L accord Etats-Unis-Brésil du 5 avril : que signifie-t-il pour le Brésil, les Etats- Unis, le système commercial multilatéral et les pays africains?



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Note d information n 85 NOUVELLES SUR LE COTON 12 avril 2010 L accord Etats-Unis-Brésil du 5 avril : que signifie-t-il pour le Brésil, les Etats- Unis, le système commercial multilatéral et les pays africains? Contexte Lundi 5 avril 2010, le Brésil et les Etats-Unis ont échangé une correspondance dans laquelle, pour la première fois, les Etats-Unis se disent prêts à entamer des discussions concrètes pour régler le différend qui les oppose depuis des années concernant les subventions américaines au coton. Sur cette base, le Brésil a accepté de reporter l application des contre-mesures censées entrer en vigueur cette même semaine. Le différend Etats-Unis-Brésil, initié en 2002, a conduit à la condamnation des subventions que les Etats-Unis accordent à leurs cotonculteurs, jugement confirmé par l organe d appel de l OMC en 2005 et 2008. Le mécanisme de règlement des différends de l OMC a autorisé en 2009 le Brésil à prendre des mesures de rétorsion contre les Etats-Unis dans le domaine des marchandises ainsi que sous certaines conditions des rétorsions croisées dans les secteurs des services et de la propriété intellectuelle. Malgré de nombreuses consultations entre les Etats-Unis et le Brésil, aucun progrès n avait pu être fait pour trouver une solution au différend sur le coton dans la mesure où les Etats-Unis avaient toujours refuser d entrer en réelle négociation en se cachant derrière l argument selon lequel toute solution devrait être approuvée par un Congrès qui n était de toute façon pas prêt à modifier le régime de soutien au coton. 1

Le Brésil a donc préparé une longue liste de produits sur lesquels imposer des sanctions contre les Etats-Unis et a annoncé être prêt pour la mise en œuvre. Menacés, les Etats-Unis ont récemment organisé une mission de haut-niveau au Brésil qui a montré pour la première fois en plusieurs années qu ils étaient prêts à négocier. Contenu de l arrangement du 5 avril Comme «avance», pour éviter l application des mesures de rétorsion et pour continuer les négociations en vue d un accord, les Etats-Unis ont proposé les actions suivantes : - «les Etats-Unis sont d accord pour faire des modifications à court terme du programme de crédit de garantie à l exportation GSM-102 et pour engager des discussions techniques avec le gouvernement brésilien en ce qui concerne le fonctionnement futur de ce programme». Ceci représente une toute première et bienvenue étape vers la mise en conformité des Etats-Unis avec certaines obligations de l OMC. Les Etats-Unis ont une autorisation de 5,5 milliards de dollars de garanties de crédits à l exportation. 2,7 milliards de dollars ont été alloués et 1,9 milliards ont été utilisés jusqu à maintenant. La proportion non utilisée de ce crédit sera retirée et placée dans un système neuf et révisé qui reste à déterminé ; - L accord offre une compensation financière aux Brésiliens d «environ 147.3 millions de dollars par an ( ) pour fournir une assistance technique et un renforcement des capacités [en faveur du coton]. Le fonds restera en vigueur jusqu'à l approbation de la prochaine Farm Bill ou d une solution mutuellement agréée du différend sur le coton, si celle si intervient avant». Le montant représente la valeur des rétorsions autorisées par l OMC en compensation des paiements américains aux producteurs de coton à travers les programmes de prêts à la commercialisation et les paiements contre-cycliques ; - Dans ce «paquet» de compensations accordées au Brésil, les Etats-Unis ont aussi proposé une solution à un problème relatifs aux SPS totalement étranger au coton. Accepter de déclarer un Etat précis du Brésil dépourvu de 2

certaines maladies animales recèle un intérêt certain pour le Brésil. Proposer comme concession un droit qui devrait être attribué en fonction de critères scientifiques politise la question et ne contribue pas à renforcer un système fondé sur des règles. Sur la base de cette proposition américaine, le Brésil et les Etats-Unis se sont mis d accord le 5 avril sur la procédure suivante : 1. Le Brésil accepte de reporter la mise en œuvre des mesures de rétorsion pour le moment; 2. Les Etats-Unis et le Brésil acceptent de mettre en application les trois mesures mentionnées ci-dessus avant le 22 avril 2010; 3. Dans le cas d accord satisfaisant sur ces trois propositions, les Etats-Unis et le Brésil acceptent de négocier dans un délai de 60 jours une solution au différend pour soumission par l administration américaine au Congrès pendant la révision de la Farm Bill devant être adoptée en 2012; 4. Dans le cas d accord sur la solution proposée, le Brésil accepte de reporter l application de toutes les mesures de rétorsion jusqu à ce que cette solution négociée soit acceptée par le Congrès américain dans le cadre de la future Farm Bill. Le verdict final de ce «deal» est donc toujours en suspens. Ce qui est positif, c est que l accord reconnait les réalités politiques des deux pays et donne aux Etats-Unis plus de temps pour s ajuster aux règles de l OMC tout en compensant partiellement le Brésil pour le préjudice commis par les subventions américaines. L accord maintient la pression sur les Etats-Unis qui doivent se mettre en conformité avec les règles de l OMC, ce qui demeure l objectif final du règlement des différends. Ce qui est négatif, c est que l accord laisse tous les autres producteurs de coton, et parmi eux les cotonculteurs Africains, sur le bord de la route : ils continueront de souffrir des subventions américaines. De plus, en satisfaisant au moins temporairement le Brésil, qui est un des acteurs majeurs à l OMC, les Etats-Unis isolent encore un peu plus les pays africains producteurs de coton. Ces derniers ne sont pas en 3

mesure de tirer les bénéfices d un règlement des différends en raison de l absence de possibilité de rétorsion. Qu est ce que le «deal» signifie pour les parties impliquées? Le Brésil peut légitimement revendiquer un certain succès avec cet accord temporaire : - Il a forcé les Etats-Unis à entrer concrètement en négociations sur un sujet qu ils ont toujours refusé de discuter sérieusement, que ce soit dans le cadre du mécanisme de règlement des différends ou de celui des négociations du Cycle de Doha ; - Il a évité d avoir à appliquer des sanctions contre les intérêts américains sanctions qui sont controversées au Brésil et peut maintenir la menace de sanctions jusqu à ce qu un accord final soit atteint ; - Il a forcé les Etats-Unis à traiter au moins une question (le système des garanties de crédit à l exportation) d une manière systémique pour il faut l espérer une mise en conformité totale avec les obligations de l OMC ; - Il va recevoir une compensation financière. Les Etats-Unis peuvent également être satisfaits: - Ils ont évité les mesures de rétorsion brésiliennes, au moins à court terme; - Ils ont gagné un temps précieux: quelque soit la future solution, elle devra seulement être implantée dans le cadre de la future Farm Bill, qui est politiquement très importante aux Etats-Unis; - Ils ont la possibilité d être payés deux fois pour la même concession. En effet, il est probable sinon certain que les Etats-Unis vendront leur mise en conformité avec les obligations requises dans le cadre du différend comme leur contribution au résultat pour le coton des négociations de Doha. La «jubilation» de la principale association des producteurs de coton américains (National Cotton Council of America) pourrait toutefois être prématurée : le fait que les contribuables américains vont devoir «subventionner» les producteurs de coton 4

brésiliens pour pouvoir continuer à verser des subventions massives à quelques 25'000 cotonculteurs américains pourrait ne pas être très populaire pour le programme de subventions et apportera certainement une incitation supplémentaire à réformer cette politique spécialement en période de sévères restrictions budgétaires. Le système commercial multilatéral est affecté à la fois positivement et négativement par cet accord temporaire préliminaire : - Il est certainement positif que les Etats-Unis aient finalement entamé des négociations sérieuses pour se mettre en conformité avec les conclusions du règlement des différends de l OMC. Ceci montre que même les Etats- Unis ne peuvent simplement ignorer les règles multilatérales du moins quand la partie adverse est un pays doté d une certaine puissance économique. Le fait que l accord puisse au moins partiellement conduire à la réforme d une mesure non conforme à l OMC (le schéma de garantie de crédit à l exportation) représente une autre victoire pour le système. Le verdict final sur un potentiel impact systémique de cet accord temporaire reposera néanmoins sur le résultat de l arrangement final. Ceci dépendra de la fermeté du Brésil dans les prochaines phases des négociations ; - L accord intérimaire montre aussi les limites du système multilatéral. Il ressort que les grandes puissances peuvent être amenées à la table des négociations seulement sous la pression économique d autres puissances, alors que les règles du commerce multilatéral ont pour objectif de protéger le faible contre l usage arbitraire de la puissance économique. Le fait que le Brésil reçoive une compensation alors que les pays africains ne peuvent faire entendre leur cas légitime ne contribue certainement pas à la croyance en un système multilatéral équitable et participatif. Il serait toutefois prématuré d être trop pessimiste : il se pourrait bien que l accord intérimaire conduise à améliorer le système. Tout dépendra de l utilisation que fera le Brésil des négociations à venir : il peut soit défendre d étroits intérêts domestiques soit prendre ses responsabilités vis-à-vis d un système fondé sur des règles. Le Brésil est, et veut être, un acteur majeur à l OMC et son Président se présente en défenseur des intérêts des pays 5

les plus pauvres. Il a maintenant la possibilité de montrer qu il est pleinement conscient des obligations d une telle position. L Afrique n a rien gagné avec cet accord intérimaire et apparaît comme la grande perdante. MAIS, l Afrique n a rien perdu non plus : tout dépendra de ce à quoi mène l accord, à savoir des changements systémiques dans la politique américaine ou à des compromis bilatéraux sur les intérêts brésiliens. Une chose est sûre aujourd hui : toute modification de la politique américaine pour le coton devra attendre 2012 et la prochaine Farm Bill. Les pays africains producteurs de coton doivent faire un choix stratégique : - Prendre cet accord intérimaire et les promesses d indemniser le Brésil, mais pas l Afrique, comme une preuve que le système commercial multilatéral n est pas concerné par leurs préoccupations légitimes et renonce à s y intéresser. Même si cette position peut sembler justifiée, ce serait une grave erreur à la fois pour l Afrique et pour le système ; - Prendre cet accord intérimaire comme une incitation à intensifier les discussions avec les Etats-Unis pour s assurer que l accord final conduise à un réel changement de la politique américaine de soutien au coton et prenne en compte les demandes légitimes des pays africains. Les pays africains producteurs de coton doivent accepter la réalité selon laquelle tout changement dans les politiques américaine et européenne relatives au coton devra attendre respectivement la nouvelle Farm Bill (2012) et la révision de la Politique Agricole Commune (2013). Ces échéances semblent lointaines mais requièrent des actions immédiates : - Le Brésil et les Etats-Unis sont sensés trouver un accord dans un délai de 60 jours. Il semble hautement probable que cet arrangement constitue la proposition que l administration américaine soumettra au Congrès, et constituera la position américaine pour les négociations dans le cadre de Doha. Les pays africains doivent être associés aux discussions bilatérales. C est aussi dans l intérêt du Brésil et des Etats-Unis et devrait, de ce fait, être possible. Il faut donc que les pays africains producteurs de coton se tiennent prêts à définir et défendre leur position dans ce délai de 60 jours. 6

- L Union européenne est en train de dessiner les grandes lignes de la réforme de la PAC. Une fois ces lignes définies, il sera difficile d y faire intégrer de nouvelles préoccupations. Les pays africains producteurs de coton doivent définir leur stratégie de négociation envers l Union européenne dans les prochains mois et entamer un effort de lobbying solide auprès de l UE au niveau de la Commission comme auprès du Parlement européen. Les négociations de Doha à Genève ne sont plus le seul champ de bataille des pays africains. Le Cycle de Doha ne va pas influer sur les futures politiques cotonnières des Etats-Unis et de l UE. C est même plutôt l inverse : la négociation Brésil-Etats- Unis va définir la Farm Bill américaine qui elle-même définira la position américaine dans les négociations multilatérales. Ce sera aussi la réforme de la PAC qui définira la position européenne dans les discussions commerciales multilatérales et non Doha qui déterminera la réforme de la PAC. C est donc dès maintenant que les pays africains doivent influencer ces deux processus législatifs majeurs à Washington, à Bruxelles et au Brésil, non à Genève. Ceci dit, le Cycle de Doha reste le seul joker que les pays africains ont en main pour influencer Bruxelles et Washington. Il est donc crucial de garder Doha en vie. Les projets menés par IDEAS Centre ont pour objectif principal de faciliter l intégration des pays en développement dans l économie mondiale. Le Centre est fort de ses 5 années d expérience sur cette problématique. Sa mission consiste à aider les responsables politiques à élaborer des stratégies permettant de tirer profit de la mondialisation en faveur du développement et de lutter efficacement contre la pauvreté dans chaque pays et au sein d un système commercial international mieux intégré et plus juste. Nos précédentes notes d information sont accessibles sur notre site: www.ideascentre.ch Pour plus d information sur IDEAS Centre, voir notre site : www.ideascentre.ch. Pour plus d information sur le Geneva Trade & Development Forum, voir notre site : www.gtdforum.org. IDEAS Centre, 10, rue de l'arquebuse, 1204 Genève, Suisse T +41 22 807 17 40, F +41 22 807 17 41 7