Jugement du 21 septembre 2001 dans l'affaire : Fiammetta Venner contre Thierry Lefèvre



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Transcription:

17ème chambre Chambre de la Presse PARIS Jugement du 21 septembre 2001 dans l'affaire : Fiammetta Venner contre Thierry Lefèvre Poursuite en diffamation et injures relatives au site : http://www.survivants.org Résumé : Le 20 mai 1999, Fiammetta Venner, de la revue "Prochoix" déposait plainte contre X, parce qu'elle trouvait certains propos du site www.survivants.org injurieux ou diffamatoires à son égard : ce site la qualifiait de «militante abortiste pseudo féministe» (sic) et évoquait la «légalisation de l'avortement par les nazis». Curieusement une instruction a été menée, laquelle n'a pas pu déterminer les auteurs des propos incriminés. Malgré l'absence d'injures et de diffamations sur ce site, le juge d'instruction a choisi de renvoyer Thierry Lefèvre, président de "LA TRÊVE DE DIEU", devant le tribunal, alors qu'aucun élément ne pouvait établir qu'il était un auteur de ces propos. Cependant le tribunal a relaxé Thierry Lefèvre le 21 septembre 2001 au motif qu'aucune injure ou diffamation n'était constatée. Publié par LA TRÊVE DE DIEU 23/10/2001

PROCÉDURE D'AUDIENCE Mise en cause dans un texte titré "Dernières nouvelles des survivants", portant la date du 28 avril 1999, figurant sur le site INTERNET d'un groupe de personnes se faisant appeler "LES SURVIVANTS", dont le but est de lutter contre l'avortement, Fiammetta VENNER a, le 20 mai 1999, déposé plainte avec constitution de partie civile devant le Doyen des Juges d'instruction, des chefs : - de diffamation publique envers particulier, fait prévu par l'article 29 al.1 de la loi du 29 juillet 1881 et réprimé par l'article 32 al.1 de ce même texte, à raison de certains passages ; - d'injure publique envers particulier, fait prévu par l'article 29 al.2 de la loi du 29 juillet 1881 et réprimé par l'article 33 al.2 de ce même texte, à raison d'autres passages. Par ordonnance du 7 décembre 2000, Thierry LEFEVRE, Président de l'association "LA TREVE DE DIEU", a été renvoyé devant ce Tribunal pour y répondre de ces faits. Par acte du 29 décembre 2000, il a été cité pour l'audience du 16 février 2001, date à laquelle l'affaire a été renvoyée au 23 mars, puis au 22 juin suivant. A cette dernière date, les débats se sont ouverts en présence de : - Fiammetta VENNER, assistée de Maître TRICOIRE - Thierry LEFEVRE, assisté de Maître ELHOUEISS. Des conclusions in limine litis ont été déposées par le Conseil du prévenu tendant à voir déclarer prescrite la demande de Fiammetta VENNER. L'avocat de la partie civile a conclu au rejet de 1'exception et le représentant du Ministère Public a été entendu en ses réquisitions, la défense ayant eu la parole en dernier. L'incident a été joint au fond conformément a l'article 459 al.3 du Code de Procédure Pénale, et les débats se sont poursuivis. Après rappel des faits, audition du prévenu et de la partie civile, le Tribunal a entendu le Conseil de la partie civile, qui a sollicité : - le paiement d'une somme de 30 000 F à titre de dommagesintérêts et de 10 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale ; - subsidiairement, un supplément d'enquête pour déterminer l'auteur des propos litigieux. Puis, ont été entendus : Page n 2

- le Ministère Public en ses réquisitions ; - l'avocat du prévenu, qui a plaidé la relaxe de son client et a sollicité le versement d'une indemnité de 25 000 F au titre de l'article 472 du Code de Procédure Pénale. A l'issue des débats, les parties ont été informées, conformément aux dispositions de l'article 462 al.2 du Code de Procédure Pénale, que le jugement serait rendu le 21 septembre 2001. SUR L'EXCEPTION Thierry LEFEVRE invoque la prescription de l'action prévue par l'article 65 de la loi du 29juillet 1881, au motif : - que le délai de 3 mois a couru à compter de la date de mise à disposition du public des textes litigieux sur le site INTERNET dont s'agit, laquelle a probablement suivi de quelques jours seulement les deux articles de presse datés des 15 juillet 1998, pour celui du journal "LIBERATION", et du 4 février 1999, pour celui de l'hebdomadaire "L'EVENEMENT DU JEUDI", soit une date d'expiration de prescription antérieure de plus de 3 mois au dépôt de plainte avec constitution de partie civile du 20 mai 1999 ; - que la diffusion sur INTERNET ne saurait faire de la diffamation et de l'injure des infractions continues, dans la mesure où ce support s'apparente à l'affichage, lequel n'échappe pas à la qualification d'infraction instantanée. SUR QUOI LE TRIBUNAL L'article 65, qui prévoit la prescription des délits de diffamation et d'injure "après 3 mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du dernier acte d'instruction ou de poursuite s'il en a été fait", est effectivement interprété, par la jurisprudence, comme faisant courir la prescription à compter de la date de la première mise à disposition du public, car c'est par cette publication que se consomme l'infraction pouvant résulter de tels propos, peu important que cette infraction produise des effets qui se prolongent dans le temps par la seule force des choses (maintien d'un journal en kiosque ou d'un livre en librairie), dès lors que cette situation ne résulte pas d'une manifestation renouvelée de la volonté de son auteur (réédition d'un ouvrage par exemple). Ce principe, dégagé et appliqué en matière de diffusion par voie de presse "classique", s'explique par le caractère "périssable" de l'information, qu'il s'agisse d'une diffusion par journaux (qui perdent très vite leur actualité et font l'objet de retrait des kiosques), d'une diffusion audio-visuelle (où l'information peut même être qualifiée de "furtive"), ou d'une diffusion par affichage (qui, elle aussi, n'est que temporaire et disparaît soit par son retrait, soit même par la dégradation du support), de sorte que passé le délai de 3 mois, le trouble à l'ordre public censé en être résulté ou le préjudice Page n 3

causé à des tiers doit être considéré comme éteint ou apaisé. Cette considération ne joue aucunement pour toute diffusion sur INTERNET qui, au contraire des supports précédents, transforme l'acte de publication en une action inscrite dans la durée et donne à l'information qui y figure un accès et une actualité chaque jour renouvelés, et ce, aussi longtemps qu'elle est maintenue sur le site considéré. Il en résulte la nécessité d'adapter les principes aux caractéristiques techniques propres à ce mode de communication, afin que soit assurée la protection de la liberté de pensée et d'expression, tout en en condamnant les excès lorsqu'ils portent atteinte à des valeurs notamment consacrées par la loi sur la presse. A cet égard, il convient de relever - que la diffusion sur INTERNET résulte de la volonté renouvelée de l'émetteur qui place le message sur un site, choisit de l'y maintenir, de le modifier ou de l'en retirer quand bon lui semble, sans contrainte particulière comme ce serait le cas pour le retrait de journaux ou d'ouvrages ; - que cette situation fait de la diffamation ou de l'injure commise par voie d'internet une infraction successive (notion au demeurant connue du droit positif et applicable à l'incrimination de plusieurs délits, que la doctrine définit comme celle qui se perpétue par un renouvellement constant de la volonté pénale de son auteur), laquelle est assimilée à l'infraction continue quant à son régime juridique ; - que celui-ci se caractérise, s'agissant de la prescription, par un point de départ situé au jour où l'activité délictueuse à cessé, c'est-à-dire au jour de la cessation de la diffusion sur INTERNET. En 1'espèce, il n'est pas contesté que le texte incriminé par la partie civile était encore accessible, sur le site INTERNET litigieux, le 28 avril 1999, de sorte que la prescription n'était pas acquise lors du dépôt de plainte avec constitution de partie civile auquel à procédé Fiammetta VENNER le 20 mai suivant. Compte tenu des considérations sus-visées, il importe peu que cette diffusion, constatée le 28 avril 1999, ait eu lieu sur le site depuis plusieurs mois, comme le prétend la défense. L'exception de prescription sera donc rejetée. SUR LE FOND Avant de traiter de l'imputabilité des infractions reprochées, laquelle est contestée par la défense, il convient d'examiner, au préalable, si les délits sont bien constitués. Page n 4

Le texte publié sur le site INTERNET est ainsi rédigé : "Dans l'evenement DU JEUDI du 4 au 10 février, on trouve une prose délirante et fantasmatique sur les SURVIVANTS, sous la plume de Mlles Caroline FOUREST et Fiammetta VENNER. Cette dernière, militante abortiste pseudo féministe, qui avait cherché à se faire prendre pour une historienne, est une habituée des ragots de publications douteuses, genre CHARLIE-HEBDO, GOLIAS, etc... En réalité, les nazis ont légalisé l'avortement (pour les slaves et les juifs) et l'esprit qui les a animés est le même qui anime aujourd'hui les promoteurs de l'avortement. L'article de Libération du 15 juillet 1998 : apparemment un super article, avec en prime le délire paranoïde de Fiammetta la bolchévique karatéka... En fait, cet article, plein de calomnies, fait écho aux rumeurs et au dénigrement initiés par le réseau VOLTAIRE et la CADAC... " Si çà t'intéresse, tu peux voir sur ce site la rubrique : les sujets qui fâchent... Y seront détaillés nos arguments, pourquoi ils les dérangent et pourquoi il ne leur reste que l'insulte et la diffamation pour y répondre". Deux types de délits bien distincts sont poursuivis par Fiammetta VENNER qui, pour certains membres de phrases, retient la qualification de diffamations, tandis que pour d'autres, à estimé constitué le délit d'injure. En défense, le prévenu argue de l'absence d'imputations diffamatoires et d'injures à l'égard de Fiammetta VENNER qui n'est d'ailleurs pas visée dans plusieurs des passages poursuivis. SUR LES PASSAGES POURSUIVIS AU TITRE DE LA DIFFAMATION Fiammetta VENNER estime diffamatoires : - les expressions suivantes : "militante abortiste", qui laisse entendre qu'elle prône l'avortement alors qu'elle défend la possibilité légale d'avorter, ce qui est très différent ; "qui avait cherché à se faire prendre pour une historienne", qui lui impute de se présenter sous un titre Page n 5

usurpé pour mettre en doute la qualité de ses informations ; "délire paranoide", qui laisse entendre qu'elle est atteinte d'une maladie psychiatrique ; - le fait : d'être assimilée aux nazis ; de mettre en cause la réalité des informations rapportées dans son article publié par le journal "LIBERATION" le 15 juillet 1998 ; de se voir imputer la commission des délits d'injure et de diffamation. SUR QUOI LE TRIBUNAL Il convient de rappeler, en préalable, que la diffamation se distingue précisément de l'injure, en ce qu'elle est définie, par l'article 29 al.1 de la loi du 29 juillet 1881, comme "toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé", alors que l'injure est au contraire, selon l'article 29 al.2 de la loi du 29 juillet 1881, "toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait". Ainsi, lorsque que le texte qualifie Fiammetta VENNER de "militante abortiste", "qui avait cherché à se faire prendre pour une historienne", et qui serait atteinte d'un "délire paranoide", il s'agit là d'un propos qui, si désagréable soit-il pour elle, ne renferme l'imputation d'aucun fait précis susceptible de faire l'objet d'une preuve, les première et dernière expressions décrivant un état et non un fait, la deuxième allégation ne reposant sur la description d'aucun comportement précis de l'intéressée mise en cause. La diffamation n'est donc pas caractérisée de ces chefs. Par ailleurs, la diffamation ne peut être constituée à l'égard d'une personne que si celle-ci est spécialement visée par l'imputation. En 1'espèce, deux des passages incriminés par Fiammetta VENNER ne la mettent nullement en cause à titre personnel, mais constituent, en réalité, une charge contre tous les adversaires des "SURVIVANTS", c'est-à-dire tous ceux qui défendent la liberté d'avorter : il en est ainsi du parallèle effectué entre les "promoteurs de l'avortement" et les "nazis", qui constitue un propos à portée générale ; de même, dire de ses adversaires qu'"il ne leur reste que l'insulte et la diffamation" ne saurait, en aucune manière, constituer l'imputation d'un fait précis à la charge de Fiammetta VENNER, comprise dans un groupe beaucoup trop large pour porter la responsabilité d'une attitude ainsi prêtée sans nuance à un courant d'opinion contraire. La poursuite de Fiammetta VENNER est donc également mal fondée sur ce point. Page n 6

Enfin, la diffamation ne saurait davantage être caractérisée par la critique d'un écrit qui, si violente soit-elle, doit bénéficier de la liberté qui s'attache classiquement à l'expression d'une opinion portée sur une oeuvre ou une idée. Or, le dernier passage incriminé au titre de la diffamation par Fiammetta VENNER met en cause l'article écrit par celle-ci et publié dans le journal "LIBERATION" du 15 juillet 1998, puisque les propos y dénoncent l'usage de "calomnies", faisant "écho aux rumeurs et au dénigrement initiés par le réseau VOLTAIRE et la CADAC... " S'agissant de la critique d'un écrit, celle-ci ne saurait être qualifiée de diffamatoire. SUR LES PASSAGES POURSUIVIS AU TITRE DE L'INJURE La partie civile incrimine, au titre de l'injure, les expressions suivantes : - "pseudo-féministe", en ce qu'elle induit qu'elle ne serait pas une vraie féministe ; - "Fiammetta la bolchévique karatéka", en ce qu'elle induit une appartenance politique, laquelle, jointe à une activité sportive, est ridiculisante. SUR QUOI LE TRIBUNAL Les termes "pseudo-féministe" et "Fiammetta la bolchévique karatéka" ne renferment effectivement l'imputation d'aucun fait précis. Encore faut-il, pour que ces expressions soient considérées comme injurieuses, qu'elles présentent une certaine violence puisque les intéressés se situent dans un contexte de lutte entre partisans de mouvements radicalement opposés et que les échanges entre les uns et les autres relèvent clairement de la polémique. En 1'espèce, si le qualificatif de "pseudo-féministe " pouvait être légitimement mal vécu par toute femme engagée dans un combat militant, et si la locution "Fiammetta la bolchévique karatéka" est désagréable en ce qu'elle ironise sur la conjonction de caractéristiques de nature fondamentalement différente, il n'en reste pas moins que ces expressions ne dépassent pas la tolérance admise dans le domaine de la polémique. Pas plus que la diffamation, l'injure n'est donc caractérisée. Thierry LEFEVRE sera relaxé des fins de la poursuite et Fiammetta VENNER déboutée de toutes ses demandes. Ester en justice constitue un droit qui ne dégénère en faute qu'en présence d'un abus caractérisé. En l'absence de toute preuve d'un abus commis par Fiammetta VENNER dans la défense de ses droits, Thierry LEFEVRE est mal fondé à lui réclamer des dommages-intérêts sur le fondement de l'article 472 du Code de Procédure Pénale. Page n 7

PAR CES MOTIFS Le tribunal statuant publiquement, en matière correctionnelle, en premier ressort et par jugement contradictoire à l'encontre de Thierry Marcel Christian LEFEVRE, prévenu, à 1'égard de Fiammetta VENNER, partie civile, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; RELAXE Thierry LEFEVRE des délits de diffamation publique et injure publique envers particulier, en l'espèce Fiammetta VENNER ; En conséquence, DÉBOUTE Fiammetta VENNER des demandes formées au titre de sa constitution de partie civile ; DÉBOUTE également Thierry LEFEVRE de sa demande fondée sur l'article 472 du Code de Procédure Pénale ; Aux audiences des 22 juin et 21 septembre 2001, 17eme chambre - Chambre de la Presse, le tribunal était composé de : AUDIENCE DU 22 JUIN 2001 : Président : Assesseurs : Ministère Public : Greffier : Mme Catherine BEZIO, vice-président Mme Sylvie MENOTTI, juge Mme RENAUD, juge M. Jean QUINTARD, premier substitut Melle Ingrid ERTEL, greffier AUDIENCE DU 21 SEPTEMBRE 2001 : Président : Assesseurs : Ministère Public : Greffier : Mme Catherine BEZIO, vice-président Mme Marie-Françoise SOULIE, juge Mme Isabelle PULVER, juge M. Jean QUINTARD, premier substitut Mme Virginie REYNAUD, greffier LE GREFFIER LE PRESIDENT Page n 8