LA REPRESSION DU FINANCEMENT DU TERRORISME (Rapport du FMI)



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Transcription:

LA REPRESSION DU FINANCEMENT DU TERRORISME (Rapport du FMI) Le FMI a publié en 2003 un manuel intitulé «La répression du financement du terrorisme : manuel d aide à la rédaction des instruments législatifs». I- Historique En 1972, l A.G. de l ONU a institué le premier Comité spécial du terrorisme. En 1994, l A.G. a adopté une Déclaration sur les mesures visant à éliminer le terrorisme international. En 1996, l A.G. a institué un comité spécialisé dans l élaboration de nouvelles conventions internationales sur le terrorisme. Ce comité a élaboré la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme. Selon les Résolutions 1267(1999) et 1333(2000) du Conseil de Sécurité, les Etats membres de l ONU peuvent confisquer les avoirs des terroristes et des organisations terroristes (identifiés par le Conseil). En 2001, le Conseil de Sécurité a institué le Comité contre le terrorisme, chargé de suivre l application, par les Etats membres, des dispositions de la Résolution 1373(2001). II- Source A- La Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme Cette convention est une initiative française, car c est la France qui a lancé les négociations en automne 1998 en proposant un texte à l ONU. En décembre 1998, l A.G. a décidé que la Convention serait élaborée par le Comité spécial institué par la Résolution 51/210. Le texte de la Convention a été adopté par l A.G. le 9 décembre 1999. La Convention a été signée par 132 Etats, et au 30 avril 2003, elle était en vigueur dans 80 Etats. La Convention contient trois obligations principales : - les Etats doivent ériger le financement d actes de terrorisme en crime au regard de leur droit interne ; - ils doivent œuvrer en coopération étroite avec les autres Etats parties et leur prêter une assistance judiciaire ; - ils doivent adopter des mesures d identification et de signalement d indices de financement d actes de terrorisme à la charge des institutions financières.

Définition du crime de financement du terrorisme donnée par la Convention : commet une infraction au sens de la Convention toute personne qui, «par quelque moyen que ce soit, directement ou indirectement, illicitement et délibérément, fournit ou réunit des fonds dans l intention de les voir utilisés ou en sachant qu ils seront utilisés, en tout ou partie, en vue de commettre» un acte de terrorisme au sens de la Convention. Eléments constitutifs du crime de financement du terrorisme : 1- Elément moral : d abord, l acte doit être délibéré. Ensuite, son auteur doit avoir l intention d utiliser les fonds pour financer des actes terroristes, ou savoir qu ils seront utilisés à cette fin. 2- Eléments matériels :

- le financement (c est-à-dire le fait de fournir ou de réunir des fonds) ; - les actes terroristes (tels qu ils sont définis par les neuf traités internationaux en la matière). L article de la Convention définit les actes de terrorisme comme «tout ( ) acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil ou toute autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé, lorsque, par sa nature ou son contexte, cet acte vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une O.I. à accomplir ou à s abstenir d accomplir un acte quelconque». Il n est pas nécessaire que les fonds aient été effectivement utilisés. La complicité à la commission de l infraction ou la participation dans l organisation de celle-ci constituent également des faits punissables au même titre que l infraction elle-même. Cette infraction ne peut être justifiée par des considérations de nature politique, philosophique, idéologique, raciale, ethnique, religieuse ou d autres motifs analogues. La Convention prévoit des obligations en matière d extradition à l égard des Etats membres. Par ailleurs, elle prévoit le principe ant dedere aut judicare (poursuivre ou extrader). La Convention prévoit une obligation de coopération entre les Etats membres afin de prévenir les infractions établies par la Convention «en prenant toutes les mesures possibles, notamment en adaptant si nécessaire leur législation interne, afin d empêcher et de contrecarrer la préparation sur leurs territoires respectifs d infractions devant être commises à l intérieur ou à l extérieur de ceux-ci». Ainsi les Etats membres doivent adopter les 4 Recommandations du GAFI : - interdire l ouverture de comptes dont le titulaire ou le bénéficiaire n est pas identifié ni identifiable ; - s agissant des personnes morales, leur existence et structure juridiques doivent être vérifiées ; - les institutions financières doivent signaler aux autorités compétentes toutes les opérations complexes, inhabituelles ou lorsqu elles n ont pas de cause économique ou licite apparente ; - les institutions financières doivent conserver, pendant au moins 5 ans, toutes les pièces se rapportant aux opérations complexes. Concernant la compétence en matière de financement des infractions de terrorisme : Selon l article 7 de la Convention, chaque Etat établit sa compétence lorsque : - l infraction a été commise sur son territoire ; - l infraction a été commise à bord d un navire battant pavillon de cet Etat ou d un aéronef immatriculé dans cet Etat ; - l infraction a été commise par l un des nationaux de cet Etat. Selon l article 3, la Convention ne s applique pas aux situations dans lesquelles l infraction est commise dans un seul Etat, l auteur présumé est un national de cet Etat et se trouve sur le territoire de cet Etat, et aucun autre Etat n a de raison d exercer sa compétence au titre de la Convention.

B- Les résolutions du Conseil de Sécurité relatives au financement du terrorisme Deux aspects importants : - le Conseil de Sécurité a qualifié les actes de terrorisme de menaces à la paix et à la sécurité internationale (Résolution 1373 (2001)). Conséquence : application du Chapitre VII. - Les mesures collectives adoptées par le Conseil de Sécurité en la matière imposent aux Etats de prendre des mesures à l encontre de personnes, de groupes, d organisations et de leurs avoirs financiers (même Résolution).

La Résolution 1373 prévoit le gel des avoirs financiers des personnes et organisations concernées. Dans les résolutions antérieures 1267 (1999) et 1333 (2000), le Conseil de Sécurité, agissant en vertu du Chapitre VII, a décidé que les membres des N.U. gèleraient les avoirs respectifs des Taliban et d Ousama ben Laden. La Résolution 1267 a créé un «Comité des sanctions» (Comité 1267), lequel a publié une liste de personnes et d entités appartenant ou étant associées aux Taliban et à Al-Qaïda. Si une personne ou entité figurant sur cette liste souhait d être radié de celle-ci, elle devra introduire une demande auprès du gouvernement de son pays de résidence ou de nationalité. C- Les Recommandations spéciales du GAFI Lors de sa réunion à Washington (29-30 oct. 2001), le GAFI a décidé d inclure le financement du terrorisme dans ses domaines d intervention. Il a alors adopté une série de 8 Recommandations et il a demandé à ses membres de procéder à une autoévaluation de leur mise en œuvre. Les 5 premières recommandations spéciales contiennent des règles similaires au contenu de la Convention et de la Résolution 1373, tandis que les 3 dernières concernent des domaines nouveaux :

Quelques remarques à propos de la Recommandation II : - l infraction de financement du terrorisme devrait aussi s appliquer lorsque les terroristes ou les organisations terroristes se trouvent sur le territoire d un autre pays ou que l acte terroriste est perpétré dans un autre pays (Remarque : s agit-il d une compétence universelle?) - la législation nationale devrait prévoir des sanctions administratives, civiles ou pénales effectives, proportionnées et dissuasives en cas de délit de financement du terrorisme. Concernant la Recommandation III : La Recommandation V (coopération internationale) concerne les types d assistance suivants :

- échange de renseignements par des mécanismes d entraide judiciaire ou par d autres types de coopération (ex. les échanges entre cellules de renseignements financiers ou autres agences de surveillance) ; - refuser d accorder l asile aux individus concernés ; - procédures d extradition ; - refus de prise en compte des motivations politiques comme motif de rejet de la demande d extradition. La Recommandation VI (remise de fonds alternative) exige : - que les services informels de virement ou de transfert aient obtenu une autorisation ou l inscription sur un registre ; - que les Recommandations 10 et 11 (identification des clients), 12 (conservation des documents) et 15 (déclaration des transactions suspectes) soient étendues aux systèmes alternatifs de remise de fonds ; - qu il existe des sanctions en cas de non-respect de ces prescriptions. La Recommandation VII (renseignements sur le donneur d ordre dans les virements électroniques) exige que : - les renseignements relatifs au donneur d ordre soient inclus dans les transferts de fonds nationaux et internationaux ; - les institutions financières conservent ces renseignements à chaque étape de la chaîne de paiement ; - les pays obligent les institutions financières à mettre en œuvre une surveillance approfondie des activités de transfert de fonds lorsque les renseignements complets sur le donneur d ordre ne sont pas disponibles.