Article scientifique. Amibes, microscopes et antibiotiques en parodontologie ; le point sur la question. Mots clés Amibes.



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Philippe Bidault, DCD, MSc 1 Éric Lacoste, DMD, MSc, FRCDC 2 Amibes, microscopes et antibiotiques en parodontologie ; le point sur la question Mots clés Amibes Parodontite Microscopie Antibiotiques»Résumé Face aux interrogations de nombreux confrères sur certaines théories en parodontologie, cet article démontre, en s appuyant sur une sélection rigoureuse de la littérature, les éléments suivants : les amibes ne sont pas parodontopathogènes ; le microscope à contraste de phase ne constitue pas un outil diagnostic fiable; l antibiothérapie systémique n est que rarement indiquée dans le traitement des parodontites chroniques ; le mélange à base de peroxyde d hydrogène et de bicarbonate de soude ne doit pas être prescrit. Key Words Amoebas Periodontal disease Microscope Antibiotics»Summary Faced with queries from a number of colleagues on certain theories in periodontology, this article founded on a thorough literature review, sets out to demonstrate the following statements: amoebas are not periodontal pathogens; the phase contrast microscope is not a reliable diagnostic tool; systemic antibiotic therapy is only rarely indicated in treating chronic periodontal disease; a mixture of hydrogen peroxide and sodium bicarbonate should not be prescribed. 1 Résident en parodontologie, FMD, Université Laval 2 Pratique privée, Laval, Québec 155 Journal dentaire du Québec Volume 42 Avril 2005

A l heure actuelle la surabondance de la littérature spécialisée confronte les praticiens à une masse d information importante et de qualité très variable dont il est souvent difficile d extraire les éléments pertinents. C est ainsi que peuvent perdurer des théories obsolètes et scientifiquement infondées. C est le cas en parodontologie où certains conférenciers proposent des approches très différentes de ce qui est reconnu par la vaste majorité de la communauté scientifique et clinique. Face aux nombreuses interrogations de confrères qui ne savent plus qui croire, nous avons donc jugé bon de rappeler certaines notions relatives à l étiologie, le diagnostic et le traitement des maladies parodontales. Etiologie La maladie parodontale est observée sous deux formes classiques : la gingivite et la parodontite. Alors que la gingivite est une inflammation localisée et réversible des tissus mous, la parodontite désigne la destruction de l ensemble des tissus de support de la dent : os alvéolaire, ligament parodontal et cément 1,2. Dans la plus récente classification publiée en 1999, on distingue d une part les gingivites causées par la plaque bactérienne et celles qui le ne sont pas 3. D autre part, les parodontites y sont divisées en forme chroniques, agressive, d origine systémique, ulcéro-nécrotiques, entraînant la formation d abcès du parodonte ou associées à des lésions endodontiques ou au développement 3. La santé gingivale est associée à la présence d une faible masse bactérienne qui est principalement constituée d espèces bactériennes à Gram positif appartenant aux genres Streptococcus et Actinomyces 4. L apparition de la gingivite est associée à une augmentation de la masse bactérienne en rapport avec l accumulation de la plaque 5,6. Ces bactéries sont regroupées sous la forme d un biofilm qui recouvre les surfaces dentaires. Bien que plus de 500 espèces de micro-organismes aient été isolées dans la poche parodontale, la parodontite n a été fortement associée qu à 4 espèces bactériennes qui sont Porphyromonas.gingivalis, Actinobacillus actinomycetemcomitans, Treponema denticola et Tannerella forsythia (anciennement nommé Bacteroides forsythus) 2,7-10. D autres espèces bactériennes ayant un rôle plus secondaire ont également été mises en avant. Parmi celles-ci, nous trouvons Eikenella corrodens, Eubacterium nodatum, Prevotella intermedia, Peptostreptococcus micros, Streptococcus intermedius, Campylobacter rectus, Actinobacillus actinomycetemcomitans 7-10. Récemment, certains virus, comme le cytomégalovirus et le Epstein-Barr virus type 1, ont aussi été impliqués dans la pathogenèse des parodontites 11,12. Ce concept selon lequel un groupe limité de bactéries a la capacité d initier et de faire progresser la maladie parodontale est connu sous le nom d hypothèse de la plaque spécifique. Pour démontrer le rôle d un micro-organisme dans l étiologie des gingivites, les éléments suivants doivent être vérifiés : 1) capacité à induire des gingivites expérimentales ; 2) corrélation positive entre la sévérité de la gingivite et le degré d accumulation de la plaque ; 3) le contrôle de la plaque permet un contrôle de la maladie ; 4) réponse positive suite à une antibiothérapie ; 5) fort potentiel pathogène des bactéries de la plaque sous-gingivale. De la même façon, dans le cadre des parodontites, un microorganisme est considéré comme parodontopathogène si il remplit ces cinq autres critères : 1) être présent dans les sites malades ; 2) observer une réponse positive suite à l élimination de l agent potentiel; 3) capacité à induire des lésions dans un modèle animal ; 4) production de facteurs de virulence; 5) stimulation de la réponse immunologique de l hôte 13. A ce jour, aucune publication scientifique fiable n a validé un seul de ces paramètres pour les espèces parasitaires Trichomonas tenax et Entamoeba gingivalis, dans la cavité buccale. Les quelques rares articles qui ont associé ces deux micro-organismes aux maladies parodontales sont des rapports de cas, sans groupe contrôle, qui s appuyaient sur une identification microscopique de ces pathogènes 14-16. Or il a été clairement démontré que cette technique n est pas valable car elle ne permet pas de les distinguer des macrophages qui se retrouvent en grand nombre dans les sites inflammatoires des poches parodontales 17. Face à cette lacune, une méthode hautement spécifique et sensible a été 156 Journal dentaire du Québec Volume 42 Avril 2005

mise au point pour identifier Trichomonas tenax et Entamoeba gingivalis par amplification d une séquence d ADN 18,19. Cependant, malgré la performance de ces outils, ces micro-organismes ont été rarement mis en évidence chez des patients atteints de parodontites 20. En s appuyant sur l ensemble de ces données, on peut donc réfuter de façon catégorique les théories de quelques conférenciers qui associent sans aucun fondement scientifique Trichomonas tenax et Entamoeba gingivalis aux maladies parodontales. Bien que certaines autres espèces d amibes soient responsables de maladies ailleurs dans l organisme (ex. Entamoeba histolitica), Entamoeba gingivalis n est pas un parodontopathogène reconnu. Diagnostic Le diagnostic de la maladie parodontale est établi après analyse et interprétation des données provenant d un examen clinique complet. Celui-ci comprend une revue de l histoire médicale et dentaire, un examen parodontal et un examen radiographique. Dans certaines conditions, certains tests diagnostiques supplémentaires peuvent être indiqués (pour une revue complète voir 21, 22). Parmi eux, la microscopie à contraste de phase continue d être employée alors qu il a été clairement démontré qu elle ne constitue pas un outil diagnostic fiable 23 et que l académie américaine de parodontologie (AAP) déconseille son utilisation depuis 1989 24. En effet, elle ne permet que de déterminer les proportions relatives de certains morphotypes bactériens : coques, bâtonnets mobiles, spirochètes, filaments, etc. Or plusieurs des pathogènes fortement associées aux parodontites (P. gingivalis, A. actinomycetemcomitans, et T. forsythia) ne présentent pas ces caractéristiques. En outre, cette technique est extrêmement sensible à la qualité de l équipement et à la maîtrise de l utilisateur. Enfin, elle n apporte aucun bénéfice diagnostic dans la mesure où elle ne permet que l évaluation de la maturité de la plaque au même titre que les techniques conventionnelles de suivi des patients. La microscopie à contraste de phase pourrait tout au plus servir d outil de motivation. Mais cet avantage n a même pas réussi à être vérifié à ce jour 25. Thérapeutique Contrairement aux maladies infectieuses dues à la pénétration dans l organisme de pathogènes qui lui sont étrangers, les maladies parodontales ont la particularité d être des maladies à biofilm 26,27. Le biofilm est un regroupement de micro-organismes dans une matrice de polymères organiques adhérents à une surface. Les bactéries du biofilm sont, pour la plupart, des bactéries endogènes commensales, c'est-à-dire non pathogènes. L accumulation de bactéries sur les surfaces dures dentaires provoque la rupture de l équilibre entre cette communauté bactérienne et l hôte et initie les processus de destruction des maladies parodontales. L élimination mécanique non spécifique des dépôts bactériens constitue donc la base des thérapeutiques parodontales. Des études longitudinales ont démontré l efficacité de cette approche fondée sur l instrumentation systématique des racines, le renforcement de l hygiène quotidienne du patient, le contrôle des facteurs de risque et un suivi régulier pour éliminer les nouveaux dépôts 28. Cependant, ce type de traitement présente des limites. En effet, l instrumentation répétée des racines entraîne une abrasion irréversible des tissus durs et des récessions gingivales. En outre, tous les patients et tous les sites ne répondent pas favorablement aux thérapeutiques conventionnelles. Enfin, l instrumentation des surfaces radiculaires ne permet pas d éliminer les bactéries qui ont envahi les tissus de la poche ou celles situées au niveau des furcations et des concavités. Considérant la nature infectieuse des maladies parodontales et les résultats parfois limités des thérapeutiques mécaniques conventionnelles, certains cliniciens se sont donc tournés vers l utilisation additionnelle d agents chimiques dont notamment les antibiotiques et les mélanges à base de peroxyde d hydrogène et de bicarbonate de soude. Avant d étudier spécifiquement ces molécules, il est important de garder à l esprit que ces approches sont limitées par la capacité des molécules à atteindre le site d action et à y demeurer un temps suffisant et en concentration suffisante. Ceci constitue un frein majeur à l emploi d agents chimiothérapeutiques dans le cadre des maladies parodontales. 157 Journal dentaire du Québec Volume 42 Avril 2005

D une façon générale la qualité des études cliniques réalisées sur l efficacité des antibiotiques sur les maladies parodontales est très variable. L absence d homogénéité et le faible nombre d essais cliniques aléatoires avec groupe contrôle limite l élaboration de stratégie thérapeutique fondée sur un haut niveau de preuve. Bien que les antibiotiques permettent un plus grand gain d attache dans de nombreuses situations, cette différence statistique est rarement cliniquement significative. De plus, il n y a pas de données valables sur le choix de la molécule et la posologie. La stratégie générale repose donc le plus souvent sur un accord professionnel. Selon les recommandations de l AAP et de l agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), les indications de l antibiothérapie systémique chez un patient sain sont : les situations ne répondant pas au traitement conventionnel non spécifique (parodontite réfractaire), les infections parodontales aiguës (maladies parodontales nécrotiques et abcès parodontaux) et les parodontites agressives 29,30. Par ailleurs, certaines pathologies médicales systémiques peuvent également nécessiter une antibiothérapie systémique. Ces recommandations sont supportées par deux récentes revues de littérature qui démontrent qu après une thérapie conventionnelle et un contrôle de plaque efficace, les bénéfices observés suite à une antibiothérapie systémique additionnelle sont mineurs dans un grand nombre de situations 31,32. A court terme et à un échelon individuel, les antibiotiques sont associés à l apparition de complications d ordre pharmacologiques et microbiologiques. Comme toute médication, ils peuvent entraîner la survenue d effets indésirables et/ou d interactions médicamenteuses. De plus, les antibiotiques exercent localement une pression de sélection qui favorise l augmentation de souches résistantes dans la flore endogène 37,38. L altération de l écosystème bactérien commensal physiologique diminue également l effet barrière et peut influencer le développement d infections opportunistes ou exogènes. A moyen terme, l utilisation abusive et inappropriée d antibiotiques se traduit par la sélection de souches bactériennes résistantes qui créent un véritable problème d ordre écologique à l échelon de la planète 39. En raison des faibles bénéfices additionnels et des nombreux risques associés, l antibiothérapie systémique en parodontologie devrait donc être limitée aux indications très précises citées cidessus. Plusieurs concepts de traitement s appuient également sur l utilisation à la maison par le patient de différents mélanges à base de bicarbonate de soude et de peroxyde d hydrogène. Cette approche n a démontré aucun effet thérapeutique additionnel par rapport aux techniques conventionnelles d hygiène et de contrôle de plaque 40-45, en outre, l observance des patients est souvent réduite 43,45. Enfin, l administration orale de ces molécules a été sérieusement remise en cause, notamment le peroxyde d hydrogène, en raison des effets indésirables délétères voir toxiques et du potentiel carcinogène et cocarcinogène 46-49. Conclusion Une revue des connaissances actuelles sur l étiologie, le diagnostic et le traitement des maladies parodontales nous a permis de démontrer les éléments suivants : les amibes ne sont pas parodontopathogènes ; le microscope à contraste de phase ne constitue pas un outil diagnostic fiable; l antibiothérapie systémique n est que rarement indiquée dans le traitement des parodontites chroniques ; le mélange à base de peroxyde d hydrogène et de bicarbonate de soude ne doit pas être prescrit. 158 Journal dentaire du Québec Volume 42 Avril 2005

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