaient au bureau communal à l époque du génocide, il dit qu ils examinaient des questions relatives à la sécurité ainsi que la situation qui prévalait aux barrières, qu à la question de savoir si des victimes ont été tuées aux endroits où des barrières étaient érigées dans son secteur, il dit que cela est arrivé aux barrières que surveillaient NSANGANIRA et sa bande, mais qu aucune victime n a été tuée aux autres barrières où il a pu se rendre et notamment celle érigée chez KITUMVA ; Attendu que NSANGANIRA dit qu il ne connaît pas KAMATALI mais qu il a vu AMULI portant une tenue militaire emmener des victimes, que NTEZIRYAYO relève que le recours à la procédure d aveu emporte le fait de dire toute la vérité, que si NSANGANIRA n a pas dénoncé AMULI auparavant, cela est la preuve qu il ment, que Maître SAYINZOGA J. Pierre demande au Tribunal d examiner attentivement le plaidoyer de culpabilité de NSANGANIRA 25 12 ème feuillet. étant donné qu il ajoute de nouveaux éléments si bien qu il y a lieu de se demander pourquoi il n a pas fait ces révélations auparavant ; Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent demande que NTEZIRYAYO Emmanuel soit interrogé sur le contenu des rapports qu il faisait lors des réunions hebdomadaires qui avaient lieu chaque vendredi au bureau communal, que NTEZIRYAYO Emmanuel dit qu au cours de ces réunions, il lui était reproché de placer les Tutsi aux barrières et qu on lui demandait de dire où se trouvait GISAGARA, que le conseiller du secteur GAHONDO peut témoigner sur les persécutions dont il faisait l objet ; Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA demande à NTEZIRYAYO Emmanuel s il a, lors de ces réunions, parlé des victimes qui ont été tuées dans son secteur ; que le prévenu répond que ces victimes n avaient pas encore été tuées et qu il n a appris l identité de quelques-unes d entre elles que lors des séances Gacaca en prison ; Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent dit que la responsabilité d une personne ne se limite pas aux seuls faits dommageables commis par elle, mais qu elle s étend également aux dommages causés par ceux qu elle a la charge de diriger et qu à cet égard le prévenu n a fait aucun suivi des activités du comité de sécurité, qu il termine en demandant que KANYANDEKWE, KANAZI et NYIRANTEGEYINKA soient admis à faire leur témoignage ; Attendu que NTEZIRYAYO Emmanuel dit qu il lui est reproché de n avoir pas fait de rapports sur les crimes qui étaient commis alors qu il en a fait une fois quand une victime avait été tuée par balle mais que, l ayant remis au commandant de place, celui-ci lui a dit qu il ne voulait pas un quelconque rapport de ce genre au motif que c était l état de guerre ; Attendu qu invité à donner l identité des victimes tuées et ayant des liens de parenté avec lui, la partie civile KANYANDEKWE Eugène dit que ce sont son père KANYANDEKWE Canisius, ses oncles paternels NSABIMANA et NSHUNGUYINKA Jean, son beau-frère MBARAGA