L imprimerie de Paris à Kehl en passant par Strasbourg ou de Beaumarchais à Istra Dans le cadre de La Fête des Imprimeurs les 25 & 26 juin 2016
L imprimerie ISTRA : 334 ans d existence Portrait brodé de Johannes Gutenberg, 1840 Gutenberg a passé une dizaine d années à Strasbourg (1434-1444). Il y a travaillé à l invention de l imprimerie, mais la première bible a été imprimée à Mayence d où Gutenberg était originaire. En 1840 la ville de Strasbourg a tenu à célébrer le 400 e anniversaire de la présence de Gutenberg à Strasbourg en passant commande à David d Angers d une statue le représentant. Celle-ci a été érigée sur la place du même nom. Pour l inaugurer, les différents corps de métier strasbourgeois se reconstituèrent en corporations et organisèrent un cortège connu par une série de lithographies et par des objets en partie exposés au musée historique comme ce portrait brodé de Gutenberg ou encore une clé dorée géante suspendue au 1er étage. Depuis sa création en 1676 jusqu à sa fermeture définitive en 2010, la maison a changé souvent de nom au gré des mariages ou des changements de nationalité de l Alsace : créée par le libraire Schmuck, elle connut une période de grande renommée au XIX e siècle sous le nom de Berger- Levrault. Après l annexion allemande en 1871, une succursale est créée à Nancy tandis que l entreprise strasbourgeoise devient R. Schultz & Cie ; en 1918, elle prend le nom d Imprimerie Strasbourgeoise (ISTRA). La maison s illustre dans la typographie en s équipant d abord de grands ateliers de composition à la main, puis de coûteuses et délicates machines pour la composition mécanique. Elle met également ses machines au service de l art de la lithographie, appris auprès de son inventeur Senefelder au début du XIX e siècle : elle produit des grandes affiches illustrées, mais aussi des dépliants et des documents publicitaires pour le commerce et l industrie. En tant que maison d édition, elle s est spécialisée dans les ouvrages scientifiques dès le XVIII e siècle : elle édite en particulier Cuvier et d autres grands naturalistes. Après le retour de l Alsace à la France en 1918, Istra édite des livres scolaires adaptés aux écoliers alsaciens. L exceptionnelle continuité d activité de cette entreprise témoigne du rôle majeur de l imprimerie à Strasbourg depuis son invention par Gutenberg. Matrice monotype
LE MUSÉE HISTORIQUE DE STRASBOURG PRÉSENTE UNE VITRINE GARNIE D OUTILS TYPOGRAPHIQUES SYMBOLIQUES QUI ONT ÉTÉ OFFERTS PAR «L IMPRIMERIE STRAS- BOURGEOISE» TRÈS CONNUE MONDIALE- MENT SOUS LE NOM COMMERCIAL «ISTRA» La typographie fut très longtemps utilisée dans les ateliers de cette imprimerie. La préparation de la forme imprimante était réalisée dans l atelier appelé «la composition». C est là que la technique du «caractère» mobile en plomb mise au point par Gutenberg à Strasbourg était mise en œuvre avec une immense évolution depuis ce temps. Les caractères comportaient l image à l envers de chaque signe en relief sur la partie supérieure d un parallélépipède en plomb typographique. Disque multi-matrices de Lumitype La typographie a évolué en permanence de la période Gutenberg jusqu à 1970. Un changement généralisé s est produit vers 1970. La typographie en relief a été remplacée par les techniques d impression «offset» qui supprimèrent la dimension verticale des lettres en plomb. Toute la préparation de la forme imprimante est maintenant réalisée à plat. Le typographe utilisait un composteur pour assembler les caractères de sa «copie» à composer. Il prenait les mesures de son travail avec un typomètre gradué en points et en cicéros. Les paquets de lignes étaient déposés sur une galée inclinée qui lui permettait de réaliser une page complète. Des changements de caractères pouvaient être faits à l aide d une pince pour leur extraction. La galée est un plateau à trois rebords relevés qui permet de composer une page en plomb, en relief et à l envers. Toutes les pages ainsi composées sont imprimées sur une grande feuille (format machine). Elles sont ensuite assemblées dans un cadre métallique (appelé «forme») à la taille de la machine qui sert à imprimer le travail. Lorsque l impression était terminée, le typographe effectuait un travail très important appelé «la distribution» qui consistait à remettre chaque lettre à sa place dans les cassetins de la casse (tiroir de caractères) réservées à ce type de police. Cette opération est la base de l intervention de Gutenberg qui permettait de réutiliser les lettres pour d autres travaux. Cela permettait un assemblage lettre par lettre pour en faire un pavé rectangulaire en relief, permettant d imprimer une feuille de papier sur une machine appelée la «presse» dans «l atelier d impression». L évolution technique de ces presses a été très importante. Galée avec composition Caractères mobiles Presse platine à pédale
La «composition» qui est présentée ici (n 1 dans la vitrine) réunit trois techniques typographiques : la linotypie, composition d une barre de plomb représentant une ligne de caractères soudés par l opération de fonte réalisée par la linotype ; la monotypie, composition en plomb lettre par lettre, utilisée pour les titres (ici, partie supérieure droite de la galée), et dont les caractères sont fondus grâce à une matrice monotype appelée «châssis» (n 3 dans la vitrine). Ce châssis sert de moule sur la fondeuse monotype suivant la police choisie. Les illustrations sont fabriquées par un spécialiste appelé «clicheur» ou «photograveur» qui fournit les clichés en relief pour toutes les illustrations qui ne sont pas du texte typographique. Impression de la composition grâce à une presse à épreuve de l atelier Papier Gâchette à Strasbourg La lumitype, développée dans les années 1970, est la première photocomposeuse de texte. Mais elle fut marginale : fabriquée aux États-Unis, elle n est connue qu à six exemplaires en France. La photographie des lettres vers un film photosensible se fait au travers du disque qui comporte tous les signes nécessaires dans une famille précise de caractères (n 2 dans la vitrine). Aujourd hui, toute la préparation de la forme à imprimer est réalisée à partir de programmes numériques avec toute la souplesse de circulation des informations nécessaires sur les réseaux internet. Mais la typographie conserve toutes ses qualités graphiques qui resteront toujours un plus pour les professionnels de l imprimerie. Composeuse-fondeuse ou Linotype de l atelier Papier Gâchette OBJETS PRÉSENTÉS : 1) Galée avec composition et son tirage papier. 2) Disque multi-matrices de Lumitype. 3) Matrice monotype. 4) Livres de spécimens de caractères. 5) Composteur avec caractères, typomètre et pince «brucelles». 6) Matrices de caractères de linotype. 7) Gros caractères pour affiche, provenant de l ancienne imprimerie Müh Le Roux, 43-45, rue du Fossé des Treize à Strasbourg (fermée en 1987).
Le Règlement des costumes à Strasbourg, 1685 Dans quelle langue écrit-on à Strasbourg? Extrait du règlement des costumes de Strasbourg, 1685 Les Strasbourgeois habitant de longue date à Strasbourg parlent l alsacien, ceux des classes supérieures maîtrisent parfois aussi le français, utile pour les échanges avec le roi de France avant 1681. À partir du rattachement de la ville au Royaume de France (en 1681), les textes administratifs (édits, ordonnances, arrêtés) seront publiés dans les deux langues, à la fois en vieux français et en vieil allemand. En effet la plupart des troupes militaires en garnison à Strasbourg (10 000 soldats pour 25 000 habitants!) ainsi que les artisans venant de Paris ou d autres provinces françaises ne comprennent pas l alsacien. Cette différence de parler, à une époque où l école n est pas obligatoire, ira jusqu à la séparation en corporation française (souvent catholique) et corporation allemande (les autochtones resteront souvent protestants) pour certains métiers comme les menuisiers ou les selliers carrossiers. De ce fait, les textes administratifs doivent toujours être publiés dans les deux langues : en témoigne l ordonnance conservée dans le tiroir, à chaque langue correspondent des caractères différents : gothiques en allemand et caractères latins (?) en français. Représentation des fêtes données par la Ville de Strasbourg pour la convalescence du Roy en 1744 En 1744, Strasbourg organise des fêtes somptueuses pour accueillir et honorer le roi Louis XV. Afin de garder la mémoire de ces fêtes, Weis fut chargé de dessiner les principales scènes et de les faires graver (à l exception d une qu il grava luimême) et imprimer à Paris par Le Bas. Le choix du papier, mais aussi la qualité des tirages et des textes imprimés et pour certains de la reliure, ont fait de cet ouvrage, un souvenir luxueux, tiré en principe à 2 000 exemplaires. Portrait de Louis XV, frontispice Les plus beaux exemplaires étaient destinés à la famille royale et à des membres de la cour. La vente des tirages suivants ne suffit toutefois pas (et de loin) à équilibrer le coût de cette opération prise en charge par la ville à la demande du prêteur royal Klinglin. Représentation des édifices et décorations élevées et du feu d artifice
Le Plan-relief Saviez-vous que Beaumarchais avait imprimé les écrits de Voltaire à Kehl? Beaumarchais (1732-1799), auteur du Barbier de Séville, était également un excellent homme d affaires. Après la mort de Voltaire (1694-1778), Beaumarchais décida l impression posthume des écrits du grand philosophe. À cette fin et pour échapper à la censure royale, il implanta son imprimerie sur les terres du Margrave de Bade, dans la citadelle de Kehl, visible sur le plan-relief. Pour financer l impression des textes de Voltaire, Beaumarchais lança une souscription. Soucieux d offrir une édition luxueuse et de grande qualité, il racheta les très beaux caractères réalisés par Baskerville, célèbre imprimeur anglais. Il y eut, entre 1784 et 1789, au moins cinq versions en 70 ou 92 volumes, édités à Kehl. Voltaire ne fut pas le seul auteur imprimé par les soins de Beaumarchais, il y eut aussi Vittorio Alfieri (1749-1803) auteur italien d un certain nombre de tragédies ainsi que d un ouvrage «Traité de la tyrannie». Plan-relief, 1727 MUSÉES DE STRASBOURG Joëlle Pijaudier-Cabot, conservatrice en chef, directrice des musées Monique Fuchs, conservatrice du musée Sylviane Hatterer, assistante principale de conservation SERVICE ÉDUCATIF Isabelle Bulle, chargée des publics TEXTES Monique Fuchs Sylviane Hatterer André Le Toullec CRÉDITS PHOTO Mathieu Bertola, Ville de Strasbourg BROCHURE Atelier Sarah Lang MUSÉE HISTORIQUE DE LA VILLE DE STRASBOURG 2, rue du Vieux-marché-aux-poissons, Strasbourg www.musees.strasbourg.eu L imprimerie de Paris à Kehl en passant par Strasbourg ou de Beaumarchais à Istra du 5 juin au 10 juillet 2016 LA FÊTE DES IMPRIMEURS Une manifestation Espace Européen Gutenberg www.espace-gutenberg.fr Détail du plan-relief de 1727. Citadelle de Kehl
Emplacements des œuvres au rez-de-chaussée et au 1 er étage Plan du rez-de-chaussée Portrait de Gutenberg Imprimerie Istra Règlement des costumes Plan du 1 er étage Plan-relief, 1727 Recueil de gravures de Weis