Marie-Hélène Porri DE MÉMÉ À JEAN-NOËL GUÉRINI Un plagiat? Mon Petit Éditeur
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Préface Dans la famille Guérini, donnez-moi les frères. D un côté Barthélémy, dit «Mémé», et Antoine. De l autre, Jean-Noël et Alexandre. À première vue, rien ne peut dire que les Guérini actuels aient un air de famille avec les célèbres gangsters d après guerre. Ils ne se prétendent même pas cousins. Pourtant, tous les quatre sont originaires du petit village de Calenzana en Haute- Corse et où le nom de Guérini vaut celui de Dupont, Durand ou Martin sur le Continent. Et si l on fouille d un peu trop près les familles Guérini, ils sont tous apparentés à différents degrés. Mais laissons le doute subsister. Beaucoup iront comme les petits frères nourrir les milieux marseillais. Calenzana s est toujours distingué par ses enfants et par ses luttes contre les occupants. Le petit village n a-t-il pas soutenu une révolte contre les Gênois pendant quarante ans, de 1729 à 1769? Pierre-Napoléon Bonaparte, frère de Napoléon 1 er, a un temps habité Calenzana. Originaire également de Calenzana et haute figure du banditisme marseillais, Antoine Battagoghi, dit «Bijou» ou «Bijoutier»! Si l on met toujours en avant le nom de Mémé Guérini, il n est pourtant pas l aîné. C est Antoine. D une famille de huit enfants (six garçons et deux filles), tous fréquenteront le milieu. C est pourtant Barthélémy «Mémé» qui arrive le premier à Marseille. Il ne sait ni lire ni écrire. Il ne parle pas le français. 7
DE MÉMÉ À JEAN-NOËL GUÉRINI Avec Antoine, ils vont régner en maître tant en France que dans toute l Europe. Et ce, avec l aide de la pègre américaine. Aujourd hui, faire un parallèle avec les deux plus grands gangsters des années 1940 et les Guérini seconde version (Jean- Noël et Alexandre), ces derniers méritent toute notre attention. Un lien, peut-être de sang, les unit même s ils s en défendent. Tous les quatre ont été à la solde de Gaston Deferre, l homme qui a régné «légalement» sur Marseille et si l on peut dire d une poigne de fer. Et depuis soixante-dix ans, la famille Guérini des deux versions a fait main basse sur la ville. On ne renie pas ses parents, on ne renie pas sa famille! Si l on peut parler de gangstérisme, de meurtres à tout-va chez les premiers, les seconds n ont rien à leur envier. Ils s affichent comme des «affairistes», des «magouilleurs» qui dominent la région de façon «légale». Du moins, on pourrait le penser. Pour combien de temps? L étau s est resserré sur Alexandre et Jean-Noël. Tous deux sont mis en examen pour association de malfaiteurs, blanchiment d argent, trafic d influence, prise illégale d intérêt dans une affaire touchant à des marchés publics. Trente-cinq millions d euros auraient été détournés. À choisir entre les uns et les autres, les premiers avaient en quelque sorte plus de panache, c étaient des bandits d honneur qui assumaient leur comportement. Ils ont payé lourdement leurs méfaits. Les seconds n assument rien et finiront de la même façon. Et si les noms de Mémé et d Antoine sont toujours dans les mémoires, ceux de Jean-Noël et d Alexandre plongeront dans les eaux poissonneuses du port de Marseille. La sardine ne le bouche plus. Un remake de L Enquête Corse? Retour sur les faits, sur les histoires avec un petit h. 8
Première partie
Mémé de Calenzana Calenzana, un village de Balagne bien tranquille en Haute- Corse? Pas autant qu on peut le croire. À l ombre de la Chapelle Sainte Restitute, vierge et martyre suppliciée en 223, la petite commune de mille cinq cents habitants aurait pu connaître un autre destin que celui qui fut le sien. Elle a été en effet, le théâtre vivant de nombreux affrontements guerriers avant de devenir comme le disait Ian Fleming, le village de Balagne qui se vantait d avoir produit plus de gangsters qu aucun autre village corse. Pour l histoire, il faut rappeler que sous Charles VI, Calenzana a connu une célèbre bataille la Bataille de Calenzana. Neuf mille mercenaires recrutés en Autriche et loués trente mille florins par mois étaient commandés par le capitaine Génois Camillo Doria. Les mercenaires allemands à la solde des génois ont subi une lourde défaite : cinq cents d entre eux furent tués en terre corse. Sous le commandement de Ceccaldi, les révolutionnaires corses avaient été soutenus par une population locale sommairement armée de blocs de rochers, d huile bouillante, de taureaux enduits de pois lancés sur les assaillants. Et arme encore plus redoutable, des lâchers d essaims d abeilles sur l adversaire qui, voulant fuir, se perdirent dans les ruelles étroites de Calenzana. Au XIX e siècle, un important exode de population est parti sur le Continent et les colonies pour souvent exercer des métiers d arme. 11
DE MÉMÉ À JEAN-NOËL GUÉRINI Aujourd hui, à côté de l église paroissiale, se trouve «le Campo dei Tedeschi» (le champ saint des Allemands). C est à Calenzana que commence le GR20. C est également à Calenzana que naissent les frères Antoine et Barthélémy Guérini, ce dernier plus connu sous le surnom de Mémé. Le premier en 1902, le second six ans plus tard. Nés d un père bûcheron, Félix Guérini, ce dernier aura encore quatre autres garçons, François, Pascal, Pierre et Lucien et deux filles, Toussainte et Restitute. Antoine et Mémé deviendront les gangsters les plus puissants de France et même, dit-on, d Europe. Le premier à quitter la Corse pour le Continent est Antoine. En 1923, pour des motifs alors «louables», il débarque à Marseille pour effectuer son service militaire. Il y fait la connaissance de Jacques Costa, qui le prend sous son aile et le fait venir à Nice comme serveur dans un bar géré par le milieu. Son destin est tracé, il deviendra gangster et avec Mémé, deux des figures dominantes du milieu marseillais. Mémé aurait pu grandir au milieu des bois et des chèvres de Calenzana. Il ne sait ni lire ni écrire. Il ne parle que le corse. Pourtant, dès l âge de treize ans, il décide de quitter le clan familial pour aller «vivre sa vie» autre part que sur l île. Sans argent, il débarque non pas à Marseille mais à Bordeaux, où il retrouve un ami de son père, «Titi Colonna», qui fera sa perte. Ce dernier n est, en effet, pas de bonne compagnie. Il règne sur la pègre bordelaise. Entre-temps, Antoine a placé ses marques. Il a déjà sous sa coupe une prostituée qu il envoie à Marseille dans le quartier du Panier où il s installe très vite. Le Panier, comme on l appelle, est le quartier de la diaspora insulaire. Dans son livre Le Panier village corse à Marseille, paru aux Éditions Autrement, Marie-Françoise Attard-Maraninchi écrit : «La diaspora n a pas commencé avec les années vingt, mais 12