De la gestion de la crise à la riposte stratégique12



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De la gestion de la crise à la riposte stratégique 315

DE LA GESTION DE LA CRISE À LA RIPOSTE STRATÉGIQUE RAPPORT SUR L ÉPIDÉMIE MONDIALE DE SIDA 2006 Chapitre DE LA GESTION DE LA CRISE À LA RIPOSTE STRATÉGIQUE «Ne nous laissons pas aller à croire qu un beau jour, le monde redeviendra comme il était avant l apparition du SIDA. C est impossible, le SIDA a tout bonnement redéfini les règles. Si nous voulons le vaincre, il nous appartient maintenant de réécrire celles-ci.» Peter Piot, Rio de Janeiro, 27 juillet 2005 316 Avec 65 millions de personnes infectées à ce jour, près de 25 millions de personnes déjà décédées et l immense majorité des personnes vivant avec le VIH (plus de 35 millions) ignorant leur statut sérologique, le SIDA figure parmi les plus importants problèmes de développement et de sécurité auxquels le monde est aujourd hui confronté. Un défi de cette envergure requiert un leadership exceptionnel et permanent, et ce, tant au niveau national que sur le plan international. Après 25 ans d épidémie, la riposte mondiale au SIDA doit évoluer et passer d une approche de gestion épisodique de la crise à une riposte réfléchie, de long terme, privilégiant les stratégies basées sur le concret et consciente de la nécessité d obtenir des engagements durables. Depuis l approbation de la Déclaration d engagement sur le VIH/SIDA en 2001, de nombreux programmes ont été mis en place pour soutenir un leadership mondial contre l épidémie. Le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme fournit des financements supplémentaires aux pays à revenu faible et intermédiaire, l initiative 3 millions d ici 2005 a contribué à accroître substantiellement le nombre de personnes sous traitement antirétroviral, les Trois Principes ont favorisé l établissement d un large consensus sur la nécessité de coordonner les efforts de lutte contre l épidémie et les recommandations de la Cellule mondiale de réflexion pour une meilleure coordination entre les organismes multilatéraux et les donateurs internationaux dans la riposte au SIDA contribuent à une allocation plus optimale et plus efficace des ressources. Malgré les avancées, le leadership permanent nécessaire pour ralentir, stopper et inverser le cours de l épidémie n est cependant toujours pas manifeste. Bien que le Rapport du Secrétaire général

RAPPORT SUR L ÉPIDÉMIE MONDIALE DE SIDA 2006 DE LA GESTION DE LA CRISE À LA RIPOSTE STRATÉGIQUE relatif à la Déclaration d engagement sur le VIH/SIDA prenne acte des nombreux résultats enregistrés par la riposte mondiale au SIDA depuis 2001, il indique néanmoins clairement que l action a globalement été insuffisante et les progrès inégaux dans et entre les pays et les régions, et que de nombreuses nations n ont toujours pas honoré leurs engagements. Comme le Rapport l indique succinctement :«Plusieurs objectifs mondiaux importants de la Déclaration d engagement qui devaient être atteints en 2005 ne l ont pas été.» La meilleure définition du leadership serait peut-être de dire que c est la capacité et la volonté à imaginer l avenir et à rassembler les différentes composantes de la société pour le rendre meilleur. Nous commençons à avoir une connaissance précise des désastres auxquels nous serons confrontés si la riposte au SIDA reste inappropriée mais nous savons aussi comment renforcer la lutte pour sauver des millions de vies et économiser des milliards de dollars. Il est nécessaire de pouvoir compter sur un leadership permanent à l échelle mondiale pour mobiliser les fonds, dépasser les obstacles physiques, économiques et culturels à l action, mettre en œuvre les plans et maintenir le cap jusqu à inverser le cours de l épidémie. Les recommandations suivantes peuvent être considérées comme une ligne de conduite pour le leadership dont le monde a besoin aujourd hui. SOUTENIR ET RENFORCER L ENGAGEMENT ET LE LEADERSHIP La Déclaration d engagement sur le VIH/ SIDA invite les dirigeants des 189 nations qui l ont signée à élaborer et à mettre en œuvre des stratégies nationales, multisectorielles et bien conçues de lutte contre le VIH et le SIDA, et à intégrer leur riposte au sein de plans de développement plus larges en s assurant de la participation pleine et active de la société civile et du secteur privé. Cependant, le Rapport du Secrétaire général indique que bien que près de 90% des pays aient élaboré un cadre stratégique multisectoriel de lutte contre le SIDA, bon nombre d entre eux n ont toujours pas transformé leurs plans en actions. Les autorités nationales de lutte contre le SIDA doivent, en collaboration avec tous les partenaires et toutes les parties prenantes, élaborer ou adapter des plans de riposte à l épidémie dont les La meilleure définition du leadership serait peut-etre de dire que c est la capacité et la volonté á imaginer l avenir et á rassembler les différentes composantes de la société pour le rendre meilleur. 317

DE LA GESTION DE LA CRISE À LA RIPOSTE STRATÉGIQUE RAPPORT SUR L ÉPIDÉMIE MONDIALE DE SIDA 2006 318 coûts soient évalués et les priorités clairement définies, dotés d objectifs ambitieux mais réalisables et qui s alignent sur les plans de développement nationaux. Ces plans doivent définir et soutenir des priorités nationales claires en matière de réduction des décès dus aux maladies liées au SIDA et de prise en charge des personnes vivant avec le VIH, élaborer des systèmes de financement nationaux durables pour lutter contre l épidémie, combattre la stigmatisation et la discrimination, la violence à l encontre des femmes et la violation des autres droits de la personne, y compris protéger et promouvoir dans le contexte de l épidémie les droits de ceux qui vivent avec le VIH, des femmes et des enfants ainsi que des groupes de population vulnérables, renforcer les systèmes et les ressources humaines, et faire disparaître les obstacles tels que les droits de douane et les réglementations inutiles afin d accélérer l accès à des biens, médicaments et diagnostics de prévention du VIH abordables financièrement et de qualité. La société civile doit prendre pleinement part à l élaboration et à la mise en œuvre de plans nationaux. Bien que de nombreux pays aient intensifié leurs initiatives pour faire participer la société civile à une riposte complète au SIDA, ces efforts sont (selon une enquête de l ONUSIDA) irréguliers dans la plupart des pays et pratiquement inexistants dans près d un pays sur quatre dans lequel la société civile est largement exclue de la riposte à l épidémie, position qui n est pas tolérable dans une crise de développement de cette ampleur. Le Secrétariat de l ONUSIDA, le PNUD et la Banque mondiale mettront sur pied un processus participatif afin de fournir des critères pour l élaboration et la supervision de ces plans. Pour garantir des ripostes très élargies à l épidémie de SIDA, la responsabilisation des acteurs et la transparence des mécanismes sont des composantes nécessaires. Les pays doivent responsabiliser tous les partenaires par le biais de mécanismes transparents d examen par les pairs pour un suivi public des objectifs et de rapports réguliers sur les progrès enregistrés au niveau des pays et des régions. Les gouvernements nationaux, les donateurs internationaux, les organismes des Nations Unies, la société civile et d autres parties prenantes doivent se responsabiliser mutuellement à l échelon des pays par l intermédiaire d un examen participatif des ripostes nationales au SIDA. SOUTENIR ET ACCROÎTRE LES FINANCEMENTS Les financements mondiaux alloués à la lutte contre le VIH et le SIDA ont considérablement augmenté mais les fonds actuellement disponibles représentent à peine un tiers des montants qui seront nécessaires pour riposter dans les années à venir à une épidémie en pleine expansion. Les gouvernements nationaux et les donateurs internationaux doivent accroître de manière significative les ressources financières mises à la disposition de la lutte contre le SIDA pour renforcer et remplir les engagements existants, en soutenant pleinement le Fonds mondial et d autres mécanismes novateurs de financement. Les donateurs internationaux et les pays partenaires doivent respecter les Trois

RAPPORT SUR L ÉPIDÉMIE MONDIALE DE SIDA 2006 DE LA GESTION DE LA CRISE À LA RIPOSTE STRATÉGIQUE Principes qui invitent à coordonner la riposte nationale au SIDA autour d un cadre d action convenu, d une autorité de coordination nationale (composée de représentants du gouvernement, de la société civile, de personnes vivant avec le VIH et du secteur privé) et d un système de suivi et d évaluation national agréé. L effort de financement visant à tirer une partie substantielle de ces fonds des budgets nationaux doit se poursuivre, en particulier dans les pays à revenu intermédiaire. Le caractère imprévisible des financements constitue un obstacle significatif à une riposte durable au SIDA et présentant un bon rapport coût/efficacité, obstacle qu il faut dépasser grâce à des efforts concertés pour rendre les financements plus prévisibles à long terme. Les approches novatrices pour mobiliser des financements durables à long terme pour lutter contre le SIDA, y compris les propositions pour de nouveaux mécanismes de financement internationaux, méritent qu on leur accorde une réelle attention, comme toute autre proposition qui aidera à stabiliser les financements, ce qui permettra de fournir une riposte beaucoup plus complète à l épidémie. Les établissements financiers internationaux, les ministères de la santé et des finances, les autorités nationales de lutte contre le SIDA et la société civile doivent adapter les cadres macroéconomiques et fiscaux pour tenir compte de la réalité du SIDA. Il incombe aux gouvernements nationaux d assouplir également les conditions régissant les financements des donateurs de manière suffisante pour permettre une bonne gouver- nance, des garanties fiduciaires et une utilisation efficace des fonds. Les gouvernements nationaux doivent aussi faire en sorte que l impact du SIDA soit pris en compte dans les indicateurs de base utilisés pour évaluer le développement national et la réduction de la pauvreté. Les gouvernements nationaux, avec le concours (le cas échéant) du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, doivent ouvrir un dialogue transparent et participatif avec toutes les parties prenantes afin de garantir la création d une ligne budgétaire pour les dépenses de lutte contre le SIDA lesquelles doivent être considérées comme des dépenses sociales hautement prioritaires. COMBATTRE LA STIGMATISATION ET LA DISCRIMINATION AVEC DÉTERMINATION La fin de la pandémie est dans une large mesure conditionnée par la mise en œuvre d un éventail d actions visant à faire évoluer les normes, les attitudes et les comportements de la société qui favorisent sa propagation. Les initiatives de lutte contre la stigmatisation et la discrimination doivent être pleinement avalisées et soutenues par un leadership national au plus haut niveau et à tous les échelons de la société, et doivent favoriser l émancipation des femmes, la lutte contre l homophobie, l évolution des mentalités à l égard des professionnel(le)s du sexe et des consommateurs de drogues injectables, et un changement des normes sociales qui ont une incidence sur le comportement sexuel. L infériorité du statut social et l absence de pouvoir des femmes et des filles ont accru leur vulnérabilité à l infection à VIH et constitué un moteur pour l épidémie depuis qu elle est apparue. Les 319

DE LA GESTION DE LA CRISE À LA RIPOSTE STRATÉGIQUE RAPPORT SUR L ÉPIDÉMIE MONDIALE DE SIDA 2006 L infériorité du statut social et l absence de pouvoir des femmes et des filles ont accru leur vulnérabilité á l infection á VIH et constitué un moteur pour l épidémie depuis qu elle est apparue. 320 normes et les valeurs de la société qui permettent la discrimination à l égard des femmes et leur exploitation doivent être remises en question et changées. Des lois et des politiques protégeant les femmes et les filles de la violence sexuelle, de la privation d héritage et des discriminations de toutes sortes liées à leur sexe doivent être promulguées, largement portées à la connaissance des populations et appliquées du niveau national à l échelon communautaire. Ces efforts doivent inclure la promulgation et l application de lois qui protègent les femmes et les filles contre des pratiques traditionnelles préjudiciables et la violence sexuelle (au sein du mariage ou hors mariage) qui garantissent l égalité dans les relations domestiques, y compris les droits à la propriété et à l héritage des femmes et des filles, et qui prévoient la fourniture de l éducation et de la formation dont les femmes ont besoin pour pouvoir exercer leurs droits. Les femmes doivent être représentées de manière adéquate dans les processus de prise de décisions et de formulation des politiques en rapport avec le SIDA, lesquels sont pour l instant presque exclusivement conduits par les hommes. Une évaluation des activités à l échelon des pays réalisée par l ONUSIDA en 2004 a révélé que la participation des femmes à l élaboration et à l examen des cadres nationaux de lutte contre le SIDA était inexistante dans plus de 10% des 79 pays étudiés et inadaptée dans plus de 80% d entre eux (ONUSIDA, 2006). Les règles et réglementations des organisations, institutions et programmes doivent prévoir de manière explicite une représentation significative des groupes de femmes au stade de la conception et de la fourniture des programmes. Lorsque cela est nécessaire, les organisations de femmes doivent bénéficier d une aide en matière de renforcement des capacités afin de pouvoir assumer efficacement leur rôle. Il est essentiel de mettre en place des lois et des politiques qui luttent directement contre les inégalités liées au sexe et contre les attitudes discriminatoires à l encontre des personnes confrontées ou perçues comme confrontées à un risque accru d infection à VIH, notamment les professionnel(le)s du sexe, les

RAPPORT SUR L ÉPIDÉMIE MONDIALE DE SIDA 2006 DE LA GESTION DE LA CRISE À LA RIPOSTE STRATÉGIQUE consommateurs de drogues injectables, les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et les détenus. Les changements des lois et des politiques doivent être accompagnés par des campagnes de mobilisation sociale financées de manière appropriée pour protéger et promouvoir les droits dans le contexte du SIDA et éradiquer la stigmatisation et la discrimination liées au VIH. Les réseaux et les organisations de personnes vivant avec le VIH doivent, parallèlement à d autres composantes de la société civile, être intégrés à la planification et à la mise en œuvre de ces efforts. Les données montrent que l éducation est l un des plus puissants outils de prévention du VIH. Il est aussi fondamental, pour réduire le VIH et la stigmatisation qui y est associée, de mettre en place un plan bien financé visant à atteindre une éducation universelle et prendre en compte ou supprimer les obstacles, tels que les frais de scolarité, leport obligatoire d uniformes, le coût des manuels et la nonreconnaissance par les parents de l importance de l éducation des filles. Vers un accès universel Lors de la réunion des pays du G8 de 2005 et du Sommet mondial des Nations Unies de septembre 2005, les leaders mondiaux se sont engagés à élargir et à intensifier massivement la prévention, le traitement et la prise en charge du VIH dans le but de s approcher autant que possible de l objectif d un accès universel au traitement d ici à 2010 pour tous ceux qui en ont besoin. Le Secrétariat et les Coparrainants de l ONUSIDA ont pris des mesures pour rendre ce engagement opérationnel en aidant à organiser des processus participatifs conduits par les nations elles-mêmes dans plus de 100 pays à revenu faible et intermédiaire, en publiant des recommandations en matière de stratégie et de pratique qui, si elles sont appliquées, assureront la promotion d un accès équitable, financièrement abordable, complet et durable à la prévention, au traitement, aux soins et à l appui en rapport avec le VIH pour tous ceux qui en ont besoin et aideront à s assurer que l on parvienne à fournir un accès aussi proche que possible de l accès universel au traitement du VIH d ici à 2010. Les pays doivent inciter chaque individu à prendre connaissance de son statut sérologique VIH et àaccéder à des services d information, de conseil et associésenrapport avec le VIH, dans un environnement social et juridique qui soit bienveillant et sûr quant à la confidentialité du dépistage. 321

DE LA GESTION DE LA CRISE À LA RIPOSTE STRATÉGIQUE RAPPORT SUR L ÉPIDÉMIE MONDIALE DE SIDA 2006 322 RENFORCEMENT DE LA PRÉVENTION DU SIDA Il est essentiel de revitaliser la prévention du VIH. Les nouvelles infections, qui augmentent de plus de quatre millions chaque année, vont bientôt placer une charge insoutenable sur les efforts de traitement du VIH qui ont déjà de grandes difficultés à faire face à la demande de tous ceux qui ont besoin d un tel traitement aujourd hui. Le succès de la démarche en faveur d un accès universel dépendra dans une large mesure de l importance du soutien que les leaders voudront bien maintenir pour favoriser l émergence d une génération de jeunes libérée du SIDA et pour mettre sur pied une mobilisation sociale massive afin de réduire de manière considérable le nombre de nouvelles infections à VIH. Le document d orientation politique de l ONUSIDA approuvé au niveau international, Intensification de la prévention du VIH, propose un cadre pour le renforcement des actions de prévention du virus basées sur le concret. Il est à cet égard fondamental de s assurer que la prévention, l éducation, le conseil et le test volontaires soient universellement disponibles et couramment proposés dans tous les milieux communautaires et cliniques appropriés. L ONUSIDA et l OMS recommandent, pour que les services de prévention et de traitement du VIH aient les effets bénéfiques maximum, que 50% au moins de toutes les personnes ayant des comportements sexuels à risque aient accès au conseil et au test volontaires chaque année. Il faut considérer comme un droit l accès à des informations de prévention sur le VIH claires et factuelles et au dépistage du virus, en particulier pour les personnes vulnérables vivant dans des zones où l incidence est élevée. Les pays doivent inciter chaque individu à prendre connaissance de son statut sérologique VIH et à accéder à des services d information, de conseil et associés en rapport avec le VIH, dans un environnement social et juridique qui soit bienveillant et sûr quant à la confidentialité du dépistage et à la révélation librement consentie du statut sérologique VIH. Les pays sont très en retard sur l objectif de la Déclaration du Millénaire concernant la fourniture pour 2005 d une éducation en matière de prévention du VIH basée sur les compétences psychosociales à 90% des jeunes. Selon une estimation optimiste, la moitié des enfants reçoivent une éducation sur le VIH en milieu scolaire à travers le monde mais les niveaux de couverture varient considérablement et aucun des 18 pays dans lesquels les jeunes ont fait l objet d une enquête entre 2001 et 2005 n avaient des niveaux de connaissances supérieurs à 50%. La fourniture d une éducation incitant les jeunes à adopter des comportements susceptibles de leur sauver la vie doit être considérée comme une composante fondamentale du leadership contre le SIDA. Les services de prévention du VIH et l éducation doivent cibler les groupes vulnérables, notamment les professionnel(le)s du sexe, les consommateurs de drogues injectables et les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes. En 2005, les services de prévention ciblés n ont touché que 36% des professionnel(le)s du sexe et seulement 9% des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes. Les programmes de réduction des risques existants en 2005 n ont atteint que 9% des consommateurs de drogues injectables en Europe orientale, région où ce

RAPPORT SUR L ÉPIDÉMIE MONDIALE DE SIDA 2006 DE LA GESTION DE LA CRISE À LA RIPOSTE STRATÉGIQUE Les systémes d éducation et autres doivent être simultanément renforcés. La prévention du VIH est pour l essentiel assurée en dehors du systéme de fourniture des soins de santé, ce qui accroit particulié rement l importance du secteur privé et bénévole. mode de transmission est le moteur de l épidémie. L accès à des biens de base pour la prévention du VIH, tels que les préservatifs, doit être amélioré. Les enquêtes de couverture estiment qu en moyenne les personnes n ont utilisé un préservatif que lors de 9% seulement des rapports sexuels avec un partenaire extraconjugal non cohabitant en 2005, chiffre en baisse par rapport aux estimations de couverture de 2003. A travers le monde, la prévalence du VIH dans les prisons est pratiquement toujours plus élevée que dans la population générale. Les craintes souvent évoquées selon lesquelles la fourniture de préservatifs et de services de réduction des risques dans les prisons pourrait favoriser une multiplication des comportements interdits ont été réfutées dans un certain nombre d études. Les leaders doivent prendre conscience du fait que les prisons servent d incubateurs pour le VIH, la tuberculose et l hépatite C, et doivent agir humainement et conformément aux principes de santé publique pour réduire la vulnérabilité des détenus. L accès aux programmes de prévention de la transmission mère-enfant du VIH reste extrêmement limité, ce qui est tout à fait inacceptable. En 2005, 7,9% des femmes enceintes vivant dans des pays à revenu faible et intermédiaire ont bénéficié de services de prévention de la transmission du virus à leur nouveau-né, chiffre en faible augmentation par rapport à la couverture de 7,6% en 2003. Un diagnostic, un traitement et une prévention plus efficaces des 340 millions d infections sexuellement transmissibles guérissables contractées chaque année sont importants pour améliorer la prévention du VIH car les infections sexuellement transmissibles non traitées accroissent le risque de transmission du virus. Il est fondamental de parvenir à une coopération intensifiée entre les programmes de prévention du VIH et les efforts de diagnostic et de traitement des infections sexuellement transmissibles pour augmenter l efficacité de ces deux actions. RENFORCER LES SYSTÈMES ET LES RESSOURCES HUMAINES S agissant de la crise du SIDA, le monde paye aujourd hui le prix de décennies d investissements inappropriés dans les services publics et privés pour promouvoir 323

DE LA GESTION DE LA CRISE À LA RIPOSTE STRATÉGIQUE RAPPORT SUR L ÉPIDÉMIE MONDIALE DE SIDA 2006 324 l éducation et la santé. Le manque de capacités humaines constitue à lui seul l obstacle le plus important à une riposte efficace au SIDA dans de nombreux pays en développement. Une surveillance, une planification et une administration médiocres, des goulets d étranglement au niveau de la distribution des fonds, des échecs dans la mise en œuvre, le suivi et l évaluation des activités, et une fourniture inadaptée de services sont des handicaps tous essentiellement dus à des systèmes insuffisamment dotés en personnels dont les compétences sont insuffisantes. Le manque de capacités en ressources humaines a atteint des niveaux de crise dans la majeure partie de l Afrique mais est également significatif dans un certain nombre d autres pays et régions à travers le monde. Selon le Rapport sur la Santé mondiale de l OMS de 2006, il existe actuellement une pénurie estimée à presque 4,3 millions de médecins, de sages-femmes, d infirmiers et d aidessoignants au niveau mondial. La pénurie de travailleurs de santé formés est en partie due à l actuelle fuite des cerveaux des personnels de santé d Afrique et d autres régions durement touchées. Entre 23% et 28% des médecins travaillant en Australie, au Canada, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni sont des migrants étrangers et près de trois quarts de ceux-ci ont obtenu leur diplôme de médecine dans des pays en développement (Mullan, 2005). La situation est similaire concernant le personnel infirmier. Une étude récente a estimé que pour faire face efficacement à la crise du SIDA et aux autres urgences sanitaires, l Afrique subsaharienne devra trouver 620 000 nouveaux infirmiers dans les prochaines années (Chaguturu et Vallabhaneni, 2005). Il faut, pour enrayer cet exode des professionnels de santé, prendre des mesures aux deux extrémités de la chaîne. Il est essentiel de tout mettre en œuvre pour améliorer les conditions de travail et les rémunérations, et faire jouer d autres facteurs d incitation pour que les personnes formées restent dans leur pays, tout comme il est fondamental de mettre en place des accords officiels entre les pays sur les pratiques de recrutement. Les gouvernements nationaux et les donateurs internationaux doivent prendre des mesures, lorsque nécessaire, pour fidéliser et motiver les travailleurs de santé, les éducateurs et les travailleurs communautaires, et pour augmenter les financements alloués à la formation et aux centres d accréditation dans les pays confrontés à de graves pénuries de ressources humaines. Il est aussi urgent d accélérer le recrutement et la formation de travailleurs de santé à tous les niveaux. Les pays doivent recenser les opportunités pour recruter de nouveaux acteurs parmi les populations et les secteurs qui ne participent pas encore pleinement à la riposte, et doivent réfléchir à des moyens novateurs pour éduquer et former les gens. Lorsque cela est nécessaire, les pays doivent adopter des modèles simplifiés et alternatifs pour renforcer la fourniture au niveau communautaire de services de prévention, de traitement, de prise en charge et d appui en rapport avec le VIH, y compris des mesures pour permettre un déplacement des tâches. Les gouvernements nationaux doivent aussi élargir considérablement leurs capacités pour fournir des programmes complets de lutte contre le SIDA en s attachant à renforcer les systèmes de santé et sociaux existants, notamment en intégrant les interventions en

RAPPORT SUR L ÉPIDÉMIE MONDIALE DE SIDA 2006 DE LA GESTION DE LA CRISE À LA RIPOSTE STRATÉGIQUE Les innovations techniques permanentes sont essentielles pour le développement de microbicides et d autres méthodes de prévention controlées par les femmes, de nouvelles générations de médicaments et d un vaccin préventif. rapport avec le SIDA dans les programmes de soins de santé primaires, de santé maternelle et infantile, de santé sexuelle et reproductive, et le diagnostic et le traitement de la tuberculose, du paludisme et des infections sexuellement transmissibles. Les systèmes d éducation et autres doivent être simultanément renforcés. La prévention du VIH est pour l essentiel assurée en dehors du système de fourniture des soins de santé, ce qui accroît particulièrement l importance du secteur privé et bénévole. GARANTIR LA DISPONIBILITÉ ET L ACCESSIBILITÉ FINANCIÈRE DES BIENS Tous les acteurs doivent renforcer leurs actions pour garantir l accessibilité financière des biens de base, depuis les préservatifs jusqu aux médicaments antirétroviraux, nécessaires pour la prévention, le diagnostic et le traitement du VIH. Les gouvernements nationaux doivent faire disparaître les principaux obstacles liés aux prix, aux droits de douane et au commerce dans le domaine du VIH, et aux réglementations pour accélérer l accès à des biens, médicaments et diagnostics de qualité et financièrement abordables. Ils doivent de même réduire ou supprimer les frais supportés par les utilisateurs dans les domaines de la prévention, du traitement, des soins et de l appui en rapport avec le SIDA. Les autorités nationales doivent également supprimer les obstacles juridiques, réglementaires et autres qui empêchent d avoir accès à des services efficaces de prévention du VIH, à des biens tels que les préservatifs et aux mesures de réduction des risques et autres mesures de prévention. Pour accélérer le flux des traitements, les gouvernements doivent permettre aux médicaments préqualifiés par l OMS et à ceux approuvés par d autres organes de régulation des médicaments rigoureux et largement reconnus d obtenir une autorisation provisoire de mise sur le marché avant la finalisation des démarches complètes d enregistrement engagées auprès des autorités nationales de régulation des médicaments. Les codes fiscaux nationaux doivent être révisés le cas échéant pour permettre une exonération des biens destinés à la prévention et au traitement en prévoyant notamment une exonération 325

DE LA GESTION DE LA CRISE À LA RIPOSTE STRATÉGIQUE RAPPORT SUR L ÉPIDÉMIE MONDIALE DE SIDA 2006 Le SIDA exacerbe pratiquement tous les autres obstacles au développement humain, du fonctionnement des services publics et de la gouvernance á la sécurité alimentaire et aux mesures prises pour prévenir les conflits. 326 des taxes et des droits de douane sur les médicaments. L accès aux médicaments permettant de soigner les infections opportunistes courantes liées au SIDA est insuffisant et doit être renforcé. L accès aux rares formules pédiatriques des antirétroviraux et médicaments de prévention des infections opportunistes est aussi gravement inapproprié. Les leaders doivent examiner et promulguer les recommandations du programme Appel à l action de l UNICEF et de l ONUSIDA de 2005 pour s assurer qu un traitement antirétroviral ou qu un traitement antibiotique (ou les deux) puisse être administré à 80% des enfants qui en ont besoin d ici à 2010 (UNICEF/ONUSIDA, 2005). Garantir la disponibilité et l accessibilité financière des médicaments vitaux, y compris ceux de deuxième, troisième et quatrième génération, ainsi que des traitements de première intention, implique de résoudre les questions complexes, sensibles et controversées concernant les brevets pharmaceutiques. Il faut trouver un équilibre entre offrir des mesures d incitation suffisantes pour les sociétés pharmaceutiques afin qu elles investissent dans la recherche et le développement, et permettre la production de traitements efficaces contre le SIDA à des prix aussi bas et dans des proportions aussi larges que possible afin de pouvoir répondre aux besoins des pays en développement. Le cas échéant, les pays doivent profiter des flexibilités des Accords sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce de l OMC pour garantir un accès à des approvisionnements durables de médicaments contre le VIH et de technologies de santé financièrement abordables, notamment via une production locale lorsque cela est réalisable. L UNFPA, l UNICEF et l OMS poursuivront leurs efforts en collaboration avec les unités d approvisionnement nationales et régionales existantes, pour garantir une fourniture fiable et des prix réduits pour les biens de prévention et de traitement par le biais de prévisions de la demande établies en connaissance de cause, d un approvisionnement en gros, de tarifs différenciés et, le cas échéant, de l octroi de licences volontaires.

RAPPORT SUR L ÉPIDÉMIE MONDIALE DE SIDA 2006 DE LA GESTION DE LA CRISE À LA RIPOSTE STRATÉGIQUE RENFORCER L ACCÉS AU TRAITEMENT Le nombre de personnes estimé à 1,3 million recevant un traitement antirétroviral à la fin 2005 est à la fois en forte augmentation depuis deux ans mais aussi très inférieur au nombre de ceux qui ont aujourd hui besoin d un accès à un traitement contre le VIH. La poursuite et l intensification d un élargissement rapide de l accès au traitement nécessiteront les mesures suivantes : Alors qu un grand nombre de personnes séropositives au VIH vivent dans des zones rurales, l accès au traitement est essentiellement confiné aux centres urbains. Les leaders nationaux doivent donc s efforcer d étendre et de diversifier les sites d accès au traitement, et s assurer que toutes les populations affectées soient traitées sur un pied d égalité, y compris les enfants, en matière d accès au traitement du virus. Les efforts d élargissement de l accès aux médicaments antirétroviraux doivent également promouvoir un élargissement de l accès aux médicaments de prévention des infections opportunistes courantes. Par exemple, il est prouvé que l antibiotique cotrimoxazole réduit de 40% le risque de décès chez les enfants. Cependant, bien que le cotrimoxazole soit très peu cher (US$ 0,03 par jour), on estime que quatre millions d enfants ayant besoin de ce médicament ne peuvent l obtenir actuellement. Les actions entreprises pour élargir l accès au traitement doivent également inclure des efforts plus importants pour atteindre les groupes particulièrement vulnérables, notamment les professionnel(le)s du sexe, les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, les consommateurs de drogues injectables et les détenus. Comme nous l avons expliqué précédemment, le fait que les personnes ne connaissent pas leur statut sérologique VIH est l un des principaux obstacles à une prévention efficace du VIH et à l accès au traitement. Il faudra donc élargir en priorité l accès au conseil et au test volontaires dans les prochaines années. Les efforts visant à réduire la stigmatisation et la discrimination liées au VIH, à renforcer les capacités en ressources humaines dans les contextes sanitaires et à améliorer la gestion des biens tous les éléments évoqués précédemment sont aussi importants pour Les leaders doivent faire de la participation nationale aux programmes internationaux évoqués dans ce rapport une priorité pour renforcer les systemes d éducation nationaux ainsi que les structures d appui pour les enfants afin qu ils terminent leur scolarité. 327

DE LA GESTION DE LA CRISE À LA RIPOSTE STRATÉGIQUE RAPPORT SUR L ÉPIDÉMIE MONDIALE DE SIDA 2006 328 améliorer l accès au traitement et doivent être au cœur des programmes de leadership contre le SIDA. Le plaidoyer en faveur du traitement et l éducation doivent être renforcés pour s assurer que la population ait connaissance de l existence des services et de la manière de les utiliser ainsi que des effets bénéfiques du traitement et ce qu il entraîne. Investir dans la recherche et le développement Les innovations techniques permanentes sont essentielles pour le développement de microbicides et d autres méthodes de prévention contrôlées par les femmes, de nouvelles générations de médicaments et d un vaccin préventif. Il faut mobiliser des financements considérablement plus importants pour la recherche, en particulier dans les industries pharmaceutique et biomédicale. Le développement d un microbicide efficace pourrait renforcer de manière significative les efforts de prévention du VIH en offrant aux femmes une méthode de prévention discrète dont elles auraient le contrôle. On estime les besoins financiers de la recherche sur les microbicides à US$ 280 millions par an ; en 2004, cependant, les dépenses de recherche se sont élevées à la moitié environ de ce montant avec US$ 142 millions alloués par les gouvernements, les organisations multilatérales et les organismes caritatifs, et entre US$ 3 millions et US$ 6 millions alloués par l industrie (HIV Vaccine and Microbicide Resource Tracking Working Group, 2005). Les engagements financiers en faveur du développement d un microbicide efficace et pratique qui pourrait constituer un progrès majeur dans le domaine de la prévention du VIH chez les femmes doivent être accrus. On estime à US$ 1,2 milliard par an les besoins pour maintenir la dynamique de la recherche d un vaccin contre le VIH mais les dépenses dans ce domaine n ont totalisé que US$ 600 millions environ en 2004, dont 10% environ provenant du secteur commercial (HIV Vaccine and Microbicide Resource Tracking Working Group, 2005). Les dépenses et les activités de recherche sur les vaccins doivent augmenter. En 2005, l Entreprise mondiale sur le vaccin VIH, une alliance d entités indépendantes ayant pour but d améliorer la collaboration dans le domaine de la recherche sur les vaccins contre le SIDA, a publié un plan scientifique stratégique pour orienter les actions et les allocations de ressources des principaux acteurs de ce secteur. Les besoins des enfants en rapport avec le VIH ont été largement exclus des programmes de recherche. Les compagnies pharmaceutiques, les donateurs internationaux, les organisations multilatérales et les autres partenaires doivent créer des partenariats entre le secteur public et le secteur privé pour promouvoir un développement plus rapide de nouvelles formules pédiatriques des médicaments. Les essais cliniques de prévention du VIH soulèvent fréquemment des controverses, mettant en lumière la nécessité pour les chercheurs de faire participer un large éventail de parties prenantes communautaires et nationales à la planification et à la réalisation de ces essais. Les chercheurs et les parties prenantes sont invités à consulter les directives élaborées par l ONUSIDA

RAPPORT SUR L ÉPIDÉMIE MONDIALE DE SIDA 2006 DE LA GESTION DE LA CRISE À LA RIPOSTE STRATÉGIQUE en 2005 pour la mise en place d un processus de consultation mondial conçu pour promouvoir des partenariats durables dans le domaine de la recherche sur la prévention. Outre le soutien qu ils apportent à l accélération des progrès technologiques, les leaders des gouvernements, de la société civile et du secteur privé doivent mettre en place les systèmes et les accords qui garantiront un accès large et équitable aux microbicides, aux nouvelles générations de médicaments et aux vaccins contre le VIH et les infections sexuellement transmissibles, ainsi qu à un traitement plus efficace contre les maladies telles que la tuberculose qui est aujourd hui responsable de la plus grande partie des décès liés au SIDA à travers le monde. Atténuer l impact du SIDA Le SIDA exacerbe pratiquement tous les autres obstacles au développement humain, du fonctionnement des services publics et de la gouvernance à la sécurité alimentaire et aux mesures prises pour prévenir les conflits. L idée que le regretté Jonathan Mann avait émise au début des années 1990 selon laquelle le SIDA allait mettre en lumière les problèmes des droits de l homme et de la société s est vérifiée à de nombreux égards (Mann et al., 1994). L impact très grave que le SIDA a déjà eu sur de nombreux pays nécessite que les efforts engagés pour lutter contre l épidémie s attaquent simultanément à la prévention des nouvelles infections, à la prise en charge de ceux qui sont infectés et à l atténuation de l impact du SIDA sur l économie, les institutions et la structure sociale de la communauté. Les efforts visant à atténuer l impact du SIDA doivent être axés en priorité sur les personnes et les familles affectées via des interventions offrant un accès au traitement, une assistance nutritionnelle et un traitement contre les infections opportunistes et d autres problèmes de santé qui compliquent ou aggravent l infection à VIH. Une programmation complète qui inclut un appui psychosocial et financier ainsi qu un traitement médical est susceptible d offrir les meilleurs résultats en matière d atténuation de l impact sur les personnes. Le programme chinois Four Frees and One Care qui propose des médicaments antirétroviraux gratuits, un service gratuit de conseil et de test volontaires, des médicaments gratuits pour prévenir la transmission mèreenfant du virus et une scolarisation gratuite pour les enfants orphelins ainsi que des soins et une aide économique pour les foyers affectés peut fournir un modèle aux autres pays dans le domaine de l appui aux familles et aux communautés affectées par le SIDA. Les mesures de protection sociale visant à préserver les moyens de subsistance des personnes affectées par le SIDA, notamment les programmes d aide sociale, d appui aux enfants et aux orphelins, de travaux publics créateurs d emplois, les systèmes publics de pension et les dispositifs de microfinancement doivent faire partie d une planification et de services complets de lutte contre le SIDA. Le secteur de l éducation souffre de l impact de l épidémie de VIH et doit être renforcé. Des exemples concrets relevés en Ouganda montrent qu un enfant qui abandonne l école a trois fois plus de risques de devenir séropositif au VIH lorsqu il aura une vingtaine d années qu un enfant qui va jusqu au bout de l enseignement primaire. Il 329

DE LA GESTION DE LA CRISE À LA RIPOSTE STRATÉGIQUE RAPPORT SUR L ÉPIDÉMIE MONDIALE DE SIDA 2006 330 faut, pour atténuer l impact du VIH sur le secteur de l éducation, mettre en œuvre un certain nombre d actions prioritaires. Les leaders doivent faire de la participation nationale aux programmes internationaux évoqués dans ce rapport une priorité pour renforcer les systèmes d éducation nationaux ainsi que les structures d appui pour les enfants afin qu ils terminent leur scolarité. Dans de nombreux pays, le secteur privé est loin de jouer le rôle qu il devrait dans la lutte contre le SIDA et il faut améliorer cela. Alors que 47% des sociétés du secteur privé considèrent que le SIDA aura un effet sur leur activité dans les cinq ans à venir, 6% seulement des sociétés à travers le monde ont mis en place des politiques de lutte contre le VIH et très peu d entreprises ont prévu de fournir des médicaments antirétroviraux. Les entreprises doivent participer plus activement aux efforts d atténuation de l impact dans le monde du travail. Le Recueil de directives pratiques du BIT sur le VIH/SIDA et le monde du travail (OIT, 2001) fournit d importantes directives pour les entreprises, lesquelles sont basées sur un consensus entre les employeurs, les salariés etles gouvernements. Les réfugiés viennent fréquemment de pays massivement affectés par le VIH et le SIDA et pourtant il arrive souvent qu ils n aient pas accès à des services de prévention, de prise en charge ou de traitement du VIH dans leur pays d accueil. Les leaders des pays qui ont accueilli des réfugiés ces dernières années (en 2005, on a dénombré 19,2 millions de réfugiés au total) doivent tenir compte de ces populations importantes et vulnérables dans leurs plans de prévention, de prise en charge et de traitement, et doivent s assurer que les services atteignent ces populations et qu elles ne soient pas affectées en plus par la stigmatisation et la discrimination dont elles sont souvent victimes. En Afrique subsaharienne, près de 9% des enfants de moins de 15 ans ont perdu au moins un de leurs parents à cause du SIDA. Des études montrent que ces orphelins risquent de grandir dans une situation financière plus précaire et de recevoir un niveau d éducation inférieur à celui des nonorphelins du même âge. Ils risquent également d être abandonnés ou de subir d autres formes douloureuses de stigmatisation et de discrimination. L une des composantes déterminantes du leadership est la capacité à protéger les enfants et il est essentiel de prendre en compte de manière prioritaire les besoins des enfants rendus vulnérables dans l élaboration des stratégies et des plans de lutte contre le SIDA. Peu de crises internationales ont fait l objet d études aussi étendues et approfondies que le SIDA. Des milliers de personnes hautement qualifiées ont passé d innombrables heures à élaborer des analyses basées sur le concret et les recommandations présentées ici ainsi que dans plusieurs autres documents et rapports extrêmement pertinents. Lorsque 189 nations ont signé la Déclaration d engagement qui a été le fruit des travaux de l Assemblée générale des Nations Unies sur le VIH/SIDA de 2001, elles ont reconnu dans le cadre d un consensus unanime, rare et international que le SIDA constituait l une des plus graves crises de développement de l histoire de l homme, et chacune s est engagée à agir au niveau national et sur le plan international pour stopper l épidémie.

RAPPORT SUR L ÉPIDÉMIE MONDIALE DE SIDA 2006 DE LA GESTION DE LA CRISE À LA RIPOSTE STRATÉGIQUE Comme l a noté le Secrétaire général dans son Rapport sur la Déclaration d engagement sur le VIH/SIDA, Cinq ans après, un quart de siècle après ledébut de l épidémie, la riposte mondiale au SIDA se trouve à un tournant. Pour la toute première fois, la communauté internationale a les moyens de commencer à inverser le cours de l épidémie. Mais le succès exigera une volonté sans précédent de la part de tous les acteurs de la riposte mondiale, afin qu ils réalisent leur potentiel, adoptent de nouveaux moyens de collaborer et...poursuivent la lutte sur le long terme. Les objectifs ont été convenus et la feuille de route pour les atteindre minutieuse- ment élaborée. Certaines mesures positives ont été prises mais pas suffisamment tôt. Trop souvent, ceux qui dirigent nos sociétés doivent encore prendre conscience qu un leader dans le monde d aujourd hui, que ce soit à la tête d un gouvernement, d une entreprise, d une religion ou d autres entités de la société civile, se doit aussi d être un leader de la lutte contre le SIDA. Les efforts nécessaires pour mettre en œuvre les plans mentionnés dans le présent rapport seront difficiles et quotidiens. Vaincre le SIDA doit être une mission partagée, mondiale et impartiale. Pour aller de l avant, nous devons exiger cet engagement de nos leaders et de nos institutions mais aussi de nous-mêmes. 331