Synthèse du rapport sur l enrichissement des aliments courants en vitamines et minéraux : quels intérêts, quels risques?



Documents pareils
Compléments ments alimentaires Les règles du jeu - SCL / Strasbourg-Illkirch 14 octobre 2011

AVIS 1 / 7. Afssa Saisine n 2009-SA Maisons-Alfort, le 30 octobre 2009

Dextro Energy gel Liquid Apple

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE AVIS. 19 octobre 2011

Définition de profils nutritionnels pour l accès aux allégations nutritionnelles et de santé : propositions et arguments Juin 2008

Les compléments alimentaires

DIRECTIVES POUR L EMPLOI DES ALLÉGATIONS RELATIVES À LA NUTRITION ET À LA SANTÉ

Charte PNNS Groupe CASINO Résultats

Factsheet Qu est-ce que le yogourt?

Liste des auteurs et remerciements

Investir dans l avenir

2 Service de Pharmacologie médicale et toxicologie 191, avenue du doyen Gaston Giraud Montpellier cedex 5

Tâche : Comparer l étiquette de produits alimentaires afin de connaître leur valeur nutritive.

Teneur en glucides des produits de la Réunion. 15 décembre 2011

REPUBLIQUE TOGOLAISE. Travail Liberate Patria MINISTERE DE L AGRICULTURE, DE L ELEVAGE ET DE LA PECHE -PNIASA - PLAN D ACTION DU VOLET NUTRITION

MAÎTRISER LA LECTURE DES ÉTIQUETTES NUTRITIONNELLES

Développement d une application pilote

Document de réflexion : Précisions et orientations sur les formes inappropriées de promotion des aliments pour nourrissons et jeunes enfants

Qui sont-ils? D où viennent-ils? Où sont-ils?

L information nutritionnelle sur les étiquettes des aliments

Proposition de la Commission sur les allégations nutritionnelles et de santé en vue de mieux informer les consommateurs et d'harmoniser le marché

COMITE SCIENTIFIQUE DE L AGENCE FEDERALE POUR LA SECURITE DE LA CHAINE ALIMENTAIRE

L équilibre alimentaire.

Assemblée Générale ASSOCIATION DES MAIRES RURAUX DU PUY-de-DÔME. La nouvelle règlementation Nutrition pour les cantines scolaires

ÉDUCATION Côtes d Armor. Collèges publics. Charte de la restauration collective DIRECTION JEUNESSE PATRIMOINE IMMOBILIER

Protéines. Pour des Canadiens actifs. De quelle quantité avez-vous besoin?

Charte nutritionnelle

Fiches techniques nutrition orale. Numéro 2013

1

Livret d accompagnement du Guide nutrition des enfants et ados pour tous les parents. destiné aux professionnels de santé

Influence de l alimentation-santé sur les tendances de marché. Paul Paquin, Ph.D. INAF, Université Laval, Québec

Comment bien s hydrater pendant l été?

JUIN 2012 DÉCEMBRE L étiquetage des denrées alimentaires. L information des consommateurs,

Fiches techniques Alimentation par sonde Nutrison

Nutrition et santé : suivez le guide

2.1. L'évolution de l alimentation en France

Organisation mondiale de la Santé

COMMENTAiRES/ DECISIONS

AVIS DU CONSEIL SUPERIEUR DE LA SANTE N 9176

Deuxième Conférence internationale sur la nutrition. Rome, novembre Document final de la Conférence: Déclaration de Rome sur la nutrition

GRENADE / GARONNE 30 janvier Centrale de Restauration MARTEL Maryse LAFFONT, Diététicienne

18/06/2010 DOSSIER SANTE THEME : LES COMPLEMENTS ALIMENTAIRES PROJET SANTE. Lauranne CARO, Céline CAYROL, Emilie DALEM, Salma ESSEGHIR

Qui sont-ils? Pedro. Tamacha. 9 En quantité, Tamacha mange suffisamment, mais son alimentation n est pas satisfaisante en qualité.

À L'INTENTION DE NOS CLIENTS ACHETANT DE LA CRÈME GLACÉE EN VRAC :

Des portions adaptées à vos besoins. Nous changeons nos besoins aussi! Senior

Appliquer la réglementation dans la filière

Table des matières Introduction Chapitre*1*:*De*la*matière*sérieuse Chapitre*2*:*Clair*comme*de*l eau*de*roche

Consommez moins de sodium pour réduire votre pression artérielle. Information sur le sodium alimentaire.

IREMAS : 2 ème colloque international Paris octobre 2005

lire les Étiquettes et trouver les sucres cachés

Les nutriments dont notre corps a besoin

Allégations relatives à la teneur nutritive

Composition du groupe de travail

Apport hydrique et boissons

Ce document constitue un outil de documentation et n engage pas la responsabilité des institutions

L analyse minérale des cheveux clarifie la situation

RECOMMANDATION NUTRITION

La Vache qui rit. CHARTE D ENGAGEMENT VOLONTAIRE DE PROGRÈS NUTRITIONNELS - Résultats -

«Cette action contribue au PNNS». À CHÂTEAU THIERRY

Bien manger pour mieux vieillir. Aline Pageau Lauzière Dt.P., M.A. diététiste-nutritionniste

Nutrition de la conception à l enfance : certitudes et perspectives

TITRONIC et TitroLine. Les nouveaux titrateurs et burettes

Dossier de presse. L Anses lance son nouveau site Internet

LISTE DES SPECIALITÉS A BASE DE FLUOR, UTILISÉES DANS LA PREVENTION DE LA CARIE DENTAIRE

POLES DE COMPETITIVITE. et CENTRES D INNOVATION TECHNOLOGIQUES : OBJECTIF INNOVATION

LES COMPLÉMENTS ALIMENTAIRES

UNE REGLEMENTATION POUR LES COMPLEMENTS ALIMENTAIRES : QUELLES GARANTIES POUR LE CONSOMMATEUR?

Projet Français «Arrêté Plantes» Nouvelles règles, nouvelles responsabilités

epm > nutrition Formation & Conseil

Compléments alimentaires et cosmétiques Aspects légaux de l étiquetage

J'Ai TELLEMENT FAiM QUE JE POURRAiS MANGER UN ARBRE!

MARS rapport d analyse. étude de la situation nutritionnelle des enfants vus par Médecins du Monde à Mayotte

Catalogue de formations 2014

Besoins Nutritionnel. Besoins. ANC / Besoin. 3 niveaux : Faculté de Médecine Montpellier-Nîmes


Projet Fish & Catering Sector (Mise à jour du 13/10/08)

Tableau récapitulatif : composition nutritionnelle de la spiruline

Indications pédagogiques B2 / 32

Alimentation durant la grossesse et la période d allaitement

QUOI DE NEUF DANS LE NOUVEAU NRC?

Burette TITRONIC Titrateurs TitroLine

Le point sur les compléments alimentaires

Burgerstein Micronutriments

Le développement durable 2010

«Boire est un besoin, mais c est aussi un plaisir, un acte social lors d évènements ou de bons moments»

EnergyOatSnack barre Banana Bread

Mairie de SAINT DIDIER SOUS RIVERIE Téléphone : Télécopie : MARCHE PUBLIC DE FOURNITURES COURANTES ET SERVICES

Auriol : le service public de la Restauration scolaire

Quelle réduction du rejet de zinc la 3-phytase microbienne permet-elle chez le porc à partir de 12 kg de poids vif?

VERITAS TUNISIE CATALOGUE ANALYSES LABORATOIRE

L Indice Environnemental

TRAITEMENT DE L ANÉMIE AU COURS DE L INSUFFISANCE RÉNALE CHRONIQUE DE L ADULTE

CARACTÉRISATION DE L OFFRE ALIMENTAIRE, PAR SECTEUR ET SEGMENT DE MARCHÉ

S. Hercberg, Key-words: Antioxidants, Vitamins, Minerals, Randomized trial, Supplementation.

Enfant et nutrition. Guide à l usage des professionnels

LA SANTÉ VIENT EN MANGEANT ET EN BOUGEANT. Le guide nutrition. pendant et après. la grossesse

(Actes non législatifs) RÈGLEMENTS

Transcription:

Synthèse du rapport sur l enrichissement des aliments courants en vitamines et minéraux : quels intérêts, quels risques?

Membres du groupe de travail Experts Geneviève Potier de Courcy Michèle Garabédian Gilbert Pérès Léon Guéguen Jean-Claude Guilland Irène Margaritis Pierre Valeix Ainsi que : Serge Hercberg Monique Ferry Joëlle Goudable Jean-Louis Bresson Bruno Lesourd Bruno Melin Agence française de sécurité sanitaire des aliments Jean-Louis Berta (Afssa) Isabelle Vanrullen (Afssa) Jean-Luc Volatier(Afssa) Joëlle Maffre (Afssa) Administrations Dominique Baelde (DGCCRF) Catherine Rioux (DGCCRF) Marie Thisse (DGAL) Philippe Verger (INRA) Michel Chauliac (DGS) AFSSAPS Professions Josée Cloutier (Kellogg s/ania) Marie-Odile Gailing (Nestlé/ANIA) Catherine Mignot (Roche/Synpa) Azaïs-Braesco /Annie Loch (Danone/ANIA) Brigitte Le Révérend/ André Kozlovsky (SODIAAL) Brigitte Laurent/Anne-Marie Berthier (ANIA) Catherine Leroy (SBA-SOPARIND) Synthèse établie par Isabelle Vanrullen Agence française de sécurité sanitaire des aliments Unité d évaluation de la nutrition et des risques nutritionnels 2

L adjonction volontaire d éléments nutritifs dans les aliments courants est régie par des règles nationales qui varient en fonction des Etats-membres de la communauté européenne. En France, trois cadres réglementaires sont définis. D une part l enrichissement est autorisé dans les aliments destinés à une alimentation particulière 1, ce qui suppose que soit précisément identifié et mentionné sur l emballage du produit un groupe de population dont les besoins justifient un apport particulier en micro-nutriments. Il s agit de la catégorie très restreinte des aliments dits «diététiques» et des aliments pour nourrissons et enfants en bas age, dont la réglementation a été harmonisée au niveau européen et transcrite en droit français. D autre part, certaines vitamines ou minéraux ont fait l objet d autorisations spécifiques d ajout dans l alimentation courante dans des conditions d emploi définies : c est par exemple le cas de l iode et du fluor dans le sel 2, ou plus récemment, de la vitamine D dans le lait et les produits laitiers 3. Enfin, la restauration des aliments en vitamines est autorisée sous certaines conditions, cette mesure visant à pallier la perte de ces nutriments lors de la fabrication ou du stockage des denrées alimentaires. Cette mesure est indiquée sur l emballage par la mention «à teneur garantie en», suivie du nom de la ou des vitamines restaurées. La diversité des réglementations nationales est cependant susceptible d entraver la libre circulation des aliments courants additionnés de vitamines et minéraux, de créer des conditions de concurrence inégales et d avoir ainsi une incidence directe sur le fonctionnement du marché européen. L harmonisation de ces réglementations est donc actuellement discutée au niveau Communautaire dans l objectif d établir un règlement relatif à l adjonction de vitamines, de minéraux et de certaines autres substances aux aliments, à l exception des compléments alimentaires. Cette réglementation, lorsqu elle sera transcrite en droit français, viendra compléter le dispositif national. Dans son état actuel, le projet de règlement indique que l adjonction de certains nutriments, lorsqu elle n est pertinente qu au titre de certaines spécificités nationales ou régionales (c est le cas de la réglementation française pour l iodation ou la fluoration du sel par exemple), ne peut justifier l harmonisation de l adjonction obligatoire des éléments nutritifs concernés dans la Communauté (CE). Il reste que d un point de vue de Santé publique, la France estime que les questions qui doivent être posées pour établir les dispositions du futur règlement, doivent rester celles de l absence de risque de l enrichissement (c est un pré-requis à toute mise sur le marché) et de son intérêt nutritionnel. Le Comité d experts spécialisé «Nutrition humaine» de l Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) a donc été saisi par la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) en février 2001 afin d apporter un appui technique aux discussions européennes. Ce travail a donné lieu à un rapport, publié en octobre 2001, et disponible auprès de l Afssa. L Agence a considéré que le terme «d aliment courant» recouvre tout aliment pouvant être mis à disposition du consommateur, dans tout commerce, et pour tout type de population : - quel que soit l âge (incluant les enfants à partir de 4 ans, les adultes et les personnes âgées) ; - quelle que soit la situation physiologique (incluant, par exemple, les femmes enceintes ou encore les personnes ayant une activité physique intense) ; - quelle que soit la typologie de consommation alimentaire, y compris régionale. 1 décret 91-827 du 29 août 1991 relatif aux aliments destinés à une alimentation particulière 2 arrêté du 28 mai 1997 relatif au sel alimentaire et aux substances d apport nutritionnel pouvant être utilisées pour sa supplémentation 3 arrêté du 11 octobre 2001 relatif à l emploi de vitamine D (vitamine D2 ergocalciférol ou vita mine D3 cholécalciférol) dans le lait et les produits laitiers frais (yaourts et laits fermentés, fromage frais) de consommation courante 3

Les aliments qui ne peuvent pas, pour des raisons pratiques ou d image, faire l objet d un enrichissement restent cependant exclus de cette définition : il s agit principalement des produits non pré-emballés, non étiquetés, et des produits ayant une image de qualité particulière ou de tradition (labels de qualité, appellation d origine ). Enfin, il a été décidé de se référer à un apport en nutriment par 100 kilocalories, ce qui exclut les produits pour lesquels la quantité d énergie est nulle mais qui permet de tenir compte de l apport en nutriment en fonction de la densité nutritionnelle. Une méthodologie dont l originalité est de prendre en compte de façon indissociée les aspects nutritionnels et sécuritaires d un tel enrichissement a été construite. Méthodologie Statut nutritionnel Le statut nutritionnel de la population française pour chaque micro-nutriment étudié a été estimé à partir des données d enquêtes nutritionnelles française récentes (1,2,3,4). Deux approches complémentaires ont été combinées. En effet, sur le plan statistique et à un niveau populationnel, la probabilité de détecter des signes cliniques de carence augmente d autant plus vite si les apports moyens sont plus bas que l apport nutritionnel conseillé (ANC). Cette approche reste cependant théorique et délicate à appliquer au niveau individuel. Elle a donc été croisée avec les données relatives à l identification de symptômes cliniques de carences et/ou de mesures biologiques de déficiences dans la population française. Les micro-nutriments ont ainsi été répartis selon qu ils relèvent de 3 catégories : (i) risque de carence ou de déficience, (ii) insuffisance d apport possible au regard des ANC mais avec une incertitude sur les risques de carence ou de déficience, et enfin (iii) insuffisance d apport non manifeste (tableau I). Tableau I. Classification des micro-nutriments selon leur degré de risque d insuffisance d apport en France Catégorie Critères Liste des micronutriments 1 Risque de carence ou de déficience pour certaines tranches d âge, certaines situations physiologiques, certaines typologies de consommation alimentaire, et/ou certaines régions vitamine D, pyridoxine (B6) (personnes âgées > 70 ans), acide folique (B9) (5), iode, calcium, fer 2 Insuffisance d apport possible mais incertitude sur les risques de carence ou de déficience: - absence ou validité discutable des marqueurs biologiques - non fiabilité des tables de composition - enquêtes épidémiologiques manquantes thiamine (B1), pyridoxine (B6) ( sauf personnes âgées), vitamine C, vitamine E, vitamine K, magnésium, cuivre, zinc, sélénium, chrome, fluor 3 Insuffisance d apport non manifeste, vitamine A totale, riboflavine (B2), niacine (B3), acide pantothénique (B5), biotine (B8), cobalamine (B12) sodium, chlore, potassium, phosphore, molybdène, manganèse Approche sécuritaire L approche sécuritaire a été fondée sur des données issues des études toxicologiques, à savoir les limites de sécurité. Ces valeurs ont été déterminées en France pour certaines vitamines et certains minéraux. Elles sont également en cours d évaluation en Europe par le Comité scientifique de l alimentation humaine. 4

Etudes de simulation Enfin, les études de simulation de l OCA (Observatoire des consommations alimentaires) ont permis de déterminer des teneurs prédictives d apport en micronutriments par 100 kilocalories aussi bien pour les apports actuels par l alimentation courante que pour ceux qui proviendraient d aliments enrichissables. Ces teneurs prédictives sont déclinées en tenant compte de différents niveaux d enrichissement des aliments (en pourcentage des Apports journaliers recommandés) et de la «parts de consommation» des individus, c est à dire la quantité de produits enrichis consommé sur la quantité de produit total consommé. Contrairement à la part de marché des produits enrichis dans un pays qui est généralement très faible (de l ordre de 5%), la part de consommation d un individu peut être très variable ; il est ainsi envisageable qu elle atteigne chez un individu 100% pour une catégorie de produits (lait, jus de fruits, ). Enfin, la distribution des apports a été analysée par percentile de la population : cette approche permet de considérer les apports en nutriments dans la population générale, et de prendre en considération à la fois les faibles et les forts consommateurs. Les objectifs nutritionnels et sécuritaires sont atteints si la distribution des apports chez les faibles consommateurs est rehaussée vers des valeurs d apports plus importantes et approchent les recommandations, sans décaler la distribution du coté des forts consommateurs. Résultats Une première série de résultats concerne le croisement des approches nutritionnelle et sécuritaire. Ce croisement a mis en évidence 3 catégories de micro-nutriments : (i) ceux pour lesquels un enrichissement de l alimentation courante peut présenter un intérêt en raison du risque de carence ou de déficience dans des segments particuliers de la population générale (vitamine D, B6, acide folique, calcium, fer, iode). Cependant, un risque de dépassement des limites de sécurité existe dans certaines situations ; (ii) les micro-nutriments pour lesquels l intérêt nutritionnel d un enrichissement est incertain car la mise en évidence d apports inférieurs aux ANC dans des segments de la population n est pas accompagnée de signes biologiques ou cliniques. Si un enrichissement est envisagé, il doit être précédé d études de simulation apportant une aide au choix du niveau d enrichissement. Cette étude est indispensable pour les micro-nutriments présentant un risque de dépassement des limites de sécurité (notamment vitamine E, magnésium, zinc, cuivre, sélénium, fluor) ; (iii) ceux pour lesquels il n y a pas d éléments en faveur de l intérêt nutritionnel d un enrichissement, surtout si il existe des risques de dépassement des limites de sécurité (notamment la vitamine A). En parallèle, la méthodologie basée sur les simulations de l OCA a été appliquée à la plupart de ces nutriments en recherchant l effet de l enrichissement sur le niveau d apport en nutriment chez les faibles consommateurs et les forts consommateurs. Pour certains nutriments, des doses d enrichissement qui améliorent le statut nutritionnel des faibles consommateurs sans décaler la distribution du côté des forts consommateurs ont pu être trouvées sur une échelle relativement large de parts de consommation (10%, 50%, 100%). Pour d autres nutriments, ce compromis n a pas été possible quelles que soient les conditions de la simulation : c est le cas du fer, du magnésium et de la vitamine A. Une dernière configuration intéressante est celle du calcium, pour lequel des possibilités d enrichissement n ont pu être trouvées que dans des conditions très étroites, combinant un enrichissement réduit (10% ou 20% des AJR pour 100 kilocalories) et des parts de consommation très élevées (respectivement 50% et 100%). Outre les aspects développés ci-dessus, plusieurs éléments fondamentaux doivent être pris en considération. L un de ces éléments concerne les risques liés aux interactions entre 5

nutriments : par exemple, est il judicieux d enrichir du jus d orange, riche en vitamine C, avec du fer, ce qui va favoriser son absorption, et potentiellement créer un risque particulier notamment pour les populations souffrant de pathologies telles que l hémochromatose? Au delà de cet exemple de couple aliment/nutriment, la question de l aliment vecteur doit être posée plus largement. En particulier, l aliment vecteur peut-il constituer un moyen d atteindre la population cible? L aliment vecteur choisi risque-t-il de déplacer les consommations vers des apports en nutriments ou en aliments qui devraient être limités d un point de vue de santé publique (Aliments riches en acides gras saturés, ou en énergie par exemple) et notamment au regard des objectifs du Programme national nutrition santé? Il apparaît donc essentiel de considérer l enrichissement des aliments courants avec vigilance, et de choisir avec réflexion les voies réglementaires les mieux appropriées pour cibler une population présentant un besoin, sans faire courir de risques au reste de la population. Dans ce contexte, se pose également toute la problématique des compléments alimentaires : un cadre réglementaire devrait être très prochainement disponible pour ces produits qui occupent une position singulière, entre médicament et aliment, et qui dans certaines conditions pourraient peut être permettre de répondre aux besoins particuliers d individus très ciblés. (1) Potier de Courcy G et les membres du groupe de travail de la CEDAP sur les substances nutritives. Estimation du statut en vitamines et minéraux de la population française, d après des enquêtes récentes. Cah Nutr Diét, 1999, 34, 77-87 (2) Costa de Carvalho MJ, Guilland JC, Moreau D, Boggio V, Fuchs F. Vitamin status of healthy subjects in Burgundy (France). Ann Nutr Metab, 1996, 40, 25-51. (3) Hercberg S, Preziosi P, Galan P, devanlay M, Keller H, Bourgeois C, Potier de Courcy G, Cherouvrier F. Vitamin status of a healthy french population : dietary intakes and biochemical markers. Intern. J Vit Nutr Res, 1994, 64,220-232. (4) ESVITAF : enquête sur le statut vitaminique de trois groupes d adultes français, témoins, obèses, buveurs excessifs. Rapporteurs : A Lemoine, C Le Devehat, B Herbeth. Ann Nutr Metab, 1986, 30 (S1), 1-94. (5) Voutilainen S, Rissanen TH, Virtanen J, Lakka TA, Salonen JT, Low dietary folate intake is associated with an excess incidence of acute coronary events. Circulation, 2001, 103, 2674-2680. 6