LE LIVRE VERT SUR LES SUCCESSIONS ET LES TESTAMENTS DE LA COMMISSION EUROPEENNE



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Transcription:

1 LE LIVRE VERT SUR LES SUCCESSIONS ET LES TESTAMENTS DE LA COMMISSION EUROPEENNE Observations et propositions du parquet général de la Cour de cassation Paris, France Septembre 2005

2 2. REGLES DE CONFLIT DE LOIS 2.1 Questions générales Question 1 : Quelles questions faut-il rattacher à la loi successorale? En particulier, les règles de conflit de loi devraient-elles se limiter à la détermination des héritiers et de leurs droits, ou couvrir aussi la liquidation-partage de la succession? Pour déterminer le domaine de la loi successorale, c'est-à-dire l'ensemble des questions à rattacher à cette loi, on peut déjà se reporter au domaine qui lui est donné dans l'article 7 al. 2 de la Convention de La Haye du 1 er août 1989 sur la loi applicable aux successions à cause de mort qui n'est en vigueur qu'aux Pays-Bas et qui définit les questions successorales principales : la vocation des héritiers et légataires, la détermination des parts respectives de ces personnes, les charges qui leur sont imposées par le défunt, ainsi que les autres droits sur la succession trouvant leur source dans le décès, y compris les attributions prélevées sur la succession par une autorité judiciaire ou par une autre autorité au profit de personnes proches du défunt ; l'exhérédation et l'indignité successorale ; le rapport et la réduction des libéralités ainsi que leur prise en compte dans le calcul des parts héréditaires ; la quotité disponible, les réserves et les autres restrictions à la liberté de disposer à cause de mort ; la validité au fond des dispositions testamentaires. Mais un aperçu de droit comparé montre que, dans le droit de la plupart des Etats membres, il y a souvent d'autres questions qui rentrent dans le domaine de la loi successorale : l'acceptation de la succession ou la renonciation ; la manière dont s'effectue le transfert des droits et obligations; la qualité d'héritier (créance héréditaire) ; l'organisation d'une majorité d'héritiers ; les règles de partage; la responsabilité pour les dettes de la succession ; la recevabilité et l'interprétation des dispositions de dernières volontés ; les pouvoirs des exécuteurs testamentaires et d'autres administrateurs de la succession. En conséquence, la loi successorale pourrait concerner l ensemble de ces points. En revanche, conformément au droit positif français, il ne devrait pas appartenir à la loi successorale de dire si une personne a la qualité de conjoint ni de définir selon quelle loi doit être appréciée cette qualité1. 1 : Par exemple, Civ 1 ère 22 avril 1986 : Bull civ I, n 98 ; JCP 1987. II.20878, note AGOSTINI.

3 Question 2 : Quel critère de rattachement utiliser pour déterminer la loi applicable? Devrait-on utiliser le même critère pour tout le domaine couvert par la loi applicable ou pourrait-on utiliser différents critères pour différents aspects de la succession? En particulier, la règle communautaire de conflit doit-elle distinguer entre les meubles et les immeubles? Faut-il réserver un certain rôle à la loi du pays de situation de l immeuble? Dans le droit international privé des différents Etats membres de l'union européenne, on constate une opposition entre deux systèmes. Dans le système unitaire, l'ensemble des biens de la succession, meubles et immeubles, quel que soit le lieu de leur situation, est soumis à une loi unique. Dans le système scissionniste (auquel appartient le droit français), une distinction est faite entre les immeubles, soumis à la loi de leur situation, et les meubles soumis à une autre loi. Nous relevons qu une majorité d'etats membres s'est ralliée au système unitaire. Par ailleurs, le système scissionniste présente l inconvénient de scinder la succession en plusieurs masses successorales différentes, en autant de masses de biens qu'il y a de lois applicables différentes, qui sont totalement indépendantes les unes des autres, tant pour la détermination des héritiers et de leur part respective que pour la liquidation de la succession. Un rattachement unitaire de la succession éviterait ces inconvénients. Or, on ne peut trouver un tel rattachement unitaire que du côté de la personne du défunt en retenant soit sa nationalité, soit son domicile. En effet, le rattachement à la loi de situation des biens aboutit nécessairement au morcellement de la succession, il est donc exclu. Les partisans de la nationalité invoquent la tradition historique dans de nombreux et importants Etats, et le fait qu'elle est généralement plus facile à établir et plus stable que le domicile. Au contraire, les partisans du domicile dénoncent le caractère artificiel du rattachement à la nationalité chaque fois que le défunt était établi dans un autre Etat que celui de sa nationalité. Cet argument n'est pas de peu de poids dans le contexte communautaire où les règles de conflit de lois doivent répondre aux besoins des citoyens de l'union qui se prévalent de leur liberté de circulation et d'établissement en Europe, en dehors notamment de l'etat dont ils sont ressortissants (préoccupation que l'on retrouve dans l'introduction du livre vert qui évoque la «mobilité accrue des personnes au sein d'un espace sans frontières intérieures»). Semblablement, la construction communautaire doit, à terme, banaliser les cas de double voire de multiples nationalités ; et dans de telles situations, l'application de la loi nationale devient problématique. Il nous semble que c'est la loi du domicile, du centre de la vie sociale, professionnelle et familiale du défunt qui présente la plus grande cohérence. C'est généralement en ce lieu que se trouvent la plupart de ses biens et que sont établis ses principaux créanciers. Ce rattachement se base donc sur une présomption d'intégration du défunt dans le pays où il demeure. D ailleurs, il est constant en

4 France que, si les successions immobilières sont régies par la loi de situation des immeubles2, les meubles héréditaires sont réputés exister au lieu d ouverture de la succession et en conséquence leur dévolution est régie par la loi du dernier domicile du défunt3. Enfin, le rattachement au domicile permettrait de soumettre à un régime identique la succession de toutes les personnes domiciliées sur le territoire des Etats de l'union, même celles, très nombreuses, qui n'ont pas la nationalité de l'un de ces Etats et d'éviter ainsi tout risque de discrimination. Toutefois, le domicile étant encore une notion ambiguë, entendue différemment dans les systèmes civilistes et en common law, il conviendrait de se reporter sur la notion de résidence habituelle. Cette dernière est connue de tous les Etats de l'union. Son utilisation a été généralisée surtout par le biais de la plupart des conventions de La Haye depuis plusieurs décennies. Elle présente l avantage d'être une notion de fait, réaliste, facile à établir, sauf dans des cas marginaux. Dans la très grande majorité des cas, elle correspond, en matière de succession, au centre de vie et des intérêts du de cujus. Il conviendrait aussi de ne retenir que la loi de la dernière résidence habituelle du défunt, sans chercher par exemple à la caractériser par une certaine durée (par exemple dernière résidence habituelle ayant duré au moins 5 ans). En effet, la fixation de la durée à retenir est nécessairement arbitraire. Enfin, outre le principe d'un rattachement à la loi de la dernière résidence habituelle du défunt, il conviendrait de compléter ce principe de deux exceptions : pour tenir compte des cas marginaux, il pourrait être ajouté une clause d'exception qui permettrait de déroger au rattachement de principe en cas d'absence de lien significatif entre le défunt et l'etat de sa dernière résidence habituelle alors qu il existerait des liens manifestement plus étroits avec un autre Etat ; par réalisme, pour ne pas méconnaître complètement l'influence que ne peut manquer d'exercer les dispositions spéciales de la loi de l'etat de situations des biens, particulièrement des immeubles, il pourrait être ajouté une réserve en faveur des lois de police de l'etat de situation des biens. 2 : Civ 5 juillet 1933 : DP 1934.1.133 note Silz / civ 1 ère, 14 mars 1961 : rev.crit.dip1961.774, note Battifol. 3 :Par exemple : Civ 19 juin 1939 : DP 1939. 1. 97, note L.P.

5 2.2 Testaments et pactes successoraux Question 3 : Quelle doit-être la loi applicable à la capacité générale de tester? à la validité en la forme des testaments, au fond des testaments, des testaments conjonctifs, des pactes successoraux, de la révocation des testaments? 1 La capacité générale de tester : La capacité générale de tester est un élément du statut personnel et est donc rattachée à la loi nationale4 du testateur à la date du testament. C'est à cette date qu'il faut se placer pour déterminer la loi applicable car cette capacité doit exister à la date d'établissement du testament. Cette solution offre l'avantage d'assurer une permanence internationale de la capacité de l'individu où qu'il se trouve et quels que puissent être ses déplacements. 2 La validité en la forme des testaments : Il convient ici certainement de reprendre les règles de conflit de lois développées à ce propos par la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 sur les conflits de lois en matière de forme des dispositions testamentaires. Cette convention jouit d'un grand succès pratique qui mérite d'être souligné puisque 39 Etats sont parties à la Convention et surtout elle lie d'ores et déjà une part très importante des Etats membres de l'union européenne. En effet, sur les 25 Etats membres de l'union européenne, 18 sont déjà membres de la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 (Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'irlande du Nord, Slovénie, Suède). La Convention offre donc d'ores et déjà une base de solution largement partagée et acceptée par les Etats membres de l'union européenne. En prévoyant qu'une disposition testamentaire est valable quant à la forme si elle répond à la loi interne soit du lieu où le testateur a disposé, soit du lieu de situation des immeubles, soit de l Etat de sa nationalité ou de sa résidence habituelle au moment où il a disposé ou au moment du décès, cette convention a favorisé la validité formelle des testaments et, par là, leur reconnaissance dans les relations internationales. 3 La validité au fond des testaments : Dans le droit des Etats membres de l'union, la validité au fond du testament est toujours soumise à la loi successorale, avec cependant une division entre les Etats retenant la «loi successorale effective», c'est-à-dire déterminée au jour du décès, et ceux qui retiennent la «loi successorale 4 : Art 3 alinea 2 du code civil : Les lois concernant l état et la capacité des personnes régissent les français, même résidant en pays étranger.

6 anticipée», c'est-à-dire la loi qui aurait régi la succession si le testateur était décédé à la date de son testament. Il nous semble que l'on devrait privilégier la «loi successorale anticipée» dès lors que le testament est un moyen pour l'individu d'organiser à l'avance la transmission de son patrimoine à cause de mort et que, dans cette perspective, il importe d'offrir au testateur la sécurité juridique, la prévisibilité dont il a besoin. Le testateur doit être en mesure au moment où il rédige son testament de connaître les conditions de validité au fond de son acte juridique et ne pas craindre l'invalidation éventuelle du testament par la loi successorale effective, c est à dire une loi qui ne serait déterminée qu à son décès. 4 La validité des testaments conjonctifs : Les auteurs et la jurisprudence française estiment que la validité des testaments conjonctifs relève de la forme 5. Ce rattachement a l'avantage de permettre aux testateurs de s'assurer dès la rédaction du testament de sa validité de principe. En conséquence, la loi applicable à la validité des testaments conjonctifs devrait être la loi applicable à la validité en la forme des testaments, évoquée précédemment. 5 La validité des pactes successoraux : Les pactes successoraux6 offrent, notamment, aux héritiers la possibilité de renoncer à leur réserve. Ils existent dans plusieurs pays, en particulier en Allemagne et en Suisse. Nous observons qu ils sont, dans leur principe, prohibés en France. Toutefois, d une part, notre législation prévoit déjà plusieurs exceptions à cette prohibition. D autre part, un projet de loi portant réforme des successions et des libéralités déposé sur le bureau du Sénat prévoit dans son article 14, la possibilité de conclure des pactes aux termes desquels un héritier réservataire pourra, avec l accord de celui dont il a vocation à hériter, renoncer par anticipation à exercer son action en réduction contre une libéralité portant atteinte à sa réserve7. Les pactes sur succession future sont, en principe, soumis à la loi successorale, parce que leur qualification les rattache à la notion de modification conventionnelle des règles de la dévolution ab intestat. 5 Cf. par exemple, TGI Paris, 24 avril 1980, Rev. Crit. DIP 1982, 684 note Batiffol. 6 Art 8 de la Convention de La Haye du 1 er août 1989 sur la loi applicable aux successions à cause de mort : «Un pacte successoral est un accord parfait fait par écrit ou résultant ded testaments mutuels, qui confère, modifie ou retirer avec ou sans contre-prestation des droits dans la succession future d une ou de plusieurs personnes parties à l accord.» 7 Projet : «Art 929 : «Tout héritier réservataire présomptif peut renoncer à exercer une action en réduction dans une succession non ouverte. Cette renonciation doit être faite au profit d une ou plusieurs personnes déterminées. La renonciation n engage le renonçant que du jour où elle a été acceptée par celui dont il a vocation à hériter. «La renonciation peut viser une atteinte portant sur la totalité de la réserve ou sur une fraction seulement. Elle peut également ne viser que la réduction d une libéralité portant sur un bien déterminé. «L acte de renonciation ne peut créer d obligations à la charge d celui dont on a vocation à hériter ou être conditionné à un acte émanant de ce dernier. «Art 930 : «Pour être valable, la renonciation est passée devant notaire. Le consentement du renonçant doit être libre et éclairé. «La renonciation peut être faite dans le même acte par plusieurs héritiers réservataires. «Art 930-1 : La capacité requise du renonçant est celle exigée pour consentir une donation entre vifs. «Toutefois, la renonciation quelles que soient ses modalités, ne constitue pas une libéralité.[ ]»

7 6 La révocation des testaments : Les droits des Etats de l'union s'accordent pour appliquer la loi successorale, en se partageant à nouveau (de même que sur la question de la validité au fond des testaments) entre l'application de la loi successorale effective ou de la loi successorale anticipée à la date de la révocation. Pour les mêmes raisons de prévisibilité et de sécurité juridique, il serait préférable de privilégier la «loi successorale anticipée» ; il semble en effet souhaitable que le testateur puisse déterminer avec certitude s'il dispose de la faculté de révoquer son testament et à quelles conditions, sans craindre d'être détrompé par une loi qu'il ne peut pas encore déterminer avec certitude, la loi successorale effective. 2.3 Les comourants Question 4 : Comment régler la question de l incompatibilité éventuelle des lois applicables aux successions des comourants? Lorsque plusieurs personnes qui auraient été susceptibles d'hériter l'une de l'autre décèdent dans des circonstances ne permettant pas de déterminer l'ordre des décès, par exemple dans un accident d'avion ou lors d'un attentat, certains droits, tel le droit français8 établissent des présomptions de survie en fonction de l'âge et du sexe de ces personnes, tandis que d'autres règlent la succession de ces personnes sans tenir compte de celles décédées dans le même événement. Lorsque les successions de chacun des comourants sont régies par des lois différentes incompatibles entre elles, le problème est insoluble. Aussi la convention de La Haye de 1989 a-t-elle adopté sur ce point une règle matérielle de droit international selon laquelle, dans de telles circonstances et en cas d'incompatibilité des lois successorales applicables, aucun des comourants n'aura de droits dans la succession de l'autre ou des autres (art. 13). Au final, deux solutions alternatives paraissent envisageables : Retenir la règle retenue par la convention de La Haye, ou retenir une présomption irréfragable fondée uniquement sur l âge. 8 : Art 720 du code civil : Si plusieurs personnes respectivement appelées à la succession l une de l autre, périssent dans le même événement sans qu on puisse reconnaître laquelle est décédée la première, la présomption de survie est déterminée par les circonstances du fait, et, à leur défaut, par la force de l âge ou du sexe. Art 721 du code civil : Si ceux qui ont péri ensemble avaient moins de quinze ans, le plus âgé sera présumé avoir survécu. S ils étaient tous au-dessus de soixante ans, le moins âgé sera présumé avoir survécu. Si les uns avaient moins de quinze ans et les autres plus de soixante, les premiers seront présumés avoir survécu. Art 722 du code civil : Si ceux qui ont péri ensemble avaient quinze ans accomplis et mpoins de soivxante, le mâle est toujours présumé avoir survécu, lorsqu il y avait égalité d âge, ou si la différence qui existe n excède pas une année. S ils étaient du même sexe, la présomption de survie, qui donne ouverture à la succession dans l ordrede la nature, doit être admise : ainsi le plus jeune est présumé avoir survécu au plus âgé.

8 2.4 Choix du droit applicable à la succession Question 5 : Faut-il admettre la possibilité pour le futur de cujus, dans une succession testamentaire ou ab intestat, de choisir la loi applicable à sa succession, avec ou sans l accord des héritiers présumés? Faut-il l étendre aux héritiers après l ouverture de la succession? S agissant des héritiers, aucune flexibilité ne pourra être envisagée, leur pluralité potentielle comporterait en effet un risque évident de conflit de lois. S agissant des futurs de cujus, la discussion se justifie : En l'état du droit positif, les législations des Etats membres de l'union européenne sont contradictoires : La plupart des Etats membres n'admettent pas la possibilité de modifier le rattachement objectif par une professio juris. L'une des raisons généralement avancées pour expliquer cette réticence est le risque d'atteinte à la réserve héréditaire que connaissent de nombreux pays. Au contraire, les Pays Bas reconnaissent au de cujus la possibilité de choisir la loi applicable au règlement de sa succession. Les Pays-Bas ont unilatéralement mis en vigueur la Convention de La Haye du 1 er août 1989 sur la loi applicable aux successions, signée par quatre Etats seulement, et que seuls les Pays-Bas et Aruba ont ratifiée. Cette convention commence par rattacher fixer les règles de détermination de la loi applicable à sa succession. Puis, par exception, la Convention permet au de cujus, par une disposition à cause de mort, de choisir la loi qui régira sa succession : l'article 5 lui permet de choisir entre sa loi nationale ou la loi de sa résidence habituelle. D'autres Etats offrent au de cujus une faculté d'option, dans des proportions différentes : la Finlande, l Italie, la Suisse, l Allemagne, le Danemark, et, hors Europe, le Québec. D'autres législations permettent également au de cujus de choisir la loi applicable à sa succession, ainsi certains Etats américains ou pays d'amérique du Sud. Le «rattachement objectif» à la loi de la dernière résidence habituelle du défunt (cf. question 2) semble pouvoir être complété par un «rattachement subjectif», c'est-à-dire par la possibilité laissée au futur de cujus de choisir la loi applicable à sa succession. En effet, d une part, le choix du droit applicable confère au testateur la sécurité juridique. De son vivant, il peut déterminer le droit applicable à sa future succession et mettre au point une base stable pour la planification de sa dévolution successorale. De plus, la professio juris lui permet de choisir les règles matérielles qui garantissent au mieux une répartition appropriée de sa succession. D autre part, le «rattachement objectif» à la dernière résidence habituelle du défunt se base, nous l avons vu, se justifie par l'intégration du défunt dans le pays où il demeure et couvre ainsi la majorité des situations. Mais il existe aussi des situations dans lesquelles le défunt maintenait des rapports étroits avec son pays d'origine, vit seulement provisoirement à l'étranger et tient beaucoup à la langue, à la culture et à la situation juridique de son pays d'origine ; il existe également des situations dans lesquelles le testateur, très mobile, change souvent de résidence habituelle et veut

9 déjà disposer de son patrimoine à cause de mort mais ne peut pas savoir où il demeurera à la fin de sa vie. Pour ces cas particuliers, il semble raisonnable de prévoir, outre le «rattachement objectif à la dernière résidence habituelle du défunt», quelques possibilités de choisir la loi applicable. Observons par surcroît, que, grâce à la possibilité de choisir la loi applicable, le rattachement objectif sera probablement plus facile à être accepté à l'échelon européen. Nous notons par ailleurs qu en réalité, le risque de fraude à la réserve héréditaire n est pas plus important dans le cas de la professio juris que dans le cas d «rattachement objectif» à la dernière résidence habituelle (dans cette dernière hypothèse, le testateur peut parfaitement se soustraire à une disposition relative à la part réservataire qui lui déplaît, par exemple, en transférant sa résidence habituelle dans un Etat dans lequel la liberté de tester n'est pas limitée et en demeurant dans cet Etat jusqu'à son décès). Question 6 : Si on admet le choix de la loi successorale, faut-il limiter les possibilités de choix et en déterminer les modalités? Sous réserve qu ils n aient pas été désignés comme rattachement collectif, faut-il admettre les critères suivants : nationalité, domicile, résidence habituelle ou autres? Question 7 : A quel moment ces rattachements doivent-ils être présents? Faut-il les assortir de conditions particulières (durée, maintien à la date du décès )? S il était prévu d'admettre au profit du futur de cujus un choix quant au droit applicable, ce choix devrait être encadré, c'est-à-dire restreint à certaines lois possibles. On pourrait admettre que le testateur ait le choix entre la loi successorale : de l'etat dont il est ressortissant au moment du choix (pour faciliter la planification de la dévolution successorale) ; de l Etat dans lequel il a sa résidence habituelle au moment du choix (pour faciliter la planification de la dévolution successorale). Le choix de la loi (ainsi que sa révocation) : devrait concerner la totalité de la succession sans tenir compte de la situation des biens successoraux ou de leur nature (meubles ou immeubles) ; pourrait se faire dans le cadre d'une disposition de dernières volontés, ou hors ce cadre et ne concerner ainsi que la dévolution successorale ab intestat ; devrait résulter clairement et explicitement de la déclaration ; devrait se faire sous forme de disposition à cause de mort pour assurer l'authenticité de la déclaration.

10 Question 8 : Faut-il admettre le choix de la loi applicable aux testaments conjonctifs et aux pactes successoraux? Faut-il encadrer ce choix? Dans l affirmative, de quelle manière? S agissant des testaments conjonctifs, la norme européenne pourrait reconnaître ce choix aux testateurs. Il conviendrait toutefois que la loi applicable reconnaisse la validité de ce testament conjonctif. Nous notons en effet que la législation française (article 968 du code civil) prohibe les testaments conjonctifs et qu en l état, le projet de loi envisagé par le gouvernement n abroge pas cette interdiction. S agissant des pactes successoraux, la même réponse doit être apportée dans son principe. Les parties pourraient soumettre le testament conjonctif ou le pacte successoral à la loi de la résidence habituelle ou de la nationalité de l'une d'entre elles au moment de la rédaction (à l'instar de ce qui est prévu à l'article 11 de la Convention de La Haye du 1 er août 1989 sur la loi applicable aux successions). Question 9 : Doit-on permettre à un conjoint de choisir la loi applicable à son régime matrimonial pour régir sa succession? Le régime matrimonial a d abord vocation à régir les rapports des conjoints entre eux et avec les tiers durant leur vie commune. La solution qui consisterait à remettre en cause la loi applicable au régime matrimonial tel qu elle est définie au moment du mariage n apparaît pas envisageable. Observons par ailleurs que par la faculté qui leur est offerte de changer de régime matrimonial ou de résidence habituelle, les conjoints disposent déjà de la faculté de faire coïncider la loi applicable à son régime matrimonial et la loi successorale. Une autre possibilité résulterait le cas échéant en l admission de la professio juris en matière successorale. 2.5 Réserves successorales Question 10 : Faut-il réserver l application de la réserve successorale lorsque la loi désignée par la règle de conflit ne connaît pas cette institution ou en définit la portée de manière différente? Dans l affirmative, selon quelles modalités? Cette mesure protectrice des intérêts de certains héritiers, n a pas vocation à s imposer lorsque la loi applicable au testateur ne la connaît pas.

11 2.6 Les trusts successoraux Question 11 : Faut-il adopter des règles particulières de conflit de lois en matière de trusts? Si oui, lesquelles? Le trust est une institution originale du droit anglo-saxon. Le trust testamentaire, ou à cause de mort (par opposition au trust inter vivos), constitue une manière d'organiser sa succession sur tout ou partie de son patrimoine. La Convention de La Haye du ler juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance prévoit des règles de compétence. Cette convention est déjà en vigueur dans cinq Etats membres de l'union européenne (Italie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'irlande du Nord) et a été signée par deux autres Etats de l'union européenne (Chypre et France). Elle est également en vigueur dans cinq autres pays étrangers à l'union européenne (Australie, Canada, Chine, Liechtenstein, Saint-Marin) et a été signée par les Etats-Unis d'amérique. 2.7 Renvoi Question 12 : Le futur instrument communautaire doit-il admettre le renvoi si les règles de conflit harmonisées désignent la loi d un Etat tiers? Si oui, selon quelles modalités et dans quelles limites? Le problème du renvoi pourrait se poser, dans les successions ab intestat, dans les cas où les règles de conflit objectives unifiées désigneraient la loi d'un Etat tiers. Il pourrait être intéressant de le résoudre de façon uniforme, pour éviter que la dévolution ou le partage des biens situés dans des Etats différents de l'union et dépendant d'une succession soumise à la loi d'un Etat tiers ne soient réglés différemment par les tribunaux des Etats membres. L'admission du renvoi au droit d'un Etat membre aurait souvent pour conséquence d'entraîner un morcellement de la succession entre les meubles et les immeubles, contrairement à l'objectif de la règle de conflit harmonisée. Par ailleurs, les règles de conflit harmonisées au sein de l Union européenne ne doivent pas conduire l Etat membre saisi à s obliger à un renvoi vers un Etat tiers qui ne serait fondé sur aucune règle de droit international. Les engagements pris au sein de l Union européenne n ont pas vocation à s imposer aux Etats membres dans leurs rapports avec des Etats tiers. Seuls des accords passés avec les Etats tiers pourraient justifier de tels renvois. Encore conviendrait-il d être particulièrement attentifs à ne pas créer des conflits positifs ou négatifs, pour la résolution desquels aucune instance internationale ne pourrait être saisie.

12 2.8 Questions préalables Question 13 : Quelle règle de conflit des lois faut-il adopter pour déterminer la loi applicable aux questions préalables aux effets de la succession? Lorsque la loi applicable à la succession fait dépendre le règlement de celle-ci d'une question préalable de statut personnel, par exemple de la validité d'un mariage, d'une reconnaissance d'enfant naturel, d'une adoption ou d'un divorce, la question se pose de savoir selon quel système de droit international privé sera déterminée la loi applicable à cette question préalable. Le juge saisi devra-t-il utiliser sa propre règle de conflit pour déterminer la loi applicable à la question préalable de statut personnel (solution dite «autonome» de la question préalable) ou la règle de conflit de l'etat dont la loi régit la question principale de succession (solution dite «dépendante»)? Ce problème divise la doctrine de droit international privé. «La solution autonome» a l'avantage de sauvegarder l'harmonie des solutions dans l'etat du for. Si la loi applicable à la validité d'un mariage n'est pas la même selon que cette question se pose à titre principal ou comme préalable à une autre question, il se pourra qu'un même mariage pourra dans le même Etat être considéré un jour comme valable et un autre jour comme nul. A l'inverse, on a fait valoir en faveur de la «solution dépendante» qu'elle respectait mieux la cohérence de la loi étrangère applicable à la question principale de succession. Si la loi successorale attribue la succession au conjoint survivant et présuppose donc la validité du mariage dont se réclame le survivant, on respectera cette loi si c'est à son système de conflit de lois de déterminer si ledit mariage est à ses yeux valable. Sinon, il se pourrait que la succession soit attribuée à un conjoint que la loi successorale ne reconnaîtrait pas comme tel. Dans les pays de l'union européenne, la jurisprudence, assez rare, est plutôt en faveur de la «solution autonome», donc de l'application de la règle de conflit du for à la question préalable. Néanmoins, le petit nombre de décisions sur la question préalable et la division de la doctrine suggèrent de ne pas régler ce problème dans un futur instrument communautaire. Il semble au total que toute question préalable au règlement de la succession devrait demeurer régie par la loi applicable à la matière concernée.

13 3. REGLES DE COMPETENCE 3.1 Choix d un chef de compétence judiciaire Question 14 : Est-il souhaitable de parvenir à l unicité de for en matière successorale? Est-il possible d abandonner la compétence du for de situation des immeubles? Si un critère général unique devait être retenu, quel serait-il? Un critère général unique devrait être retenu et la compétence du for de situation des immeubles, devrait à tout le moins demeurer subsidiaire, si ce n est être abandonnée. Cette harmonisation devrait déboucher sur un unique chef de compétence qui ne pourrait être que le lieu d'ouverture de la succession, c'est-à-dire le dernier domicile du défunt, ce domicile étant défini, comme dans les droits continentaux, par le lieu où le défunt avait sa résidence habituelle ou son principal établissement. Le tribunal du dernier domicile aurait donc une compétence sur l'ensemble des biens de la succession, y compris les immeubles situés dans un Etat étranger. Question 15 : Peut-on envisager de permettre aux héritiers de saisir le tribunal d un Etat membre autre que celui désigné par une éventuelle règle principale de conflit de compétence? dans l affirmative, dans quelles conditions? Il ne paraît pas possible d exclure la saisine de juridictions de plusieurs Etats membres par des héritiers dispersés au sein de l Union européenne. Le choix d un critère général unique permettra de soulever d office l incompétence de la juridiction saisie à tort. Si le conflit est négatif, la juridiction de l Etat de nationalité doit être désignée. Si le conflit est positif, la désignation de la juridiction de l Etat de résidence devrait être retenue. Cette solution permettrait de ne pas recourir à la création d une juridiction de conflit qui n a, semble-t-il, pas encore été proposée au titre de la mise en oeuvre du principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires.

14 Question 16 : Au cours d une procédure successorale pendante devant un Etat membre, faut-il admettre la possibilité de demander à un tribunal d un autre Etat membre ou se trouvent les biens de la succession de prendre des mesures provisoires et conservatoires? Il conviendra de reconnaître la compétence des tribunaux de tout Etat contractant sur le territoire duquel sont situés des biens de la succession pour prendre des mesures provisoires et conservatoires de ces biens Question 17 : Faut-il introduire dans le futur instrument communautaire des dispositions permettant le transfert d une affaire du tribunal d un Etat membre vers un tribunal d un autre Etat membre, et si oui, sous quelles conditions? Actuellement, dans les Etats de l'union européenne, les règles de compétence internationale d'un Etat à l'autre sont très diverses. Il y a une multiplicité des tribunaux pouvant ainsi être saisis du règlement d'une même succession internationale. La pluralité des chefs de compétence s'accompagne aussi souvent d'un morcellement de la succession, dans la mesure où certains chefs de compétence sont limités à certains biens. Au surplus l'irrecevabilité dans plusieurs Etats de l'exception de litispendance au profit d'un tribunal étranger premier saisi risque de figer ce morcellement en empêchant le regroupement des procédures près d'un même tribunal. L'observation des inconvénients d'une telle situation, notamment l'impossibilité pour une personne de prévoir à l'avance le règlement de sa succession, a été faite depuis longtemps. Pour éviter cet éclatement des solutions, on pourrait déjà compter sur l'harmonisation des règles de conflits de lois. L'unification des règles de conflit de lois en matière de successions au sein de l'union européenne garantirait en principe l'application de la même loi matérielle quel que soit l'etat membre dont les tribunaux seraient saisis. Par ailleurs, il semble nécessaire d'harmoniser les règles de compétence judiciaire (cf question 14). Toutefois, en tout état de cause, le transfert d une procédure d un tribunal d un Etat membre, vers un tribunal d un autre Etat membre ne paraît pas conforme au principe de reconnaissance mutuelle. Il supposerait que soit reconnue l unité des juridictions des Etats membres dans un système judiciaire européen intégré. Ce dispositif devrait avoir été préalablement validé par une disposition constitutionnelle.

15 Question 18 : Quels éléments seraient pertinents pour établir la compétence des tribunaux des Etats membres dans une situation telle que celle mentionnée ci-dessus? La libre circulation et le libre établissement ne doivent pas faire perdre l identité européenne qui, en l état, demeure liée à l appartenance à un Etat membre. Dans le cas où le dernier domicile du défunt se trouverait dans un Etat tiers, en application du chef de compétence unique préconisé précédemment, aucun tribunal d'un Etat de l'union n'aurait de vocation prioritaire à liquider la succession. Il conviendrait toutefois d'envisager par exception les cas d'un conflit positif ou d'un conflit négatif de compétences. Si le conflit est négatif, la juridiction de l Etat de nationalité doit être désignée. Si le conflit est positif, la désignation de la juridiction de l Etat de résidence devrait être retenue. Question 19 : Ces règles spéciales de compétence devront-elles s appliquer aussi aux biens situés sur le territoire d un Etat tiers qui revendique une compétence exclusive à leur égard? De la même façon que l Etat tiers ne saurait se prévaloir des dispositions communautaires, les règles spéciales de compétence définies au sein de l Union européenne ne pourront lui être imposées. L'élimination complète du for de l'etat de la situation des biens, et particulièrement des immeubles, est pratiquement irréalisable. Dans le cas où le bien serait situé dans un Etat tiers qui revendiquerait la compétence exclusive de ses tribunaux, le tribunal de l'etat membre devrait pouvoir se dessaisir au profit des tribunaux de cet Etat tiers. 3.2 Procédures liées au transfert des biens immobiliers Question 20 : Faut-il réserver la compétence des autorités du lieu de situation des biens immobiliers dépendant de la succession, lorsque la compétence principale est attribuée aux autorités d un autre Etat membre pour : établir les documents nécessaires à la modification des registres de propriété? accomplir des actes d administration et de transfert de la propriété? La logique paraît militer en faveur de la compétence des autorités du lieu de situation de l immeuble pour établir les documents nécessaires à la modification des registres de propriété et pour accomplir des actes d administration et de transfert de propriété.

16 4. REGLES DE RECONNAISSANCE D EXECUTION 4.1 Reconnaissance et exécution des jugements Question 25 : Peut-on supprimer l exequatur pour la reconnaissance des jugements? Faut-il à l inverse, inclure des motifs de refus de reconnaissance et d exécution des jugements? Dans l affirmative, lesquels? Question 26 : Peut-on envisager qu un jugement rendu dans un Etat membre en matière successorale soit reconnu de plein droit et permette de modifier sans procédure les registres fonciers dans un autre Etat membre? Doit-on s inspirer de l article 21(3) du Règlement (CE) n 2201/2003? Des avancées importantes ont été réalisées en matière d entraide judiciaire civile et de reconnaissance mutuelle des décisions de justice, en particulier avec le Conseil européen de Tampere qui a approuvé le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires et avec le Règlement (CE) N 2001/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) N 1347/2000 qui dispense d exequatur les décisions rendues dans les cas d'enlèvement transfrontalier d'enfant ou en matière de droit de visite Nous observons que les avancées en matière de reconnaissance mutuelle et d exécution des décisions de justice ont concerné progressivement le droit des obligations puis la matière familiale, mais n ont jamais encore concerné le droit des successions. Il paraît donc prématuré d organiser aujourd hui directement une suppression de l exequatur en matière de droit des successions, matière qui a de larges incidences en de nombreux domaines (fiscaux, immobilier etc ), cette suppression ne pouvant être qu un objectif à long terme. Il semble nécessaire, au préalable, de réfléchir à la mise en place d un instrument de type «Bruxelles II» OBSERVATION : Il n a pas été répondu aux questions 21 à 24 et aux questions 27 à 39 qui ne relèvent pas directement de la compétence de la Cour de cassation.