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Transcription:

Points d'attention en matière de lutte contre les discriminations à l'attention de Monsieur Jan JAMBON, Vice-premier ministre et ministre de la Sécurité et de l'intérieur, chargé de la Régie des bâtiments Présentés par le Centre interfédéral pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme et les discriminations 3 juin 2015 1

Table des matières 1. INTRODUCTION... 3 2. Politique de recherche et de poursuite en matière de discriminations et de délits de haine: application de la circulaire COL 13/2013... 3 2.1. Désigner des personnes de référence près la police... 3 2.2. Monitoring des discriminations et des délits de haine... 4 2.3. Formation des personnes de référence... 4 3. La convention entre le Centre et la police... 4 4. Connaissance des aménagements raisonnables au sein des services de police... 5 4.1. Contact avec le citoyen... 5 4.2. Collaborateurs au sein de la police... 6 5. Profilage ethnique... 6 6. Réactivation de la cellule de veille antisémitisme... 7 7. Signes convictionnels sur les photos d'identité... 7 8. Interdiction du port de symboles religieux par les membres des bureaux de vote... 8 9. Accessibilité aux personnes handicapées et exigences de la Convention des nations Unies en la matière.... 9 9.1. Accessibilité des bâtiments publics... 9 9.2. Accessibilité du vote et des bureaux de vote... 9 9.3. Accessibilité des services d'urgence... 10 10. Conférence interministérielle... 11 2

1. INTRODUCTION L'Accord de gouvernement du 9 octobre 2014 fait maintes fois référence à la volonté du gouvernement fédéral de promouvoir l'égalité des chances et la lutte contre les discriminations et le racisme. Il est évident que la politique définie dans le cadre de la compétence fédérale des affaire intérieures joue un rôle essentiel dans ce domaine. À travers les points d'attention exposés ci-dessous, le Centre interfédéral pour l'égalité des chances souhaite contribuer à la construction d'une société plus juste et plus sûre pour tous. Il renvoie, le cas échéant, à l'accord de gouvernement ou aux notes de politique générale pertinentes. Les points relatifs à la police ont par ailleurs été discutés avec Madame Catherine De Bolle, Commissaire générale de la Police fédérale, lors d'une rencontre organisée le 3 octobre 2014. 2. POLITIQUE DE RECHERCHE ET DE POURSUITE EN MATIÈRE DE DISCRIMINATIONS ET DE DÉLITS DE HAINE: APPLICATION DE LA CIRCULAIRE COL 13/2013 En 2013, le Collège des procureurs généraux a approuvé, avec les ministres de la Justice et de l'intérieur, une circulaire importante visant l'amélioration de la politique de recherche et de poursuite en matière de discriminations et de délits de haine. L'Accord de gouvernement du 9 octobre 2014 prévoit que «le Gouvernement assurera une meilleure exécution de la circulaire 13/2013 en matière de délits de haine» (p. 224). Le Centre souhaiterait y contribuer à travers les recommandations et propositions suivantes : 2.1. Désigner des personnes de référence près la police La circulaire demande au parquet (et à l'auditorat) de désigner un magistrat de référence. Elle formule la même demande à l'égard de la Police fédérale et des chefs de corps de la police locale, et laisse ouverte la possibilité de désigner un seul agent de police de référence dans les plus petites zones de police, et plusieurs dans les plus grandes zones de police. En mars 2014, le ministre de l'intérieur de l'époque a adressé une lettre aux chefs de corps de toutes les zones de police afin d'attirer leur attention sur le contenu de la circulaire, de leur demander de désigner les agents de référence et de leur faire suivre la formation prévue si ce n'était déjà fait. Le Centre demande aux ministres compétents pour la politique de recherche et de poursuite en matière de discriminations et de délits de haine de veiller à ce que ces agents de référence soient réellement désignés. 3

Par ailleurs, il manque à ce jour un profil de compétence et de fonction pour ces agents de police de référence. Il recommande également de tenir à jour un fichier centralisé reprenant les coordonnées des agents de police de référence, soit auprès du parquet, soit auprès de la police proprement dite. Ces données ne sont en effet pas encore centralisées à ce jour. 2.2. Monitoring des discriminations et des délits de haine L'application de la circulaire peut entraîner des problèmes d'enregistrement et de statistiques (encodage), comme déjà signalé par les services compétents. De plus, le Centre n'a toujours pas accès aux données (fussent-elles anonymisées) des services de police pour les dossiers disciplinaires qui ont été ouverts à l'encontre de la police. Le Centre demande aux ministres compétents d'instaurer un système de monitoring permettant d'analyser les données statistiques en matière de discriminations et de délits de haine. Ce système devrait également contrôler la fiabilité des systèmes d'enregistrement des services «statistiques» de la police (y compris en ce qui concerne le volet disciplinaire) et du parquet. Le Centre demande à être impliqué dans cette démarche. 2.3. Formation des personnes de référence La circulaire prévoit une formation pour les personnes de référence concernées. Le Centre a contribué à l'élaboration du dossier de reconnaissance et du programme de cette formation. Cette formation reconnue, dispensée par des formateurs du Centre, a déjà eu lieu dans trois arrondissements judiciaires. Étant donné que cette formule de formation réunit le magistrat de référence et les agents de police de référence d'un même arrondissement judiciaire, il importe que la désignation des agents de police de référence soit effectuée dans les différentes zones de police locale. 3. LA CONVENTION ENTRE LE CENTRE ET LA POLICE Depuis 1996, une convention régit un accord de coopération intensive entre la Police fédérale et le Centre. En 2011, cet accord a été conclu pour une durée indéterminée. Le Centre a ainsi pu développer, en collaboration avec le Service Diversité de la police, une vision à long terme pour les activités de formation et les actions conjointes. Cette vision s'inscrit dans le cadre de sa politique de lutte contre les discriminations et de promotion de la diversité. Le partenariat entre le Centre et la police repose sur trois piliers : 1. le Centre dispense des formations à la diversité auprès de la police ; 2. il soutient son réseau Diversité ; 4

3. et il soutient ses projets de diversité structurels. Cette approche plurielle intégrée est nécessaire pour travailler de manière structurelle et durable à davantage de diversité et à la lutte contre les discriminations. Les trois piliers sont complémentaires et apportent une plus-value indéniable à la collaboration. Le Centre recommande de continuer à investir à long terme dans ce partenariat afin de renforcer la plus-value structurelle et durable de l'accord de coopération existant. Il convient de donner la priorité à et d'investir dans l'implémentation transversale de la thématique de la diversité au sein de la police et toutes ses articulations, conformément à l'accord de gouvernement (p. 136 : «Le gouvernement veillera à promouvoir la diversité dans les services de police.»). Le Rapport annuel 2014 de la Convention entre la Police et le Centre (en annexe) a été présenté lors du groupe de pilotage du 28.05.2015. En p. 21 de ce rapport, le Centre explique plusieurs défis structurels liés au partenariat avec la Police. 4. CONNAISSANCE DES AMÉNAGEMENTS RAISONNABLES AU SEIN DES SERVICES DE POLICE 4.1. Contact avec le citoyen Le refus d'aménagements raisonnables en faveur d une personne handicapée est considéré par la loi comme une discrimination. Le Centre reçoit de nombreux signalements de refus d'aménagements raisonnables dans différents domaines et notamment à propos du fonctionnement des services de police. Un exemple d'aménagement raisonnable à cet égard peut être l'assistance d'un interprète en langue des signes lors d'une audition par la police. Ou encore la demande formulée par une personne en fauteuil roulant d'envoyer un agent à son domicile parce que le commissariat est inaccessible. Lorsqu'ils dispensent des formations aux agents de police, les collaborateurs du Centre remarquent régulièrement que les participants connaissent mal le concept d'aménagement raisonnable. Le Centre a déjà reçu des signalements de personnes handicapées suite à une intervention indélicate ou inapproprié de la police, et ce pour plusieurs raisons : les agents ne remarquent pas toujours le handicap de la personne (il est parfois invisible) ou ne connaissent pas les comportements liés à certains handicaps spécifiques. Enfin, les capacités des personnes handicapées ne sont pas toujours appréciées à leur juste valeur. Nous connaissons ainsi le cas d'un citoyen dont le témoignage n'a pas été pris en compte parce qu'il était aveugle. Enfin, il serait bon d'adapter certains règlements de police : pourquoi les places de parking réservées aux riverains ne pourraient-elles pas être également mises à disposition des personnes qui possèdent carte de stationnement pour personnes handicapées? 5

4.2. Collaborateurs au sein de la police La possibilité de recruter ou de maintenir en fonction des agents de police en situation de handicap, éventuellement dans le cadre d'un plan de diversité, doit également être prise en considération. Les aménagements raisonnables sur le lieu de travail et pour d'autres conditions de travail requièrent la formation et/ou l'accompagnement nécessaire des agents responsables. 5. PROFILAGE ETHNIQUE Les citoyens, les professionnels et la société sont de plus en plus souvent confrontés au phénomène de profilage ethnique, qui consiste à tenter de combattre la criminalité en classifiant les personnes sur base de leur apparence et donc essentiellement sur base de leur prétendue race, ethnicité, religion ou origine nationale. Par exemple lors d'une fouille, d'arrestations, etc. Tant le Comité de l'onu pour l'élimination de la discrimination raciale (CERD) que la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) du Conseil de l'europe soulignent que le profilage ethnique viole l'interdiction internationale de discrimination 1. De même, l'agence des droits fondamentaux de l'union européenne (FRA), la Commission des droits de l'homme des Nations Unies et la Cour européenne des droits de l'homme se sont déjà prononcées sur son caractère discriminatoire 2. Nos lois nationales comportent certes déjà des articles qui interdisent la discrimination par le personnel public et stipulent que la police doit toujours avoir une raison valable ou légitime de procéder au contrôle de citoyens. Selon le Centre, il convient de mettre l'accent sur l'étude du concept de profilage ethnique, en collaboration avec la police. Il y a également lieu de travailler à une meilleure compréhension de ce phénomène le mécanisme, les écueils, le cadre légal et son effet néfaste sur le dialogue avec le citoyen. Le CPS, le service Diversité de la Police et le Centre se sont mis d'accord pour consacrer une journée d'étude à ce thème le 21.05.2015. Le Centre apprécie que le ministre de l'intérieur ait souligné l'importance de cette thématique dans son discours de clôture. Le Centre compte également contacter la Police fédérale afin d'obtenir davantage d'informations sur l'usage du terme «tzigane» comme appellation dans la Banque de données nationale générale (BNG). Le Centre tente, avec la police, de parvenir à une solution 1 UN Anti-Discrimination Committee, General Recommendation No. 31: Administration of the Criminal Justice System, 20; European Commission against Racism and Intolerance, General Policy Recommendation No. 11 on Combating Racism and Racial Discrimination in Policing, 2007; Open Society Justice Initiative & European Network against Racism, ENAR Fact Sheet Profilage ethnique, 2009, 5. 2 European Union Agency for Fundamental Rights, Pour des pratiques de police plus efficaces. Guide pour comprendre et prévenir le profilage ethnique discriminatoire, 2010, 20; Rosalind Williams vs. Espagne, jugement de la Cour constitutionnelle d'espagne, N 13/2001, 29 janvier 2001; Timishev vs. Russie, Cour européenne des droits de l'homme, jugement du 13 décembre 2005. 6

constructive et signale que les appellations de ce type, qui utilisent des termes péjoratifs, sont assimilables à du profilage ethnique. 6. RÉACTIVATION DE LA CELLULE DE VEILLE ANTISÉMITISME Suite à la recrudescence des incidents antisémites, le gouvernement fédéral avait décidé de créer, en 2004, une cellule de veille chargée de la lutte contre l'antisémitisme. Cette cellule, dont le Centre assurait le secrétariat, a été présidée en alternance par les ministres de l'intérieur et de la Justice. Des représentants des cabinets de la Justice, de l'intérieur et de l'égalité des chances, d'associations de la communauté juive et des parquets y ont pris part, de même que des agents de police. La cellule est actuellement inactive. Des représentants de la communauté juive ont récemment rencontré des ministres fédéraux. Reste à savoir si le gouvernement fédéral voudra réactiver une concertation permanente et structurée, comme la cellule de veille à l'époque. 7. SIGNES CONVICTIONNELS SUR LES PHOTOS D'IDENTITÉ S'appuyant sur sa pratique des dossiers, le Centre interfédéral pour l'égalité des chances constate que des problèmes surviennent régulièrement au niveau des administrations locales au sujet de la connaissance, l'interprétation et l'application des instructions générales relatives aux cartes d'identité électroniques, en particulier de ce qui est mentionné au point 5.6.3 de ces dernières en matière de photos avec couvre-chef : «( ) Si des raisons médicales ou religieuses justifiées l'imposent, une photographie avec voile peut être admise pour autant que les éléments essentiels du visage soient apparents, comme précisé à l'alinéa précédent. ( )» Il s'agit en général de situations dans lesquelles le citoyen est invité à fournir une attestation d'ordre médical ou religieux, comme un certificat délivré par le responsable de telle ou telle communauté religieuse (par ex. imam). Les avis du SPF Intérieur à ce sujet ne sont pas suffisamment connus des communes. (À savoir que la commune ne peut en aucun cas exiger la production d'une telle attestation et qu'il est également exclu que l'administration mène elle-même l'enquête sur la conviction religieuse d'un citoyen ou sur son appartenance à un mouvement confessionnel, de quelque nature qu'il soit.) Le Centre continue donc de constater que les instructions et directives pratiques en la matière offrent des garanties insuffisantes en termes d'égalité de droits, de sécurité juridique et de bonne gouvernance. Le Centre estime qu'un employé communal n'a pas à juger si un couvre-chef est inspiré ou non par une religion et n'a donc pas non plus à exiger une justification de nature religieuse : la possibilité de juger de la légitimité de convictions religieuses et des façons d'exprimer ces 7

convictions est en effet incompatible avec l'obligation de neutralité et d'impartialité de l'état. Attendu ce qui précède, le Centre estime qu'il est nécessaire de prendre des mesures aux niveaux structurel et politique à l'égard de cette problématique, afin d'assurer une application plus cohérente et plus conforme aux droits (fondamentaux) des instructions destinées aux communes, y compris le traitement des plaintes et contestations relatives aux raisons médicales ou religieuses (voir annexe). 8. INTERDICTION DU PORT DE SYMBOLES RELIGIEUX PAR LES MEMBRES DES BUREAUX DE VOTE Le Centre interfédéral pour l'égalité des chances constate que dans la pratique, les membres des bureaux de vote se voient interdire le port de signes extérieurs de conviction philosophique ou religieuse parce qu'ils remplissent une fonction d'autorité et que ce serait contradictoire avec la neutralité et l'impartialité des services publics. Il s'agit fréquemment de femmes qui portent le voile et qui ne peuvent exercer leur fonction d'assesseur parce que le/la président(e) du bureau de vote ou de comptage concerné exige que l'intéressée ôte son couvre-chef avant de siéger. Or, le Conseil d'état a indiqué, dans un avis du 8 janvier 2013 (DOC 53 0120/002), qu'on ne pouvait interdire de façon générale le port de signes convictionnels aux membres de bureaux de vote ou de comptage, dans la mesure où les présidents et assesseurs, contrairement aux membres du personnel des services publics, sont dans certains cas de simples citoyens occasionnellement appelés à remplir une tâche de service public, en l'occurrence l'organisation des élections, en vertu d'une désignation, et non d'une démarche volontaire, à laquelle ils ne peuvent en principe se soustraire sous peine de s'exposer à des sanctions pénales. Par conséquent, le Centre estime qu'une telle interdiction est contraire à la liberté de religion telle que garantie par l'article 19 de la Constitution, l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Étant donné ce qui précède, le Centre recommande de préciser dans une circulaire que le processus de vote doit toujours se dérouler de façon impartiale, mais que cela ne justifie nullement l'interdiction imposée aux membres des bureaux de vote de porter des signes extérieurs de conviction religieuse ou philosophique. 8

9. ACCESSIBILITÉ AUX PERSONNES HANDICAPÉES ET EXIGENCES DE LA CONVENTION DES NATIONS UNIES EN LA MATIÈRE. 9.1. Accessibilité des bâtiments publics Note de politique générale de la Régie des bâtiments du 13 novembre 2014 3, p. 9 : «Enfin, la Régie des Bâtiments poursuivra le développement d'un ensemble de recommandations à mettre en œuvre pour améliorer l'accessibilité des bâtiments publics sur base de la nouvelle norme ISO en la matière, en concertation avec divers organismes et associations spécialisés.» Depuis de nombreuses années, le Centre reçoit des signalements de personnes en situation de handicap concernant l inaccessibilité de lieux publics où il est pourtant incontournable qu elles puissent se rendre, comme par exemple des palais de justice ou des administrations. Suite à la ratification de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, la Belgique a été évaluée pour la première fois en septembre 2014 par le Comité des droits des personnes handicapées. Suite à cette évaluation, le Comité a émis des observations finales («concluding observations») dans lesquelles il recommande expressément à la Belgique d adopter une stratégie cohérente avec des objectifs chiffrés clairs à courte, moyenne et à longue échéance en matière de mise en accessibilité des bâtiments publics ou ouverts au public. Il demande ainsi que les obstacles à l accès aux objets, installations, biens et services existants destinés ou ouverts au public soient levés progressivement de manière systématique et surtout, sous une supervision constante, pour parvenir à la pleine accessibilité. La Régie des Bâtiments, en tant qu expert immobilier de l'état fédéral, a un rôle important à jouer dans la mise en œuvre des recommandations du Comité ONU. C est pourquoi le Centre a invité par courrier la Régie à adopter un plan d action pour recenser les obstacles à l accessibilité dans les infrastructures dont il a la gestion, à établir un échéancier prévoyant des délais précis et consacrer les ressources humaines et matérielles nécessaires à l élimination de ces obstacles (copie du courrier en annexe). 9.2. Accessibilité du vote et des bureaux de vote Si le Centre constate que certaines avancées ont été réalisées ces dernières années en vue d améliorer l accessibilité du processus électoral, il estime que ces initiatives sont encore trop peu nombreuses pour rendre les élections accessibles à tous. Les sites électoraux présentent souvent des problèmes d accessibilité comme par exemple, l absence ou l insuffisance de stationnements réservés, la présence d escaliers ou de marches, des portes trop étroites, l absence de sièges dans les files d attente, une mauvaise signalétique, l absence d isoloir adapté, etc. Une note de sensibilisation est à l occasion de chaque élection envoyée aux communes en vue de leur rappeler leur obligation de mettre en place 3 http://http://www.lachambre.be/flwb/pdf/54/0588/54k0588004.pdf 9

les moyens nécessaires à une meilleure accessibilité des bureaux de vote. Le Centre recommande toutefois que les prescriptions d accessibilité des bureaux de vote et de dépouillement soient clairement indiquées dans la réglementation électorale. Ces prescriptions doivent être suffisamment détaillées et définir tant les caractéristiques architecturales des bureaux que les aménagements ponctuels à mettre en place pour le jour des élections (ex. : des sièges dans les files d attente, une signalétique adaptée et correctement placée, etc.). Le Centre recommande également aux autorités compétentes de prévoir des mesures encourageant la réalisation de diagnostic d accessibilité de l ensemble des bureaux de vote en vue de programmer à moyen terme leur mise en accessibilité. Le vote sans assistance d un tiers est souvent impossible pour bon nombre de personnes en situation de handicap. La procédure de vote, que le vote soit papier ou électronique, n est pas suffisamment adaptée. Le vote papier est très souvent compliqué pour les personnes malvoyantes en raison du manque de luminosité dans l isoloir et de la petite taille des caractères des bulletins de vote. Pour les personnes aveugles, il est totalement inaccessible car aucune adaptation n est prévue par le législateur. Le vote électronique est, quant à lui, actuellement fort complexe pour les personnes avec une déficience intellectuelle et les personnes ayant un handicap physique (difficulté à manipuler le crayon électronique). Il est également totalement inaccessible aux personnes déficientes visuelles (absence de synthèse vocale, pas de possibilité d agrandissement ). Le Centre encourage les autorités à rechercher des aménagements (notamment technologiques) permettant aux personnes en situation de handicap de voter à bulletin secret. Un nouveau système de vote électronique est actuellement à l étude en Belgique, le Centre recommande de profiter de cette opportunité pour rendre le nouveau système accessible à tous, toutes situations de handicap confondues.. 9.3. Accessibilité des services d'urgence Depuis le 15 février 2015, les personnes sourdes et malentendantes, ainsi que les personnes présentant un trouble de la parole peuvent contacter les services d'urgence par SMS. Ce nouveau système répond ainsi à la demande formulée depuis de longues années par ces personnes. Or, il se trouve que ce système est assez complexe. Le groupe cible doit d'abord s'enregistrer avant de recevoir les numéros joignables par SMS et de pouvoir utiliser le système. Le numéro auquel ces personnes doivent envoyer leur SMS n'est pas le célèbre numéro international 112 mais un numéro moins évident qui, de plus, ne peut pas être communiqué largement. Étant donné que chaque seconde compte en situation d'urgence, le Centre insiste pour que l'on entame au plus vite la phase suivante du projet, qui consiste à rendre les numéros d'urgence traditionnels 112, 100 et 101 accessibles par SMS et que l'on n'utilise plus de numéro inconnu. Le fait que le numéro d'urgence ne soit joignable qu'au moyen d'une carte SIM belge, est également problématique pour les personnes étrangères présentant une déficience auditive ou ayant un trouble de la parole qui seraient confrontées à une situation d'urgence dans 10

notre pays. Ce problème se présente également dans d'autres pays de l'ue et requiert une réponse au niveau européen 4. Parallèlement, le Centre recommande de sensibiliser correctement le personnel des services d'urgence recevant les SMS à la déficience auditive. Les personnes sourdes ne maîtrisent pas toujours parfaitement le français ou le néerlandais écrit et il peut donc être difficile de déchiffrer certains de leurs SMS. Compte tenu de ces différents points d'attention, il nous semble opportun d'évaluer régulièrement ce système, en collaboration avec les associations du groupe cible, afin d'en simplifier et d'en améliorer l'utilisation. 10. CONFÉRENCE INTERMINISTÉRIELLE Une politique qui vise davantage d'égalité des chances et moins de discriminations requiert bien entendu une concertation transversale et interfédérale. Il importe à cet effet de désigner la Conférence interministérielle compétente pour débattre de ces dossiers. La Conférence interministérielle numéro 16, compétente pour l'intégration sociale, la politique des grandes villes et le logement, devrait être la mieux placée pour coordonner la concertation sur la politique d'égalité des chances et la lutte contre les discriminations. Les ministres ou secrétaires d'état de toutes les entités fédérées compétents en matière d'égalité des chances en font partie, à l'exception de la Région de Bruxelles-Capitale (Secrétaire d'état bruxelloise Bianca DEBAETS). Le Centre demande dès lors que le gouvernement fédéral établisse un calendrier de travail au sein des conférences interministérielles pertinentes pour une concertation sur les dossiers interfédéraux importants en matière de politique d'égalité des chances et de lutte contre les discriminations (Plan d'action National contre le Racisme, accessibilité des bâtiments publics, plan d'action contre la violence homophobe, ). Le Centre est bien sûr tout disposé à transmettre sa connaissance des dossiers aux membres des CIM et demande à être systématiquement invité et entendu en tant qu'organe consultatif lorsque ces dossiers viendront sur la table. 4 Fin mai 2015, des parlementaires européens adressaient une lettre à ce sujet à la Commission européenne. Cf. http://www.eena.org/download.asp?item_id=121 : Improvement is needed for Persons with disabilities to access the European emergency number. Indeed, the 112 service provided by SMS doesn t work when roaming. What measures will you take to grant access to 112 to citizens with disabilities everywhere in Europe? 11