Naviguer a à l Offshore



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Transcription:

Introduction Naviguer a à l Offshore 1980-1990 : les derniers pionniers Les remorqueurs ravitailleurs de plates-formes de forage sont apparus il y a une cinquantaine d années, aux États-Unis, dans le golfe du Mexique. Les Américains possèdent des flottes de plusieurs centaines de ces navires. Dans les années quatre-vingt, la compagnie Tide en comptait six cents. Les Norvégiens ne sont pas en reste, avec des flottes très performantes. Mais à cette époque, la société Fish, première compagnie française, avec une trentaine de navires se situait dans les vingt premières mondiales parmi plus d une centaine de sociétés. Depuis, la seconde compagnie française Surf désormais Bourbon a continué seule l aventure avec un extraordinaire développement, elle est parmi les toutes premières du monde. Il faut également mentionner l existence dans les années soixante-dix de la société OMS (Offshore marine services) créée par Delmas Vieljeux, qui armera une flotte de supplies, dont quelques-uns seront sous pavillon français jusqu en 1971. Quelques remorqueurs de l URO (Union des remorqueurs de l océan), mais également ceux des Abeilles International ont participé à l aventure. La marine marchande regroupe plusieurs secteurs, bien différents les uns des autres ; le transport de passagers, de pétrole, de produits chimiques, le remorquage, la pêche, le dragage, etc. Il convient d y ajouter l offshore. Il y a une trentaine d années, cette activité nouvelle pour les navigants français était très confidentielle, d autant qu elle se déroulait hors de nos frontières. L extraordinaire croissance de Bourbon, et le fait qu un certain nombre d unités nouvelles, et non des moindres, ont vu le jour dans des chantiers français, comme le chantier Piriou, ont contribué à lever un peu le voile sur cette activité, tout au moins dans la presse spécialisée. Pourtant, les équipages et les navires méritent un coup de projecteur. L offshore, dont il est question dans cet ouvrage, concerne l univers des supplies, alors que ce terme désigne généralement l ensemble des «outils» nécessaires à l exploitation pétrolière en mer : plates-formes, barges etc. Le supply n est donc qu un outil parmi tant d autres. Un de nos directeurs, dans un article, avait parlé du supply en l assimilant à la brouette du pétrolier. D autres encore le qualifient de chien de garde, ce qui est très réducteur au regard de son rôle. Dans une revue j ai trouvé le terme de «sherpa» qui lui convient infiniment mieux : toujours à la peine, toujours dans l ombre, mais indispensable. La période considérée dans ces pages va jusqu à la fin des années quatre-vingt. J ai en effet quitté les sites pétroliers à cette époque. Bien des choses ont changé en une vingtaine d années, tant les techniques d exploitation évoluent rapidement. Le supply doit constamment s adapter pour répondre aux nouveaux besoins. De simple bateau de travail, il est désormais parvenu à la pointe de l innovation en matière de construction navale, avec, entre autres, l apparition de l étonnante étrave Xbow. Les règles en matière de sécurité sont devenues plus draconiennes (code ISM). Les choses ne sont plus abordées avec le même état d esprit. La vie à bord était en permanence émaillée d événements plus ou moins graves, mais pouvait-il en être autrement pris avec philosophie. Les hommes sont emprisonnés désormais dans le carcan des procédures. L ère des cow-boys est révolue. L offshore reste-t-il un genre de navigation à part, avec son parfum d aventure? MARINES ÉDITIONS Hier, comme vous le verrez dans ce livre, le contraste était grand entre une technologie pétrolière très pointue, et un câble simplement trop court, une manille qui reste bloquée, et tous les petits aléas menaçant la réussite des opérations concoctées dans des bureaux par d habiles ingénieurs. Et c est ce mélange des genres qui était plaisant. 5

Sommaire Hommes et équipages Réduction d effectif Un valeureux plongeur Frankfurt Radio Les relèves Bagarre Do you speak texan? 97 105 106 107 109 109 111 Introduction offshore La sismique Le rig ou jack up La barge semi-submersible Le navire de forage La swamp barge La plate-forme La barge Le tender Le stockeur, la bouée SBM Les navires spécialisés Les bases 4 8 11 11 15 15 15 19 19 Les navires et leur évolution Le remorquage Mise en place et relevage des ancres Le ravitaillement en matériel Le ravitaillement en fl uides et pulvérulents La lutte incendie L hébergement La manœuvrabilité Le positionnement dynamique (DP) Les caractéristiques générales La couleur des supplies Le supply aujourd hui 23 23 25 25 25 27 27 29 29 Les navires spécialisés Un navire spécialisé plutôt spécial Exercice L accostage au quai Elf Éruption La grue Un pilote au cœur fragile Un site immense Une station de pilotage particulière Les pieds dans l eau Le propulseur d étrave Le marché aux bidons Fuite d acide Le salaire de la peur Voie d eau et incendie Le brûleur C est encore la fête? Changement d amure 33 33 35 35 37 38 39 39 39 40 40 41 42 42 43 les compagnies françaises Feronia international shipping Surf devenue Bourbon Offshore Les Abeilles International (LAI) Offshore marine services (OMS) Union des remorqueurs de l océan (URO) Conclusion Remerciements Lexique 112 112 114 116 116 116 162 165 166 Le métier Particularités Ambiance Sonde et tirant d eau Avitaillement à Banana Au mouillage La manœuvre Le remorquage Une longue traversée L anchor handling ou les ancres Les barges Les semi-submersibles Les jack-up Le ravitaillement Le support Une mauvaise matinée Le terminal Les avaries Lorsque la faune s en mêle 44 45 47 49 53 53 57 61 67 73 73 87 87 87 93 94 95 95 96

1 Offshore 1 1 La naissance d un site Offshore 1 - Train de tiges dans le derrick 2 - Conductor pipe 3 - Bacs à boue 4 - Table de rotation En 1970, un géologue affi rma qu on ne trouverait plus autant de gisements, que l on était au sommet de la courbe. Jamais pourtant, de telles quantités de pétrole ne furent découvertes que cette année-là, aussi le monde pétrolier se moqua-t-il de cette prédiction. Cependant ce géologue avait raison. À l heure actuelle, pour six barils consommés, un seul est découvert. Au rythme de la consommation actuelle, la fi n de l ère du pétrole est prévue dans une cinquantaine d années. Le forage en mer a commencé très timidement en 1897 sur le sable d une plage de Californie, à la manière d un baigneur frileux qui ne met que les orteils à l eau. En effet, c est à partir d un wharf que fut effectué le premier forage, avant que l on ne passe à des structures indépendantes. Au début on se contenta de forer sur des plans d eau calme, principalement dans le golfe du Mexique, et au Venezuela, ainsi qu en mer Caspienne. L offshore n a véritablement commencé qu en 1947 avec un tender. La technique du forage proprement dite est la même que celle pratiquée à terre. Tout le monde a entendu parler de derrick, de trépan, et de table de rotation. On commence par enfoncer un gros tube (conductor pipe), au moyen d un marteau hydraulique, jusqu à une cote de refus. Ce tube permet d isoler le puits du milieu naturel. Le BOP (blow out preventer) est installé, c est un système qui isole le puits en cas de problème. Récemment, le non-fonctionnement de cet organe vital a entraîné la plus importante pollution connue dans le golfe du Mexique. Le forage peut alors commencer par l introduction du trépan monté au bout d un train de tiges, et la mise en rotation de l ensemble que l on allonge au fur et à mesure de la progression. Afin d éviter l effondrement du puits, ce dernier est tubé (casing) et du ciment est introduit entre le trou et l extérieur du casing. Le forage peut reprendre, avec un outil de diamètre inférieur. Plus le forage avance, plus le diamètre du puits diminue. On atteint ainsi des profondeurs de 2 000 à 4 000 mètres, et même plus. Le diamètre qui est de 73 cm au début, n est plus que du tiers à la fin. De la boue mise en circulation est nécessaire pour remonter les déblais du forage, assurer la lubrification, et mettre le puits en équilibre hydrostatique. Le poids de la colonne de boue, équilibre la pression du fond. En surface, des bacs à boue permettent de la filtrer pour retirer les déblais. Cette boue est analysée en permanence pour interroger la couche traversée : type de roche, présence de gaz, etc. La formation une fois atteinte, le puits est testé pour connaître son débit. S il est aisé d en comprendre les grandes lignes, rentrer dans les détails est infiniment complexe. Sans compter que les techniques évoluent continuellement. Pour effectuer des forages en mer il a été nécessaire d inventer différentes structures à mesure que l on s aventurait de plus en plus loin des côtes. Avant de poursuivre, il est nécessaire de présenter le théâtre d opération des supplies, et d expliquer la naissance d un site pétrolier. L exploitation du pétrole en mer est beaucoup plus spectaculaire qu à terre, et à part les gens du métier, peu de personnes ont accès aux installations. Le tourisme industriel est à la mode, mais l un des derniers bastions qui sera accessible sera celui-là. La vue d un site est grandiose, tout y est immense. Durant des millénaires, la mer a été sillonnée bien timidement et d une façon fugitive par les navires. En quelques dizaines d années des centaines de structures ont poussé, offrant un spectacle insolite et impressionnant. Nos médias nous gratifi ent quelques fois d un reportage sur l exploitation pétrolière, presque toujours tourné en mer du Nord, sur l une des plates formes dernier cri ; c est en réalité l arbre qui cache la forêt. Il faut savoir que certains sites s étendent sur plusieurs centaines de milles, où l on peut compter des centaines de structures. Le pétrole offshore assure désormais trentecinq pour cent de la production mondiale. Mais au début de l aventure la mer est déserte. 2 3 4 8

1 1 8 9 10 11 12 La barge semi-submersible Mais l utilisation d un rig est limitée par la longueur de ses jambes : 70 à 80 mètres de profondeur, 120 mètres au maximum pour quelques-uns. Comment effectuer des forages par des fonds supérieurs? En concevant un fl otteur pratiquement insensible au mouvement de la mer. Ainsi est née la barge semi-submersible. En plongée à plusieurs dizaines de mètres, un sous-marin ne ressent plus les effets de la mer, pour la plus grande satisfaction de son équipage. On va donc construire une structure comportant plusieurs fl otteurs que l on pourra enfoncer d une trentaine de mètres sous l eau, par ballastage. Cinq à six piles vont réunir la partie sous marine à la partie aérienne et le peu de prise qu offrent les piles aux éléments, par rapport à l inertie de l ensemble fait que l on ressent très peu de mouvements. La partie supérieure reçoit les mêmes éléments qu un rig, mais tout est beaucoup plus important. La barge ne reposant pas sur le fond, un système d ancrage ou de positionnement dynamique est nécessaire. Les lignes de mouillage en général au nombre de huit, comportent des ancres de quinze tonnes et sont allongées à plus de 1 000 mètres. Au besoin, on ajoute des ancres sur les lignes, on dit alors qu elles sont empennelées. En fait cette immense structure n est pas complètement insensible à la houle, mais les trains de tiges présentent une certaine élasticité, cette particularité permet d effectuer des forages déviés : à 1 500 mètres, le train de tige, vertical au niveau du derrick, peut être horizontal au trépan. Toujours sur une longueur de 1 500 mètres la tige sur la table de rotation peut effectuer une dizaine de tours avant que celle du fond ne se mette à tourner. Tout cela est donc relativement fl exible. Ceci dit le forage doit quand même être interrompu, lorsqu une tempête approche. Le système à ses limites. Certains forages sont dits d exploration, tels que ceux entrepris en mer d Iroise dans les années quatre-vingt. Ils ne donnent pas lieu systématiquement à une exploitation ; ils permettent d avoir une idée plus précise des possibilités du gisement qui peut se révéler très décevant. Seulement huit pour cent des forages sont positifs. Évidemment, il faut prendre en compte l environnement du gisement ; la dureté de certaines mers accroît les coûts de sorte que l extraction ne sera pas rentable dans le présent ou un futur proche. Il faudra une évolution signifi cative des techniques de forage et d exploitation Ou une forte et durable augmentation du cours du brut pour y donner suite. Dans le cas où l aventure se poursuit, le puits étant foré, les tests de production effectués, il sera provisoirement fermé. La tâche du rig est terminée, il quitte le site pour aller forer à quelques milles de là, voire dans un autre pays. Certaines barges semi-submersibles possèdent leur propre propulsion. Dans ce cas elles seront bien souvent à positionnement dynamique, ce qui dispense alors de la lourde opération de mise en place des ancres (qu elles possèdent pourtant). Pour les autres, le remorquage s impose mais la tendance pour les déplacements océaniques est l embarquement sur un navire spécialisé. Le navire de forage Les anciens cargos, ou les unités spécialement conçues, ont l avantage de se déplacer par leurs propres moyens. Mais, mouillés classiquement, ils sont vulnérables face à une aggravation du temps. Équipé d un positionnement dynamique (DP), qui gère la position en permanence, le navire pourra tenir une position fi xe, à un cap optimum pour étaler le mauvais temps. La consommation en carburant de ces engins n est pas négligeable, compte tenu des propulseurs puissants, toujours en fonctionnement. Le Pétrel et le Pélican furent les premiers navires de forage français de ce type. La swamp barge Elle permet de travailler la où les autres ne peuvent intervenir, c est-à-dire dans très peu d eau. La plate-forme Le rig a quitté sa position, il reste la tête de puits, c est-à-dire la partie supérieure du conductor pipe. On va alors installer une plate-forme à l aplomb. Ses quatre pieds, mais souvent plus, seront solidement fi xés au fond au moyen de pieux enfoncés au marteau hydraulique. On trouvera au sommet une plate-forme hélico, et une petite grue ; en dessous : un ou deux niveaux réservés à l appareillage nécessaire à la production, parfois un bras de plusieurs dizaines de mètres avec une torchère à l extrémité. Au niveau le plus bas un boat landing permet l accostage de petites unités. Ces plates formes fonctionnent souvent en automatique. Sur un gisement nous trouvons une plate-forme principale, comportant les locaux d habitation des techniciens, puis autour les plates formes esclaves, plus 8 - Supply accosté et hélicoptère en approche sur Taurus. 9 - Jade Fish amarré sur une semi-sub. 10 - Pétrel 11 - Plate-forme au large du Gabon 12 - Dockwise est l une des sociétés spécialisées dans le transport de barges. (Photo : Dockwise) 12

1 Offshore Les navires et leur evolution 2 27 28 Les navires et leur évolution evolution 29 32 33 31 Au début de l exploitation du pétrole en mer, on se contentait d utiliser du matériel existant. Les sites étant peu éloignés de la côte, les forages peu profonds nécessitaient des infrastructures moins lourdes. Et surtout les zones étaient plus ou moins situées dans des baies abritées. Pour le positionnement, on sollicitait des remorqueurs classiques et pour le ravitaillement d anciens navires de débarquement type LCT. Ce n était pas parfait loin de là, il fallait un outil plus performant, particulièrement pour le ravitaillement. C est bien connu : le temps c est de l argent, cette maxime règne en maître dans l univers du pétrole. Restait donc à inventer le supply. Le premier supply a été le Ebb Tide en 1955. Au début les supplies ressemblaient plus à des barges automotrices qu à des navires. Le supply Ajax de la Surf en donne une bonne idée. C est avant tout la notion de ravitailleur qui est privilégiée. Mais les choses vont peu à peu changer car les missions à remplir pour ce type de navire vont être les suivantes : remorquage, relevage, mise en place des ancres, ravitaillement en matériel, ravitaillement en eau industrielle, gasoil, ciment et baryte (pulvérulents), lutte incendie, hébergement des techniciens Les cinq premières missions exigent un navire très manœuvrant. Le remorquage Cette mission à elle seule va défi nir la silhouette du supply. Le navire ressemble à un remorqueur : château à l avant, et pont très bas, pour des raisons évidentes de sécurité. Le point de traction doit se trouver le plus bas possible de façon à ne pas réduire la stabilité, et se trouver également pas plus loin que le tiers arrière, afi n que le navire reste manœuvrant sous remorque. Bien évidemment, en plus des dispositifs classiques mis en œuvre pour empêcher la remorque de venir par le travers, il existe des arrêtoirs de remorque. La remorque en fi l d acier de 40 à 60 mm de diamètre et d une longueur de 400 à 1 000 mètres suivant la puissance du supply (ces valeurs sont nettement dépassées à l heure actuelle) est stockée sur un tambour. Le treuil est commandé depuis une cabine de contrôle située à proximité avec une vue dégagée sur le pont, et/ou depuis la passerelle. L énergie du treuil est fournie par un moteur électrique ou par une centrale hydraulique, plus rarement par un moteur Diesel (solution presque toujours retenue sur les supplies américains). Lorsque la remorque est fi lée à la bonne longueur, le frein est serré, le remorquage s effectuant sur frein même pour des opérations de longue durée. Un carpenter peut toutefois être mis en place. Quelques supplies sont cependant équipés, en plus, d un croc largable comme les remorqueurs portuaires. Qui dit remorquage dit puissance, le supply est bien doté dans ce domaine. À ce sujet, un terme désigne la puissance du supply ou du remorqueur : c est le bollard pull, c est-à-dire sa force de traction exprimée en tonnes. Sa mesure est réalisée en disposant un dynamomètre sur la remorque maillée à un point fi xe. L expérience est consignée, et un certifi cat est délivré à l occasion. Plus qu une puissance en chevaux, le bollard pull donne une véritable une idée de la force du remorqueur. Le noble denton certifi cate atteste que le remorqueur peut effectuer sa mission en consignant, en plus de sa force, les différents gréements existants à bord. Mise en place et relevage des ancres Cette mission nécessite un treuil puissant. La force de traction pour désensouiller une ancre atteint en effet plusieurs dizaines de tonnes, et dépasse souvent la centaine de tonnes. Le poids des ancres d une semi-submersible peut atteindre vingt tonnes. Ensuite pour élonger la ligne d ancre jusqu à 2 000 mètres des barges, il faut pouvoir compter sur une puissance importante aux hélices. En fait, le treuil, terme qui englobe tous les éléments de cette importante machine, est équipé de deux tambours, l un pour la remorque, comme nous avons vu, le second est gréé avec un fil 27 - Treuil sur la série des 4 000 ch, avec l œil de Panama au premier plan. 28 - Sur la série des 8 000 ch le treuil est dans un local. 29 - Le pont du Pearl Fish - Les formes arrière et le rouleau du Mérou ex King Fish 31 - Chargement de pipes. 32 - Le pont du Beryl Fish 33-8 000 ch en construction. On aperçoit les ballasts latéraux formant double coque. 20

3 Navires specialises Offshore Les navires specialises 3 49 Navires spécialisés 49 - Le Bigorange XV. 50 - Le brûleur. Sur les sites, on rencontre aussi quelques navires particuliers. Les premiers ressemblent à des supplies. Longs d au moins 80 mètres, ils sont équipés d une plate-forme hélico au dessus de la passerelle, et, sur le pont, d une grue d une puissance de 40 tonnes. Ils possèdent un système de positionnement dynamique, de mouillage classique (4 ancres), et une installation pour support plongée : caisson de saturation, cloches, moon pool. Ces navires d un emploi plus souple que les barges mettent en place des bouées SBM, posent des câbles électriques... Ils occupent le créneau entre la barge et le supply classique. Navire de stimulation Autre navire spécialisé : le navire de stimulation a pour mission d accroître le rendement du puits. J ai passé de longues années à bord de l un d eux, à réaliser différentes opérations, dont le pompage sous très forte pression, d un gel, à base de gasoil ou d acide chlorhydrique. C est d ailleurs utilisant ce type de gel que des techniciens de la société Dowell Schlumberger remontèrent un enfant tombé dans un puits de cm de diamètre, il y a quelques années aux États- Unis. Les pressions atteintes sont de l ordre d une tonne par centimètre carré, assez pour provoquer la fracture du sous-sol, une fois la perforation du casing effectuée. Les fi ssures ouvertes favorisent le drainage du pétrole et l injection de sable calibré, en phase fi nale, évite la fermeture de la fi ssure. La puissance de pompage du Bigorange X était de 9 000 ch (6 pompes triplex entraînées par des moteurs électriques de 1 500 ch). Trois moteurs General Electric de 4 000 ch chacun entraînaient un alternateur de 2 650 kw. C était le navire de stimulation le plus puissant de sa catégorie. Dowell Schlumberger en possédait plusieurs à l époque. Le test d installation donne une idée de ce que cela pouvait représenter. Pour effectuer ce genre de test, on mouillait sur rade envoyant le jet d eau vers l arrière. Il atteignait cent cinquante mètres et la réaction suffi sait à faire éviter le navire de 2 500 tonnes autour de son ancre. C était véritablement un «karcher» fl ottant. La technique de stimulation évoluant sans cesse, il n est plus nécessaire aujourd hui d avoir autant de puissance. Fish avait la gérance de ce navire appartenant à Dowell Schlumberger. Il y avait donc à bord, en permanence, une douzaine d ingénieurs et de techniciens de différentes nationalités. Un des grands avantages, pour nous marins, était de bénéfi cier d un rythme congés/embarquements calqué sur celui des pétroliers : cinq semaines/cinq semaines. Cet avantage avait été accordé après quelques mois d utilisation du navire : Dowell Schlumberger s était rendu compte que c était nécessaire pour fi déliser les deux équipages. Lorsqu on me proposa d y embarquer, j acceptai volontiers. D autant plus que, la taille du navire le classait dans une catégorie supérieure aux supplies. Cela permettait de faire passer la pilule que constituaient des aménagements plus que spartiates, une promiscuité diffi cile à vivre, ainsi que des rapports parfois tendus. Un jour, un nouveau superviseur, nous dit dans un français approximatif, que si cela n allait pas «il couperait tête à nous». On lui répondit que des têtes de superviseur, on en avait vu pas mal, et qu on était toujours là. Généralement, en dépit de ces anicroches, cela n allait guère plus loin. Et nous avons côtoyé pendant des années les mêmes techniciens tandis qu une grande confi ance s instaurait entre nous. Ce navire connut de nombreuses mésaventures, si bien que le mot lapin qui, comme chacun sait, porte malheur lorsqu il est prononcé à bord, était utilisé sans états d âme. À quoi bon employer des dérivés comme «langoustine des prés» : cela ne nous mettait pas à l abri des avaries! Exercice Nouvellement embarqué sur le Bigorange X, j ai le droit à une semaine en doublure, pour me familiariser avec ce drôle de navire et ses manœuvres différentes de celles d un supply. Comme par exemple le positionnement sur quatre points d ancrage. 50 31

4 Le metier 4 61 62 63 «Il y a du courant aujourd hui, ce n est pas étonnant avec toute la pluie qui tombe en ce moment, le Zaïre dépote sec.» En passant à proximité d un coffre nous voyons tout de suite la force et la direction du courant, informations des plus utiles pour la manœuvre. L embarquement commence en douceur, le ravitaillement des appareils de forage est la mission la plus classique. Le gyropilote est déconnecté, les pas sont réduits ; dans quelques secondes on va solliciter les moteurs pour accoster proprement le tender. Quand on est le long de la barge commence le branchement des manches. Eau et gasoil à livrer. La grue est au-dessus du pont prête à saisir les colis. On reste ainsi le temps des opérations, ensuite il faudra livrer une autre barge. L ordre a été établi en fonction de la priorité du matériel ou de la position géographique, mais souvent il peut changer sur un simple appel radio. On fera ainsi cinq ou six appareils, puis, à l issue, on ira prendre le coffre de stand-by, attendant un appel radio pour déplacer un colis, un outil, ou fournir le restant d eau ou de gasoil. Après quoi, nous ferons la tournée du back cargo à ramener à la base. Nous quitterons alors le site. Il y a toujours un supply sur site pour assurer la sécurité et le transport d outils de barges à barges. L exploration pétrolière nécessite l emploi d outils très spécifi ques dont l utilisation est primordiale lors de certaines phases. Il ne faut pas que le forage s arrête parce que l outil n est pas encore parvenu sur le rig. Il ne faut pas non plus qu il y reste plus que nécessaire, car la location se paye. Suivant les zones, les rotations du supply sont d une semaine à dix jours. À bord des supplies, la manœuvre est omniprésente, rares sont les jours où il n y en a pas, c est l un des attraits du métier. Et lorsque la manœuvre à prévoir s annonce comme diffi cile ou risquée, elle préoccupe et agit sur l estomac. Bref, il faut mieux être dans l action. Contrairement à d autres métiers où le résultat de prises de décision apparaît plusieurs jours ou plusieurs semaines après, en manœuvre, la sanction ou la satisfaction sont quasi immédiates. Avec le temps, la diffi culté est recherchée et appréciée. Toutes les occasions sont bonnes à prendre. Ainsi rentrer dans une cale sèche avec une seule ligne d arbre, et sans propulseur d étrave est beaucoup plus intéressant. Les manœuvres dans les ports sont un régal, et moins il y a de place, plus on est heureux. Entrant un jour dans un port, le pilote me fait remarquer : - À partir de cette jetée vous avez un nœud de courant traversier. Voyant que je discutais toujours avec le chef. - Vous avez l air de vous en moquer. Il fi nit par admettre : - C est vrai qu avec la puissance dont vous disposez. Toute cette puissance, qui est superfl ue pour les manœuvres portuaires, s avère tout juste suffi sante au large. La sérénité cesse lorsque les conditions météorologiques se détériorent. Deux éléments importants rendront impossible ce qui ne serait sinon qu amusement : le courant, et le vent. Un navire ne se déplace pas d une façon aussi linéaire qu une automobile. Stoppez votre voiture sur une surface plane, elle restera parfaitement en place. Et en route, la trajectoire peut être facilement anticipée. Il n y a pas de surprise ; une trajectoire courbe correspond à un certain braquage des roues, le rapport entre l action et la réaction, est toujours le même. Du moins en ce qui concerne la conduite normale sur route sèche. Rien de tel avec un navire. Deux forces vont agir pour le déplacer plus ou moins rapidement : - Le courant emporte le navire avec lui. Si sa vitesse est de 2 nœuds, au bout d une heure le navire aura parcouru 2 milles, sans avoir donné un seul tour d hélice. C est valable pour tout ce qui fl otte : le supertanker, comme le canot pneumatique, largués au même moment et soumis au même courant, dériveront de la même façon. C est du moins ce qui se passerait si l expérience se déroulait en laboratoire. En vraie grandeur, un léger souffl e de vent survient toujours, même de courte durée. Le courant a un effet semblable à celui de la nappe que l on tire ; la grosse soupière comme la petite cuillère seront entraînées de la même façon. - Le vent, lui aussi, emporte le navire. Il agit sur la partie du navire qui dépasse de l eau (les œuvres mortes). Par contre, la partie immergée (les œuvres vives) va s opposer et freiner cette dérive. D autant plus si cette partie est importante. La dérive provoquée par le vent sera, contrairement à celle du courant, différente pour le pétrolier et le canot pneumatique. Tout le monde a remarqué la vitesse à laquelle un matelas pneumatique, ou un ballon se déplacent sur l eau dès que le vent forcit un peu. Peu de volume dans l eau, beaucoup dans l air, l effet est garanti. Pour les navires, il en va de même :la dérive sera importante si le navire est lège, (mais limitée généralement à trois ou quatre nœuds) et moindre s il est chargé. Pour les œuvres mortes, on dit aussi fardage ou encore voilure même pour les navires à propulsion mécanique. Certains navires comme les ferries ont une voilure importante, et répartie sur toute la longueur. On peut parler 61 : Évitage rapide sur bâbord. 62 : Déplacement latéral. 63 : Manœuvre dite à l américaine (déplacement latéral sans propulseur d étrave). 58 59