LES ROMA DE BRUXELLES



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Les Roma de Bruxelles La situation à Bruxelles des Roma venant de l Europe de l Est. Leur vie, 2003-2004 Foyer, réd. une publication du Centre Régional d Intégration Foyer Bruxelles asbl

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TABLE DE MATIÈRES Préface... 9 Explications concernant l enquête... 11 Introduction: histoire, situation dans le pays de provenance, migration et nombres... 13 Chapitre 1. Situation de séjour, répartition, provenance et nombres à Bruxelles... 15 1. Introduction 2. Les Roma venant de la Roumanie 3. Les Roma roumains dans la région de Bruxelles-capitale 4. Les Roma de l ex-yougoslavie a. Les Roma venant de Bosnie, Kosovo et Serbie-Montenegro b. Les Roma venant de la Macédoine 5. Les Roma venant de la Bulgarie 6. Les Roma venant de Slovaquie 7. Les Roma d autres nationalités 8. Nombre total des Roma dans la région de Bruxelles-capitale Chapitre 2. Enseignement... 19 1. La situation de l enseignement des Roma en Europe de l Est 2. Analyse socioculturelle, relevante pour la situation en Belgique 3. Cadre légal en Belgique 4. Scolarisation des minorités ethnoculturelles 5. Méthode de recherche 6. Carrière scolaire des Roma 7. Les Roma dans l enseignement à Bruxelles 8. L école : pas une option évidente pour les Roma 9. Solutions appliquées 10. Autres acteurs 11. Recommandations 5

Chapitre 3. Santé... 85 1. La situation de santé des Roma en Europe de l Est 2. L aide médicale urgente pour les personnes sans papiers 3. La situation de santé des minorités ethnoculturelles 4. La méthode de recherche 5. La situation de santé des Roma à Bruxelles 6. La prévention 7. Les médicaments 8. L appel fait aux services médicaux de Bruxelles 9. Les obstacles dans l assistance médicale 10. Recommandations Chapitre 4. Logement... 119 1. La situation du logement des Roma en Europe de l Est 2. La situation du logement des Roma dans la région de Bruxelles-capitale 3. Recommandations Chapitre 5. Emploi et formation... 135 1. La situation de l emploi des Roma en Europe de l Est 2. L importance de l emploi pour les Roma et leur situation concrète 3. Les Roma sur le marché de l emploi 4. La formation 5. Recommandations Chapitre 6. Les Roma et l aide sociale... 151 1. Les services d aide sociale 2. Les difficultés dans les relations entre Roma et l aide sociale 3. Recommandations 4. Cas : la mendicité des enfants 6

Chapitre 7. Les Roma et la culture : quelques remarques... 167 1. Un certain succès du Pentecôtisme 2. Le problème de s organiser 3. L honneur 4. Les bébés et les enfants au centre de la vie familiale Notes... 169 Annexes, dont annexe 3 : bibliographie... 174 7

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PRÉFACE PRÉFACE Cette analyse porte sur les Roma qui sont des réfugiés immigrés de l Europe de l Est qui veulent s établir chez nous. Ils espèrent pouvoir clôturer une longue histoire de marginalisation et de discrimination. Mais cela ne paraît pas évident. Les Roma à Bruxelles se trouvent dans une situation de séjour précaire et sont condamnés à vivre dans la pauvreté. Quand leur statut de séjour est en ordre, la plupart des Roma sont confrontés à d autres problèmes : rechercher un logement décent, un travail adapté, etc. Des facteurs culturels jouent un rôle et font que l intégration dans la société belge ne va pas de soi. Les Roma que nous observons à Bruxelles, sont pour la plupart originaires de la Roumanie, de l ex-yougoslavie et de la Bulgarie. On estime que leur nombre s élève à 5500 à 7000 personnes dans la région de Bruxelles Capitale. Depuis longtemps, ils vivent de façon sédentaire et se distinguent des tziganes Roms nomades qui vivent dans des roulottes et qui ont tous la nationalité belge, française ou d un autre pays de l Europe de l Ouest. La population Roma a beaucoup de caractéristiques communes, mais il s agit en même temps d une population diverse avec une manière de vivre, une culture et un passé socio-économique différents selon le pays et la région d origine, l histoire, le clan, etc. A cause de leur situation de séjour instable, les personnes et les groupes changent beaucoup avec le temps, en fonction de la saison, du climat politique, des possibilités européennes d obtenir un statut de séjour etc. C est pourquoi dans la présente analyse du milieu nous parlerons surtout des Roma qui sont venus en Belgique depuis les années 90. La situation d un grand groupe de Roma macédoines, par exemple, qui séjournent souvent déjà depuis un certain temps à Bruxelles et qui ont un statut de séjour et sont en général bien intégrés, n y correspond pas. Par conséquent, l étude ne concerne pas ce groupe. Le centre régional d intégration Foyer Bruxelles asbl a estimé qu il est important de faire une analyse la plus complète possible de la situation des Roma. La cellule Gens de voyage et Roma du Foyer a en grande partie rédigé ce document qui se veut être le point de départ d un travail à poursuivre. En plus, il essaie de présenter une image plus positive des Roma qui vivent parmi nous. Nous ne prétendons pas que cette analyse soit complète et exhaustive. Avec les 9

années, les idées s affineront et les relations pourront être corrigées. Tous les services et personnes qui rencontrent des Roma dans leur travail ou vie privée, sont invités à nous transmettre leurs suggestions, à échanger et collaborer avec nous si possible. Des réactions sont donc plus que bienvenues! Bruxelles, septembre 2004, CRI Foyer asbl 10

EXPLICATIONS EXPLICATIONS CONCERNANT L ENQUÊTE Dans le cadre de cette analyse du milieu, une enquête a été menée à partir de janvier 2004 jusqu à mi-mai 2004. En premier lieu, la situation d une dizaine de familles a été examinée. Certaines familles ont été suivies pendant un certain temps par le service Roma, Roms et Gens de voyage du Centre régional d intégration Foyer asbl (Foyer) pour l aide administrative et sociale. Finalement, une interview semi-structurée a été faite avec toutes les familles sur les différents thèmes traités dans l analyse. Nous avons opté pour 7 familles roumaines, 2 de l ex- Yougoslavie, 1 bulgare, ce qui reflète plus ou moins les proportions des différentes nationalités dans la région de Bruxelles Capitale. Le groupe examiné présente aussi une variation selon le statut de séjour, la durée du séjour et la répartition à Bruxelles. De plus, il y a eu des contacts, entretiens et des interviews structurées avec toute une série de services et d organisations à Bruxelles qui sont en contact avec des Roma. Les collaborateurs ont parlé de leurs expériences et ont renvoyés à d autres contacts pertinents. Dans les chapitres sur l enseignement, la santé et le logement, les contacts spécifiques à ces sujets sont expliqués. Ensuite, d autres contacts avec des Roma et avec des personnes étroitement impliquées dans le milieu Roma complètent l image. Koen Geurts du service Gens du voyage et Roma du Foyer a effectué le travail de recherche et la plus grande partie de la rédaction. Un grand merci à tous ceux qui ont collaboré : tout d abord les familles Roma impliquées dans l enquête, les CPAS de Bruxelles Béguinage, Bruxelles St. Roche, Bruxelles Blaes, Schaerbeek et Molenbeek, les brigades de la jeunesse de Bruxelles-Ouest et Bruxelles-Ixelles, les 11 écoles de Schaerbeek, Molenbeek, Bruxelles, Forest, St. Gilles et Anderlecht, les différents collaborateurs du CAW Archipel Welkom, de Kind&Gezin et du bureau de consultation de Foyer, l O.N.E., la Maison médicale 35, Marolles, Quart Monde et Médecins sans frontières, la maison de quartier Bonnevie, ATD Quart Monde, Solidarité Socialiste, le service social de l hôpital St. Pierre, la maison culturelle roumaine Arthis et les membres de groupe de femmes Roma, le CGVS Cedoca, départements Europe de l Est et Balkan, Fedasil service dispatching la commission de régularisation, la direction statistique de la 11

DE ROMA VAN BRUSSEL région Bruxelles Capitale, le Petit-Château, le Comité d Union du Peuple Rom, la plate-forme des organisations des droits de l enfant Code, Pagasa, le Regionaal Overleg Roma Aangelegenheden, Nasci, plusieurs collaborateurs du service juridique et d autres services du Foyer, ERIO, Sireas, les communes qui ont mis à disposition des chiffres du registre de la population, Kim Janssens (Schoolopbouwwerk VGC), Ann Huybrechs (Ondersteuningstems allochtone jeugdbijstand Antwerpen), Léon Tambour, Wolf Bruggen, Toon Machiels et tous les membres du groupe des collègues Woonwagenwerk, Annuska Bento du service Gens du voyage et Roma du Foyer, Johan Leman, président du Foyer, Christian Paris, Muriel Renaut, Sabine Roblet et toute personne contactée pour un entretien téléphonique. 12

INTRODUCTION INTRODUCTION Le ICMPD-Report, Current Roma Migration from the EU Candidate States (février 2001) estime que le nombre de Roma vivant en Europe est de 7 à 9 millions, dont 6 millions en Europe Centrale et en Europe de l Est. Dans un rapport du Minority Rights Group International de 95/4, Roma/Gypsies : a European Minority (p. 38), le nombre pour la Belgique est estimé entre 10 et 15.000. Le VMC pense qu il est de l ordre de 20.000 Roma en 2003 pour Bruxelles et la Flandre, dont 6.500 vivant dans la région de Bruxelles. Dans notre étude, nous voulons proposer ce qui est connu jusqu ici et ce que nous pouvons communiquer après une recherche de six mois au sujet de ces nouveaux habitants de Bruxelles, communément nommés Roma dans la littérature scientifique. 13

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SITUATION DE SEJOUR CHAPITRE 1. SITUATION DE SÉJOUR, RÉPARTITION, PROVENANCE ET NOMBRES À BRUXELLES 1. Introduction Le problème de fond pour les Roma cherchant à être reconnus comme demandeurs d asile, est qu ils ne correspondent pas aux exigences de la Convention de Genève, selon les autorités belges, sauf s ils viennent de régions en guerre comme, il y a quelques années, l ex-yougoslavie et le Kosovo. Une grande partie des Roma ne disposent donc pas de documents légaux. Ce qui reste à certains, c est de faire une demande de régularisation sur base de l art. 9 3, les critères humanitaires. Les Roma ayant un statut légal l ont obtenu, la plupart du temps, durant la campagne de régularisation de janvier 2000. Ce qui caractérise le séjour de la plupart des Roma à Bruxelles, c est la précarité. 2. Les Roma venant de la Roumanie De loin la communauté la plus nombreuse parmi les Roma est celle venant de la Roumanie. Les gens viennent par des réseaux informels d amis, de famille, d agences de voyage Beaucoup vendent leur maison avant de partir. Beaucoup aussi ont déjà séjourné dans un autre pays, comme la Suisse, la France, l Allemagne. Dû à la mendicité de plusieurs parmi eux, la répression envers les Roma roumains a augmenté. L art. 9 3 est le seul espoir pour la plupart de ces gens. Les Roma roumains essaient de justifier leur séjour en Belgique en référant à des problèmes avec la police ou avec l extrême droite en Roumanie. Les vrais problèmes de discrimination ne sont pas posés. Des Roma roumains reconnus comme réfugiés politiques sont rares. Entre 1999 et 2003 cela n a été le cas que de sept Roumains, dont la plupart sont des Roma. S il y a régularisation, d habitude c est dû ou à la campagne de régularisation ou à une maladie sérieuse et un séjour très long. Les Roma essaient cette régularisation deux - trois fois. Cette pratique est inspirée par l espoir et parce qu cela leur donne une apparence de légalité. Plusieurs ont encore une demande en cours auprès du Conseil d Etat. Certains vivent ici depuis 6 à 8 ans, d autres sont à peine arrivés. On 15

veut prouver à tout prix qu on veut rester en Belgique, p.ex. en suivant des cours de langues, ou en appelant leur nouveaux nés Belgiana ou Belgicano. L extrême précarité est à la base d une mobilité extrême. 3. Les Roma roumains dans la région de Bruxelles-capitale Au moins la moitié des Roma roumains qui vivent en Belgique habitent à Bruxelles. La région de provenance en Roumanie explique aussi qui habite en quelle ville en Belgique. A Bruxelles, il s agit de Roma venant de la région (moins pauvre) de Arad et Timisoara, et la région (plus pauvre) autour de Boucarest. Très souvent la famille est éparpillée dans plusieurs pays de l Europe. Le pentecôtisme est très populaire parmi les Roma roumains à Bruxelles. Selon certains, trois quarts des Roma roumains à Bruxelles fréquentent des églises pentecôtistes. Il y en a trois : à la rue de l Instruction à Anderlecht, à la rue du Canal près de Yser, et à la rue des Commerçants. Il y a aussi des Témoins de Jéhovah et des orthodoxes. Nombre de familles Quelques estimations : Les plus grandes concentrations de Roma roumains se situent, en ordre d importance, à Schaerbeek, Molenbeek, Bruxelles ville, et Anderlecht. En nombre de familles (estimations avec l aide de témoins privilégiés pentecôtistes) Par famille, on peut compter jusqu à 5 à 6 membres. Minimum Maximum Ouest Roemanie: Région d'arad 300 400 (Sintana: 100-150) Timisoara 150 200 Région de Cluj 30 40 Sud Roumanie: Région de Boucarest 40 50 Buzau 30 40 Giurgiu 30 50 Autres régions: Bacau (Nord-est) 10 20 Craiova (Sud) 40 50 Total: 630 850 Cela voudrait dire qu il y a entre 3.500 et 4.600 Roma roumains dans la région de Bruxelles-capitale. Deux autres témoins privilégiés nous parlent de 3000 à 4000 Roma roumains. Cependant, il faut tenir compte de l énorme mobilité. 16

SITUATION DE SEJOUR 4. Les Roma de l ex-yougoslavie Pour ces communautés-ci, il est typique qu ils ont pu jouir plus facilement du statut de réfugiés et qu ils ont pu participer à la campagne de régularisation de 2000. 4a. Les Roma venant de Bosnie, Kosovo et Serbie-Montenegro Plusieurs Roma bosniaques ont trouvé leur chemin à Bruxelles, surtout les jeunes qui ont trouvé du travail ou qui jouissent d un statut. Il s agit d une toute petite communauté à Bruxelles. Ils sont tous musulmans, à la façon bosniaque, c.- à.-d. très flexibles. On estime à une centaine de familles les familles Roma de l ex-yougoslavie (sans Macédoine) à Bruxelles. Mais, les familles bosniaques peuvent compter jusqu à huit personnes. On estime le nombre des Roma de l ex-yougoslavie (sans Macédoine) à 530-620. 4b. Les Roma venant de la Macédoine Ces Roma-ci sont déjà arrivés à Bruxelles dans les années 60. Il s agit d un groupe plutôt spécifique. Plusieurs ont la double nationalité. Ils ont un emploi. Les Roma macédoniens ont reçu une grande influence turque ottomane. Ils parlent un autre dialecte que le Romanes et se sentent supérieurs aux autres Roma. On estime leur nombre autour de 150 à 170 familles à Bruxelles, avec une moyenne de 5 personnes, ce qui nous mène à 750 à 850 personnes. 5. Les Roma venant de la Bulgarie Il s agit d une migration plutôt récente. Beaucoup parmi eux déclarent avoir une origine turque. Ils ont très rarement un statut régulier. Les Roma bulgares fréquentent les milieux bulgaro-turcs (et macédoniens). A Bruxelles la plupart habitent près du quartier Nord (jusqu à Laeken) et, un petit nombre dans les quartiers turcs de Schaerbeek. Il y a bien sûr encore d autres familles ailleurs. On estime qu il y a 50 familles à Schaerbeek et une quinzaine à Anderlecht,ce qui nous mène à 65 familles Roma bulgares à Bruxelles. Nous estimons leur nombre à 460-510 personnes. 17

6. Les Roma venant de la Slovaquie Les Roma slovaques ont commencé à demander l asile en Belgique en 1993, avec une pointe de 1392 demandes en 2000. La plupart vient de villes comme Kosice et Presov. A Bruxelles on ne trouve les Roma slovaques que dans le cadre de l asile, donc au Petit Château et dans les alentours. On estime leur nombre à 124 Roma slovaques pour Bruxelles. Leurs enfants fréquentent souvent l enseignement néerlandophone. 7. Les Roma d autres nationalités Il y a un nombre limité de Roma polonais et tchèques à Bruxelles, et quelques familles isolées venant encore d autres pays. On les estime, en tout, à 30-50 familles. 8. Nombre total des Roma dans la région de Bruxelles-capitale Nous estimons qu il y a entre 1050 et 1300 familles Roma à Bruxelles, ce qui veut dire 6200 personnes Roma dans la région de Bruxelles (c.-à.-d. entre 5500 et 6900), cfr. une estimation faite il y a quelque temps par le VMC (en 2003). Le VMC estimait à 6500 les Roma à Bruxelles. 18

ENSEIGNEMENT CHAPITRE 2. ENSEIGNEMENT 1. La situation de l enseignement des Roma en Europe de l Est Le rapport du PNUD (2002) 1 décrit la situation dramatique de l enseignement des Roma dans 5 pays de l Europe de l Est (Roumanie, Bulgarie, Hongrie, Tchéquie, Slovaquie). Un tiers des enfants Roma terminent l école élémentaire, seuls 6% fréquentent une école secondaire et 1% l enseignement supérieur (voir tableau 1). Un autre rapport (Kpotova A. & Lacko M.) constate qu en Slovaquie, 30 fois plus d enfants Roma abandonnent leurs études que d autres enfants, 14 fois plus répètent une année et 28 fois plus d enfants Roma sont orientés vers des écoles pour enfants ayant un retard scolaire. Beaucoup d autres rapports donnent également des chiffres poignants. Niveaux d'enseignement 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Bulg Tchèque Hong Slov Roum enseignement secondaire ou supérieure enseignement secondaire incomplet enseignement élémentaire peuoupas d'enseignement élémentaire" Tableau 1 : Niveau d enseignement des Roma en 5 pays de l Europe de l Est Source : rapport du PNUD sur les Roma, 2002 Le rapport du PNUD sur la situation des Roma indique comme raison principale une spirale vicieuse de pauvreté. Souvent, il est impossible de pourvoir le matériel le plus élémentaire pour fréquenter l école (matériel scolaire, vêtements appropriés, nourriture suffisante, ) et les enfants sont souvent, par nécessité, impliqués dans des activités pour acquérir un revenu. Le manque d enseignement conduit au chômage, ce qui aboutit à une marginalisation encore plus grande à 19

travers les générations, comparable à celle de la grande pauvreté. Les parents sont également peu-qualifiés et ne stimulent pas leurs enfants à suivre l enseignement. Mais, outre la pauvreté, la tradition d enseignement orale des Roma joue aussi un rôle important : on n est pas assez familiarisé avec l enseignement par des livres, un élément de la culture gadgé. La moitié des enfants Roma vont à des écoles avec une prépondérance d enfants de la population majoritaire. Plus que 1 enfant Roma sur 3 fréquente une école avec principalement des enfants Roma. Ceci est entre autre dû au fait que les Roma s installent (de manière obligatoire ou non) dans des lieux avec une prépondérance de la population Roma (ghettos Roma). La pauvreté joue aussi un rôle. Après le communisme, le budget pour l enseignement a diminué petit à petit. Ce sont surtout les écoles Roma et les Roma eux-mêmes qui en ont subi les conséquences. Les enfants de parents pauvres recevaient un enseignement pauvre d un niveau plus bas. Lorsque des enfants d une communauté marginalisée forment une majorité à l école, cela engendre automatiquement des mécanismes de sélection négative conduisant à la ghettoïsation de l enseignement et une ultérieure ségrégation. La discrimination qui en découle, catalyse encore la spirale négative. Pourtant, dans l enseignement, l intégration dans la population majoritaire a un effet positif sur le parcours des Roma et elle mérite donc d être stimulée en permanence. Dans les écoles pour handicapés mentaux et dans les orphelinats, le nombre d enfants Roma dépasse le nombre d enfants non-roma dans les 5 pays examinés, sans qu il y ait, dans la plupart des cas, une raison médicale. Selon le rapport du PNUD sur les Roma, 14% des familles enquêtées répondent qu elles ont au moins un enfant dans de telles écoles. La raison principale indiquée est que le programme scolaire y est plus facile. La connaissance de la langue dominante est également faible. Mais pour la plupart, ce sont des éléments liés à la pauvreté qui jouent un rôle (problèmes de santé et malnutrition). L enseignement maternel est le moment critique à partir duquel à l école des limites du processus d apprentissage commencent à apparaître. Si les enfants n apprennent pas suffisamment la langue de la majorité, ils seront pour la plupart envoyés aux écoles spéciales pour Roma. Après le communisme, le budget pour 20

ENSEIGNEMENT l enseignement maternel a fortement été limité. Le nombre d enfants à l école maternelle a fortement diminué parce que les familles ne pouvaient plus prendre en charge les frais supplémentaires. En Roumanie, en 1998 seulement 17% des enfants Roma fréquentaient une école maternelle, contre 60% de la population totale. Pourtant, des études mettent en évidence que les enfants Roma qui ont fréquenté l école maternelle, ont beaucoup plus de chances de continuer leur scolarisation dans un milieu intégré que ceux qui entrent à l école plus tard (Reger Z., 1999). En tout cas, plus jeune un enfant Roma entre à l école, plus de chances il a d éviter la spirale de pauvreté, de chômage et de marginalisation. Roumanie Article 5 de la Loi sur l enseignement de 1995 dit que chaque citoyen a droit à un accès égal à tous les niveaux et formes d enseignement, quelles que soient les conditions sociales ou matérielles. En Roumanie, l enseignement est gratuit, de l accueil préscolaire jusqu à l université. Selon la loi, il existe une obligation scolaire pour les enfants à partir de 7 ans jusqu à l âge de 16 ans. Les enfants entre 3 et 6 ans vont à l école maternelle. A partir de 7 ans, les enfants vont à l école élémentaire qui compte 8 années. En dernière année, ils doivent passer des examens. Sur base des résultats de ces examens, ils peuvent choisir entre deux formations de suite: le lycée de quatre années où les jeunes sont préparés aux études supérieures, ou l école secondaire de deux années qui mène à l enseignement professionnel. Depuis une dizaine d années, les autorités publiques ont pris une série d initiatives pour lutter contre la marginalisation et l exclusion socioprofessionnelle des Roma. Une loi de 1993 prévoit une aide sociale pour les enfants (4 US $/mois), à condition qu ils fréquentent l école. Pour les familles Roma qui ont beaucoup d enfants, cette aide représente une partie essentielle de leur revenu. L investissement dans l enseignement reste pourtant faible en comparaison avec la période communiste antérieure. Les minorités ethniques-culturelles ont le droit de suivre des études dans leur langue maternelle, les Roma 2 aussi. Des gens qui voyagent beaucoup, peuvent s inscrire à n importe quel moment et il n y a pas de condition concernant un domicile fixe. Depuis quelques années, un certain nombre de places dans différentes universités sont réservées aux Roma (150 en 1998). 21

Malgré l apparent accroissement de l aide publique pour les Roma dans l enseignement, pas mal de problèmes subsistent sur le plan du suivi et de l évaluation de cette aide. Le Comité Discrimination Raciale des NU notait dans son rapport de 1999 que le degré de scolarisation des enfants Roma restait faible et qu il n y avait pas d améliorations quant au taux de chômage élevé des Roma. Selon le Comité, ceci contribuait à une stéréotypisation négative, permanente et inacceptable des Roma en comparaison avec le reste de la société. Une étude a mis en évidence qu en Roumanie seuls 17% des enfants Roma entre 3 et 6 ans allaient à l école maternelle ( 97-98), contre 60% de la population totale ( 96-97). En ce qui concerne les enfants entre 7 et 10 ans, 94% de la population totale fréquentaient l école élémentaire contre 70% des enfants Roma ( 97-98). Ceci s expliquait en partie par la pauvreté. Selon le Romania Integrated Household Survey ( 97) 79% des Roma vivaient en pauvreté contre 31% de la population totale. Bien que cet élément ressortait moins de l enquête des familles Roma, des informants roumains confirmaient que la pauvreté est un obstacle sérieux pour beaucoup de Roma. Certains ne peuvent même pas acheter des vêtements appropriés pour aller à l école. D autres raisons mentionnées étaient le mauvais état de santé et les problèmes de transport à cause des grandes distances entre la campagne et les écoles. On peut dire que le degré d analphabétisme a augmenté après la chute du communisme. Les parents, quant à eux, ont encore suivi l enseignement. On constate aussi des différences régionales. Les Roma vivant en région rurale sont plus souvent analphabètes que les Roma en zone urbaine (Timisoara, Boucarest, ). A la campagne, pendant la saison agricole, les enfants doivent souvent aider les parents à travailler les champs, garder les petits enfants à la maison ou à gagner de l argent. La plupart des Roma enquêtés lors de cette étude, se plaignaient de discrimination et racisme à l école en Roumanie, sous forme de refus d inscription et de vexations, avec souvent des lésions physiques pour conséquences. Bogdan : 3 Depuis qu elles étaient toutes petites, ils ne voulaient pas accueillir mes filles. Ils savaient qu elles étaient malades et en avaient peur. La plupart des Roma a été repoussés. Mon fils a suivi l école jusqu à la quatrième année. Les enfants le traitaient brutalement. Souvent, les enseignants ne s occupent pas de ces problèmes ou du 22

ENSEIGNEMENT suivi individuel des enfants. A cause de toutes ces difficultés, on se contente de pouvoir apprendre à lire, écrire et faire les calculs à l école élémentaire, des compétences qui seront bien utiles plus tard pour pouvoir faire du commerce, entre autres. C est pourquoi beaucoup de Roma essaient de cacher leurs origines pour ne pas devenir victimes de discriminations. Elena : Mon père a gardé le secret sur ma vraie origine pendant toute ma jeunesse. De cette façon, j ai évité beaucoup de problèmes. Le fait que nous venions de Hongrie était déjà assez grave. De toutes les femmes enquêtées, celle-ci avait le niveau d enseignement le plus haut : après l école secondaire elle avait encore fait quatre années d études d économie. Ses enfants ne disaient pas non plus qu ils étaient Roma. Ils ont tous pu fréquenter l école normalement. Officiellement, il n y a pas d écoles Roma créées seulement pour les Roma. Pourtant, il existe des écoles pauvres dans les villages et les régions urbaines qui sont surtout fréquentées par des Roma, vu que la majorité de la population y est d origine Roma. Dans d autres écoles, ils sont souvent refusés ou visés de façon à ce qu ils abandonnent et aboutissent donc automatiquement dans les écoles Roma, ce qui confirme la ségrégation. Des études récentes montrent que 5% des Roma n ont pas de certificat de naissance et 4% des enfants âgés de plus de 14 ans n ont pas de carte d identité. Or, comme il est souvent obligatoire de disposer de ces documents pour avoir accès aux services publics, souvent ils n arrivent pas à s inscrire dans une école. On estime également que entre 1200 et 6000 Roma sont devenus apatrides en Roumanie après avoir quitté le pays pour demander asile à l Ouest. Ces personnes n arrivent pas, non plus, à s inscrire dans une école après leur retour. Calin, un des pères, témoignait : Nous demandions les droits au bourgmestre, mais celui-ci refusait de nous parler. Isaac était malade depuis 1988. Ils nous détestaient et on nous traitait comme des chiens. Nous recevions des réactions racistes. Aucun des enfants a été accueilli à l école. En Belgique, ils sont allés à l école pour la première fois. Depuis que nous avions été demander nos droits, la police venait régulièrement chez nous. On me cherchait. Ils demandaient pourquoi j étais allé à la maison communale. Je disais que je 23

demandais les droits de l homme. On me menaçait de coups et de blessures. On me suspectait. Si il y avait un vol, on signalait que j en étais l auteur. J ai eu peur et j ai quitté le pays. Quand j allais au contrôle médical avec mes enfants, on ne voulait pas me donner de médicaments ou faire des examens. On ne tenait pas compte de nous : ni à l école, ni à la maison communale, ni chez le docteur Je souhaite un meilleur avenir pour mes enfants. En Roumanie, cela n est pas possible sans argent. 2. Analyse socio-culturelle, relevante pour la situation en Belgique Ann Huybrechs de Ondersteuningsteam allochtone jeugdbijstand (équipe de soutien de l aide à la jeunesse allochtone) à Anvers a analysé le comportement collectif ou individuel des minorités ethniques culturelles qui au cours de leur histoire ont développé une forte méfiance vis-à-vis de l aide et de la société dans son ensemble. Ce comportement provient d un engrenage de différentes images du monde et de l homme qui sont chacune à la base d une autre vision de l aide. Pour mieux comprendre l attitude des Roma et organiser l aide d une manière efficiente, il importe d analyser l influence des différentes images du monde et de l homme. Par là, on obtient également des réponses aux questions comme comment motiver des Roma à l enseignement? et comment motiver l enseignement par rapport aux Roma?. Chez les Roma, un facteur important est la logique culturelle du groupe. Celle-ci est orientée sur la survie du groupe, la lutte quotidienne pour satisfaire les besoins de base. Les Roma portent en eux cette lutte depuis des siècles, de façon qu elle est presque devenue une partie de leur identité culturelle. Pour que cette lutte contre le monde extérieur soit fructueuse, chacun a une place bien déterminée au sein du groupe. Pour en accroître l efficacité, des ordres sont transmis selon une logique hiérarchique du haut vers le bas. On s adapte aux décisions prises par les personnes plus âgées qui marquent les limites du propre comportement. Cette logique de survie a un impact sur différents domaines. Tandis que nous nous basons sur l idée que les parents doivent être disponibles pour les enfants,de la même façon, pour les Roma vaut que les enfants doivent être disponibles pour les parents (aider à gagner de l argent, donner un statut au clan, ). 24

ENSEIGNEMENT Dans cette logique, l accent n est pas mis sur la responsabilité individuelle. Des problèmes arrivent et les Roma ne voient pas toujours dans quelle mesure ils y contribuent. Par conséquent, ils attendent de l intervenant qu il produise des changements dans leur situation par l extérieur (motivation externe). Les intervenants gagneront plus facilement leur confiance s ils arrivent à évaluer correctement les besoins et les intérêts qu ils ressentent. Pour aboutir, il peut être important que l aide offerte soit traduite vers la culture du groupe de façon à ce que les personnes concernées en comprennent elles-mêmes les intérêts. Les risques d un comportement non-coopératif et les avantages d une collaboration doivent être rendus visibles sans prendre soi-même position. Ann Huybrechs souligne l importance d une greffe : rechercher les intérêts au sein du groupe cible pour y accrocher les buts du travailleur social en - donnant des arguments qui correspondent aux vrais arguments (de survie) pour eux - rendant l offre (p.ex. offre de l école) intéressante pour les enfants et les parents - mettant la famille dans une position de demande par une stratégie d offre défiante toute critique, en définissant en concertation avec toutes les personnes concernées le rôle et la position de chacun. Au cours du dernier siècle, en Europe de l Ouest et de l Est, des évolutions socio-politiques telles que l émancipation et l avancement social ont également joué un rôle très important. Quand au début du 20 ème siècle, la logique du groupe ne suffisait plus pour survivre face au patronat, en Europe de l Ouest, progressivement, des changements sociaux ont été forcés à partir de la base, tels les droits individuels (évolution). Des syndicats, un cadre juridique, la sécurité sociale, un réseau d aide etc. ont été créés. Finalement, en tant qu individu, on arrivait à survivre matériellement, indépendamment de la grande famille. Ainsi, on était obligé de développer une propre opinion, de faire ses propres choix et de créer une propre perspective pour le futur, ce qui agrandissait le sentiment de responsabilité individuelle. Cette évolution devint partie de la culture et notre aide fut aussi imprégnée de cette logique axée sur la personne. On suppose que des personnes ne peuvent être aidées que si elles sont prêtes (motivation interne) à comprendre quelle part 25