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Transcription:

Les pays ACP dans la perspective de Hong Kong : analyse des principales questions agricoles à la lumière de l accord cadre de l OMC du 31 juillet 2004 Document de travail Vincent Fautrel et Carl B. Greenidge Janvier 2005 Ce document de travail a été rédigé par Vincent Fautrel, économiste responsable des problèmes du commerce agricole au CTA (Centre Technique de Coopération Agricole et Rurale ACP-UE) et Carl B. Greenidge, directeur du CTA. Nous remercions vivement le Dr Paul Goodison (Bureau de recherche européen) pour ses commentaires et son aide. Certains éléments de ce document sont basés sur les matériaux analytiques publiés par le CTA sur son site web "Agritrade" (http://agritrade.cta.int). Une version succincte de ce document est publiée en anglais dans le n 2/2005 du magazine international agriculture + développement rural publié par la GTZ, l InWEnt, la DLG et le CTA. 1

1. Introduction L agriculture reste au cœ ur des négociations commerciales multilatérales. Même si les "questions de Singapour" ont souvent été considérées comme la principale raison de l échec de la 5 ème conférence ministérielle de l OMC à Cancun en septembre 2003, la définition de modalités agricoles reste le principal défi pour les membres de l OMC. Alors que l accord cadre sur l agriculture adopté par le Conseil général de l OMC le 31 juillet 2004 avait été qualifié par les pays développés de résultat majeur dans le contexte de l agenda de développement de Doha (ADD), de nombreux pays en développement, et notamment les pays de l Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) attendent toujours des propositions concrètes qui assureraient vraiment la réalisation des objectifs du cycle de Doha. Le présent document a pour but d examiner les problèmes critiques auxquels les pays ACP sont confrontés dans le domaine du commerce agricole, d analyser ces problèmes sous l angle des développements récents dans le cadre des négociations multilatérales sur le commerce agricole et de suggérer des priorités pour la prochaine réunion ministérielle de l OMC à Hong Kong en 2005. ENCADRE 1 : NEGOCIATIONS AGRICOLES A L OMC L Accord sur l Agriculture (AsA) de l OMC est entré en vigueur en 1995. Il porte sur trois grandes séries de problèmes : accès au marché, subventions à l exportation et soutien interne. Les négociations sur l accès au marché ont impliqué la "tarification", autrement dit la conversion de mesures non tarifaires en tarifs douaniers, des diminutions tarifaires et la consolidation des tarifs douaniers. Les niveaux de diminution des tarifs douaniers sont plus stricts pour les pays développés (36 % sur 6 ans contre 24 % sur 10 ans pour les pays en développement et l absence d engagements en matière de diminution pour les PMA). En outre, l Accord prévoit l utilisation de contingents tarifaires (CT) à des taux de droits réduits de manière à garantir un seuil d importation minimum. Il comporte également une clause de sauvegarde spéciale qui permet à des pays de faire face à une croissance soudaine d importations dans certaines conditions spécifiques. Les engagements en matière de subventions à l exportation cherchent à réguler l aide à l exportation par un système de notification et de diminutions convenues (diminution de 36 % sur les 6 années à partir de 1995 pour les pays développés et de 24 % sur 10 ans pour les pays en développement par rapport à la période de base 1986-90). Les volumes des exportations subventionnées ont également été diminués de 21 % sur 6 ans pour les pays développés et de 14 % sur 10 ans pour les pays en développement (les PMA étant exemptés). Enfin, les pays en développement ont été autorisés, au cours de la période de mise en vigueur de six ans, à utiliser dans certaines conditions des subventions pour diminuer les coûts de commercialisation et de transport des exportations Les mesures de soutien interne sont classées par couleur (catégories orange, bleue et verte) le degré de distorsion des échanges diminuant de l orange au vert. Le soutien interne distorsif ("catégorie orange"), calculée par la mesure globale de soutien (MGS) pour la période de base 1986-88, doit être diminuée à partir de 1995 de 20 % sur 6 ans pour les pays développés et de 13 % sur 10 ans pour les pays en développement (les PMA étant exemptés). L AsA ne prévoit pas d engagements de diminution pour les mesures de soutien interne classées dans la "catégorie verte" (aide non liée aux volumes ou aux prix de production aide découplée) et la "catégorie bleue" (aide dans le cadre de programmes de limitation de la production : aide partiellement découplée). De la même façon, l aide minimum ("aide de minimis") est autorisée (dans la limite des 5 % de la production agricole pour les pays développés et 10 % pour les pays en développement). Les membres de l OMC se sont engagés, conformément à l article 20 de l AsA, à entamer des négociations agricoles avant 2000. C est ainsi que des négociations sur l agriculture ont commencé au début de 2000 et qu un nouveau cycle de négociations, connu sous le nom de "Cycle de Doha" ou "Cycle du développement", a été lancé en novembre 2001 au cours de la quatrième conférence ministérielle à Doha, au Qatar, avec une série d échéances définies pour ces négociations devant conduire à une diminution des entraves aux échanges et à une réduction des distorsions sur le marché mondial des produits agricoles. Un traitement spécial et différencié (TSD) pour les pays en développement a été convenu, notamment sur le plan de la sécurité alimentaire et du développement rural (article 13). Ces échéances n ont jamais été respectées jusqu à l accord cadre du 31 juillet 2004 et son annexe relative aux modalités agricoles. 2

2. Problèmes clés du commerce agricole pour les pays ACP Les résultats des négociations commerciales agricole à l OMC auront des implications importantes pour les pays ACP même si plus de la moitié de ceux-ci figurent parmi les pays les moins avancés (PMA) et sont, par conséquent, exemptés de la plupart des engagements. Avant d analyser ces implications, il est important de souligner les problèmes clés auxquels les pays ACP sont aujourd hui confrontés sur le plan de l accès au marché, des subventions à l exportation, du soutien interne et des contraintes liées aux capacités de production et d examiner dans quelle mesure ces problèmes sont également liés au processus actuel de réforme de la politique agricole commune (PAC). 2.1. Accès au marché 2.1.1. Erosion des préférences Pendant plus de trente ans, les pays ACP ont bénéficié de préférences commerciales sur le marché de l UE dans le cadre des conventions de Lomé et de l accord de Cotonou. Toutefois, la valeur de ces préférences commerciales est actuellement érodée par trois processus différents : la libéralisation des échanges multilatéraux, la libéralisation des échanges bilatéraux (par la conclusion d accords de libre échange ALE - entre l UE et d autres blocs commerciaux) et le processus de réforme de la PAC. L incidence de ces processus varie d un produit à l autre et donc d un pays à l autre. Bien que le processus multilatéral de libéralisation des échanges réduise directement les marges préférentielles 1 des pays APC, c est probablement le moins négatif des trois processus qui viennent d être mentionnés. Les réductions tarifaires multilatérales exacerbent fortement le niveau d érosion découlant de la réforme de la PAC communautaire (qui ramène le niveau des prix de l UE vers le niveau des prix du marché mondial, le marché du sucre et celui du bœ uf étant deux des exemples les plus significatifs) et des ALE de l UE (qui accordent des préférences à un nombre croissant de régions et de pays, les dispositions relatives au commerce des fruits et légumes dans le cadre des ALE signés entre l UE et les pays méditerranéens étant un exemple parmi d autres 2 ). 2.1.2. Progressivité des droits de douane Pour les pays ACP non PMA qui ne bénéficient pas de "l initiative TSA" et qui commercent selon les dispositions commerciales de l Accord de Cotonou, (essentiellement la Déclaration XXII), le problème de la progressivité des droits de douane 3 est souvent considéré comme empêchant le développement de produits à valeur ajoutée, et ne permettant donc pas de sortir du "piège des produits de base". 1 La marge de préférence dont bénéficient les exportateurs du pays qui reçoit la préférence est la différence entre la taxe d importation normale payée et la taxe d importation payée (si elle existe) conformément à l accord commercial préférentiel. 2 Pour plus de détails, prière de consulter : Rudloff, B. et J. Simons. Institut de politique agricole, Université de Bonn. 2004. Comparaison des accords de libre échange de l UE : Agriculture. (ECDPM InBrief 6A). Maastricht : ECDPM en collaboration avec le CTA, le Centre Technique de Coopération Agricole et Rurale ACP-UE. 3 Il y a progressivité des droits de douane lorsque le tarif douanier appliqué sur une catégorie de produits augmente avec l augmentation du niveau de transformation. 3

Une étude de l INRA datant de 2003 4 a cependant démontré que pour les pays ACP, et malgré "la subsistance d une protection effective au premier stade de la transformation dans les chaînes de production des céréales, du lait et des boissons et au dernier stade de production des chaînes de production de sucre et des boissons", la progressivité des droits de douane ne devrait pas, théoriquement, avoir une incidence sur les pays ACP, comparés aux pays NPF et SPG 5. Néanmoins, la nature stricte et complexe des règles d origine liées aux accords préférentiels a, dans certains cas, conduit des pays ACP à préférer exporter selon le régime SPG (par ex. dans le secteur du thon). 2.1.3. Barrières non tarifaires : problèmes de sécurité des denrées alimentaires Les problèmes d accès au marché dans les pays ACP sont de plus en plus centrés sur les barrières non tarifaires (BNT) qui aggravent le processus d érosion des préférences décrit ci-dessus 6. Pour les pays ACP, l adoption et la mise en vigueur par l UE de normes de sécurité sanitaire des aliments et de règlements sanitaires et phytosanitaires (SPS) plus rigoureux est une préoccupation particulière étant donné que les produits agricoles représentent en moyenne 36 % des exportations ACP vers l UE (et nettement plus pour de nombreux pays d Afrique). Ceci est notamment le cas depuis l adoption, en avril 2004 par le Conseil de l UE, d une série de réglementations clés pour la politique communautaire en matière de sécurité alimentaire 7, qui pose, fondamentalement, deux défis importants aux pays ACP : (i) conformité technique avec les normes communautaires en matière de sécurité des denrées alimentaires ; et (ii) capacité institutionnelle pour la certification et la vérification de la conformité. Une étude commandée par le CTA en 2003 8 a révélé que quelque 17 pays ACP représentaient environ 83 % des exportations ACP dans des domaines de produits susceptibles d être les plus touchés par les mesures SPS", les produits de l horticulture et de la pêche étant les produits les plus exposés. Une observation importante est que les codes de bonne pratique sectoriels adoptés par les importateurs et les grandes enseignes commerciales de l UE vont, très souvent, au-delà des préoccupations purement SPS liées aux règlements européens et comprennent des exigences sociales et environnementales. Les coûts associés à l atteinte de ces normes peuvent être excessifs, en particulier lorsqu on est face à des volumes d exportation relativement restreints. Les problèmes SPS sont abordés au niveau multilatéral par l Accord de l OMC sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (connu sous le nom de "Accord SPS"). Adopté en 1994, cet Accord vise à faire en sorte que (i) si tout niveau de production sanitaire peut être adopté, ceci doit être basé sur des preuves scientifiques et que (ii) une mesure ne 4 E. Chevassus-Lozza et J. Gallezot, 2003. Accords préférentiels : progressivité des droits de douane : Quelles sont les conséquences des négociations multilatérales pour l accès des pays en développement au marché européen? INRA 5 NPF : Nations plus favorisées ; SPG : Système de préférences généralisées. 6 Ceci est partiellement lié à l obligation légale imposée aux exportateurs pour garantir la sécurité des denrées alimentaires importées et mises sur le marché communautaire pour être consommées. 7 Pour plus de détails, prière de consulter : http://agritrade.cta.int/food_safety/executive_brieffr.htm 8 Martin Doherty (Cerrex Ltd), 2003. Etude sur les conséquences de l application des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) sur les pays ACP, CTA. http://agritrade.cta.int/cta_sps_study_fr.pdf 4

peut pas être discriminatoire à l encontre de partenaires commerciaux ou entre ceux-ci plus qu il n est nécessaire pour atteindre son objectif de protection SPS. L accord SPS oblige les pays développés à augmenter leur aide technique aux pays en développement. Or, ceci est tout à fait insuffisant par comparaison aux besoins actuels identifiés. En effet, l UE a admis qu il fallait faire beaucoup plus, mais au niveau national, qui est très important, seuls des progrès limités ont été enregistrés à ce sujet au niveau du déploiement de l aide communautaire destinée à soutenir les systèmes de contrôle de la sécurité des aliments. 2.2. Soutien interne et subventions à l exportation Les subventions à l exportation et les mesures de soutien interne ont toujours été des domaines de préoccupation majeurs pour les pays ACP. En fait, en soutenant la production nationale et les exportations de surplus agricoles sur le marché mondial, les pays de l OCDE (principalement l UE et les Etats-Unis) ont non seulement empêché les pays ACP de concurrencer le marché européen (les prix communautaires étant parfois inférieurs aux coûts de production ACP) mais ont aussi débouché sur une concurrence déloyale avec les produits ACP sur les marchés locaux ACP. Ces deux problèmes doivent être analysés dans le contexte du processus de réforme de la PAC 9, particulièrement critique pour les pays d Afrique qui sont étroitement liés au marché communautaire tant en ce qui concerne les exportations que les importations. Un glissement fondamental concernant la nature de la PAC communautaire a commencé en 1992 avec la réforme du secteur des céréales. Celle-ci a impliqué l abandon des systèmes de soutien des prix au profit de systèmes d aide directe aux agriculteurs. Les programmes d aide directe aux agriculteurs sont considérés comme plus compatibles avec l OMC, étant donné que l on estime qu ils entraînent une moins grande distorsion des échanges (mesures catégorie verte ou catégorie bleue, voir l encadré 1 sur les négociations agricoles à l OMC). L objectif de ce processus de réforme est de diminuer les prix internes des produits agricoles communautaires de manière à ce qu ils soient plus proches des niveaux de prix du marché mondial, sans pour autant diminuer les revenus agricoles 10. Mais en réduisant les prix et en comblant l écart entre les prix communautaires et les prix du marché mondial, il est plus facile pour les producteurs et les transformateurs européens d exporter des produits agricoles et des produits agricoles transformés. Ce processus de réforme diminue et, dans certains secteurs, élimine la nécessité des restitutions à l exportation qui sont limitées par l OMC. Une fois achevée, cette réforme augmentera la compétitivité prix des exportations communautaires des produits agricoles et des produits alimentaires à valeur ajoutée simple, entraînant la perturbation très probable des marchés ACP, en particulier des marchés africains 11. 9 Pour de plus amples informations, voir la note de synthèse Agritrade du CTA sur la réforme de la PAC et ses implications pour les pays ACP : http://agritrade.cta.int/capreform/executive_brieffr.htm 10 Comme mentionné sous le point 3.1.1, le processus de diminution des prix internes des produits agricoles communautaires a également des implications très profondes en terme d accès préférentiel au marché octroyé aux pays ACP qui exportent des produits de base dans le cadre de «protocoles produits» (par ex. le Protocole Sucre). 11 Le niveau de compétitivité des produits agricoles communautaires est directement lié au niveau du taux de change euro/dollar américain. L augmentation éventuelle du dollar américain face à l euro au cours des prochains mois à venir pourrait augmenter la compétitivité de l UE. 5

Dans le secteur des céréales, par exemple, où la réforme de la PAC a le plus progressé, les exportations communautaires de "produits de la minoterie" (CN 11) vers les pays ACP ont augmenté de 83 % en valeur entre 1996 et 2002, alors que les exportations de "préparations de céréales" (CN 19) ont progressé de 163 % en valeur. Ceci a augmenté l importance du marché ACP pour les exportateurs communautaires de ces produits, avec une progression de 12,6 % à 20,6 % des exportations totales dans le cas de "produits de l industrie de la minoterie" et de 4,9 % à 9,5 % des exportations totales dans le cas des "préparations de céréales". Ces produits alimentaires à valeur ajoutée simples pourraient, dans de nombreux cas, être produits dans les pays ACP euxmêmes. En outre, l augmentation des paiements d aide directe dans le secteur des céréales, en permettant une diminution du prix des céréales communautaires (de 45 % en moyenne entre 1992 et 1999 et de 50 à 55 % jusqu en 2002) a eu d importants effets sur les secteurs du bétail pour lesquels les aliments pour animaux produits par l UE constituent un coût de production majeur. Depuis 1992, par exemple, la diminution du coût des aliments pour animaux en Europe a fortement contribué à l expansion de la production de volaille communautaire laquelle, à son tour, a entraîné des niveaux sans précédent des exportations de viande de volaille communautaire en particulier vers l Afrique (p. ex. le Cameroun 12 ). Entre 1992 et la fin de la décennie, les exportations de viande de volaille communautaire sont passées de 400.000 à 1.000.000 de tonnes. Si ce commerce peut entraîner des importations bon marché et donc contribuer à la sécurité alimentaire, en particulier dans les pays en développement importateurs net d aliments (PDINA) 13, il a également pour effet de saper les bases du développement industriel à base agricole dans les pays ACP, avec des conséquences graves pour l emploi et le revenu rural. 2.3. Contraintes au niveau des capacités de production Enfin, et ceci n est pas le moins important, le potentiel commercial des pays ACP, en particulier des PMA d Afrique, est gravement limité par les capacités de production et ce en dépit des améliorations potentielles obtenues au niveau de l accès au marché, des subventions à l exportation et du soutien interne. Les contraintes liées aux capacités de production concernent notamment les infrastructures publiques déficientes (routes et voies ferrées dégradées) entraînant des coûts de transactions élevés, la faible fiabilité des services publics (p. ex. distribution d eau et d électricité) et leurs coûts élevés, la faiblesse et l inadéquation des cadres institutionnels et politiques (entraînant la corruption, la fluctuation des taux de change et une inflation élevée), et la productivité médiocre de la main-d œuvre (résultant d un enseignement, de piètre qualité, de structures sanitaires et de logements insuffisants). Dans le secteur alimentaire et agricole, des conditions météorologiques défavorables associées à l absence de systèmes d irrigation, à des systèmes fonciers peu sécurisants, à un niveau technologique peu élevé et à des institutions faibles, ont une incidence directe sur la capacité de production des pays ACP. En outre, leurs capacités de transformation et de commercialisation sont fortement limitées en raison de l absence 12 Pour de plus amples informations, prière de consulter le site web de la campagne des ONG communautaires qui vise à mettre en lumière les effets nocifs des exportations européennes de poulet sur la sécurité alimentaire et les exploitations agricoles familiales en Afrique : http://www.ccfd.asso.fr/dossier/volaille/index.php (uniquement en français). 13 Ceci est particulièrement vrai pour les populations urbaines. 6

ou de la faiblesse des matériels et technologies adaptés que ce soit au stade post récolte ou au stade de la transformation ; a cela s ajoute également l inadéquation et le manque de fiabilité des systèmes d information de marché (SIM). Alors que l absence de finances et de capitaux constitue aussi un élément important, les capacités des pays ACP à garantir des produits de qualité est certainement l un des défis clés pour les exportateurs agricoles. Dans ce contexte, la capacité institutionnelle des gouvernements ACP en matière de vérification et de certification efficace de la conformité avec les normes de sécurité alimentaires communautaires (voir point 2.1.3) semble revêtir une importance extrême. Le problème des capacités de production est extrêmement important pour les pays ACP dans le contexte du processus d intégration régionale et de négociation des APE avec l UE. Un document récent de la Commission Economique pour l Afrique 14 accorde une importance considérable à la construction préalable de marchés intra-africains et au développement de capacités de production africaines permettant de satisfaire les marchés africains. Ce rapport indique qu une contrainte clé pour l exploitation des préférences commerciales a été l absence de capacités de production suffisantes (lesquelles doivent être créées avant la libéralisation des échanges). 3. L accord cadre de l OMC du 31 juillet 2004 : un succès pour les pays ACP? A la lumière des problèmes majeurs mentionnés précédemment, quelle est la signification des progrès réalisés à ce jour au niveau des négociations agricoles de l OMC, en particulier "l Accord cadre du 31 juillet 2004"? 3.1. Accès au marché Développements majeurs récents Concernant l accès au marché, l annexe A de "l Accord cadre du 31 juillet 2004" stipule une approche à formule étagée simple destinée à la fois aux pays développés et aux pays en développement dans le cadre du principe du traitement spécial et différentié(tsd). Des diminutions tarifaires doivent être réalisées à partir de niveaux consolidés (qui sont généralement beaucoup plus élevés que ceux réellement appliqués) et déboucher sur une diminution globale substantielle. Les diminutions seront plus importantes pour les tarifs douaniers élevés. Bien que ceci autorise la protection des produits sensibles, une amélioration en termes d accès au marché devrait être obtenue pour tous les produits. De manière significative, l Accord indique que "le nombre de bandes, les seuils pour la définition des bandes et le type de diminution tarifaire dans chaque bande continuent à être négociés". Par conséquent les détails de la formule doivent encore être convenus. Concernant les "produits sensibles", le texte prévoit la désignation d un "nombre approprié" de produits spéciaux (PS) auxquels la formule étagée ne s appliquera pas. Toutefois, une "amélioration substantielle" s appliquera en combinant l expansion des contingents tarifaires et les diminutions de tarifs douaniers. Dans le cas des pays en développement, la sélection de ces PS sera basée sur des "critères de sécurité alimentaire, de garantie des moyens d existence et des besoins de développement rural". Ces produits entrant ensuite en ligne de compte pour un 14 Projet de version du rapport ECA TRID. 7

"traitement flexible". Le TSD sera également obtenu en "exigeant des engagements de réduction des tarifs douaniers moindres ou l expansion des contingents tarifaires". A nouveau, les critères et le traitement de ces produits devront encore être négociés. Il en va de même concernant une partie des "autres éléments" ; l annexe A de la décision indique que "la progressivité des droits de douane sera abordée au moyen d une formule à convenir". Finalement, l accord cadre autorise des "mécanismes de sauvegarde spéciaux (MSS)" pour le pays en développement, son dernier paragraphe (par. 44) admettant l importance des "préférences traditionnelles" et ajoutant que "le problème de l érosion des préférences sera traité". Implications pour les pays ACP Le dernier paragraphe sur les préférences est d un intérêt capital pour les pays ACP qui, comme on l a indiqué au point 2.1.1, ont, potentiellement, le plus à perdre du processus multilatéral de diminution des droits de douane, étant donné les marges de préférence traditionnellement élevées dont ils ont bénéficié sur le marché communautaire. Alors que l accord reconnaît pleinement l importance des préférences, il ne donne aucune indication sur la manière dont l érosion des préférences sera prise en compte. Pendant longtemps, la position de l UE a été que pour les pays ACP PMA, toute "compensation" au niveau de l OMC prendra essentiellement la forme d un accès amélioré aux autres marchés de pays de l OCDE et de pays en développement avancés, par le biais d engagements de l OMC vis-à-vis de ces pays de manière à étendre les préférences du type TSA à tous les PMA. Cette position est aujourd hui intégrée dans l accord cadre. Alors que le document d accord cadre prend en compte le problème de la progressivité des droits de douane, ses détails doivent encore être négociés. Il en va de même en ce qui concerne les PS et les MSS qui doivent être traduits en propositions concrètes 15. A cet égard, le besoin d avoir des dispositions de sauvegarde fortes, simples et préventives semble être critique pour les pays ACP, étant donné la mesure dans laquelle la réforme de la PAC diminue les coûts des matières premières pour les exportateurs du secteur alimentaire en Europe et les autorise à exploiter pleinement leurs économies d échelle (p. ex. les exportations communautaires de volaille à destination de l Afrique). 3.2 Soutien interne Développements majeurs récents Concernant le soutien interne, l annexe A commence par réitérer l appel de la déclaration ministérielle de Doha en faveur de "diminutions substantielles du soutien interne, synonyme de distorsion des échanges". Le texte indique qu une "diminution substantielle" des niveaux consolidés de soutien interne global sera obtenue à travers la MGS totale consolidée finale ("catégorie ambre"), le niveau de minimis autorisé et la "catégorie bleue" (voir point 2.1). Les engagements totaux comprennent le TSD (diminution inférieure et période de mise en œ uvre plus longue pour les pays en 15 Pour de plus amples informations sur les PS et les MSS, prière de consulter C. Stevens, 2004. The need for Special Products and Special Safeguard Mechanisms for agriculture in the WTO: a situational analysis. IDS, Université du Sussex. 8

développement) et un "élément puissant d harmonisation au niveau des diminutions réalisées par les pays développés", les niveaux d aide supérieurs faisant l objet de diminutions plus importantes. Les diminutions du soutien interne, synonyme de distorsion des échanges doivent être basées sur une formule étagée où la "somme de la totalité de l aide synonyme de distorsion des échanges" ne dépasse pas 80 % de la somme de la MGS totale consolidée finale, plus le de minimis autorisé, plus la "catégorie bleue", à un niveau non supérieur à 5 % de la valeur totale moyenne de la production agricole d un membre au cours d une période historique". En d autres termes, chaque pays développé doit diminuer de 20 % le niveau global de son aide, synonyme de distorsion des échanges, autorisée. Ces diminutions représentent les diminutions minimales à réaliser. Les MGS spécifiques à certains produits doivent être également plafonnées. Il a été convenu que des "diminutions substantielles des MGS totales obligatoires finales entraîneront des diminutions de certaines aides spécifiques à certains produits". Concernant les disciplines relatives au soutien de minimis, le texte définitif exempte les pays en développement, à la condition que ledit soutien ait une incidence sur les "agriculteurs pratiquant une agriculture de subsistance et dotés de ressources limitées". Toutefois, la base de la réduction du soutien de minimis pour les pays développés doit encore être convenue. L accord cadre du 31 juillet 2004 reconnaît le "rôle de la catégorie bleue pour la promotion des réformes agricoles". Selon le texte, la catégorie bleue, qui est aujourd hui plafonnée, sera modifiée de manière à couvrir de nouveaux types de programmes 16 (paiements directs découplés de la production mais non pas des prix). Ces nouveaux critères sont conçus de manière à faire en sorte que "les paiements de la catégorie bleue entraînent moins de distorsions pour les échanges que les mesures MGS". Dans ce contexte, en disciplinant l aide de la "catégorie bleue", l accord indique que tout critère de discipline de l aide dite de la catégorie bleue "n aura pas pour effet pervers de remettre en question les réformes en cours". Avec la disposition qui indique "si un Etat membre a placé un pourcentage exceptionnellement important de son soutien distorsif des échanges dans la catégorie bleue, une certaine flexibilité sera prévue sur une base à convenir de manière à faire en sorte qu un tel membre ne soit pas appelé à procéder à une diminution totalement disproportionnée", cette exigence accorde une protection considérable aux pays qui dépendent étroitement de formes d aide dites de la "catégorie bleue". Enfin, concernant la "catégorie verte", le texte indique que "les critères de la catégorie verte seront révisés et clarifiés de manière à faire en sorte que les mesures de la catégorie verte n aient pas ou n aient que des effets minimaux de distorsion des échanges ou des effets minimaux sur la production". Malheureusement, l appel à un plafonnement des paiements de la "catégorie verte", adressé par les pays en développement n a pas été entendu. 16 Ceci reflète essentiellement les paiements contre-cycliques américains qui visent à protéger les agriculteurs américains contre les effets des fluctuations de prix du marché. La question qui se pose est de savoir si ces paiements, qui ont doublé depuis 2003 (3,78 milliards d euros en 2005) pourraient être utilisés comme subvention voilée aux exportations (de coton par exemple). 9

Implications pour les pays ACP Il convient de noter que l engagement concernant des diminutions substantielles des niveaux obligatoires de soutien synonyme de distorsion des échanges ne doivent pas nécessairement être synonymes d une diminution substantielle des niveaux réels de soutien étant donné que les niveaux obligatoires de soutien sont déjà nettement plus élevés que les niveaux réels appliqués. La disposition selon laquelle tout critère pour discipliner l aide dite de la catégorie bleue "n aura pas pour effet pervers de remettre en question les réformes en cours" est une disposition critique pour l UE étant donné qu elle protège la trajectoire actuelle de la réforme de la PAC de toute mise en question au sein de l OMC. Ceci a toujours constitué un objectif critique de l UE étant donné que toute la réforme de la PAC est basée sur le glissement de l aide agricole vers les mesures dites de la "catégorie bleue" et de la "catégorie verte" qui seront alors protégées contre toute mise en question venant du sein même de l OMC. L UE permettra ensuite à la discussion de se concentrer sur la diminution des formes de soutien faussant la concurrence sur lesquelles l UE compte de moins en moins à la suite de la consolidation et de l extension de la trajectoire de la réforme de la PAC. 17 Il est donc probable que les pays ACP continueront à souffrir de la concurrence déloyale des pays développés (p. ex. exportations de coton américain, de céréales communautaires et exportations de produits alimentaires à base de céréales ). 3.3 Subventions à l exportation Développements majeurs récents En ce qui concerne la concurrence à l exportation, l accord cadre appelle à "l élimination parallèle de toutes les formes de subventions à l exportation et continue à discipliner toutes les mesures à l exportation avec un effet équivalent d ici à une date butoir crédible" y compris les engagements sur les subventions à l exportation, les crédits à l exportation, les garanties de crédit à l exportation ou les programmes d assurance, les pratiques ayant des effets de distorsion des échanges en ce qui concerne les entreprises commerciales d'etat exportatrices, ainsi que les abus concernant la fourniture d'aide alimentaire qui détournent les transactions commerciales.. L accord prévoit un TSD pour les pays en développement concernant les diminutions des subventions à l exportation (y compris des dispositions spéciales pour les entreprises commerciales d'etat exportatrices lorsque leurs opérations présentent des dimensions qui touchent à la sécurité alimentaire) et des périodes de mise en œ uvre plus longues. Implications pour les pays ACP Alors que certains commentateurs considèrent ces développements récents sur la concurrence à l exportation comme un "résultat historique", il convient de se rappeler 17 Voir le discours de M. Franz Fischler, membre de la Commission européenne, prononcé le 21 septembre 2004 devant la Commission de l agriculture du Parlement Européen: http://europa.eu.int/rapid/pressreleasesaction.do?reference=speech/04/410&format=html&aged=1&l anguage=fr&guilanguage=en 10

que la date butoir finale doit toujours être convenue de même que les modalités de mise en œ uvre. Plus spécifiquement, les avantages que les pays ACP retireront de "l élimination parallèle de toutes les formes de subventions aux exportations" risquent d être remis en cause par les liens établis entre ces obligations et les progrès réalisés au niveau des réformes internes dans le pays exportateur. Dans le contexte de l UE, en fait, les subventions à l exportation ne disparaîtront que lorsque les réformes auront supprimé de facto le besoin d une telle aide. Or, ceci ne signifie pas la fin de l aide publique de l UE à ses exportations, mais simplement que l aide publique communautaire soutiendra indirectement les exportations en acquittant certains coûts de production par le biais de paiements d aide directe aux agriculteurs. 3.4 Coton Développements récents Alors que l accord stipule que le coton, qui est d une "importance vitale pour les pays en développement [ ] sera traité de manière ambitieuse, expéditive et spécifique", il ajoute qu il sera traité "dans le cadre des négociations agricoles". Cet élément constitue un recul majeur pour les quatre pays d Afrique de l Ouest et d Afrique Centrale qui demandaient un traitement spécifique du problème du coton. Néanmoins, le texte oblige l OMC à traiter le problème du coton en priorité. En outre, une décision a été prise concernant la création d un sous-comité sur le coton qui "se réunira à intervalles réguliers et fera rapport auprès de la session spéciale du comité sur l agriculture de manière à examiner les progrès réalisés". Conformément à l accord, le travail de ce sous-comité "doit englober toutes les politiques de distorsion des échanges qui affectent le secteur au niveau des trois piliers constitués par l accès au marché, le soutien interne et la concurrence à l exportation". Implications pour les pays ACP Le texte sur le coton ne fait aucune référence aux demandes spécifiques émanant des quatre producteurs de coton africains soutenus par le groupe ACP. L on suppose que c est au sous-comité spécial à s en occuper et de faire des recommandations au comité sur l agriculture. Il reste à voir si ceci entraînera un regain d attention pour le problème du coton, ou, au contraire, sa marginalisation. 4. Défis à venir - quelle voie suivre d ici Hong Kong? Ce bref rappel de la situation actuelle suggère que les Etats ACP affrontent plusieurs obstacles importants sur le chemin de Hong Kong. Si ces défis doivent être relevés, plusieurs problèmes doivent alors être abordés de manière cohérente. En premier lieu, un certain nombre de problèmes ne sont susceptibles d être résolus de manière satisfaisante que si les pays ACP peuvent travailler avec le soutien d autres membres de l OMC. Outre le travail d élaboration de positions au niveau ACP, ceci exige une collaboration avec certains membres (y compris dans certains cas l UE) ainsi que des activités de lobbying. Sur certains points comme le TSD, la possibilité d un terrain d entente avec l UE existe et devrait être explorée en tant que priorité immédiate. 11

L approche américaine, aujourd hui généralisée aux pays en développement par laquelle les privilèges accordés aux ACP sont actuellement détruits par les attaques ostensibles adressées aux politiques de l UE peu populaires exigera aussi une attention similaire, notamment parce qu elle menace de saper la valeur des engagements contenus dans l accord cadre de l OMC concernant les préférences traditionnelles et leur érosion. En deuxième lieu, un besoin urgent de recherche et d analyse existe pour le soutien des positions ACP. Pour rester sur la question des préférences, une analyse mettant en rapport leur importance pour les Etats ACP avec leur impact insignifiant au niveau du commerce global devrait contribuer à justifier le maintien de certains mécanismes en place. En outre, concernant la question de l accès au marché auquel les négociateurs ACP attachent tant de prix, il conviendrait de mener des recherches approfondies afin de défendre le TSD et, ce qui est tout aussi important, d identifier et justifier plus précisément les produits sensibles pour lesquels un traitement flexible s impose en matière de diminution des droits. La leçon globale de Doha, pourrait-on argumenter, est que le traitement des problèmes de développement a été banalisé et évacué via l assistance technique et le renforcement des capacités. Les pays ACP devraient chercher à faire en sorte que la dimension développement prime et ce en lien avec un appel à l élargissement du TSD pour contribuer à la protection dans le temps de certaines industries et, ce qui est très important, pour aborder la formule à convenir en matière de progressivité des droits de douane. Une approche plus stratégique doit être adoptée au regard des problèmes de catégorie bleue et de catégorie verte. Jusqu ici, le traitement de ces deux problèmes ne semble pas avoir été approché en tenant compte des intérêts des pays en développement étant donné que les intérêts de l UE sont très clairement défendus dans le cadre des propositions de la catégorie verte ; il semblerait qu une marge de manœ uvre existe pour les pays ACP concernant la "gestion" de leur appui à cette question, avec à la clé un soutien de l UE aux positions ACP. Le traitement des subventions à l exportation reste très peu satisfaisant ; à cet égard, les pays ACP en général et les producteurs de coton ACP en particulier doivent insister sur la prise en compte de leurs exigences spécifiques. Le risque de marginalisation est très réel ici. Enfin, si la réforme de la PAC à travers son impact en termes d érosion des préférences est largement reconnue, on peut également penser que ceci aura une incidence sur les APE. Pour ces deux raisons, les pays ACP doivent engager l UE à protéger leurs intérêts en dehors de Hong Kong et avant ce rendez-vous. En fait, un certain nombre d Etats ACP sont aujourd hui touchés par les réformes concernant les quotas et les prix garantis. Les Etats ACP pourraient chercher à inclure dans les APE des dispositions (mesures commerciales obligatoires) de manière à minimiser ou à écarter l effet des réformes. Ils pourraient également vouloir remplacer l approche au cas par cas par une approche plus systématique qui comprenne l évaluation de leur impact, l utilisation de mesures de transition, etc. C est également dans ce contexte que la recherche d une aide relative au renforcement des capacités de production pourrait être menée utilement. 12