Jacques Ravey Le Révolutionnaire Bernard de Saintes Publibook
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Etat-civil Les Archives de la ville de Saintes ayant brulé en 1871, il n existe plus, en ce qui concerne l Etat Civil ancien, que des copies manuscrites des doubles des registres paroissiaux parmi lesquels j ai glané les renseignements suivants. André Antoine Bernard, dit de Saintes est né à Corme-Royal le 21 Juin 1751, arrondissement de Saintes, Charentes inférieure. de Maitre André Bernard, notaire Royal et de Bénigne Garraud son épouse. Baptisé deux jours plus tard en présence de son parrain Maitre Anthoine Mollet, procureur au présidial de Saintes, de sa marraine Mademoiselle Marguerite Ocqueteau. Etait présent également, son père, Maitre André Bernard, notaire Royal, sa mère, née Bénigne Garraud, le curé E. Bernard, Marguerite Laborie, Bernard Laborie, et Pierre Chancelé curé de Lemung. André-Antoine aura une scolarité sur la place de Saintes et entreprendra, selon la volonté de son père, des études d avocat. Nommé en 1775 au présidial de Saintes, il prend alors ses fonctions sous le nom de Bernard des Jeuzines, nom emprunté à une métairie lui appartenant par succession, pour se distinguer d autres «Bernard». Il demanda mariage en 1778 avec une demoiselle non majeure, mais émancipée judicièrement. Maitre Pasquier, notaire à Saintes, fût chargé de rédiger le contrat de Mariage et reçu les intéréssés en son étude, le 16 Juillet 1778 pour le compte rendu suivant : «Aujourd hui 16 juillet 1778, à 11 heures du matin, pardevant nous, notaire Royal à Saintes, soussigné et présents les témoins bas nommés, a été traité le mariage parlé à faire, et qui au plaisir de Dieu s accomplira en face de notre mère sainte église catholi- 9
que, apostolique et romaine, entre Maitre André Bernard, avocat en la cour et présidial de Saintes, y demeurant rue et paroisse Saint-Maur, fils légitime de Maitre André Bernard notaire royal, demeurant au bourg de Corme-Royal, et de feue demoiselle Bénigne Gareau d une part, et demoiselle Louise Frère de la Pommeraye, mineure émancipée judicièrement, demeurant depuis environ trois ans chez les demoiselles Buhet, au faubourg de la Bertonnière, paroisse de Saint-Vivien de la présente ville, fille légitime de feu Jean-Jacques Frère de la Pommeraye, et demoiselle Suzanne Le Blanc, d autre part. Lesquelles parties, procédant de l avis, conseil et consentement, savoir, le futur époux du dit sieur André Bernard, son père, et de la dite demoiselle Frère du sieur Jean-Jacques et demoiselle Marie-Madeleine Frère de la Pommeraye, ses frère et soeur germains, et de demoiselle Suzanne Buhet, aînée, fille majeure, et dame Jeanne Buhet, veuve de maitre Jean Martin, sieur de la Coinche, conseiller du roi, receveur des amandes de la maîtrise particulière des eaux et fôrets de Cognac, ses tantes à la mode de Bretagne, du coté maternel ; Maitre Brejon, conseiller du roy, greffier en chef de la juridiction consulaire de cette ville, son oncle également à la mode de Bretagne ; Maitre Jean Erable des Barrières, sieur d Uffaud, conseiller du roy, président de l élection de Cognac ; dame Marie-Anne Brejon, son épouse, et Maitre Jean Bouraud, procureur au siège de Pons, et demoiselle Ursule Brejon, également son épouse, aussi ses oncles et tantes à la mode de Bretagne, représentés par le dit sieur Mathieu Brejon, en vertu de leurs procurations sous signature privée datées de Pons et de Cognac le 6 et 7 de ce mois signées ; Bouraud, Brejon Bouraud, Erable des Barrières et Brejon-Erable ; et encore du consentement des sieurs Faure père, et Maitre Ardouin et Le Blanc, huissier, ect. Fait et passé à Saintes, faubourg de la Bretonnière, demeure des dites demoiselles Buhet, lieu indiqué par les sommations sus référées, en 10
présence des sieurs Jean et Mathieu Mareschal frères, négociants, les deux anciens juges et consuls de la juridiction consulaire de cette ville, et Jean Bourret, praticien, y demeurant paroisse du dit Saint-Vivien et de Saint-Maur, temoins connus et requis. La minute est signé de tous. Ajontons comme détails que Jean Erable avait entourés d érables sa propriété des Barrières en la paroisse de Cherves. Uffaut ou Huffau en est la paroisse de Saint- Brice, canton de Cognac. Signé Pasquier, notaire royal soussigné». Après les fiançailles faites selon les cérémonies ordinaires de la sainte église et la publication des bans, Maitre André Bernard dit des Jeuzines, épousa le 3 Août 1778, à Corme-Royal, demoiselle Marie-Louise Frère de la Pommeraye. comme le relate l extrait des registres de la paroisse de Saint-Vivien de Saintes que voici : «Le 3 Août 1778, après la publications des bans de mariages dans cette église, celle de Saint-Maur de cette ville, de Corme- Royal et de Mortagne de ce diocèze, et vu la dispense des deux autres en date de ce jour, ainsi qu après les fiançailles, faites selon les cérémonies ordinaires de notre mère la sainte église, j ai imparti la bénédiction nuptiale à Monsieur André Antoine Bernard, avocat au parlement suivant le présidial de Saintes, y demeurant paroisse Saint-Maur, fils légitime de Maitre André Bernard, notaire royal, et de feu Bénigne Garreau, du bourg de Corme-Royal, et à demoiselle Marie-Louise de la Pommeraye, mineure émancipée, fille légitime de Jean-Jacques Frère de la Pommeraye et de demoiselle Suzanne Le Blanc, demeurant en cette paroisse. Du consentement du curé et en présence de Maitre Bernard père, sieur Jean-Jacques Frère de la Pommeraye, son frère, Maitre Mathieu Brejon, greffier de la juridiction consulaire, maitre Isaac Pasquier, notaire royal, procureur et curateur de la dite 11
demoiselle Frère de la Pommeraye, et de P. Castagnary, vicaire de la paroisse de Saint-Vivien». De cette union naitra 3 enfants. Etienne, né en 1779 et décédé en 1790 à l age de 11ans, Louis Auguste, né en 1780, décédé en 1782, et Mélanie qui survivra et épousera plus tard, Maitre Mouchet, notaire à Saintes. Enfin, sa Femme née Marie-Louise Frère de la Pommeraye, décédée a Saintes, probablement entre 1782 et 1790. Il aura une deuxième fille d une autre union non maritale. 12
Les débuts André Antoine Bernard, dit de Saintes est né à Corme- Royal le 21 Juin 1751, arrondissement de Saintes, Charentes inférieure 1. de Maitre André Bernard, notaire Royal a Saintes et de Bénigne Garraud son épouse 2. André- Antoine aura une scolarité sur la place de Saintes et entreprendra, selon la volonté de son père, des études d avocat. Nommé en 1775 au présidial de Saintes, il prend alors ses fonctions sous le nom de Bernard des Jeuzines, nom emprunté à une métairie lui appartenant par succession, pour se distinguer d autres «Bernard» et éviter les confusions dira-t il au Président du Tribunal. A 24 ans le jeune André Antoine Bernard commence a s intéresser à la vie politique de sa région et adhère en 1775 à la loge de l Orient de la sincérité de Saintes. Après son mariage en 1778, il s installe au 17 de la rue Saint- Maur, dans un hôtel particulier que Maitre Bernard des Jeuzines loue 324 livres par an. Ses qualités d orateur et son tempérament fougueux, en font vite un des meilleur avocat de la place. Son style direct et persuasif, et très apprécié de ses clients. Certains disent de lui, peut-être par jalousie, que Bernard est un homme a l apparence maladive qui n a rien d un séducteur, mais qui, avec sa maigreur, ses yeux de flamme, son aspect ascétique, sa voix rude, mais éloquente, habile à la phraséologie, possède un réel ascendant sur le public, ce qui le fait redouter de la bourgeoisie locale qui juge l homme ambitieux et avide de puissance. Ce portrait col- 1 Aujourd hui Charente Maritime. 2 Voir en Annexe Chapitre «Etat-Civil». 13
lera à la peau de Bernard tout au long de sa vie. Un peu plus tard, un député du Calvados, Fauchet, avec qui il avait eu un différent, dira de lui dans son journal local «Bernard est un squelette animé, c est la mort vivante, une bile trois fois recuite entoure son coeur d une espèce de silex» L étiquette du personnage est établie mais Maitre Bernard des Jeuzines fait fît des allégations portées à son encontre, ses préocupations sont tout autres, la vie politique locale. Son statut de notable, ses connaissances, font de Bernard des Jeuzines, et de ceux qui pense comme lui, un des leader du souffle de liberté qui commence à se propager dans le pays. Il fût donc choisi, avec Nicolas Lemercier et quelques autres, pour porter les cahiers de doléances de son département de Charente-inférieure au Tiers-Etat pour l ouverture des Etats Généraux, convoqués le 5 mai 1789, par le Roi, dans la salle des Menus-Plaisirs, au château de Versailles. A cette occasion Maître Bernard des Jeuzines effectua ses premiers pas en politique. 14
La révolution La révolution est en marche, Bernard fidèle à son image, s emploie à faire appliquer dans son département de Charente-inférieure les lois et les principes révolutionnaire. Il se fait d ailleurs maintenant appeler «Citoyen André Antoine Bernard», et prend la décision de délaisser son étude d avocat malgré son poste de Président du Tribunal du district fraichement acquis, pour se consacrer entièrement à la politique qui commence à devenir un métier! (Déja!). En 1790 il est nommé Colonel de la garde Nationale, et administrateur du district de Saintes. Ses deux fonctions jugées incompatibles, provoquent de nombreuses contestations, des voix s élèvent pour protester du cumul des mandats du Citoyen Bernard. Maires, notables, échevins, essayent de ce liguer contre lui, mais l habile avocat ne se laisse pas intimider. Pour couper court aux doléances de ses concitoyens, il se fait nommer juge du Tribunal, ce qui met un terme aux contestations. Grâce à cette nouvelle charge, Bernard se trouve en position favorable pour les prochaines élections législatives, et profite de son nouveau pouvoir pour faire destituer le Maire de Saintes le sieur Armand Gaudriaud, en place depuis trop longtemps selon lui, et le fait remplacer par Jacques Garnier qui prône les mêmes idées révolutionnaires que lui et avec qui il fonde le club des amis de la Constitution. Grâce à ses nombreux mandats, Il est envoyé le 14 juillet 1790 à la fête de la fédération au champ de Mars, à Paris avec le tout nouveau Maire de Saintes Leriget, où ils représentent la Charente-Inférieure. En septembre 1791 le citoyen Bernard est nommé Député de Charente-Inférieure par 324 15
voix sur 523 votants. Il siège sur les bancs de la majorité et vote toujours selon les principes révolutionnaires. A la création par l assemblée, d un comité de surveillance le 25 novembre 1791, Bernard y est nommé par ses pairs, Il s y montre toujours révolutionnaire, mais ne fait pas parler de lui outre mesure. Sa grande facilité d élocution, son habileté à traiter les affaires est très appréciée par ses collègues qui le nomme quelques mois plus tard, Président du dit Comité. Il vote toujours avec ferveur, et souvent en les commentants, les décisions de l assemblée législative, ainsi il vote le 20 mars 1792, l autorisation d engager les dépenses nécéssaires à la fabrication des nouvelles machines devant servir aux exécutions capitales, «les guillotines,» pour laquelle il approuve sa nécéssité. Cette décision n est peut-être pas tout à fait anodine, le Docteur Guillotin n était il pas son médecin lorsque tout deux, avant 1789, habitait Saintes! Cette «machine» servira pour la première fois officiellement le 21août 1792 pour l exécution du Royaliste Collenot d Angremont, jugé sommairement par le tribunal criminel. Après la chute des Tuileries, l Assemblée décida la convocation devant le peuple d une nouvelle assemblée que l on appelera «Convention Nationale 3». Bernard, fort de sa popularité dans son département, où il cumule bien des fonctions, se fait élire le 4 septembre 1792 à la Convention par 431 voix sur 582 votants. il va s assoir sur les bancs des Montagnards 4 (gauche) avec lesquels il vote le 22 septembre, le premier décret de la Convention ordonnant de dater les actes publics de «l an un de la République Française». Puis vint l épineuse question du statut du Roi. Le 15 janvier 1793, premier vote à la Convention sur le jugement du Roi qui est déclaré «coupable de conspiration contre la 3 Nom emprunté aux Insurgents Américains. 4 Ce parti de 140 députés environ, siège sur les bancs supérieurs de l assemblée, ils furent ainsi appelés «Montagnards» et de gauche car assis à la gauche du président. 16
liberté publique» par 707 voix contre 0. Le Lendemain l ordre du jour n a qu un seul article ; la peine à infliger au Roi. Le scrutin se déroulera à trois tours, nominatif, chacun aura son temps de parole. Les débats commenceront à 20 heures et seront clos le lendemain à la même heure. Quand à l appel de son nom le citoyen Bernard du s exprimer au premier tour, il s adressa a ses pairs et dit «quand la loi a parlé, je ne sais que m y soumettre, elle m a ordonné de juger Louis, elle m a ordonné de déclarer si je le crois coupable, sous quelque qualité qu on me considère, comme je suis certain que jamais on ne m ôtera celle d homme de bien, je répond oui». Sa réponse au deuxième tour, est sans ambiguité, «C est trop honorer le crime et le criminel» au troisième appel, sa réponse est tranchée, «Comme je ne crois pas que la conservation d un ex-roi soit propre à faire oublier la royauté, comme je suis intimement convaicu que le plus grand service à rendre au genre humain c est de délivrer la terre des monstres qui la dévorent, je vote la mort du tyran dans le plus bref délai.» Le 17 janvier une heure après la clôture du scrutin, le verdict tombe : 361 voix pour la peine de mort, 360 contre, dont 26 pour une peine de mort avec sursis et le refus de la Convention d un appel au peuple. Le lendemain, l Assemblée refuse le sursis à l exécution par 380 voix contre 310, et Le 21 janvier 1793 à 10 h 22, le roi Louis Capet est guillotiné sur la place de la Révolution 5. La Convention pour remercier le citoyen Bernard de Saintes de sa conduite au procès de Louis Capet, le nomme le 23 janvier 1793, membre du comité de sûreté générale. Ce comité, né de la Convention le 2 octobre 1792, est composé, à ses débuts, de 30 membres, mais rapidement ramené à 12, puis à 9, et a partir du 9 Thermidor il fut renouveler tous les trois mois. Installé dans l hotel de Brionne, dans la cour de Marsan, il à pour mission la charge de la Police de la République avec toutes 5 Cette place s appelait Louis XV, puis de la concorde. 17
ses attributions. Lancer les mandats d amener, ordonner les perquisitions, les arrestations, renvoyer devant le tribunal révolutionnaire, signer les mises en liberté. il est également chargé d appliquer la terrible loi des suspects qui chasse tout citoyen susceptible d avoir des raisons d être hostile à la Révolution et avait pour se faire, sous sa surveillance, les divers comités révolutionnaires. Bernard fait partie du comité avec, comme à son habitude, toute la rigueur qui est sienne, il n hésite pas à dénoncer un de ses collègue, Jacques-Pierre Brissot dit de Warville, comme n ayant pas le courage d avouer une lettre que cependant il avait signée. Ce qui vaudra à Brissot les foudres de Robespierre et de Hébert qui l accuseront de bien d autres choses et notamment de conspiration contre la République, ce qui le conduira à la guillotine le 31 octobre 1793. Pendant ce temps, la Convention a voté le 24 février 1793, la levée d une armée de 300.000 hommes et en confie le bon déroulement au comité de sûreté générale. 18