H5 - Les inégalités de recours au dépistage du cancer du sein : étude FADOsein. N. Duport, R. Ancelle-Park, M. Boussac-Zarebska, Z. Uhry, J.



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Congrès national des Observatoires régionaux de la santé 2008 - Les inégalités de santé Marseille, 16-17 octobre 2008 H5 - Les inégalités de recours au dépistage du cancer du sein : étude FADOsein N. Duport, R. Ancelle-Park, M. Boussac-Zarebska, Z. Uhry, J. Bloch Département des maladies chroniques et des traumatismes, Institut de veille sanitaire (InVS), Saint- Maurice, France RESUME Introduction. L évaluation du programme de dépistage organisé du cancer du sein montrait en 2005 un taux de participation de 45%, taux inférieur aux 70% recommandés en Europe. L étude a pour objectif d analyser les déterminants de la participation au dépistage organisé ainsi qu au dépistage individuel afin de mieux cibler les actions de sensibilisation des femmes. Matériel et méthodes. Il s agit d une étude par autoquestionnaire réalisée dans sept structures départementales de gestion du dépistage organisé du cancer du sein. Le tirage au sort a été effectué dans chaque département séparément dans le groupe des participantes au dépistage organisé et le groupe des non participantes, après stratification sur le caractère rural de la commune de résidence et la tranche d âge. Résultats. Un total de 5638 questionnaires exploitables a été analysé ; 1480 femmes ayant participé au dépistage organisé et 4158 n ayant pas participé. Parmi ces dernières 3537 avaient eu recours au dépistage individuel dans les deux ans et 621 n avaient pas fait de mammographie au cours des deux dernières années. L analyse multivariée présente les résultats de deux modèles : dépistage individuel-versusdépistage organisé et dépistage organisé-versus-aucun dépistage. Trois facteurs étaient significativement liés à la pratique du dépistage du cancer du sein. Les femmes du dépistage organisé avaient significativement plus souvent renoncé à des soins de base pour des raisons financières (OR=1,3), étaient moins souvent suivies par un gynécologue (OR=0,7) et avaient moins souvent effectué un frottis dans les trois ans (OR=0,6) que les femmes du dépistage individuel. Les mêmes facteurs sont retrouvés pour les femmes n ayant pas réalisé une mammographie dans les deux dernières années par rapport à la pratique du dépistage organisé (respectivement OR=1,9 ; OR=0,5 ; OR=0,5). Discussion et conclusion. Le biais de non réponse a vraisemblablement exclu les femmes les plus précaires, ce qui a pu conduire à sous estimer les relations mises en évidence. Cependant, il n y avait pas de grandes distorsions en termes d âge et de caractère rural de la commune entre répondantes et non répondantes. Les principaux résultats montrent que les différences entre les conduites de dépistage sont liées essentiellement à la problématique de l accès aux soins et non au statut socioéconomique. L étude souligne en particulier le rôle fort du médecin généraliste à inciter les femmes qui ne font aucun dépistage à participer au dépistage organisé. Ces résultats sont en adéquation avec ceux de grandes enquêtes déclaratives françaises en population, notamment l enquête santé et protection sociale 2002 de l Irdes et les Baromètre cancer et santé 2005 de l Inpes. Mots-clés : Dépistage du Cancer du Sein. france. Recours aux Soins. Mammographie. Dépistage Organisé. Statut Sociodémographique. Keywords: Breast Cancer Screening. France. Healthcare Access. Mammography. Mass Screening. Sociodemographic Status.

1. INTRODUCTION/OBJECTIF En France, le cancer du sein est le plus fréquent des cancers chez la femme et représentait en 2005 36,7% de l ensemble des nouveaux cas de cancers et 18,9% des décès par cancer chez la femme (Molinié, 2005). Le programme de dépistage organisé du cancer du sein est généralisé à tout le territoire depuis 2004. Il cible les femmes de 50 à 74 ans auxquelles il propose une mammographie gratuite tous les deux ans avec une double lecture en cas de cliché négatif. L évaluation du programme de dépistage organisé du cancer du sein montrait en 2005 un taux de participation de 45%, inférieur au taux de 70% recommandé au niveau européen. Le taux de couverture mammographique estimé par le Baromètre cancer 2005 de l Institut national de prévention et d éducation pour la santé était d environ 70% (Duport, 2006). La part du dépistage individuel dans la couverture mammographique semblait être proche de 15-20%. La participation insuffisante des femmes au programme de dépistage organisé a pour conséquence une baisse de l efficacité attendue du dépistage sur la mortalité (Chen, 1997 ; Arveux, 2003 ; Fletcher, 2003). De plus, le recours des femmes au dépistage individuel a des conséquences sur le rapport coût-efficacité du programme. L objectif de l étude FADO-sein était d analyser les caractéristiques, tant sociodémographiques que de recours aux soins, associées à la participation ou non au dépistage organisé ainsi qu au dépistage individuel afin de mieux cibler les actions de sensibilisation des femmes et des professionnels de santé. 2. MATERIELS/METHODES Il s agit d une étude transversale par auto-questionnaire réalisée entre mai et septembre 2005 dans sept structures départementales de gestion du dépistage organisé du cancer du sein : la Loire- Atlantique (44), le Lot-et-Garonne (47), la Mayenne (53), la Sarthe (72), Paris (75), la Seine- Maritime (76) et les Hauts-de-Seine (92). La Loire-Atlantique a été exclue de l étude suite à une erreur dans l édition des questionnaires. Un tirage au sort stratifié sur le caractère rural/urbain de la commune de résidence et la tranche d âge quinquennale a été effectué à partir du fichier utilisé par chaque structure pour inviter les femmes et enregistrer les résultats. Deux groupes ont été constitués : le groupe des participantes au dépistage organisé et le groupe des non participantes. Un questionnaire par groupe a été élaboré. Il comprenait une partie commune sur les caractéristiques sociodémographiques et le recours aux soins, et une partie spécifique, sous forme de questions fermées, explorant les connaissances et les pratiques de dépistage ainsi que la satisfaction des femmes concernant le dépistage organisé. Un premier envoi de 21000 questionnaires (3000 participantes et 18000 non participantes) était nécessaire pour obtenir un effectif total de 4800 femmes (1200 participantes et 3600 non participantes). Ce calcul reposait sur : i) une puissance d étude suffisante ( 80%) pour la mise en évidence de déterminants de la participation au dépistage, ii) une hypothèse a priori sur un taux de réponse à l enquête différent selon les groupes (40% chez les participantes et 20% chez les non participantes) et iii) le besoin d effectifs suffisants pour explorer les connaissances et pratiques de dépistage dans chaque département. Une réserve de 10500 personnes (1500 participantes et 9000 non participantes) a été constituée pour un éventuel second envoi si les effectifs minima n étaient pas atteints suite au premier envoi. Les femmes non participantes au dépistage organisé ont été réparties a posteriori en fonction de leur réponse au questionnaire en deux sous-groupes : les femmes ayant effectué un dépistage individuel dans les deux ans qui ont précédé la réception du questionnaire ; les femmes n ayant effectué aucune mammographie dans ces deux ans qui ont précédé la réception du questionnaire. Les trois groupes de femmes ainsi constitués ont été comparés deux à deux par régression logistique. Il a été décidé d utiliser la régression logistique polytomique afin d étudier les trois groupes dans une seule analyse, en comparaison bilatérale la majorité des variables apparaissant associées aux différentes pratiques de dépistage. Les analyses univariées et multivariées ont été systématiquement ajustées sur les variables de stratification (tableau 1). L analyse multivariée a été conduite à partir des variables significatives (p 0,05) en analyse univariée. Les odds ratios (OR) présentés concernent les comparaisons entre dépistage individuel-versusdépistage organisé et dépistage organisé-versus-pas de dépistage. Le troisième OR (comparaison entre les groupes dépistage individuel-versus-pas de dépistage) peut être directement calculé par le produit des deux autres OR. Le gradient mis en évidence peut être significatif alors même qu une des trois comparaisons est non significative. 2

3. RESULTATS Les structures de gestion ont envoyé, de mai à septembre 2005, un total de 27276 questionnaires dont 6276 provenant de la réserve : 3677 aux femmes ayant participé au dépistage organisé entre le 01/11/2003 et le 31/10/2004 et 23599 à des femmes n ayant pas participé au dépistage organisé au cours de la même période. Un total de 5638 questionnaires exploitables a été analysé pour une population d étude répartie en : 1480 participantes au dépistage organisé, avec un taux de réponse de 40,3% et 4158 non participantes au dépistage organisé, avec un taux de réponse de 17,6%. Les 4158 non participantes au dépistage organisé ont été réparties en deux groupes selon leur réponse au questionnaire : 3537 femmes ayant pratiqué une mammographie dans les deux ans dans le cadre d une démarche individuelle et 621 femmes n ayant pas pratiqué de mammographie dans les deux ans. Les répondantes et non répondantes à l étude étaient comparables en termes de tranches d âge quinquennales et de caractère rural/urbain de la commune de résidence. Les résultats de l analyse multivariée sont présentés dans le tableau. La majorité des facteurs influençant la pratique du dépistage du cancer du sein, organisé ou non, relève du domaine du recours et de l accès aux soins. Ainsi, trois facteurs ont montré un gradient significatif dans leur association avec les trois groupes étudiés : il y avait un gradient dans l association entre les trois groupes (respectivement dépistage individuel, dépistage organisé et aucun dépistage) et le fait d avoir déjà renoncé à des soins de base pour raisons financières, l odds ratio ajusté comparant le groupe dépistage individuel et le groupe pas de dépistage étant de 0,6 [IC95% : 0,4 0,8]. Ce qui signifie que les femmes qui avaient déjà renoncé à des soins de base pour raisons financières recouraient moins au dépistage organisé et encore moins au dépistage individuel que celles qui n y avaient jamais renoncé ; il y avait un gradient dans l association entre les trois groupes et le fait d être suivie régulièrement par un gynécologue ou d avoir réalisé un frottis cervico-utérin au cours des trois dernières années, les odds ratios ajustés comparant le groupe dépistage individuel et le groupe aucun dépistage étant pour ces deux variables de 3,3 [IC95% : 2,5 5,0]. Ce qui signifie que les femmes ayant un suivi régulier par un gynécologue ou ayant réalisé un frottis au cours des trois dernières années recouraient plus au dépistage organisé et encore plus au dépistage individuel que les autres. Pour trois autres variables (vivre en couple, prendre actuellement un traitement hormonal de substitution (THM) pour la ménopause et avoir effectué un bilan de santé au cours des cinq dernières années), le gradient dans l association entre les trois groupes montrait que les femmes en couple, sous THM et ayant fait un bilan de santé dans les cinq ans, recouraient plus souvent au dépistage individuel qu au dépistage organisé et plus souvent au dépistage organisé qu à aucun dépistage par rapport aux autres. Tableau : Pratiques de dépistage du cancer du sein en fonction des caractéristiques sociodémographiques et recours aux soins, analyse multivariée par régression logistique polytomique Dépistage individuel Dépistage organisé p versus versus global # Dépistage organisé aucun dépistage OR ajusté* IC95% OR ajusté* IC95% Statut sociodémographique Niveau d études le plus élevé BAC+2 1 1 0,0002 > BAC+2 ou plus 1,7 1,3 2,0 0,8 0,6 1,3 Vie en couple 0,002 1,3 1,0 1,4 1,4 1,0 2,0 Renoncement à des soins de base pour des raisons financières Non ou soins coûteux 1 1 0,002 0,8 0,6 1,0 0,7 0,5 1,0 Conduites de prévention et de dépistage Réalisation d un frottis cervico-utérin au cours des trois dernières années 1,7 1,3 2,0 2,0 1,7 3,3 3

Recours et accès aux soins Suivi régulier par un médecin généraliste 0,9 0,7 1,2 2,5 1,7 5,0 Suivi régulier par un gynécologue 1,4 1,1 1,7 2,5 1,7 3,3 Prise actuelle d un traitement hormonal de substitution pour la ménopause 0,004 1,3 1,1 1,7 1,1 0,8 1,7 Bilan de santé effectué dans les cinq dernières années 0,004 1,3 1,1 1,4 1,1 0,8 1,4 Bénéficier d une mutuelle complémentaire santé 0,05 1,3 0,9 1,7 1,3 0,9 2,0 Perceptions et relations vis à vis de la santé et du cancer Se sentir à risque supérieur de cancer du sein par rapport aux autres femmes, beaucoup 1 1, un peu 0,5 0,3 0,7 1,8 0,9 3,4 Non 0,3 0,2 0,4 0,9 0,5 1,5 Je ne sais pas 0,4 0,3 0,5 1,0 0,6 1,8 * Odds ratios ajustés sur les variables de stratification (tranche d âge, type de commune, département de résidence) et sur les variables du modèle présenté dans le tableau 2 ; # p global : degré de signification du poids de la variable pour les trois comparaisons testées. Les résultats montraient qu à profil sociodémographique égal et à recours et accès aux soins égaux, le fait d être suivie régulièrement par un gynécologue était un facteur important de pratique du dépistage du cancer du sein et en particulier du dépistage individuel. De la même manière, le suivi régulier par un médecin généraliste était un facteur important de pratique du dépistage du cancer du sein et en particulier du dépistage organisé. Bénéficier d une mutuelle complémentaire santé était associé significativement à la pratique du dépistage individuel versus aucun dépistage, l odds ratio entre ces deux groupes étant de 1,7 [IC95% : 1,2 2,4]. Il n y avait aucun lien significatif entre les femmes des autres groupes dépistage individuel versus dépistage organisé et dépistage organisé versus aucun dépistage. Ce qui signifie que les femmes ayant une mutuelle recouraient plus souvent au dépistage individuel que celles qui n en avaient pas. Le fait de penser être personnellement très à risque de cancer du sein était un facteur important de pratique du dépistage du cancer du sein, essentiellement dans un cadre de dépistage individuel. 4. DISCUSSION/CONCLUSION Les principaux résultats de cette étude montrent que les facteurs de participation des femmes au dépistage du cancer du sein sont essentiellement ceux en relation avec le recours aux soins (i.e. renoncer à des soins de bases pour raisons financières ou avoir réalisé un frottis cervico-utérin au cours des trois dernières années) et le suivi médical, en particulier le suivi gynécologique. L étude a également permis de souligner le fait qu être suivi par un gynécologue est associé à une plus grande pratique du dépistage individuel. A l inverse, le fait d être suivi par un généraliste est associé à une plus grande pratique du dépistage organisé. L étude a montré un gradient marqué entre les groupes. Les femmes du groupe dépistage individuel avaient un niveau sociodémographique plus élevé, un meilleur suivi médical, notamment un suivi gynécologique plus fréquent et des pratiques de dépistage fréquentes. Celles du groupe Aucun étaient d un niveau sociodémographique plus bas, avaient un suivi médical irrégulier et des pratiques de dépistage peu fréquentes. Enfin, les femmes du groupe dépistage organisé étaient dans une position intermédiaire entre les deux groupes précédents. L étude FADO-sein comporte deux biais. Le premier est le biais de non-réponse qui a vraisemblablement exclu les femmes les plus précaires et les moins intéressées par le dépistage mais également les personnes sérieusement malades. L exclusion de ces personnes, qui se font habituellement peu dépister, peut conduire à une surestimation du taux de couverture de dépistage comme l a montré Kiefe (1998). Le deuxième est inhérent à toute étude déclarative par autoquestionnaire qui conduit à une sur-déclaration de la pratique de dépistage (Bowman, 1991 ; Degnan, 1992). Ce second biais est un biais de classement et ne concerne que les femmes n ayant pas réalisé un dépistage organisé. Ces deux biais ont pu conduire à sous-estimer les relations mises en évidence, ce qui donne de la force aux relations significatives mises en 4

évidence dans l étude. Une deuxième limite de l étude est la difficulté pour les femmes à différencier une mammographie de dépistage d une mammographie de suivi ou de diagnostic puisque le nom de l examen est le même. Là encore cela ne concerne dans l étude que les femmes en dehors du dépistage organisé et peut conduire à sous-estimer les relations mises en évidence. Malgré ces limites, les résultats sont en adéquation avec ceux de grandes études en population comme l enquête santé et protection sociale de 2002 (Duport, 2006b), le Baromètre santé de 2005 (Baudier, 2006) ou le Baromètre cancer de 2005 (Duport, 2006). Face à ces résultats concordants, des campagnes media auprès des professionnels de santé devraient renforcer l information sur la qualité du programme de dépistage organisé, et notamment sur sa plus-value par rapport au dépistage individuel, tout en insistant également sur le fait que le dépistage organisé n est pas incompatible avec un suivi régulier gynécologique. REFERENCES - Molinié F. Colonna M. (2008). «Sein». In: Réseau français des registres de cancer, Hospices civils de Lyon, Inserm, Invs, eds. «Estimation de l'incidence et de la mortalité par cancer en France de 1980 à 2005». Francim, HCL, Inserm, Invs. Saint-Maurice. - Duport N., Bloch J. (2006). «Dépistage du cancer du sein». In: Guilbert P., Peretti-Watel P., Beck G., Gautier A., eds. «Baromètre cancer 2005». Editions Inpes. Inpes, Paris. 118-26. - Chen H.H., Duffy S.W., Tabar L., Day N.E. (1997). «Markov chain models for progression of breast cancer. Part II: prediction of outcomes for different screening regimes». J Epidemiol Biostat 2:25 35. - Arveux P., Wait S., Schaffer P. (2003). «Building a model to determine the costeffectiveness of breast cancer screening in France». Eur J Cancer Care 12:143 153. - Fletcher S.W., Elmore J.G. (2003). «Clinical practice. Mammographic screening for breast cancer». N Engl J Med 348:1672 1680. - Kiefe C.I., Funkhouser E., Fouad M.N., May D.S. (1998). «Chronic disease as a barrier to breast and cervical cancer screening». J Gen Intern Med; 13(6): 357-65. - Bowman J.A., Redman S., Dickinson J.A., Gibberd R., Sanson-Fisher R.W. (1991). «The accuracy of Pap smear utilization self-report: a methodological consideration in cervical screening research». Health Serv Res 26:97 107. - Degnan D., Harris R., Ranney J., Quade D., Earp J.A., Gonzalez J. (1992). «Measuring the use of mammography: two methods compared». Am J Public Health 82:1386 1388. - Duport N., Ancelle-Park R. (2006b). «Do socio-demographic factors influence mammography use of French women? Analysis of a French cross-sectional survey». Eur J Cancer Prev 15:219 224. - Baudier F. (2006). «Dépistage des cancers : des pratiques encore très diversifiées». In: Guilbert P., Gautier A., eds. «Baromètre santé 2005. Premiers résultats». Saint-Denis: Inpes: 93-101. 5