Chapitre I. Un trésor minéral, biologique et énergétique



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Transcription:

Chapitre I Un trésor minéral, biologique et énergétique L économie de la mer se trouve, sans que nous en ayons toujours bien conscience, à un tournant. L exploitation des océans, basée sur le trépied immémorial du commerce, de la construction navale et de la pêche, a voguéesans rupture véritable plusieurs siècles durant et si de nouvelles activités sont nées autour du tourisme, on peut les qualifier autant de terriennes que de maritimes. C est aujourd hui ce qui change : ces espaces hier encore vierges passent désormais pour une nouvelle frontière, un autre Eldorado. L exploitation offshore du pétrole, du gaz a posé les jalons d une vision selon laquelle ces étendues recouvrant 70 % de notre planète bleue recèlent les richesses du siècle à venir. Les fonds marins regorgent d hydrocarbures, de ressources minérales qui, sur terre, peinent à assurer le rythme effréné de la croissance économique des émergents tandis que les écosystèmes, passés au tamis des biotechnologies, font saliver laboratoires pharmaceutiques ou industrie cosmétique. Plus futuriste encore, on travaille sur les possibilités de transformer l océan en producteur d énergie en s appuyant sur les vents, les marées ou encore les courants. Manière de lutter contre un réchauffement climatique causé par des énergies fossiles dont on rêve d enfouir le rejet principal, le CO 2, dans les mers pour mieux l empêcher de charger l atmosphère. Autant d axes de recherche, de prospection qui enchantent Prométhée mais inquiètent une Cassandre qui redoute les conséquences géopolitiques de la course à l appropriation des fonds marins et s appuie sur la catastrophe 17

Première partie. Un cadre géopolitique bouleversé pétrolière du golfe du Mexique pour souligner les risques environnementaux d exploitation d une mer déjà fortement touchée par notre mode de développement. Le puits sans fond des ressources pétrolières et gazières L avenir des réserves en hydrocarbures s écrit en mer. Quatre-vingt-cinq millions de barils de pétrole sont extraits quotidiennement, cent millions seront nécessaire à l horizon 2030. Or, en dehors du Moyen-Orient et de la Russie, les réserves prouvées et probables se trouvent dans les océans, la plupart des grandes découvertes récentes s étant dévoilées dans ce milieu. Les progrès techniques, des études sismiques en trois dimensions aux forages directionnels, permettent de repousser les limites de l exploration et de la production tandis qu une nouvelle approche géologique 1, dite des «marges passives», plaide en faveur de fonds marins recélant soixante-dix millions de kilomètres carrés de bassins sédimentaires susceptibles de renfermer de l or noir, dont trente millions par moins de cinq cents mètres d eau. Ajoutons que le renchérissement du prix des hydrocarbures assure une rentabilité à des opérations considérées comme prohibitives il y a peu. La dynamique en cours est illustrée par une capacité de production en eaux profondes, plus de six cents mètres, qui a plus que triplé depuis 2000 en passant de un à cinq millions de barils par jour, pour un potentiel de dix millions en 2015. Au total, en y ajoutant l extraction en eaux peu profonde, trois barils sur dix sont aujourd hui pompés en mer tandis que 20 % des réserves de brut et 30 % de celles de gaz y reposent. Reste que la carte des zones de production et d exploration s est profondément recomposée depuis les débuts de l aventure offshore. Les premières plates-formes pétrolières installées en mer du Nord à la fin des années 1960 2 et à l origine d une zone d extraction majeure dans les années 1980 et 1990, voient ainsi leurs successeurs délaisser une production européenne désormais en déclin, exception faite des ressources gazières de la Norvège. 1. Portée notamment par le chercheur de l Ifremer Daniel Aslanian. 2. Des structures semblables avaient été installées au large du Texas et de la Louisiane mais à des profondeurs beaucoup moins importantes. 18

Chapitre I. Un trésor minéral, biologique et énergétique Le golfe du Mexique, dont l exploitation a débuté dans les mêmes années, ne présente pas du tout le même panorama avec des perspectives en eaux profondes très prometteuses. Ses réserves représentent au bas mot douze milliards de barils quand seuls 20 % de ses fonds ont été sondés. Signe de cet attrait, le moratoire sur le forage édicté suite à la marée noire provoquée par la plateforme Deepwater Horizon a été levé par Washington moins de un an après la catastrophe, pour le plus grand profit de Shell et Eni. Ajoutons dans cette zone américaine, la découverte au large du Brésil, à plus de 2 100 mètres de profondeur, de cinq à neuf milliards de tonnes de réserves en huiles légères dans le champ de Tupi qui peuvent soit dit en passant laisser augurer des perspectives semblables pour notre Guyane. Le pétrole du golfe de Guinée, découvert dans les années 1950, recèle quant à lui, malgré une importance relative en volume (4,5 % des réserves mondiales ), un intérêt croissant. À l exception du Nigeria, la production de ces pays est essentiellement offshore ce qui garantit l exploitation contre des risques poli tiques : celle du Congo, malgré les flambées de guerre civile des années 1990, n a jamais été affectée tout comme celle de l Angola confrontée l oppo si tion sanglante entre UNITA et MPLA 1. Autre avantage : les zones de production sont proches des zones de consommation américaine et européenne, le transport pouvant s effectuer sans devoir en passer par les détroits et autres canaux, sources potentielles d insécurité. Seul bémol : l instabilité du delta du Niger où les actes de piraterie, les luttes autonomistes, indépendantistes des régions sud du Nigeria sont à l origine d une tension en augmentation croissante. L exploration actuelle dessine au final une zone englobant, pour l or noir, le golfe de Guinée, du Mexique, le Brésil et la Caspienne, le gaz se concentrant en Australie, au Qatar et en Extrême-Orient russe. En attendant l Arctique. Le grand Nord recèlerait près d un quart des réserves non prouvées en hydrocarbures (13 % du pétrole et 30 % du gaz) dont une très grande partie offshore (84 %), sans compter les minerais. Les premières exploitations dans cette zone datent des années 1920 au Canada, la première raffinerie étant 1. Union nationale pour l indépendance totale de l Angola, dirigée par Jonas Savimbi, soutenue par les Occidentaux, et opposée au Mouvement populaire de libération de l Angola aidé par les Soviétiques et aujourd hui encore au pouvoir. 19

Première partie. Un cadre géopolitique bouleversé construite en 1933 et le premier oléoduc pendant la Seconde Guerre mondiale. L offshore s est quant à lui développé en Alaska et en Russie au cours des années 1980, Moscou possédant à lui seul 75 % des ressources connues de pétrole et 90 % du gaz. La publication d un document du Conseil de sécurité russe énonçant son programme pour l Arctique fait montre d ambitions très claires pour la zone : d ici à 2010 définition des frontières au moyen d études géologiques et géographiques puis, entre 2011 et 2015, obtention de la reconnaissance internationales de ces limites avant de transformer l Arctique en une vaste base de ressources naturelles entre 2016 et 2020. Le réchauffement climatique, à l origine de la fonte de la calotte glacière, dévoile cependant des possibilités nouvelles et aiguise les appétits. Les grandes manœuvres ont déjà débuté, Cairn Energy, compagnie écossaise, ayant commencé depuis l été 2010 à prospecter au large de la côte sud-ouest d un Groenland qui s est prononcé par référendum le 25 novembre 2008 sur un projet d autonomie renforcée, première marche sur la voie de l indépendance, tandis que Shell s inté resse à l exploration offshore au large de l Alaska, les Russes travaillant de leur côté à la mise en valeur du gisement de gaz de Shtokman en mer de Barents et passant un accord avec Exxon Mobil pour accéder aux réserves de la mer de Kara. Reste que cette ruée vers l or noir masque les interrogations autour du risque environnemental. La navigation en arctique est complexe tandis que l intervention en cas de catastrophe du type Deepwater Horizon ou Exxon Valdez 1 est très problématique, l absence d infrastructures portuaires et de centre de population proches obligeant à apporter les éléments nécessaires à la dépollution par la mer, chose délicate quand on sait que les conditions météorologiques peuvent se révéler particulièrement hostiles, des vents violents et des blocs de glaces dérivants s ingéniant, été comme hiver, à perturber toute activité. Ces sombres perspectives, ajoutées au développement des croisières touristiques et l ouverture à venir de routes maritimes commerciales via le passage du Nord-Ouest et la route du Nord, ont poussé le Conseil Arctique à ériger un certain nombre de normes. Le 12 mai 2011, les huit Nations 2 le composant ont ainsi signé un traité portant sur l organisation des recherches 1. Marée noire suite à l échouement de ce pétrolier sur les côtes de l Alaska en 1989. 2. Canada, Danemark, Finlande, États-Unis, Islande, Norvège, Russie et Suède. 20

Chapitre I. Un trésor minéral, biologique et énergétique et du sauvetage après un accident, premier texte contraignant de cette instance. Dans l esprit des pays membres ce traité n est qu une première étape, l une des prochaines missions étant la mise en place d une force de réaction rapide en cas de marée noire. Mais loin de ces ressources, somme toute traditionnelles, une frénésie identique innerve des domaines énergétiques et minéraux tout juste effleurés dans les années 1970 et dynamise un secteur des biotechnologies marines déjà en forte croissance. Le laboratoire du futur Les prémices d un océan producteur d énergie avaient été posées lors des deux chocs pétroliers avec l énergie marémotrice, symbolisée en France par la réalisation d une usine de la Rance longtemps unique au monde, avant l entrée en production de celle de Sihwa, en Corée du Sud. Le renchérissement du prix des hydrocarbures joue de nos jours le même rôle d aiguillon auquel s ajoutent les impératifs de lutte contre le réchauffement climatique symbolisés par la floraison de l éolien offshore en Grande-Bretagne ou au Danemark, mouvement qui n en est qu à ses débuts chez nous 1 pour des raisons, notamment, techniques. Une éolienne en mer doit en effet être installée à moins de quarante mètres de la surface, chose aisée dans une mer du Nord peu profonde sur plusieurs dizaines de kilomètres mais plus complexe sur nos côtes où l on tombe très vite sous les cinquante mètres. Ces contraintes expliquent le développement d un prototype d éolienne flottante par la société Nenuphar qui sera testé en 2013. Mais l énergie issue de la mer ne se limite pas à ses vents : la conversion en électricité de la puissance des courants marins 2, les procédés thermiques, jouant sur la différence de température entre eaux de surface et profondes, ou osmotiques, consistant à séparer par une membrane semi-perméable de l eau salée et douce, cette dernière migrant ensuite naturellement vers la première en générant un courant électrique, tout comme l énergie houlomotrice sont des chantiers si prometteurs qu une entreprise comme DCNS y voit un de 1. Les cinq premiers parcs, Dieppe-Le Tréport, Fécamp, Courseulles-sur-Mer, la baie de Saint- Brieux et l estuaire de la Loire à Saint-Nazaire, devraient voir le jour au mieux en 2015. 2. À l image de la ferme de quatre hydroliennes qu EDF compte immerger au large de l île de Bréhat. 21

Première partie. Un cadre géopolitique bouleversé ses principaux axes de développement. Souhaitant faire passer de 25 à 50 % son chiffre d affaires dans ce domaine, la société a pour ambition de proposer des systèmes clés en main de production d énergie marine, est d ores et déjà engagée dans la marémotricité aux côtés de Dabella, travaille sur l énergie thermique des mers et s essaie même à l atome via son projet Flexblue de petite centrale nucléaire sous-marine de cinquante à deux cents cinquante mégawatts capable d alimenter une ville comme Tanger ou une île comme Malte. Ce domaine, très prisé par de nombreuses Nations à l instar des centrales nucléaires flottantes mise en avant par l agence russe Rosatom, s inscrit cependant en pointillé suite à la catastrophe de Fukuyama. Source de production d énergie, la mer abrite aussi un fabuleux gisement de ressources minérales. Là encore le retour aux années 1970 est marqué. Les nodules polymétalliques, sortes de pépites rocheuses riches en métaux jonchant les sols des océans, avaient suscité l intérêt de la communauté internationale dès la crise pétrolière de 1973, plusieurs pays occidentaux, dont la France, menant alors des recherches autour des nodules de manganèse mais sans passer à une exploitation hors de portée à l époque. Leur existence est connue depuis un siècle mais il a fallu que la valeur commerciale des métaux qu ils contiennent, du nickel au manganèse en passant par le cuivre et le cobalt, flambe pour que certaines Nations s y intéressent de nouveau. Les amas sulfurés, montagnes sous-marines riches en métaux forgées par les remontées de magma, intéressent tout autant l industrie minière : gorgés d or, d argent, de cuivre, de plomb et de zinc, ils forment des gisements de quelques centaines de milliers de tonnes. Autre promesse : les hydrates de gaz naturel. Ayant l apparence et la consistance de la glace, composés de molécules d eau enfermant des molécules de gaz, ils sont vus comme un fabuleux trésor énergétique et font l objet de toutes les manœuvres dans le grand Nord du fait du réchauffement climatique tout comme les agrégats riches en cobalt des monts sous-marins. Monts sous-marins, écosystèmes polaires et récifs coralliens, abritent par ailleurs des spécimens biologiques à nul autre pareil qui forment le substrat de ressources génétiques dont l exploitation dessine les bases d une autre industrie : les biotechnologies. À ce jour c est dans le secteur cosmétique et médical que les avancées sont les plus importantes. Plusieurs milliers de subs tances ont ainsi été répertoriées, la moitié d entre elles étant destinées au trai tement 22

Chapitre I. Un trésor minéral, biologique et énergétique du cancer. Mais le champ des possibles est beaucoup plus vaste, les océans ne comptant que deux cent vingt mille espèces animales et végétales décrites sur un total estimé à un million huit cent mille, la biodiversité marine étant beaucoup plus variée sur le plan génomique que sa consœur terrestre du fait d un environnement marin constitué de milieux très contrastés. La majeure partie des applications est liée à la pharmacopée, plus de la moitié des brevets visant ainsi des dérivés biomédicaux (55 %) contre 26 % pour l agriculture et l aquaculture et 7 % pour l industrie cosmétique. Signe du dynamisme de ce secteur : l augmentation du nombre de brevets est dix fois plus rapide que la description de nouvelles espèces marines dont l inventaire, au rythme actuel, nécessitera deux cent cinquante à mille ans. Reste que l exploitation de cet Eldorado ne sera pas sans conséquence sur un océan déjà fortement dégradé d un point de vue environnemental. 23

Première partie. Un cadre géopolitique bouleversé Les gisements de nodules polymétalliques 24