Research Insight Révolution du secteur de la microfinance en Afrique orientale. Executive Summery



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Transcription:

Research Insight Révolution du secteur de la microfinance en Afrique orientale Executive Summery Avril 213

Résumé Se rapportant à une étude du marché de la microfinance implanté avec succès au Pérou, le présent document s intéresse aux secteurs financiers de trois pays d Afrique orientale et veut mettre en évidence les tendances actuelles et à long terme. Les secteurs financiers des marchés émergents à travers le monde ont été révolutionnés par des innovations de produits, de services et de canaux de distribution au cours des deux dernières décennies. Aujourd hui, ces progrès sont encore renforcés par un recours accru à la technologie. L Afrique orientale, poussée par la nécessité de dépasser des technologies périmées, est devenue un foyer d innovations dans le domaine des services financiers avec l aide des banques centrales, sensibilisées à la question. Les services bancaires sans agences et l argent mobile permettent une intégration plus rapide des populations rurales dans les systèmes financiers, élargissant le potentiel du marché de la microfinance. Dans de nombreux pays africains, le secteur privé se libère à peine de l inertie provoquée par la dépendance à l égard des donateurs, la tutelle du gouvernement et un certain fatalisme. Des preuves solides viennent étayer la propagation des modèles d affaires, lancés avec succès en Afrique orientale, à travers tout le continent.

De la misère à la prospérité : la croissance sous-estimée du secteur privé Après l indépendance de nombreux pays d Afrique sub-saharienne dans les années 6, 1 les résultats de croissance et de développement ont été désastreux pendant des décennies. Une grande partie de l Afrique a souffert d une croissance par habitant négative. En 199, la probabilité qu une mère africaine typique voie tous ses enfants atteindre l âge de cinq ans ne dépassait pas 3 %. 2 Ce constat affligeant, largement partagé et illustré par la citation ci-dessous, a nourri le stéréotype de la cause perdue de l Afrique. «Il ne fait aucun doute que la lamentable performance économique du continent africain constitue le pire désastre économique du XXe siècle.» Elsa Artadi and Xavier Sala-i-Martin, 23 3 Malgré cette morosité, la réalité sur le terrain a changé de façon assez spectaculaire. L Afrique orientale, par exemple, a connu une baisse de la mortalité infantile plus rapide que partout ailleurs. Dans le cas du Kenya : Le taux de décès postnéonataux, pour 1 naissances vivantes, a diminué de moitié sur une période de cinq ans, passant de 44 à 21, selon les enquêtes démographiques et sanitaires (EDS) réalisés en 23 et en 28/9 ; La mortalité infantile a chuté de 32 %, passant de 77 décès (selon l enquête de 23) à 52 décès pour 1 (selon l enquête 28/9) ; La mortalité des enfants de moins de cinq ans a diminué de 36 %, passant de 115décès (selon l enquête de 23), à 74 décès pour 1 (selon l enquête 28/9). 4 L on observe des améliorations similaires en Ouganda et en Tanzanie (voir figure 1). Une étude de la Banque mondiale, interprétant ces données, a conclu à une amélioration générale des conditions de vie, indépendamment de facteurs ou d interventions spécifiques, mais due à la croissance économique. 5 Figure 1 : variation de la mortalité infantile entre les deux plus récentes enquêtes sanitaires (%) 6 1 2 3 4 5 6 Postnéonatal Mortalité infantile Mortalité avant cinq ans Kenya Ouganda Tanzanie Source : Measure DHS La croissance réelle du PIB en Afrique sub-saharienne, depuis le millénium, était en moyenne de 5,5 %, et l inflation, de 1 %, comparativement à une moyenne de 2,4 % et de 22 %, entre 198 et 2. 7 Il semble prouvé que les conditions de vie ont progressé davantage que ces chiffres de croissance du PIB ne le suggèrent : le nombre de personnes bénéficiant de l électricité a plus que doublé, 8 la part disposant de toilettes à chasse d eau a plus que triplé, et le pourcentage de la population possédant un téléphone est passé de quasiment zéro à 6 %. 9 Bien que cette tendance ne soit pas homogène sur l ensemble du continent, tout porte à croire que le développement du secteur privé ait été le moteur de cette prospérité, particulièrement en Afrique orientale. Ce développement contredit l idée selon laquelle le secteur privé ne peut pas prospérer dans des conditions difficiles, telles que celles qui prédominent en Afrique orientale, un point de vue négligeant les progrès réalisés au fil du temps grâce aux réformes. Bien évidemment, l environnement des affaires en Afrique orientale demeure difficile, mais il n est pas pire que celui de nombreux pays émergents plus traditionnels. Le projet Doing Busines 213 de la Banque mondiale classe le Kenya, l Ouganda et la Tanzanie aux 121 e, 12 e et 134e rang sur 185 pays, au même niveau que d autres marchés émergents tels que le Brésil (13 e rang) et l Inde (132 e rang). De même, l Indice de perception de la corruption 212 de Transparency International classe le Kenya 1 La Tanzanie est devenue indépendante en 1961, l Ouganda en 1962, et le Kenya en 1963. 2 William Easterly et Ross Levine : Africa s Growth Tragedy: Policies and Ethnic Divisions, Quarterly Journal of Economics, Vol. 112, Issue 4, (1997). 3 Elsa V. Artadi et Xavier Sala-i-Martin : The Economic Tragedy of the XXth Century: Growth in Africa. NBER Working Paper 9865 (23). 4 Source : Kenya National Bureau of Statistics and ICF Macro : Kenya Demographic and Health Survey 28-9, (21). 5 Gabriel Demombynes et Sofia Karina Trommlerová : What Has Driven the Decline of Infant Mortality in Kenya? World Bank Policy Research Working Paper 657 (212). 6 Le taux de mortalité postnéonatal indique la différence entre les taux de mortalités infantiles et néonatales. La mortalité infantile indique le nombre d enfants morts avant leur premier anniversaire pour 1, alors que la mortalité avant cinq ans se réfère aux décès survenant avant le cinquième anniversaire pour 1. EDS utilisées : 23 et 28/9 pour le Kenya, 26 et 211 pour l Ouganda et 24/5 et 21 pour la Tanzanie. 7 Base de données des perspectives de l économie mondiale du FMI (octobre 212). Le contraste est encore plus marqué en ce qui concerne la croissance réelle du PIB par habitant en PPA, s élevant en moyenne à 5 % depuis le millénium, comparativement à 2 % entre 198 et 2. 8 Au Kenya, 23 % des ménages ont l électricité selon la dernière enquête, contre 16 %, cinq ans auparavant. En Ouganda et en Tanzanie, un peu moins de 15 % des ménages ont l électricité, au dernier décompte. Source : Measure DHS. 9 Kenneth Harttgen, Stephan Klasen, Sebastian Vollmer : An African Growth Miracle? Or: What do Asset Indices Tell Us about Trends in Economic Performance? Courant Research Centre (212). responsability Research Insight 3

au 139 e rang, l Ouganda au 13 e rang et la Tanzanie, au 12 e rang, alors que la Russie occupe le 133 e rang et le Mexique, le 15 e rang. Malgré les défis constants, l entreprise privée a joué un rôle déterminant dans l histoire de la région. Ouverture économique en Afrique orientale Le Kenya (population : 43 millions) a traditionnellement été la première économie de la région. Le pays était un fief de la Compagnie impériale britannique d Afrique orientale, qui avait investi dans les infrastructures et encourageait le commerce, soutenue par une importante population étrangère, principalement européenne et indienne. 1 Après l indépendance de 1963, le gouvernement a cherché à favoriser une expansion économique rapide. Mais les solides résultats des débuts se sont rapidement taris, le secteur privé étant paralysé par les habituelles mauvaises affectations des ressources et par les excès administratifs d un développement dirigé par l Etat. De profondes réformes ont été adoptées après la démission de président Arap Moi en 22. Après plusieurs revers, notamment les violences postélectorales de 28, le président Kibaki a lancé l ambitieux programme de réforme «Kenya Vision 23». Uhuru Kenyatta a été élu président suite aux élections présidentielles pacifiques de 213, dont le taux de participation a été très élevé. L Ouganda (population : 36 millions), un pays en ruine après la chute de la dictature d Idi Amin en 1986, a adopté des réformes avec bien plus d énergie que ses voisins. En conséquence, l Ouganda, pourtant enclavé, a presque réussi à combler son retard par rapport à ses voisins au cours des deux décennies suivantes. Aujourd hui, en prévision d un boom pétrolier, l Ouganda peut se permettre une forte progression des dépenses d infrastructure liées au secteur de l énergie, avec la construction d une raffinerie de pétrole, d un réseau de distribution pétrolière et des projets d énergie hydroélectrique de grande envergure. De tels plans ne manqueront pas d attirer les investisseurs étrangers, malgré l historique de performance contrasté de l Ouganda quant aux relations entretenues avec les investisseurs. Les critiques font valoir que le président Museveni met son héritage en danger, en restant au pouvoir au-delà du terme de son mandat. 11 La Tanzanie (population : 48 millions) a formellement adopté un programme de reprise économique, suite au départ du Figure 2 : produit intérieur brut sur la base de la parité de pouvoir d achat, et prévision (milliards d USD PPA) 12 1 président fondateur Nyerere, et à une performance désastreuse entre 197 et 1985. Le pays s est lentement ouvert à l entreprise privée, en se libérant avec constance de son héritage paternaliste et socialiste. Depuis 1996, la Tanzanie a intensifié ses réformes structurelles, introduit des politiques fiscales et monétaires solides afin de contrôler l inflation et a commencé à attirer les investissements étrangers pour mettre à niveau ses ports en vue de l exploitation commerciale de ses réserves larges de gaz offshore. La Chine, principale alliée de la Tanzanie dans les années 196 et 7, a fortement renforcé sa présence. Les récentes réformes et investissements ont permis à la Tanzanie de rattraper ses voisins, un processus qui devrait se prolonger, selon le Fonds monétaire international (FMI) (voir figure 2). Relevons, cependant, que la croissance de la Tanzanie a été inégalement répartie, et s est concentrée sur le secteur des matières premières. 8 6 4 2 198 1982 1984 1986 1988 199 1992 1994 1996 Kenya Tanzanie Ouganda 1998 2 22 24 26 28 21 212 214 Source : Base de données des perspectives de l économie mondiale du FMI (octobre212) The role of the financial sector Les secteurs financiers sont essentiels. Un siècle d abondante littérature, débutant avec Joseph Schumpeter, identifie la finance comme un secteur important du développement économique. 12 Les institutions financières offrent des services financiers vitaux aux entreprises et aux ménages. Elles évaluent, trient et allouent le capital, en surveillent l utilisation, et facilitent les transactions et la gestion des risques. L efficacité de leurs services permet au capital de circuler vers les entreprises 216 1 Les Asiatiques vivant au Kenya avaient été dépouillés de la plupart de leurs droits économiques et politiques après l indépendance, beaucoup avaient émigré au Royaume-Uni. Les Asiatiques d Ouganda ont été violemment expulsés par Idi Amin en 1972. 11 Arrivé à la tête du pays en 1986, Museveni s est maintenu au pouvoir pendant 27 ans. Durant cette période, le Kenya et la Tanzanie ont connu deux changements de dirigeants. 12 Robert King et Ross Levine : Finance and Growth: Schumpeter Might Be Right, The Quarterly Journal of Economics 18 (3) : 717-737, (1993). responsability Research Insight 4

les plus prometteuses, promouvant et soutenant la croissance économique. Les micro-entrepreneurs, incapables de présenter les collatéraux exigés par les banques, sont généralement privés de financement. C est regrettable, sachant que les micro-entrepreneurs au bénéfice d un crédit obtiennent généralement un rendement sur investissement de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de pour cent. L absence d un secteur financier adéquat limite sévèrement la capacité des petites entreprises à se développer, et celle des ménages à épargner, à gérer les risques, à niveler et à diversifier leurs revenus et leur consommation. Le Kenya, par exemple, compte 2 millions de personnes vivant de 1,25 USD à 5, USD PPA par jour (voir figure 3). L enquête nationale 29 de FinAccess a constaté qu un Kényan sur trois est exclu du système financier, que 27 % ont uniquement accès aux services financiers informels et que seuls les 4 % restants ont accès aux prestataires officiels tels que les banques, les IMF et les coopératives d épargne et de crédit (COOPEC). Dans la province du nord-est du Kenya, l exclusion totale s élevait à 76 %, alors que 12 % étaient servis uniquement par des prestataires informels. 13 Des chiffres quelque peu moins fiables montrent des niveaux d accès aux services similaires en Ouganda, et plus faibles en Tanzanie. Un grand nombre de personnes au pouvoir d achat modeste ont donc un accès réduit aux services financiers. Figure 3 : couches à faible revenu au Kenya (millions de personnes) Source : The World Bank PovcalNet 7,4 <1.25 USD par jour 6,5 1.25 2 USD par jour 3,5 2 2.5 USD par jour 7,3 2.5 4 USD par jour 3,1 4 5 USD par jour 15,8 >5 USD par jour Secteur de la microfinance : du concept à l industrie Le secteur de la microfinance, aujourd hui bien établi et toujours plus intégré, a été une innovation révolutionnaire à son époque. Avant l ascension de la microfinance, les individus, non admissibles comme clients bancaires, étaient exclus des services financiers. L exclusion implique la nécessité, pour les gens, de conserver et de transférer leurs valeurs sous forme d actifs physiques tels que liquidités, bijoux ou bétail. Sans accès à l emprunt, tout investissement est impossible. Les ménages ruraux peuvent, par exemple, être dans l incapacité d acheter des engrais, si leur épargne a été détruite ou liquidée pour traiter un membre de la famille malade. L absence d accès aux services financiers se traduit souvent par de rudes épreuves et de la misère. Le secteur de la microfinance a vu le jour avec l idée de tenir compte des besoins des ménages à faible revenu, via des techniques de crédit adaptées. Les banques traditionnelles exigent des renseignements «solides», tels que des états financiers vérifiés, des évaluations d actif, des attestations de recettes fiscales ou des plans d investissement, et insistent sur la présence de garanties tangibles pour les prêts. En revanche, un agent de crédit spécialisé en microfinance analyse les flux de trésorerie générés par les activités micro-entrepreneuriales (souvent nombreuses) du ménage. La clé du succès réside dans des contacts étroits et fréquents entre le prêteur et l emprunteur. De plus, ces agents de crédit analysent la globalité de l environnement social et économique dans lequel évoluent les micro-entrepreneurs. Dans le monde, une industrie de plusieurs milliers d IMF, desservant plus de 1 millions de clients et attirant des milliards en investissements, a été bâtie sur cette idée. 14 Dopée par la demande des consommateurs finaux dans différentes zones géographiques et contextes socio-économiques, une grande variété de modèles d affaires s est développée. Au fil du temps, une forte tendance des IMF à se développer en institutions financières réglementées, à solliciter des licences de dépôt auprès de leur banque centrale ou de leur instance de contrôle et même à acquérir des licences bancaires, s est dessinée. Le Pérou, la Bolivie et le Cambodge sont des exemples classiques de marchés de la microfinance avancés. Secteur de la microfinance en Afrique orientale : aperçu L Afrique orientale est devenue un foyer d innovations dans le secteur des services financiers. Le Kenya est rapidement en train de rattraper l Afrique du Sud comme pays offrant la plus large palette de services financiers du continent. Par ailleurs, les modèles d affaires de leaders tels qu Equity Bank et M-PESA ont été étudiés dans le monde entier. En Afrique sub-saharienne, le secteur financier kényan est vaste et bien développé. Il est environ deux fois aussi large 14 FSD Kenya, Banque centrale du Kenya : FinAccess National Survey 29. Le secteur informel comprend des AREC (associations rotatives d épargne et de crédit, également connues sous le nom de tontines), des ACEC (associations cumulatives d épargne et de crédit)et des services proposés par des prêteurs informels ne s apparentant pas à un cercle familial ou à un réseau d amis, alors que les personnes exclues du système financier peuvent uniquement compter sur leur famille ou leur cercle d amis pour répondre à leurs besoin financiers. 14 Le MIX, un service d information de la microfinance, a répertorié 135 IMF desservant 94 millions clients en 211. Seule une minorité d IMF font un rapport au MIX. responsability Research Insight 5

que celui de la Tanzanie et de l Ouganda (voir figures 4 et 5), mais ces trois pays ont un énorme potentiel de croissance comparativement aux secteurs financiers des marchés développés. Le Kenya compte 43 banques commerciales et possède le secteur de la microfinance le mieux développé d Afrique sub-saharienne. Environ trois quarts du secteur de la microfinance d Afrique orientale sont kényans. 15 Le Kenya abrite aussi l Equity Bank, une ancienne société de prêt immobilier au bord de la faillite en 1993, aujourd hui l une des banques de détail les plus admirées au monde. Citons aussi le remarquable Kenya Women Finance Trust (KWFT), la plus grande institution africaine desservant uniquement des femmes, comptant 25 emprunteurs actifs et après avoir obtenu une licence de dépôts un nombre d épargnants en rapide hausse. Les prêts moyens du KWFT, de 6 USD, ne s élèvent qu à un tiers de ceux accordés par l Equity Bank. Comme pour l Equity Bank, trois quarts des prêts du KWFT vont à des emprunteurs en dehors des grandes villes. Figure 4 : volume relatif des dépôts, des crédits et de l efficacité (%) 2 18 16 14 12 1 8 6 4 2 Kenya Tanzanie Ouganda Suisse Actifs des banques de dépôt rapportés au PIB Crédits privés bancaires rapportés au PIB Ecart entre prêts et dépôts (axe de droite) Source : The World Bank Global Financial Development Database L Ouganda compte 24 banques commerciales dont deux Centenary Bank et Equity Bank Uganda mettent l accent sur la microfinance. Le pays compte aussi cinq IMF offrant des services de dépôt, 16 et quelques IMF plus petites. Parmi les institutions financières plus grandes, seules les deux banques citées et les IMF offrant des services de dépôt ne sont pas majoritairement rassemblées à Kampala. 17 Le secteur de la 14 12 1 8 6 4 2 microfinance est réglementé par la Banque centrale d Ouganda. La présentation de rapports positifs et négatifs au bureau de crédit est obligatoire pour toutes les grandes IMF. Des données biométriques servent à l identification des clients, l Ouganda n ayant pas de système national de carte d identité. Figure 5 : volume relatif des marchés de capitaux propres et étrangers 25 225 2 175 15 125 1 75 5 25 Kenya Tanzanie Ouganda Suisse Engagements liquides en 2 millions d USD Capitalisation boursière par rapport au PIB (%) Nombre de sociétés cotées par 1 personnes (right axis) Source : The World Bank Global Financial Development Database La Tanzanie compte 5 banques commerciales, mais moins d une douzaine de grandes IMF. Malheureusement, ce nombre important de banques commerciales ne reflète pas un niveau élevé d inclusion financière. La plupart des banques ont une approche focalisée sur les activités commerciales liées au gouvernement et/ou aux matières premières, et ne servent pas un nombre important de ménages ou d entreprises. Bien que les IMF mettent l accent sur ce dernier secteur, ils n atteignent qu un nombre assez faible d emprunteurs actifs (3 ) et d épargnants (39 ). Basée à Arusha, Pride est l IMF principale, forte de 1 emprunteurs actifs. Alors que les IMF comblent lentement les immenses lacunes en matière d inclusion financière, les nouveaux entrants sur le marché, tels qu AccessBank, Advans, et Equity Bank, apportent une nouvelle dynamique. Les vastes régions rurales peu exploitées de Tanzanie ne seront desservies qu au prix d efforts plus soutenus pour se hausser au niveau du Kenya. Le secteur bancaire commercial surdimensionné devrait être consolidé, et la Banque centrale mieux soutenir l octroi de licences de dépôt aux IMF pour progresser efficacement dans cette voie..35.3.25.2.15.1.5 15 Aussi bien par rapport au nombre d IMF rendant des comptes à MIX, qu en termes de volume de portefeuille de prêts brut. 16 Il s agit d Opportunity Uganda, FINCA Uganda, Pride Uganda, Uganda Finance Trust, et UGAFODE. 17 Les seules institutions dont moins d un tiers des succursales sont localisées dans la capitale Kampala. Source : Banque centrale d Ouganda. responsability Research Insight 6

Le développement institutionnel est important Les banques et les IMF ne sont pas les seuls prestataires de services financiers. Même dans un pays relativement progressif comme le Kenya, les banques, y compris la Postbank, soumise à une réglementation séparée, ne desservent qu un quart de la population adulte. Hormis les IMF précédemment citées, les prestataires semi-formels tels que les coopératives d épargne et de crédit (COOPEC), les prestataires informels tels que les associations d épargne et de crédit (AREC et ASCA), les prêteurs non licenciés ainsi que la famille et le cercle d amis jouent en rôle important, surtout en région rurale. Toutefois, la finance informelle relève souvent d un «financement de subsistance», ne permettant ni réelle croissance ni innovation. Conséquence directe d une réglementation insuffisante ou inexistante, le potentiel de développement des prestataires informels est limité. 18 Par ailleurs, la qualité du service peut varier considérablement ; de plus, les prestataires informels sont souvent soupçonnés d être plus exposés à la fraude et au surendettement. La microfinance, dans sa fonction de développeur, poursuit un objectif de consolidation du secteur financier, constitué d une multitude de prestataires formels en concurrence pour servir des clients issus de toutes les franges de la société. Les IMF sont le moteur de l évolution vers l inclusion financière ; elles combinent la volonté des coopératives de crédit de servir les ménages défavorisés avec les capacités professionnelles des banques commerciales. L Afrique orientale est l une des régions du monde où les IMF ont démontré leur capacité à gérer des dépôts et à se muer en véritables prestataires de services financiers. Au Kenya, la transformation réussie de huit IMF centrées sur le crédit en IMF avec licence de dépôt lance un signal fort au secteur. 19 Cette nouvelle catégorie réglementaire, supervisée par la Banque centrale du Kenya, bénéficie de conditions séparées au niveau de la licence, de la transparence, de la protection des dépôts, des mécanismes de dissolution, de la gouvernance d entreprise et des standards de comptabilité. La Banque centrale traite actuellement neuf demandes supplémentaires. Les banques centrales d Ouganda et de Tanzanie proposent également des licences de dépôt aux IMF, mais elles n en ont accordé que quatre, respectivement deux jusqu à ce jour. Les IMF décrivent le processus d octroi comme un véritable défi notamment pour ce qui est des exigences de provisionnement et de capital, mais aussi des conditions préalables à la structure de l actionnariat. Eviter les files d attente grâce aux services bancaires sans agence Le Kenya est à l avant-garde des services bancaires sans agence. Les services bancaires sans agence permettent de fournir des services financiers hors des succursales traditionnelles des banques, en recourant à des agents bancaires et aux technologies de l information et de la communication. Les agents bancaires sont des points de vente sous contrat avec une institution financière. Il s agit d un commerçant contracté, formé pour effecteur des transactions sur un terminal. Les clients peuvent déposer, retirer et transférer des fonds, payer leurs factures, consulter le solde de leur compte ou recevoir des transferts de fonds du gouvernement, des membres de leur famille ou de leurs employeurs. Les régulateurs décident quelles institutions sont autorisées à offrir des prestations par l intermédiaire d agents, quels types de services peuvent être proposés et comment des opérations telles que le transport de liquidités, l identification des clients et leur protection doivent se dérouler. Les agents bancaires permettent aux clients d éviter des voyages longs et coûteux vers des filiales bancaires traditionnelles. Les clients peuvent effectuer des transactions de base dans leur environnement habituel, en toute confiance, tout en bénéficiant d heures d ouverture plus longues, de déplacements brefs et de files d attente réduites. Les points de vente attirent de nouveaux clients, augmentent le volume de passage et touchent des commissions. Les IMF peuvent fortement augmenter leur base de clients, pour une fraction des coûts (souvent fixes). Les coûts par transaction dans un point de vente (PDV) faisant office d agent s élèvent à environ un tiers de ceux dans une filiale traditionnelle. La disparité est plus grande si la filiale bancaire est sous-utilisée et si les coûts fixes sont ventilés entre un petit nombre de transactions. Les agents, quant à eux, sont uniquement payés à la transaction effectuée. Des coûts de transaction moins élevés et un modèle de revenu reposant sur les transactions effectuées font des agents bancaires le modèle d affaires idéal pour servir les clients de la microfinance, dont le solde est faible et qui opèrent un nombre de transactions élevé. 2 Lancé au Brésil, le système des agents bancaires s est avéré très profitable sur différents marchés importants de la microfinance. Des preuves solides étayent le rôle des agents bancaires dans la desserte des zones rurales par les IMF. Le Kenya a adopté les agents bancaires en 21, et, fin 212, 14 2 agents bancaires actifs avaient effectué 25 millions de transactions d une valeur de 18 Au Kenya, les COOPEC sont supervisées par l autorité régulatrice Sacco Societies (SASRA) qui dépend du ministère pour la coopération, le développement et le marketing. Actuellement, on compte 123 COOPEC avec licence de dépôt. Source : SASRA. 19 Les huit IMF ayant obtenu des licences de dépôt sont KWFT et Faulu, disposant d un réseau national, et Rafiki, Remu, SMEP, UWEZO, Century, et Sumac, des institutions plus petites. 2 Source : Bill and Melinda Gates Foundation. responsability Research Insight 7

1,65 milliard d USD. 21 Lorsque l Ouganda a introduit les agents bancaires en 211, l Equity Bank Uganda et KCB Uganda ont mis en place des réseaux. La Tanzanie a voté une loi similaire en 213, et la Postal Bank est le premier prestataire à mettre sur pied un réseau d agences. Parmi les obstacles majeurs, citons un approvisionnement en électricité peu fiable, une infrastructure informatique médiocre et un système national de carte d identité inexistant. «Au Kenya, nous avons les plates-formes, la technologie et la tournure d esprit favorables à une progression très rapide de l inclusion financière.» David Ferrand, FSD Kenya All money is mobile Les agents bancaires présentent une étape essentielle pour le secteur de la microfinance. Dans le monde, seuls un nombre limité de régulateurs nationaux ont mis ce système en œuvre, malgré les preuves manifestes de succès quand l expérience a été tentée. Adeptes précoces, les régulateurs d Afrique orientale ont poursuivi plus avant la logique des services bancaires sans agence, en proposant un large éventail de services via téléphone mobile. Alors que le système des agents bancaires a besoin d un terminal opéré par un intermédiaire, l argent mobile permet la mise à disposition directe de services grâce à la technologie, généralement le téléphone mobile du client. Dans le monde, 1,7 milliard de personnes n ont pas de comptes bancaires, mais possèdent un téléphone portable. 22 La logique sous-tendant le recours aux téléphones mobiles est simple, comme le montre le cas du Kenya : 23 Le Kenya compte plus de 3 millions d abonnements de téléphone mobile. 93 % des adultes kényans utilisent des téléphones mobiles. Les prix de communication sont parmi les plus bas du monde. Le taux des souscriptions aux téléphones portables, par rapport aux téléphones fixes, est de 12 pour 1 au Kenya, alors qu il est de 2 pour 1 ou de 3 pour 1 dans la plupart des marchés développés. 24 Les différences entre femmes et hommes, entre villes et campagne, sont globalement négligeables dans le domaine de l accès à la téléphonie mobile. Les femmes et les résidents des régions rurales sont toutefois légèrement moins susceptibles de posséder leur propre téléphone, ils doivent donc l emprunter à quelqu un. Le recours à l argent mobile est devenu omniprésent : 73 % des adultes kényans se servent d argent mobile, et 23 % y recourent au moins une fois par jour. M-PESA, le service d argent mobile le plus utilisé au monde, a été lancé en 27 par l opérateur de télécommunication kényan Safaricom. M-PESA est un système de transfert d argent qui permet de changer de l argent liquide en monnaie M-PESA, transférée directement à d autres utilisateurs M-PESA qui la changent à nouveau en argent liquide. M-PESA compte plus de 1 millions de clients. Pour les rentrées et les sorties de cash, le système dispose de 5 agents sous contrat, à comparer avec les quelque 5 agences bancaires, 5 succursales de Postbank et 5 guichets automatiques de banque au Kenya. Ces chiffres expliquent les remous causés par l arrivée du système M-PESA. Cependant, afin de mieux situer M-PESA dans le paysage plus large des services financiers, il faut regarder au-delà de ces chiffres. M-PESA est principalement utilisé pour transférer de l argent au domicile. Cette machinerie de transaction se caractérise par sa vitesse, sa sécurité, sa fiabilité et sa taille. On affirme que le système traite plus de transactions au Kenya que Western Union en traite à l échelle mondiale. M-PESA a considérablement empiété sur les marchés des prestataires de transfert de fonds traditionnels comme Western Union et MoneyGram. 25 M-PESA sert aussi de lieu sûr où stocker des fonds, à l abri du vol et hors d atteinte des membres de la famille. En 21, Safaricom s est allié à Equity Bank pour lancer un produit intégré d épargne et de crédit, mais ce projet a échoué suite à des désaccords sur le partage des recettes. En 212, Airtel, un opérateur de télécommunications, a uni ses forces avec l IMF Faulu pour proposer des microcrédits, tandis que Safaricom lançait une coentreprise avec CBA, un groupe bancaire d Afrique orientale, pour offrir un instrument de prêt à court terme. 21 Source : Banque centrale du Kenya. 22 Estimation du CGAP et du GSM, dans Mark Pickens : Window on the Unbanked : Populations non bancarisées et argent mobile aux Philippines, CGAP Brief (29). 23 Gabriel Demombynes et Aaron Thegeya : Kenya s Mobile Revolution and the Promise of Mobile Savings, World Bank Policy Research Working Paper 5988 (212). Données fournies par FSD Kenya (21) et ITU. 24 Le Kenya compte 3 millions de téléphones mobiles et 25 abonnements de téléphonie fixe. Le taux respectif est de 12 pour 1 en Tanzanie (24 millions de souscriptions au portable) et de 39 pour 1 en Ouganda (13 millions de souscriptions au portable). Source : ITU (213), Communications Commission of Kenya, Quarterly Sector Statistics Report (213). 25 Isaac Mbiti et David N. Weil : Mobile Banking: The Impact of M-Pesa in Kenya, NBER Working Paper No. 17129 (211). responsability Research Insight 8

L argent mobile prend aussi son essor en Ouganda et en Tanzanie, mais plus lentement. Même dans ces pays, les transactions mobiles sont déjà plus fréquentes que le recours aux cartes de crédit ou de débit (voir figure 6). Comme la proportion de ménages sans accès aux services bancaires est plus importante qu au Kenya et que les infrastructures matérielles sont moins bonnes, le potentiel relatif du système est encore plus important. Dans les secteurs ruraux des deux pays, seule 1 % de la population ont accès aux services financiers, mais on estime qu environ deux tiers des ménages ont accès à un téléphone mobile. Cependant, la couverture par réseau mobile est toujours un problème, en particulier dans les vastes régions rurales de Tanzanie, et les agents bancaires sont moins implantés qu au Kenya. Figure 6 : prévalence des comptes et des dispositifs de paiement chez les adultes (% pers. 15 ans) 1 9 8 7 6 5 4 3 2 1 Kenya Tanzanie Ouganda Pays à hauts revenus Compte auprès d une institution financière formelle Carte de débit Carte de crédit Téléphone mobile utilisé pour recevoir de l argent Source : The World Bank Global Financial Inclusion Database Dans toute l Afrique orientale, le secteur financier, et tout particulièrement ses clients à faible revenu, a fortement bénéficié des nouvelles technologies de télécommunication. Pourtant, les services actuels marquent le début plutôt que la fin de l aventure. M-PESA a réussi un incroyable lancement, mais le système fonctionne en circuit fermé et il repose largement sur la part qu il détient sur le marché des télécommunications (environ 8 %) 26, qui lui a permis de déployer son vaste réseau d agents. Une hausse des frais, début 213, a soulevé la question de la concurrence. La Banque centrale du Kenya a autorisé M-PESA, dont la société mère est partiellement détenue par le gouvernement, à bénéficier pendant trois ans du statut de société non réglementée. M-PESA s avérait donc la solution idéale pour les vigoureux flux de transferts domestiques qui manquent à d autres pays. 27 Pour résumer, M-PESA n est pas une solution miracle pouvant être reproduite ou adaptée facilement à d autres pays. En tant que système de transactions, il ne remplace pas la variété et l envergure des services offerts par une institution financière. Toutefois, le système a certainement poussé les prestataires de financement existants à embrasser la technologie mobile au service de leurs clients. En effet, la plupart des IMF d Afrique orientale ont adopté l argent mobile. Bien que M-PESA, le canal de distribution omniprésent auquel se brancher, serve souvent de base, l objectif stratégique consiste à fournir des services de meilleure qualité, reposant sur des technologies de plus en plus interopérables, et adaptées à des segments de clientèle clairement identifiés. Les banques et les IMF utilisent donc la rapidité et l efficacité de la technologie de télécommunication pour tirer profit de leurs connaissances centrées autour du service des micro-entrepreneurs, des petites et moyennes entreprises et des ménages à faible revenu. Il est probable que, d ici quelques années, l argent mobile devienne un outil standard des opérations bancaires, comme l e-banking l est aujourd hui chez nous. D ici là, cependant, cette innovation aura rendu autonomes des millions de personnes, en leur ouvrant l accès à des services essentiels. 26 Communications Commission of Kenya, Quarterly Sector Statistics Report (213). 27 L Ouganda a des flux de transferts domestiques bien plus faibles, alors que ceux des pays latino-américains et asiatiques sont, pour l essentiel, internationaux. responsability Research Insight 9

Conclusions Les progrès rapides du développement du secteur financier en Afrique orientale témoignent du rôle essentiel du secteur de la microfinance pour les marchés émergents. Le secteur financier permet la croissance d autres industries, et son secteur de la microfinance répond aux besoins d un grand nombre d entrepreneurs indépendants, de petites entreprises et de ménages à faible revenu. L Afrique orientale n est pas la seule région expérimentant un tel développement. Les portefeuilles IMF du monde entier se développent constamment, gagnant environ 2 % chaque année. La phase actuelle de la microfinance est caractérisée par l essor des services bancaires sans agence et de l argent mobile. La technologie permet à des millions de ménages à faible revenu d organiser leur vie privée et professionnelle aussi efficacement et de manière aussi flexible que les ménages plus aisés. La technologie permet de fournir plus de services à plus de gens et à moindres frais, et elle augmente le potentiel de marché de la microfinance. Il est remarquable de voir que le secteur privé se développe sur le continent généralement considéré comme cause perdue il y a encore à peine une décennie. Les risques politiques et réglementaires demeurent de sérieuses menaces pour le secteur privé. Mais les entrepreneurs ayant déjà fait leurs preuves en Afrique orientale peuvent amorcer des changements en prenant position sur les importants marchés nationaux des pays voisins, tels que la République démocratique du Congo (population : 7 millions), le Nigeria (population : 167 millions) ou l Ethiopie (population : 87 millions). De telles entreprises, rarement cotées en bourse (à l exception d Equity Bank) offrent un univers d investissement intéressant. La hausse du pouvoir d achat d un grand nombre de ménages signifie une progression rapide de la demande en services de base supplémentaires, traditionnellement insuffisants. L émergence d une classe de consommateurs en Afrique est une réalité statistique. Une part importante et toujours croissante de la population africaine bénéficie d un revenu quotidien régulier. Les banques liées au gouvernement n ont pas su fournir des services financiers à ce segment de la population, pas plus que la santé, l éducation et l approvisionnement en énergie qui ne parviennent pas à en satisfaire la demande. Dans chacun de ces domaines, le secteur privé progresse. Même l agriculture, premier employeur de la main-d œuvre régionale, tire profit d investissements privés en hausse, alors que ses chaînes de valeur progressent grâce au recours à la technologie. En conséquence, les produits haut de gamme tels que le café, les noix, les fruits et les légumes sont de plus en plus fréquemment vendus sur les marchés d exportation, avec une part beaucoup plus élevée du chiffre d affaires allant aux organisations de petits producteurs. L argent mobile et la «Silicon Savannah» de Nairobi ont beaucoup retenu l attention des médias internationaux. Aussi impressionnante que soit la technologie, nous préférons la considérer comme un simple outil du développement bien plus large, et à plus long terme, du secteur privé. Nous voyons de bonnes raisons de nous concentrer sur l analyse des modèles d affaires et de la mise en œuvre des investissements. Durant ces derniers dix ans, l Afrique orientale a démenti toutes les prévisions pessimistes en matière d opportunités. responsability Research Insight 1

A propos de responsability responsability est l un des principaux gestionnaires de fonds indépendants dans le monde, spécialisés dans les secteurs liés au développement économique des pays émergents tels que la finance, l agriculture, la santé, l éducation et l énergie. responsability investit en dette ou en capital dans des entreprises non cotées offrant des solutions et services adaptés aux populations à revenu faible et contribuant ainsi fortement à la croissance économique et au progrès social des pays émergents. responsability propose aux investisseurs privés et institutionnels des solutions d investissement variées, allant de fonds d investissement à des mandats individuels, et gérées en accord avec les meilleurs standards internationaux. Fondée en 23, la société, dont le siège est basé à Zurich, gère un portefeuille de 1,4 milliard d USD, investis dans 4 entreprises situées dans près de 8 pays. responsability s appuie sur un réseau de bureaux locaux à Lima, Mumbai et Nairobi. responsability compte parmi ses actionnaires diverses institutions de renom de la place financière suisse, de même que des collaborateurs. responsability est enregistrée auprès de l autorité suisse de surveillance des marchés financiers FINMA. Contact Christian Etzensperger Senior Research Analyst c.etzensperger@responsability.com +41 44 254 32 79 Commande Les documents de recherche de responsability peuvent être commandés auprès de votre relationship manager, en envoyant un e-mail à info@responsability.com ou en téléphonant au +41 44 25 99 3. Pour toute information complémentaire, veuillez vous rendre sur le site www.responsability.com. L auteur tient à remercier les experts suivants pour leurs commentaires : Alison Boess et Mike Gama-Lobo, FINCA ; Rolet Coulon, Access Bank Tanzania ; Emmanuel M. Mung ong o, Bank of Tanzania ; Felistas Coutinho, Tujijenge ; David Cracknell, Microsave ; David Ferrand, FSD Kenya ; Samy Ghannam, Chase Bank ; Benjamin Lyon, Kopokopo ; Mathias Katamba et Lydia Koros, Progression Capital Africa ; Sosthenes Kewe, FSDT Tanzania ; Benson K. Kitabu, KWFT ; Rashid Malima, Pride Tanzania ; Adrian Merryman, VisionFund Tanzania ; Wilson Twamuhabwa, Ugafode ; Martin Villemure, EFC ; Mary Wangari Wamae et John Staley, Equity Bank ; Lukas Wellen, Musoni. Ce document a été élaboré par responsability Social Investments AG (ci-après «responsability»). Les informations contenues dans le présent document (ci-après «informations») se basent sur des sources considérées comme fiables ; toutefois, il n y a aucune garantie quant à l exactitude et à l exhaustivité de ces dernières. Les informations peuvent être modifiées à tout moment sans obligation d en informer les destinataires. Sauf mention contraire, les chiffres ne sont ni vérifiés ni garantis. L ensemble des actions entreprises sur la base de ces informations s effectue sous la responsabilité et au risque des seuls destinataires. Ce document est fourni exclusivement à titre d information. Les informations ne dispensent pas la personne qui les reçoit de les juger par elle-même. Des citations du présent document sont autorisées pour autant que la source soit mentionnée. Picture credits: age fotostock 213 responsability Social Investments AG. Tous droits réservés. responsability Social Investments AG Josefstrasse 59, 85 Zurich, Suisse Téléphone +41 44 25 99 3, Fax +41 44 25 99 31 www.responsability.com responsability Research Insight 11