Séance des Vendredis du Social du 08 mai 2015. Burn-out : Comment le corps et l esprit expriment leur souffrance



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Séance des Vendredis du Social du 08 mai 2015 Burn-out : Comment le corps et l esprit expriment leur souffrance Introduction Le syndrome d épuisement professionnel ou burn-out combine une fatigue profonde, un désinvestissement de l'activité professionnelle ainsi qu un sentiment d'échec et d'incompétence dans le travail. Il est considéré comme le résultat d'un stress professionnel chronique (par exemple, lié à une surcharge de travail) : l'individu, ne parvenant pas à faire face aux exigences adaptatives de son environnement professionnel, voit son énergie, sa motivation et son estime de soi décliner. L objectif de ce Vendredi du Social était de faire connaître la définition, les causes et les conséquences de cette problématique, ainsi que les aides possibles. Synthèse des exposés 1. Témoignage : Une descente aux enfers... Mme Anita BALDESSARI, Témoin Je travaille dans la grande distribution pour le même employeur depuis 31 ans. Je suis devenue manager à l âge de 26 ans. J ai travaillé dans différents secteurs et divers magasins de la même enseigne. Après plusieurs restructurations, dont une importante en 2009, le personnel a été fortement réduit. Je me suis vue alors attribuer beaucoup plus de secteurs avec moins d effectifs!!! Je faisais souvent 45/50h/semaine sans salaire supplémentaire... Je suis passionnée, très investie et très MOTIVEE. Exigeante envers moi-même, je le suis donc aussi envers mon équipe. Au fur et à mesure des années et de la crise face à la concurrence, les objectifs sont devenus de plus en plus exigeants et la pression beaucoup plus forte... On nous demande d être encore plus performants, sans moyens supplémentaires! Depuis 2 à 3 ans, je commençais à supporter de plus en plus mal cette pression, toutes les contraintes, les mauvais résultats,... De plus, je prenais de l âge et les douleurs physiques liées à mon état étaient difficiles à supporter. Début 2014, la descente aux enfers a commencé sans trop comprendre ce qui m arrivait : insomnies, angoisses, hypersensibilité, sentiments d impuissance face à ce qu on attendait de moi... J avais la sensation de ne plus être capable d assumer ce pour quoi j étais payée. Les tâches me paraissaient IMPOSSIBLES à exécuter. Je paniquais pour un rien, je pensais, mangeais, buvais mon boulot. Mon dimanche et mon jour de repos étaient devenus un cauchemar, vu que ma tête était sans cesse au travail. J ai vraiment commencé à perdre confiance en moi et en mes capacités de management. J étais épuisée, éteinte, finie... J avais perdu l envie d aller au boulot. Vu le manque important d effectif, je devais pallier à tous les manquements, je courais partout, je faisais le pompier tout le temps (...). Vu que j étais perfectionniste, je voulais que tout soit fait en temps et en heure et pour ma hiérarchie, j étais un MODELE... et donc je m en sortais toujours, on ne s inquiétait pas de mon état... Etat que j avais exposé à ma direction, en leur disant que j allais craquer... Puis ce jour est arrivé le 07 novembre : gros malaise dans ma réserve, tachycardie importante et hausse de tension grave... Je perdais pied et le verdict est tombé chez le médecin: je faisais un GROS BURN OUT!!! Là, la terre s est écroulée, car je ne comprenais pas pourquoi cela m arrivait,..., moi la battante, la forte, l intouchable... Je me sentais COUPABLE de me mettre en arrêt. Qu allait-on penser de moi? Comment allait s en sortir mon équipe sans moi, sachant qu on était déjà trop juste en personnel (...)? Au début, j ai RAME pendant des semaines, je ne voulais plus entendre parler du boulot (...). J ai immédiatement consulté une psy qui m a aidée dès le début, mais le chemin allait être TRES long. 1

Heureusement, mon mari comprenait ce qui m arrivait et m a été d un grand soutien. J ai commencé à redécorer ma maison, marcher, faire du vélo, dormir (...). Bref, prendre du temps, ce qui ne m était JAMAIS arrivé depuis 31 ans. Durant mon arrêt, j ai eu à gérer deux gros coups : un double infarctus de mon père (...) et... la menace de la direction (générale) de me muter dans un autre hypermarché lointain si je ne rentrais pas le 1 er mars... Là, j ai touché le fond... pendant quelques jours. Lors d un rendez-vous avec mon directeur, j ai expliqué que je ne serais plus la même, que je voulais vivre mieux (...), que je continuerais à faire mon boulot du mieux possible, mais DIFFEREMMENT! Chose qu il a comprise et acceptée... Il voulait me garder (...). Si son combat échouait, j avais pris la décision de démissionner (...). Je n avais plus rien à prouver à mon âge et je n avais plus envie de relever des défis ailleurs... La vie est courte et je veux la vivre autrement. Mais je ne répondrais pas au chantage de rentrer le 1 er mars... Je n étais pas prête! J attendais toujours ce déclic, cette envie de reprendre ma vie active (...). J ai repris le travail le 1 er avril avec beaucoup de bonnes résolutions: 40h/sem. max., savoir dire NON quand il le faut, pour me préserver. Mais je dois me battre au quotidien pour ne pas retomber dans l excès, je ne peux pas tout changer en moi. Donc je reste perfectionniste, motivée, mais dans les justes limites... Et c est là le plus dur. RIEN N EST JAMAIS GAGNE. Je conclurai en disant que mon burn-out n est pas un échec dans ma vie. C était probablement un passage obligé pour me permettre de connaître mes limites et d avancer dans la seconde partie de ma vie, de façon plus raisonnable, car on n a qu UNE vie... (...). 2. Les différentes facettes du burn-out Docteur Michel LAMBERT, Psychiatre et Directeur du Service de Santé mentale de Libramont A) Généralités Selon J. FREUDENBERGER (DSM IV, 1970), le burn-out ou syndrome d épuisement professionnel est un état d épuisement et de frustration provoqué par des attentes irréalistes, un stress intense, avec effet négatif sur la motivation, l attitude et le comportement. Ce n est pas une maladie au sens strict, ni une dépression. Les symptômes sont variables d une personne à l autre. Actuellement, on définit le burn-out comme un état d esprit négatif persistant lié au travail chez des individus normaux, caractérisé par de l épuisement, un sentiment d inefficacité, une démotivation et des comportements dysfonctionnels au travail. Cet état d esprit n est souvent pas remarqué par le travailleur pendant un long moment. Il résulte d une différence entre les intentions et la réalité du travail. Souvent, les travailleurs entretiennent cet état d esprit par des stratégies d adaptation qui sont inefficaces. (SCHAUFELI et ENZMANN, 1998, p.36 cités dans SCHAUFELI et BUUNK, 2003) B) Statistiques - 72% des employés disent ressentir du stress. - 86% des cadres se disent de plus en plus stressés. - 70% des Belges au travail dorment mal la nuit de dimanche à lundi. - 50% des versements de l INAMI pour incapacité primaire sont liés au stress et au burn-out. Burn-out terminal - Prévalence mesurée : 0,8% = environ 19.000 personnes en Belgique - Prévalence rapportée : 30 à 40% - Incapacité : 8,5 mois. - 15% ne retourneront jamais sur le marché du travail. - 75% changeront d entreprise. Or ceux qui vont faire un burn-out, c est la crème des collaborateurs. Le burn-out prend des années pour s installer ; pendant très longtemps, les personnes en burn-out donnent le change en apparence. 2

C) Facteurs de risques - Facteurs de risque situationnels : Intensification du monde du travail (société mondialisée), surcharge de travail, pression (timing, efficience, efficacité, qualité, disponibilité), augmentation des responsabilités, diminution du soutien / manque de reconnaissance, dysfonctionnements institutionnels, intimidation, risque de perte d emploi, recherche de rentabilité (ou de bénéfices), réduction des coûts. - Facteurs de risque individuels : partage travail / vie familiale, course à la consommation, motivation au travail (vocation), perfectionnisme, ambition, recherche de performance, crainte de l échec, présentéisme, culture judéochrétienne, personnalités évitantes / passives / anxieuses, hostiles et dépressives, sexe féminin. - Professions et métiers à risques Les professions les plus exposées sont celles pour lesquelles on parle de vocation, celles qui sont en contact avec du public (des inconnus), nécessitant des capacités relationnelles, exposées au stress, aux contraintes, aux frustrations. Les métiers à risques sont les soignants, les éducateurs, les professeurs, les travailleurs sociaux, les commerciaux, les cadres. De manière générale, le personnel motivé et consciencieux est à risques. D) Processus Le burn-out résulte d un processus de développement : des facteurs externes et internes entrainent un choc de la réalité. Il y a épuisement émotionnel. Il convient de se blinder, de prendre distance, de réduire ses ambitions. Se blinder est une réponse adaptative normale, face à des situations dramatiques (polytraumatisés, suicides, enfants mourants,..), à des clients difficiles, à une hiérarchie exigeante, à des contraintes administratives. Dans le processus du burnout, il y a épuisement des émotions, lequel entraîne un mécanisme aspécifique. Le blindage concerne aussi les affects positifs (joies, plaisirs...). On parle d anhédonie. Moins s impliquer est une réponse adaptative normale également : on peut être concerné, sans nécessairement s impliquer pour pratiquer une injection, recevoir une demande d aide sociale à 11h55, prendre en charge une situation complexe... Il convient aussi de laisser son tablier au vestiaire quand on a fini de travailler. Parfois, on est submergé par une série de choses à réaliser, on a besoin que les autres n envahissent pas tout le temps notre bulle, on a besoin d air : on met les autres à distance, on pose des limites. Dans le processus du burn-out, on constate un cynisme et une déshumanisation des relations. Peu à peu, les gens deviennent des pions qu on manipule, le cynisme est progressif, les proches s éloignent!!! Etre plus réaliste est aussi une réponse adaptative normale, surtout dans les professions à vocation (médecins, infirmiers, AS,...). Les projets sont motivants, les gens souvent motivés. Mais bien vite, il faut se rendre à l évidence et réduire ses ambitions. Dans le processus du burn-out, on constate une démotivation, une diminution des ambitions : on attend de moins en moins de soi et des autres, on se croit de moins en moins capable d atteindre un but, soit on se démotive, soit on se sous-estime. Ce processus s étend aux amis, aux relations affectives. En résumé, si se blinder, moins s impliquer et être plus réaliste sont des réponses adaptatives normales, le processus du burn-out, quant à lui, se traduit par un épuisement des émotions, la déshumanisation des relations et la démotivation. Ce processus envahit peu à peu tous les domaines de la vie. Il évolue lentement (jusqu à 10 ans). Il est contagieux et méconnu par les victimes et par l entourage (peu de signes). E) Les symptômes a) Symptômes globaux - Esprit négatif persistant lié au travail chez des individus normaux différence entre les intentions et la réalité du travail : épuisement, sentiment d inefficacité, démotivation, comportements dysfonctionnels au travail 3

(entretien de cet état d esprit par des stratégies d adaptation inefficaces : alarme, résistance, épuisement). - Epuisement émotionnel : symptôme nécessaire, mais non suffisant fatigue, manque d énergie au niveau physique, émotionnel et cognitif. - Dépersonnalisation, réponse négative envers autrui perceptions impersonnelles et déshumanisantes envers le client (étudiant, client, délinquant,...), irritabilité, perte d idéalisme, attitude de retrait. - Diminution de l accomplissement personnel, tendance à évaluer son travail négativement diminution du sentiment de compétence, de succès et/ou d efficacité, humeur dépressive, diminution de l estime personnelle, baisse de moral et incapacité de gestion. b) Symptômes aspécifiques Parmi les symptômes aspécifiques : troubles du sommeil, retrait social et familial, équivalents somatiques (maux divers). c) Symptômes physiques Troubles du sommeil, diminution de l énergie, plaintes neurovégétatives/fonctionnelles (palpitations, plaintes gastro-intestinales, oppression thoracique,...) d) Symptômes cognitifs et affectifs Diminution du sentiment de contrôle / de compétence ou de la motivation, frustration, anxiété, irritabilité, diminution de l estime de soi / de l idéalisme / de la concentration / de la mémoire; humeur dépressive; dualité (quitter ou rester?). e) Symptômes comportementaux Changement d attitude envers autrui (cynisme, indifférence, distanciation, détachement), tendance à s isoler, diminution des performances, absentéismes dans l année écoulée (fréquents, de courte ou longue durée), agressivité. F) Diagnostic différentiel a) Stress et burn-out Le stress est la conséquence directe de stresseurs professionnels. Le sens du travail n est pas central. Dans le burn-out, le sens du travail joue un rôle important dans l apparition du syndrome. Le stress est passager ou chronique tandis que le burn-out est la conséquence d une exposition à un stress persistant de longue durée. Le stress peut toucher tout type de travailleurs tandis que le burn-out touche, avant tout, les personnes qui accordent beaucoup d importance au travail. Le stress n est pas forcément accompagné d attitudes négatives envers autrui tandis que, dans le burn-out, on note du cynisme ainsi que des attitudes et des comportements négatifs envers les collègues, les clients, les patients,... b) Dépression et burn-out Tant en dépression qu en burn-out, on note un épuisement émotionnel et une humeur dysphorique. Mais, dans la dépression, c est étendu à tous les aspects de la vie tandis que, dans le burn-out, c est lié spécifiquement au travail. La dépression est caractérisée par une perte du goût des choses et de la vie tandis que, dans le burn-out, on conserve le goût des choses dans les aspects de la vie autres que le travail. Dans la dépression, on constate une plus faible estime de soi, du défaitisme, une moins grande vitalité. Dans le burn-out, on remarque une estime de soi et un réalisme plus grands ainsi qu une vitalité plus forte que dans la dépression. Les antécédents de dépression peuvent faciliter le burn-out tandis que le burn-out peut s aggraver en dépression. c) Fibromyalgie et burn-out La fibromyalgie et le burn-out sont tous deux liés à une longue exposition au stress. Dans la fibromyalgie, les douleurs sont musculo-squelettiques tandis que, dans le burn-out, la douleur physique n est pas un symptôme central. Pour la fibromyalgie, il n y a pas d origine dans le travail ; le burn-out, lui, apparaît dans le travail. 4

d) Fatigue chronique, fatigue générale et burn-out Dans le burn-out, la fatigue émotionnelle est associée à deux autres composantes : la dépersonnalisation et la perte d accomplissement. Tant dans les états de fatigue chronique, de fatigue générale que dans le burnout, ces états de fatigue apparaissent suite à une tension psychique ou à un stress de longue durée. La fatigue chronique et la fatigue générale n ont pas d origine systématique dans le travail alors que, dans le burn-out, c est lié au travail. e) Workaholisme (ou forte implication dans le travail) et burn-out Les Workaholiques passent énormément de temps au travail, sont réticents à se distancier ou se désengager de leur travail et fournissent un travail qui va au-delà de ce qui est attendu de leur part, au point que la vie privée s en trouve affectée. Le burn-out touche les personnes qui ont de fortes attentes envers leur travail. Dans les deux cas, le travail et le sens donné au travail sont importants. Le workaholisme peut conduire au burn-out car l implication excessive dans le travail peut épuiser les ressources, il peut être un facteur de risques de burn-out. L épuisement propre au burn-out est incompatible avec une forte implication dans le travail (workaholisme). Il n y a pas forcément de lien entre les deux phénomènes. 3. Quelle aide thérapeutique possible? Mme Pascale LOUIS, Psychologue à l Hôpital psychiatrique La Clairière de Bertrix (Vivalia), Psychothérapeute cognitivo-comportementaliste A) Réflexions, interrogations au sujet du burn-out a) Quelle peut être la perception positive du burn-out? Le burnout est une chance unique pour le développement personnel. On peut aussi le voir de manière positive! En effet, vivre un burn-out pourrait être un formidable clin d œil de la vie! b) Quel sens le burn-out a-t-il? Cette implication trop importante dans la vie professionnelle par rapport à la vie privée peut résonner comme un signal d alarme pour qui sait l entendre. Celui qui a la capacité d oser s arrêter et d analyser ce qu il a vécu et ce qu il est en train de vivre, acquiert une chance inouïe et inespérée de modifier sa trajectoire de vie avant qu il ne soit trop tard. Les personnes en burn-out sont souvent des personnes performantes, intelligentes, avec un grand idéal de vie, mais où les émotions et le corps sont souvent oubliés et relégués au second plan. La psychothérapie va permettre de recentrer la personne en travaillant sur plusieurs axes et domaines de son fonctionnement. c) Le burn-out ne serait-il qu un phénomène de société? Nous vivons dans une société de performance. Le contexte de la crise économique pousse les travailleurs à s investir de + en + dans le travail, augmente les rivalités et les compétitions. Nous sommes surinformés : médias, pubs, courriels,... Le télétravail envahit parfois la sphère privée... Le burn-out naît d une différence entre les ressources et les attentes d un individu. d) Etre heureux au travail, est-ce possible? Le travailleur peut ressentir de la satisfaction et du plaisir à partir du moment où plusieurs critères de motivation sont réunis. Plus notre motivation est autodéterminée, meilleure est notre satisfaction au travail et dans l ensemble de notre vie. e) Qu est-ce qui prédispose au burn-out? Certaines personnalités : les anxieux (sous stress), les personnes hostiles (en conflits) et les anxio-dépressifs (découragement). Certains comportements : se mettre sous pression, vouloir toujours donner plus, tout faire soi-même, avoir des objectifs élevés,... f) Qu est-ce qui protège du burn-out? L endurance, le fait de se sentir responsable du positif qui nous arrive au lieu de subir l environnement, la croyance en sa propre capacité à gérer des situations. 5

g) Qui peut aider la personne à évaluer et à traiter son burn-out? Le patient est détenteur du savoir sur sa souffrance, le médecin est le spécialiste de la souffrance somatique, le psychologue est le spécialiste de la souffrance psychique et seul l employeur peut valider les changements bénéfiques pour le travailleur. Chaque partenaire apporte quelque chose de différent, pour le bienêtre du patient. B) Axes sur lesquels travailler en psychothérapie a) La régulation des émotions La personne peut-elle les identifier correctement et les gérer? Dans le cas contraire, de la somatisation et de l impulsivité peuvent apparaître. b) La capacité d imagination La personne peut-elle se faire des représentations concrètes de ce qu elle est en train de vivre? Des métaphores ( Vous êtes en plein brouillard ) permettent de sortir de la somatisation, de donner du sens. c) La flexibilité mentale La personne a-t-elle encore la possibilité de repérer ce qui est nuisible et ce qui est pertinent pour elle? La flexibilité mentale permet de modifier notre comportement et notre environnement. d) La capacité d attention Il s agit de redécouvrir l ici et maintenant et de réapprendre la perception du plaisir. Cela augmente la motivation et la capacité d attention. e) La planification Elle permet de se projeter dans l avenir (quels changements sont nécessaires?), de construire ses objectifs et le programme d actions. f) La capacité d initiative La thérapie va l aider à percevoir ses propres intentions/motivations/projets personnels, à faire des choix judicieux et à poser des actes pour les réaliser. C) Objectif final de la thérapie La thérapie vise à concrétiser la réalité du travail et à voir comment s y adapter. a) Evaluation de la charge de travail : réviser sa relation à la charge de travail, redéfinir les priorités, communiquer et déléguer. b) Contrôle sur la tâche : développer son autonomie. c) Reconnaissance de son travail : apprendre à s auto-valoriser, rechercher des expériences positives ( Je suis fier de... ), analyser les autocritiques. d) Recherche de soutien de la communauté de travail : développer des relations avec les collègues et élargir les possibilités d entraide. e) Equité au travail : développer des actions visant à faire baisser le sentiment d injustice. f) Ethique: redonner du sens à son travail, en fonction de ses valeurs et de ses projets, éventuellement envisager un changement de service ou d entreprise. D) Travail sur l impact du burn-out sur le fonctionnement de la personne a) Analyser l origine du burn-out : réaction de la personne au stress, ruminations obsédantes, sentiments et émotions, ressources et attentes vis-à-vis du travail,... b) Retrouver une hygiène et un plaisir de vie : pause pour se retrouver, temps pour ses hobbies, bien dormir, bien manger, c) Faire un travail cognitif : assouplir ses pensées, positiver, se recentrer sur soi et ses compétences, renforcer l envie de changer les choses. d) Travailler les émotions : travailler la confiance en soi et l affirmation de soi, retrouver sa valeur personnelle, diminuer le sentiment de culpabilité,... e) Préparer le retour au travail : réfléchir à son travail idéal, définir ses possibilités et ses limites, rencontrer sa hiérarchie et ses collègues, rester réaliste, envisager éventuellement un changement de poste, de service ou de travail... 6

E) Etapes de la thérapie a) Phase de communication Raconter son histoire, afin d évaluer la souffrance et la concrétiser le plus possible. L écoute attentive (2 à 3 entretiens) permet à la personne de faire émerger certains éléments et de s en détacher. b) Phase d évaluation Evaluer les souffrances, les dégâts personnels et collatéraux au niveau du travail ; mettre en évidence un éventuel état dépressif ; explorer les pertes d estime de soi, les manques d assertivité ou des situations de harcèlement moral ; repérer, décoder et accepter les symptômes ainsi que les indices de surcharge de travail. Pendant le congé de maladie, la personne peut se sentir à la fois soulagée de ne plus devoir affronter le travail, mais triste de ne plus l accomplir. c) Phase d acceptation La personne peut enfin déposer son fardeau, sans honte ni culpabilité. Le vrai travail peut commencer! d) Phase de désengagement ou d écartement Cette phase nécessite une incapacité temporaire de travail (3-6 mois), pendant laquelle elle peut ressentir son état, se poser des questions et en parler, s octroyer du temps de sommeil/repos, de réflexion/détente, sans culpabiliser. e) Phase de recherche de sens Parcourir son présent et son passé pour prendre conscience de faits majeurs et ralentir sa course effrénée ; réfléchir au réseau relationnel sur lequel compter et le consolider ; explorer ses valeurs/dégoûts pour certains aspects du métier. f) Phase de redécouverte Le patient va mieux, bien que fragilisé par cette épreuve. Le goût de reprendre le travail revient. L arrêt de travail aura permis de prendre conscience de sa fragilité, d acquérir une distance psychologique face aux exigences de travail, de prendre conscience des réponses comportementales inadéquates. Elle doit évaluer et repenser son environnement de travail, (ré)apprendre à hiérarchiser ses tâches ou à les prioriser, à demander de l aide ou à déléguer, à gérer le stress et l affirmation de soi. C est le moment d une réorientation professionnelle (changement de poste, reprise à temps partiel,...), voire d un arrêt de travail ou d une retraite anticipée. g) Phase de réapprentissage La personne sera accompagnée et soutenue pendant le processus de reprise progressive du travail. Tout n est pas parfait, mais les stratégies sont réajustées. Elle s affirme et reprend confiance en elle. L important est de rester positif. h) Phase de résolution Le burn-out a été accepté (deuil du passé professionnel), des essais progressifs ont été testés, les rechutes ont été analysées, les nouveaux acquis sont consolidés. De nouvelles stratégies de réussite et les micro-victoires quotidiennes peuvent renforcer l estime de soi et la foi dans la poursuite de sa tâche. i) Phase de consolidation La personne espace ses RV chez le psy, réévalue ponctuellement la situation. j) Phase de départ Cette phase de séparation sera préparée pour que la personne reste sécurisée et ne se sente pas abandonnée. 7