Rev. Ivoir. Odonto-Stomatol., vol. 8, n 2, 2006, pp. 16-20 EDUCI 2006 ABORD PALATIN DANS L APICECTOMIE DE LA RACINE PALATINE DE LA PREMIERE MOLAIRE MAXILLAIRE : A PROPOS D UN CAS. Auteurs NIANG 1 P. YOUNES 2 Y. DIOP 1 R. TAMBA 3 B. BA 1 A. DIALLO 4 B. Services 1- Assistant, Faculté de Médecine, de Pharmacie et d Odonto-Stomatologie de Dakar. 2- Stomatologiste, chirurgien maxillo-facial, 43 rue Félix Faure, Dakar, Sénégal. 3- Moniteur, service de Chirurgie Buccale à la Faculté de Médecine, de Pharmacie et d Odonto-Stomatologie de Dakar. 4- Maître de conférences agrégé, Faculté de Médecine, de Pharmacie et d Odonto- Stomatologie de Dakar. Correspondance Dr NIANG Paul Institut d Odonto-Stomatologie, Faculté de Médecine, Pharmacie et d Odonto-Stomatologie UCAD, BP 5005 Dakar Fann, sénégal. RESUME Introduction : l apicectomie est rarement pratiquée au niveau des pluriradiculées, au maxillaire en particulier. Cas clinique : nous présentons le premier cas publié au Sénégal, à notre connaissance, d apicectomie de la racine palatine de la première molaire maxillaire par abord palatin. Discussion : la revue de la littérature fait le point sur les indications de l apicectomie, sur la connaissance et l évaluation des paramètres anatomiques préalables à cette intervention pratiquée au niveau des molaires maxillaires et sur les méthodes actuelles de préparation et d obturation canalaires rétrogrades. Conclusion : cette intervention d actualité contribue à repousser l indication d extraction habituellement posée au niveau des molaires maxillaires en cas de récidive de la lésion apicale ou d impossibilité du traitement endodontique orthograde. Mots-clés : Apicectomie - Molaire maxillaire - Abord palatin - Racine palatine. SUMMARY Introduction : apicoectomy is rarely performed on molars especially the maxillar ones. Clinical case : We present the first published case in Senegal to our knowledge of an apicoectomy of the maxillary s first molar s palatal root by palatal access. Discussion : a literature review gives the indications of the apicoectomy, the anatomical parameters to evaluate before practicising this intervention on the maxillary s molars and the current developments in the fields of retrograde preparation techniques with ultrasonic retro-tips and compatible filling materials. Conclusion : this new intervention contributes to lower the indications of extraction which is usual in case of failure of orthograde root canal therapy or when endodontic retreatment is not possible. Key words : Apicoectomy - Maxillary molar - Palatal access - Palatal root.
INTRODUCTION L apicectomie consiste à effectuer l exérèse du tissu inflammatoire, la résection de l apex, la préparation et l obturation rétrogrades du système canalaire apical généralement en cas de récidive de la lésion apicale ou d impossibilité du traitement endodontique orthograde 1, 2 mais pas seulement 3. Cette intervention de chirurgie buccale fréquente au niveau du secteur antérieur est rare au niveau des secteurs latéraux postérieurs 4, maxillaires en particuliers en raison de la difficulté d accès du site opératoire et de la présence d obstacles anatomiques. L intérêt de ce travail est de montrer la faisabilité de cette intervention, rare au niveau des premières molaires maxillaires et originale par son abord palatin, dans le but d inciter les praticiens à repousser l indication d extraction habituellement posée au niveau des molaires en cas de récidive de la lésion apicale. I- CAS CLINIQUE 1- Observation Monsieur T.Z., 28 ans s est présenté à la consultation le 05 septembre 2002. Le motif de la consultation est l extraction d une dent qui serait le siège d une odontalgie maxillaire gauche aiguë dont les caractéristiques s inscrivent dans un syndrome douloureux desmodontal évoluant depuis 3 jours. L anamnèse met en évidence des antécédents d abcès accompagnés d épisodes douloureux aigus similaires qui avaient été traités médicalement 4 et 2 mois auparavant. L examen exo-buccal montre une légère tuméfaction génienne haute gauche. L examen endo-buccal montre, une obturation mésio-occluso-distale importante à l amalgame et un abcès vestibulaire au niveau de la 26 à l inspection, une mobilité 2 à la palpation et une douleur à la percussion axiale de la 26. La radiovisiographie (RVG) rétro-alvéolaire montre des lésions péri-apicales au niveau de la 26 et de la 25 (figure 1). Figure 1 : Image apicale sur la 25 et la 26 2. Traitement Le patient a demandé les possibilités de restauration prothétique conjointe après extraction de la 26. Nous avons proposé de conserver la 26 pour un bridge ayant pour pilier la 25, la 26 et la 28, la 27 étant absente. Et nous avons posé l indication d apicectomie pour répondre aux inquiétudes du patient relatives aux risques de récidive et assurer la pérennité du bridge qui compromettrait toute possibilité de retraitement endodontique orthogade. Le traitement endodontique orthograde a été réalisé sur la 26 et sur la 25 le 09 septembre 2002 (figure 2). Figure 2 : Traitement canalaire orthograde sur la 25 et la 26 L intervention a été réalisée sous antibioprophylaxie (association spiramycinemétronidazole, 24 heures avant l intervention et pendant 5 jours) ainsi qu une prémédication antalgique (paracétamol 1/2 heure avant l intervention) et antiseptique locale (chlorhexidine).
18 NIANG P. & al. : Abord palatin dans l apicectomie de la racine palatine de la première... L apicectomie des racines vestibulaires et palatine de la 26 a été réalisée le 17 septembre 2002 par un double abord (vestibulaire et palatin). Un lambeau angulaire a été réalisé au niveau de la racine palatine. L incision sulculaire allant de l angle mésio-palatin de la 1 ère prémolaire à l angle disto-palatin de la 2 ème molaire et l incision de décharge antérieure perpendiculaire s arrêtant à 3 mm de la ligne médiane ont été effectuées à l aide d une lame n 11, le lambeau ayant été décollé et chargé à l aide d un décolleur de MOLT (figure 3). munie d inserts aciers et d un ciment ZOE (IRM). Un ciment chirurgical a été appliqué après rinçage du site opératoire et sutures du lambeau. Deux contrôles post-opératoires ont été effectués à 7 jours (dépose du ciment chirurgical) et à 12 jours (ablation des fils de suture). Des radiographies rétroalvéolaires de contrôle ont montré un début de consolidation à 8 mois (figure 5) et une disparition des lésions périapicales à 2 ans (figure 6). Figure 3 : Décollement du lambeau La trépanation osseuse sous irrigation au sérum physiologique et le curetage ainsi que la résection apicale perpendiculaire à l axe de la racine ont été effectués à l aide, respectivement, d une fraise boule n 8 (figure 4) et d une fraise fissure n 4 montées sur pièce à main. Figure 4 : Trépanation osseuse Un avant-trou a été effectué à l aide d une fraise boule n 1, puis, la préparation et l obturation rétrogrades de la cavité ont été effectuées sur 2 mm à l aide, respectivement, d une pièce à main à ultrasons Figure 5 : Premier contrôle (8 mois après) Figure 6 : Deuxième contrôle (2 ans après) II- COMMENTAIRES L apicectomie 1, 2, 3, 5 ou l extraction 3 sont indiquées si le retraitement endodontique conventionnel n est pas possible ou non réussi. Cependant, de nombreuses apicectomies sont effectuées bien que le retraitement endodontique soit possible 3 ; 55 % des apicectomies ne seraient pas justifiées, 10.5% des lésions devant être soumises à un suivi et 44,5 % devant être retraitées par un endodontiste habile 6. L indication d apicectomie dépend de facteurs biologiques (symptômes persistants et lésion apicale surtout) et de facteurs techniques (tenons radiculaires et couronnes surtout) combinés le plus souvent 6 ; elle devrait être systématiquement posée en collaboration avec des endodontistes 6. En ce qui concerne les molaires, l indication d apicectomie est rarement posée au profit de l extraction 4. Cependant, si la perte d un grand nombre de dents se produit, une molaire dans le segment latéral est de grande importance et peut justifier l apicectomie 4.
Rev. Ivoir. Odonto-Stomatol., Vol. 8, n 2, 2006, pp. 16-20 19 L indication étant posée, la bonne connaissance de l anatomie est un préalable à l apicectomie molaire, au maxillaire en particulier 4. Les rapports intimes entre les apex des dents antrales et le sinus maxillaire peuvent mener à des effractions, particulièrement au niveau de la 1 ère molaire et spécialement en cas d inflammation apicale 7 ; elles se produiraient dans 10,2 % des cas d apicectomie au niveau prémolo-molaire et concerneraient principalement les molaires 8. Sur le plan vertical, le sinus peut être éloigné, longer ou entourer les apex 9 ; la racine palatine des molaires communiquerait dans 20% des cas avec le sinus et se situerait à moins de 0,5 mm dans 40% des cas 10. Sur le plan horizontal, le sinus peut s invaginer entre les racines vestibulaires et palatines des molaires 9, particulièrement au niveau de la 1 ère molaire dans 25 % des cas 11. L abord palatin de la racine palatine de la 1 ère molaire maxillaire est également laborieux en raison de la nécessité d un lambeau étendu et de la préparation des procédures de traitement d une éventuelle hémorragie de l artère de palatine 11. Dans notre cas, le lambeau angulaire qui offre une bonne visibilité du site opératoire est indiqué : l incision sulculaire est autorisée par l absence de restauration prothétique et de parodontolyse importante et l incision de décharge entre la 23 et la 24 limite les lésions vasculaires. La divergence des racines et la profondeur du palais faciliteraient l abord palatin, la corticale étant moins épaisse, le relief de la racine palatine permettant de repérer l apex et le trajet de l artère palatine étant plus apical 9. Relevons que le concours de la tomographie numérique pour l abord vestibulaire de la racine palatine de la 1 ère molaire maxillaire 11 qui éviterait le sacrifice systématique des apex vestibulaires et minimiserait les risques d effraction sinusienne ne résout pas le problème de l accessibilité et de la visibilité. Les racines palatines des 1 ères molaires maxillaires n ont qu un seul canal et la fréquence des isthmes au niveau de la résection serait élevée ; en outre, aucun des isthmes ne serait obturé lors du traitement endodontique 12. Pour la préparation canalaire rétrograde, de meilleurs résultats seraient obtenus avec les ultrasons 5, 13, 14 ; ils favoriseraient l accessibilité et la précision 5, 13 (centrage), minimiseraient la perte de substance et la formation de microfissures et de débris 13 et amélioreraient l état de surface de la cavité ainsi que l étanchéité de l obturation 13. Pour un matériau d obturation et une fréquence donnés, il n y aurait aucune différence significative concernant le nombre 5, 14 et le type (intra-canalaire, extra-canalaire et communicante) 5 de microfissure et/ou la qualité marginale 5 ainsi que le nombre de tubulii ouverts 14 avec les différents inserts utilisés 14 (acier, diamanté et nitrure enduit de zirconium). Pour un matériau donné, il n y aurait également aucune différence significative concernant l herméticité des obturations avec différents inserts utilisés 14. Pour l obturation canalaire rétrograde, IRM, super-eba (ciments de ZOE) et MTA seraient les matériaux les plus utilisés ; ils donneraient les meilleurs résultats 15. MTA, ostéoinducteur, serait plus biocompatible que super-eba et que IRM 15 et serait le matériau d obturation rétrograde idéal 5, 15 sans son temps de prise important qui induirait une déformation et un descellement 15. Super-EBA serait moins cytotoxique et moins irritant que IRM en raison de la plus faible teneur en eugénol 15. Au niveau des dents antrales, les taux de succès seraient comparables à ceux obtenus dans d autres régions, avec des méthodes modernes de préparation et d obturation canalaires rétrogrades (91,2 % avec IRM et 92,5 % avec super-eba) 7. Mais, en définitive, il y aurait un manque d études cliniques comparatives bien projetées et aucune conclusion définie ne pourrait être tirée en ce qui concerne la valeur clinique des techniques modernes 3.
20 NIANG P. & al. : Abord palatin dans l apicectomie de la racine palatine de la première... CONCLUSION Le succès de l apicectomie dépend de la pertinence de l indication, de la connaissance et de l évaluation préalable des paramètres anatomiques ainsi que de la qualité de la préparation et de l obturation canalaires rétrogrades qui devraient empêcher toute réinfection provenant du canal. Aujourd hui, les ultrasons et les nouveaux matériaux d obturation simplifient et optimisent la préparation et l obturation canalaires rétrogrades au niveau des molaires ; ils permettent de repousser l indication d extraction posée en cas de récidive de la lésion apicale ou d impossibilité du traitement endodontique orthograde. Dans ce cadre, l abord palatin de la racine palatine de la première molaire supérieure devrait être plus répandu. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1- JU YR, TSAI AH, WU YJ, PAN WL. Surgical intervention of mucosal fenestration in a maxillary premolar: a case report. Quintessence Int., 35 : 125-8, 2004. 2- LINDEBOOM JA. Apical endodontic surgery. Ned. Tijdschr. Tandheelkd, 111 : 146-51, 2004. 3- VAN DER MEER WJ, STEGENGA B. Root canal retreatment or surgical apicoectomy? Ned. Tijdschr. Tandheelkd., 111 : 430-4, 2004. 4- PRIMOVIC S, FEHER P, MARKOVIC D, PETROVIC L. Periapical surgery of the molars. Med. Pregl., 53 : 55-8, 2000. 5- CARROTTE P. Surgical endodontics. Br. Dent. J., 198 : 71-9, 2005. 6- ABRAMOVITZ I, BETTER H, SHACHAM A, SHLOMI B, METZGER Z. Case selection for apical surgery : a retrospective evaluation of associated factors and rational. J. Endod., 28 : 527-30, 2002. 7-WATZEK G, BERNHART T, ULM C. Complications of sinus perforations and their management in endodontics. Dent. Clin. North. Am., 41 : 563-83, 1997. 8- FREEDMAN A, HOROWITZ I. Complications after apicoectomy in maxillary premolar and molar teeth. Int. J. Oral Maxillofac. Surg., 28 : 192-4, 1999. 9-SAUVER G. Chirurgie endodontique des molaires et prémolaires maxillaires. Rev. Odonto- stomatol., 14 : 87-94, 1985. 10- HAUMAN CHJ, CHANDLER NP, TONG DC. Endodontic implications of the maxillary sinus: a review. Int. Endod. J., 35 : 127-33, 2002. 11- RIGOLONE M, PASQUALINI D, BIANCHI L, BERUTTI E, BIANCHI SD. Vestibular surgical access to the palatine root of the superior first molar: «low-dose cone-beam» CT analysis of the pathway and its anatomic variations. J. Endod., 29 : 773-5, 2003. 12- VON ARX T. Frequency and type of canal isthmuses in first molars detected by endoscopic inspection during periradicular surgery. Int. Endod. J., 38 : 160-8, 2005. 13- REPPEL R, GOLDBECHER C, SCHUBERT J. The preparation of retrocavities in apicoectomies. Mund Kiefer Gesichtschir., 4 : 30-4, 2000. 14- ISHIKAWA H, SAWADA N, KOBAYASHI C, SUDA H. Evaluation of root-end cavity preparation using ultrasonic retrotips. Int. Endod. J., 36:586-90, 2003. 15- GROSSMAN I, ABU EL NAAG A, PELED M. Root-end filling materials in apicoectomy-a review. Ref. Hapeh Vehashin., 20 : 49-54, 80, 2003.