ÉTUDES PÉDOANTHRACOLOGIQUES DES VARIATIONS DE LA LIMITE SUPÉRIEURE DES ARBRES AU COURS DE L HOLOCENE DANS LES ALPES FRANÇAISES



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Géographie physique et Quaternaire, 1998, vol. 52, n 2, p. 1-14, 5 fig., 3 tabl. ÉTUDES PÉDOANTHRACOLOGIQUES DES VARIATIONS DE LA LIMITE SUPÉRIEURE DES ARBRES AU COURS DE L HOLOCENE DANS LES ALPES FRANÇAISES Brigitte TALON *, Christopher CARCAILLET **, Michel THINON, Institut méditerranéen d'écologie et de Paléoécologie (CNRS- ERS 6100), Case 461, FST Saint-Jérôme, Université d'aix-marseille III, F-13397, Marseille, cedex 20, France. Manuscrit reçu le 19 septembre 1996 ; manuscrit révisé et accepté le 17 octobre 1997, B. 199 52(2 TAL fi g., 8, ), ON, vol. 31998 tabl C. 52, CARCAILLET n 2 et M. THINON RÉSUMÉ Cet article a pour objectif de montrer comment l'emploi de la pédoanthracologie permet de contribuer à l'étude de l'histoire de la végétation ligneuse de stations situées à des altitudes élevées. Cette méthode paléoenvironnementale est fondée sur l'identification microscopique et la datation (au 14 C par SMA) des charbons de bois macrofossiles enfouis dans les sols minéraux et extraits par tamisage sur un tamis de 400 µm. Dans les Alpes françaises du Sud, le déterminisme climatique de l'asylvatisme actuel de l'étage alpin est remis en cause par la découverte de charbons de bois dans tous les prélèvements réalisés dans cet étage. Les résultats révèlent l'importance géographique de Pinus cembra, dont l'aire de répartition était bien plus étendue entre 3800 et 1400 ans BP que de nos jours. La précision spatiale de la méthode est soulignée par l'étude de plusieurs profils pédoanthracologiques d'une station dans une vallée des Alpes françaises du Nord ; cette analyse présente les changements locaux de la limite supérieure d'alnus glutinosa/a. incana depuis environ 6000 ans. Des hypothèses impliquant les pratiques agro-sylvo-pastorales couplées à d'éventuelles péjorations climatiques expliquent les changements survenus dans la végétation forestière de cette station. ABSTRACT Pedoanthracological studies of the upper tree-limit change during the Holocene in the French Alps. The aim of this paper is to show the potentialities of the pedoanthracological approach to the study of the past ligneous stands located at high altitude. This palaeoecological method is based on microscopical identification and dating ( 14 C by AMS) of macrofossil charcoal buried in mineral soils, extracted by sieving at 400 µm. The current alpine belt is characterized by the absence of trees. In the southern Alps, the climatic determinism of this characteristic is discussed according to the occurrence of soil wood charcoal of the alpine belt. Results show the past geographical distribution of Pinus cembra, whichwas over-spread between 3800-1400 BP. The spatially precise contribution of the pedoanthracological approach shows how the stand study allows to analyze the upper tree-limit of Alnus glutinosa/a. incana change within a northern Alps valley since ca. 6000 years. We suggest that perturbations due to human land-use, with or without climate cooling, can explain modifications in the forest stand vegetation in terms of upper tree-limit drop. ZUSAMMENFASSUNG Pedoanthrakologi sche Untersuchungen zu den holozänen Schwankungen der oberen Baumgrenze in den französischen Alpen. Ziel der vorliegenden Arbeit ist es zu zeigen, wie die Pedoanthrakologie zum Verständnis der Geschichte der verholzten Vegetation in höheren Gebirgslagen beitragen kann. Diese paläoökologische Methode stützt sich einerseits auf die mikroskopische Bestimmung von Holzkohle, die aus mineralischen Böden herausgesiebt wurde (Maschenweite 400 µm) sowie auf deren 14 C-AMS-Datierung. Die Entdeckung von Holzkohle in sämtlichen untersuchten Bodenproben aus der alpinen Stufe der französischen Südalpen führt dazu, das Klima als determinierenden Faktor für die gegenwärtige Abwesenheit des Waldes in dieser Höhenstufe in Frage zu stellen. Die Ergebnisse bringen die geographische Bedeutung der Arve (Pinus cembra) zum Ausdruck, deren Verbreitungsareal im Zeitraum 3800 bis 1400 vor heute (BP) wesentlich ausgedehnter war als heute. Die räumliche Genauigkeit der Methode wird unterstrichen durch die Analyse mehrer pedoanthrakologischer Profile aus einem Tal der französischen Nordalpen. Die Resultate zeigen lokale Schwankungen der oberen Grenze von Alnus glutinosa /Alnus incana während den letzten 6000 Jahren. Hypothesen, die von einer land-, wald- und weidewirtschaftlichen Nutzung des Gebietes in Verbindung mit möglichen Klimaverschlechterungen ausgehen, werden zur Erklärung der beobachteten Veränderungen in der Waldvegetation herangezogen. * Nouvelle adresse : Centre d'études nordiques, Université Laval, Sainte-Foy, Québec G1K 7P4. brigitte.talon@etu.bio.ulaval.ca ** Nouvelle adresse : Laboratoire de paléoécologie et de paléobiogéographie, Département de géographie, Université de Montréal, C.P. 6128, succ. Centre-ville, Montréal, Québec H3C 3J7. carcailc@magellan.umontreal.ca

2 B. TALON, C. CARCAILLET et M. THINON INTRODUCTION L'étagement naturel de la végétation en région montagneuse, déterminé par la détérioration des conditions climatiques au fur et à mesure que l'altitude croît (Ozenda, 1985), a été profondément modifié par l'action anthropique au cours des derniers millénaires. L'une des conséquences est une baisse altitudinale de la limite supérieure de la végétation ligneuse dans la partie occidentale de l'arc alpin (Beaulieu, 1977; Wegmüller 1977; Burga, 1988; Ponel et al., 1992; Tessier et al., 1993; David 1993, 1995). On observe actuellement dans les Alpes une remontée des arbres depuis l'étage subalpin vers l'étage alpin inférieur, qui peut être attribuée aux conséquences de la déprise agricole amorcée en France dès la fin du siècle dernier (Brun et al., 1989, 1994; Barbero, 1992; Delcros, 1994). Le réchauffement climatique en cours de la planète (Joussaume, 1993; Magny, 1995; IPPC, 1996) pourrait également jouer un rôle dans cette dynamique biologique, d'autant que le climat des derniers millénaires a subi de légères oscillations ayant potentiellement interagi avec les perturbations d'origine anthropique sur la limite supérieure des arbres. Il est difficile, par les méthodes classiques d'analyses synchroniques de la végétation, d'évaluer les changements des limites actuelles des étages ainsi que le type de végétation potentielle. Le recours aux analyses paléoécologiques permet ainsi d explorer les changements qui se sont opérés au cours des derniers millénaires afin de fournir des éléments de discussion sur le poids relatif des pratiques humaines et des variations climatiques visà-vis des communautés. Ceci permet d'aider à formuler des scénarios appropriés aux changements climatiques et d'usage du sol en cours. Les méthodes conventionnelles d analyses paléoenvironnementales s appuient sur l analyse des micro- et macrorestes organiques contenus dans des sédiments tourbeux ou lacustres. Lorsque ceux-ci font défaut en raison de conditions climatiques trop sèches ou d'une topographie défavorable pour permettre la mise en place de tourbières et de lacs, il convient d'exploiter d autres gisements paléoenvironnementaux permettant de conserver des restes végétaux. Nous employons dans cette étude une méthode phytohistorique, la pédoanthracologie (du grec pedon : sol et anthrax : charbon) permettant d'analyser, à l'échelle des derniers millénaires, la composition des communautés ligneuses soumises à la pratique universelle de la gestion de territoires agraires par le feu. De récentes études ont montré que les charbons de bois sont des restes macrofossiles fréquemment observés dans les sols des Alpes (Thinon, 1992; Tessier et al., 1993; Berli et al., 1994; Cherubini et al., 1995; Carcaillet et Talon, 1996; Carcaillet et Thinon, 1996; Tinner et al., 1996). Notre objectif est d'évaluer, par analyse pédoanthracologique, les parts relatives de l'homme et du climat dans les modifications actuelles et holocènes des communautés végétales ligneuses d'altitude, plus précisément dans les variations d'altitude et de composition de la limite supérieure des arbres dans les Alpes françaises. Dans un premier temps, nous décrivons les principaux aspects taphonomiques de l'analyse des charbons de bois macrofossiles enfouis dans les sols, puis la méthodologie employée en précisant ses modalités et ses limites d'application. Les apports de la pédoanthracologie sont ensuite illustrés par deux exemples : le premier concerne l'analyse de prélèvements effectués à haute altitude dans l'étage alpin des Alpes du Sud, du Briançonnais à la vallée des Merveilles, dans le but d'estimer l'altitude maximale atteinte par les essences ligneuses au cours de l'holocène. Dans le deuxième, l'analyse anthracologique de trois prélèvements réalisés dans une même station de l'étage subalpin d'une vallée des Alpes du Nord (Maurienne) tente de vérifier la reproductibilité de l'observation et de décrire les différentes phases d'incendies impliquées dans les modifications de la composition de la végétation de l'holocène à l'aide d'une analyse stratigraphique des profils pédoanthracologiques. Ces deux exemples diffèrent par leur niveau de précision spatiale et illustrent certaines possibilités d'application de la pédoanthracologie pour l'étude de la limite supérieure des arbres en montagne. ASPECTS TAPHONOMIQUES La pédoanthracologie (Thinon, 1978) s'appuie sur la recherche systématique, l'identification et la datation absolue des charbons de bois contenus dans les sols. Les particules de charbon provenant de la combustion de la végétation subissent au cours du temps une fragmentation et un enfouissement sous l'effet de l'action conjuguée de la pédofaune (Darwin, 1881; Atkinson, 1957; Stein, 1983; Thinon, 1992), du colluvionnement et enfin des racines (Carcaillet et Talon, 1996). Le degré de résolution spatiale de l'analyse dépend de l'existence ou non du transport des charbons du lieu de production à celui du dépôt. Les charbons de bois sont facilement déplacés par le ruissellement, mais les transports à distance et surtout en altitude, par le vent et les panaches convectifs des incendies, sont très réduits pour les fragments d'une taille supérieure à 400 µm (Weinet al., 1987; Clark, 1988; Thinon, 1992). En outre, le transport des charbons en altitude impliquerait une fréquence non négligeable d'espèces montagnardes, voire collinéennes, dans les assemblages anthracologiques réalisés aux étages subalpins et alpins ; ceci n'a encore jamais été constaté (Thinon, 1992; Carcaillet, 1996; Talon, 1997a). Il en résulte que les charbons enfouis dans le sol d'une surface peu déclive sont issus des communautés brûlées dans la station, dans un rayon de quelques dizaines de mètres autour de celle-ci (Thinon, 1992; Carcaillet, 1996). Par la grande précision spatiale de l'information, la pédoanthracologie permet des investigations au niveau stationnel et s'applique particulièrement bien à la mise en évidence et à la caractérisation des anciens peuplements ligneux brûlés, poussant dans des stations mésiques ou xériques. La recherche de signaux paléoenvironnementaux peut ainsi être étendue aux régions dépourvues de gisements favorables à la conservation des grains de pollen et des macrorestes végétaux non carbonisés, tels que les lacs et les tourbières (Carcaillet, 1997; Carcaillet et al.,1998). ASPECTS MÉTHODOLOGIQUES Les différentes étapes de la méthode pédoanthracologique ont été imaginées puis mises en œuvre par Thinon (1992) afin de permettre d'isoler puis d'identifier en routine des charbons de bois provenant de sols minéraux et organominéraux (fig. 1).

ÉTUDES PÉDOANTHRACOLOGIQUES 3 Extraction FIGURE 1. Schéma synthétique de la méthode pédoanthracologique (modifié d'après Thinon, 1992) Synthetic diagramm of the pedoanthracological process (modified after Thinon, 1992). ÉCHANTILLONNAGE ET TECHNIQUES DE LABORATOIRE Prélèvements sur le terrain Les prélèvements de sols sont effectués selon le protocole détaillé par Carcaillet et Thinon (1996). Afin de disposer d'une analyse spatiale la plus précise possible, notamment par rapport aux aspects concernant les changements de la limite des arbres, les stations de prélèvement sont choisies dans des situations les moins déclives possible, où l'ablation du sol et les apports particulaires par ruissellement sont réduits. Les fosses pédologiques sont creusées jusqu'à la roche mère. Les principales caractéristiques pédologiques du profil sont relevées, ainsi que celles de la végétation et du contexte de la station. Les prélèvements de sol (10-12 l de terre sèche décompactée dont les agrégats ont une taille inférieure à 20 mm) sont réalisés à différents niveaux de profondeur du profil, en respectant les limites des horizons pédologiques, quand celles-ci sont visibles. Chaque échantillon est prélevé sur une épaisseur de 10 à 20 cm, soit en niveaux successifs contigus (Thinon, 1992; Carcaillet et Thinon, 1996), soit séparés par une lacune (Carcaillet et al., 1997). Les échantillons sont mis à sécher à l'air libre ou à l'étuve (température maximale de 50 C). Cette étape permet de renforcer la résistance des charbons fragilisés par l'humectation et de calculer la masse de charbons extraite par kilogramme de terre sèche ou anthracomasse spécifique (Thinon, 1992). L'extraction des charbons repose sur le principe de flottation : le sédiment est d'abord malaxé dans une cuve rotative remplie d'eau (20-25 l environ), la phase liquide amortissant les chocs du brassage. Les agrégats fins sont alors progressivement détruits en plus petites particules mises en suspension. Dans le cas de sols présentant une forte stabilité structurale, il est préférable d'ajouter dans la cuve un défloculant (NaP 2 O 4, NaOCl) favorisant la désagrégation. Le surnageant, constitué par la matière organique (racines pour l'essentiel) et les charbons les plus légers, est versé sur un tamis correspondant à la maille minimale utilisée (0,4 mm) puis rincé et séché. Le tri s'effectue manuellement sous une loupe binoculaire. Le tamis de maille 0,4 mm constitue un bon compromis entre les risques d'apports allochtones (extra-stationnels) de petits fragments de dimensions inférieures à 0,4 mm transportés par voie éolienne, les possibilités d'identification anatomique et l'effort d'extraction à partir de la matrice de sol. L'étude des distributions granulométriques des charbons montre en effet que l'essentiel de l'anthracomasse se situe au-dessus de 400 µm, qu'il s'agisse de sols tempérés ou tropicaux (Thinon, 1992; Ouédraogo, 1995). Le culot de la cuve (sables) est ensuite versé surunecolonnedetroistamis(5mm,2mm,0,8mmet 0,4 mm) ; les différents refus de tamis sont traités pendant quelques dizaines d'heures par une solution défloculante, puis rincés et séchés comme précédemment. Un appareil automatique de séparation par lévigation des charbons de la matrice minérale (Thinon, 1992) permet de réduire de près de 90% la quantité de sol à trier manuellement. Nettoyage et identification Les charbons extraits sont, un par un, nettoyés de la pellicule de limons et d'argile qui les recouvre à l'aide d'un générateur d'ultrasons. Cette opération permet d'améliorer la qualité des observations microscopiques. Les charbons sont observés au microscope épiscopique équipé du contraste interférentiel de Nomarski (Thinon, 1988). Les identifications se font par référence aux descriptions anatomiques consignées dans des atlas d'anatomie du bois (Greguss, 1955, 1959; Jacquiot, 1955; Jacquiot et al., 1973; Schweingruber, 1978, 1990) et par comparaison avec des échantillons de bois carbonisés. Nous avons utilisé pour cette étude la collection de référence de l'institut Méditerranéen d' Écologie et de Paléoécologie (CNRS-ERS 6100). Des incertitudes demeurent dans la détermination de certains taxons. C'est notamment le cas des genres Larix et Picea (Bartholin 1979; Schweingruber 1990; Anagmost et al., 1994). Cette incertitude, majeure dans notre zone d'étude, est en grande partie due à la taille des fragments et peut être levée, dans la majorité des cas, dès que cette dernière devient centimétrique, mais beaucoup plus rarement dans le cas de fragments de taille millimétrique (Talon,

4 B. TALON, C. CARCAILLET et M. THINON 1997b). Nous préférons donc conserver l'expression «Larix ou Picea» dans la présentation des résultats, même si aux altitudes les plus élevées de notre étude (domaine de l'actuel étage alpin), il est très probable qu'il s'agisse de Larix decidua plutôt que de Picea abies, cette seconde espèce étant bien moins alticole que la première (Arquillière, 1986; Rameau et al., 1993). PRÉSENTATION DES RÉSULTATS ET MODES D'INTERPRÉTATION L'expression quantitative des résultats constitue une base de discussion méthodologique en cours d'exploration concernant la répartition des charbons dans les sols (Carcaillet et Talon, 1996). Exprimer les quantités de charbons indépendamment de la quantité de terre tamisée (anthracomasse spécifique) peut en effet permettre des comparaisons entre niveaux d'un même sol et entre les différents prélèvements. L'anthracomasse spécifique correspond au rapport entre la masse totale (en milligrammes) de charbons extraits (Ø>400 µm) et la masse totale (en kilogrammes) de terre sèche (fraction inférieure à 5 mm). Elle est exprimée en partie par million (ppm) et peut être calculée pour un taxon, un niveau ou un profil : L'anthracomasse spécifique taxinomique (AST) est la masse totale de charbons d'un taxon donné contenue dans un niveau sur la masse totale de terre sèche de ce niveau. INVESTIGATIONS DANS L'ÉTAGE ALPIN DES ALPES DU SUD Une importante campagne de prospection pédoanthracologique est menée depuis plusieurs années (Thinon, 1992; Talon, 1997a) dans l'étage alpin des Alpes internes du Sud, du Briançonnais aux Alpes-Maritimes (fig. 2). Ce secteur des Alpes françaises est caractérisé par un climat relativement xérique, à tendance continentale marquée (Ozenda, 1966; Lavagne et al., 1983). Les limites supérieures des forêts y sont particulièrement basses en versant sud (2000 m) du fait d'une exploitation agro-sylvo-pastorale ancienne et durable (voir biblio. in Talon, 1997a). Les treize prélèvements retenus, effectués entre 2450 m et 2919 m d'altitude, diffèrent les uns des autres par la nature du substrat géologique, l'exposition et l'altitude. Le tableau I rassemble les caractéristiques de ces différents prélèvements, tous situés au-dessus de la limite actuelle des arbres, dans des pelouses alpines soumises à un pâturage estival intensif. Le site du lac Cristol (2240 m), objet d'une étude paléoécologique pluridisciplinaire impliquant notamment l'analyse sporopollinique et celle des macrorestes végétaux (Fauquette, 1995; Fauquette et Talon, 1995), est le plus septentrional de L'anthracomasse spécifique par niveau (ASN) est la masse totale de charbons contenue dans un niveau sur la massetotaledeterresèchedumêmeniveau. L'anthracomasse spécifique générale (ASG) est la masse totale de charbons contenue dans un prélèvement sur la masse totale de terre sèche du prélèvement. Les résultats peuvent être présentés sous la forme d'une simple liste floristique (Thinon, 1978, 1992; Tessier et al., 1993; Berli et al., 1994) ou bien être réunis sous la forme d'un diagramme synoptique regroupant un schéma du profil pédologique et les histogrammes des diverses anthracomasses rencontrées dans les différents niveaux (Carcaillet et Thinon, 1996; Carcaillet et al. 1997; fig. 3). Une telle représentation didactique ne doit pas inciter à tirer des conclusions prématurées sur les représentations relatives des divers taxons. En revanche, la fréquence d'apparition par rapport au nombre de prélèvements étudiés (Albert et Minc, 1987) possède une valeur quantitative légitime. DATATIONS AU 14 C PAR SMA Les datations qui portent sur plusieurs fragments ne permettent pas d'obtenir un âge réel, mais plutôt un âge pondéré, qui résulte de la moyenne d'âge de charbons de masses différentes composant le lot daté. C'est pourquoi chaque datation a été effectuée à partir d'un seul fragment. Les dates ont été étalonnées en années réelles (dendrochronologiques) à l'aide des tables de conversion de Stuiver et Reimer (1993). FIGURE 2. Carte de localisation des sites étudiés Localisation map of studied sites

ÉTUDES PÉDOANTHRACOLOGIQUES 5 TABLEAU I Caractéristiques des stations de prélèvement des différents sondages analysés dans les Alpes françaises du Sud. Limite actuelle des arbres Désignation Coordonnées Altitude Expo. Pente Substrat expo. sud expo. nord Cristol 4 45 59'N-6 35'E 2450 m NO 20 gh 2400 m 2200 m Queyras 1 44 42'N-6 59'E 2775 m NO 5-10 sl 2000 m 2400 m Queyras 2 44 42'N-6 58'E 2670 m S <5 sl 2000 m 2400 m Queyras 6 44 42'N-6 58'E 2919 m SO 5 sl 2000 m 2400 m Ubaye 1 44 37'N-6 50'E 2850 m SSO 20 cs 2200 m 2400 m Ubaye 3 44 34'N-6 53'E 2650 m E 5 qz 2200 m 2400 m Parpaillon 1 44 29'N-6 39'E 2670 m E 20 fl 2300 m 2400 m Restefond 1 44 21'N-6 48'E 2810 m SE 5 fl 2000 m 2300 m Restefond 2 44 20'N-6 48'E 2650 m SSE 5-10 fl 2000 m 2300 m Sestrières 1 44 19'N-6 48'E 2440 m S 20 ga 2300 m 2700 m Cayolle 44 16'N-6 45'E 2290 m SE 10 ga 2200 m 2200 m Allos 44 17'N-6 32'E 2610 m S 10 ga 2200 m 2200 m Merveilles 44 4'N-7 27'E 2320 m O 5-10 ga 2200 m 2300 m "gh : grès houiller ; sl : schistes lustrés ; cs : calcschistes ; qz : quartzites ; fl : flysch ; ga : grès d'annot." notre étude ; la limite actuelle de la forêt, composée de Pinus cembra et de Larix decidua, se situe vers 2200 m. Le Queyras et l'ubaye comptent parmi les régions les plus sèches des Alpes françaises (Lavagne et al., 1983; Reynier, 1988). Les forêts de mélèzes dans les vallées étudiées, vallée de l'aigue Agnelle et vallée de l'ubaye, occupent les versants peu exposés jusqu'à des altitudes élevées (2400 m). Les versants sud sont pour la plupart déboisés au-dessus de 2000 m. Dans le secteur du col de Restefond et de la vallée de Sestrières, la limite supérieure de la forêt (Larix decidua principalement) se situe vers 2200-2300 m. Mais les arbres isolés montent beaucoup plus haut : des pins cembro (Pinus cembra) ont été observés à 2700 m sur les crêtes audessus du site de Sestrières I (observation personnelle) et même à 2800 m dans une vallée voisine (Bono et Barbero, 1971). RÉSULTATS Les prélèvements ont été effectués en échantillonnant à plusieurs niveaux de profondeur dans les profils. Mais, devant les faibles quantités de charbons récoltées, nous n'en avons pas tenu compte pour la présentation des résultats, qui sont chaque fois l'expression de la richesse anthracologique de l'ensemble du profil (tabl. II). Tous les prélèvements contiennent des charbons de bois (tabl. II). Malgré leur petite taille, de l'ordre de 500 à 400 µm, les fragments sont pour la plupart déterminables au rang générique. Les deux essences les plus fréquemment identifiées sont deux conifères alticoles : «Larix ou Picea» (trouvé dans 12 prélèvements sur 13) et Pinus cembra (10 sur 13). Le genévrier (Juniperus sp.) et les Ericaceae (genres Vaccinium et Arctostaphylos) sont présents dans 5 prélèvements sur 13. Mais la plupart de ces fragments proviennent de structures jeunes et sont souvent vitrifiés. Ce phénomène, peut-être attribuable à une température élevée de carbonisation (Thinon, 1992), touche essentiellement les Angiospermes, notamment les «petits ligneux». Deux essences n'apparaissent qu'une fois : le bouleau (Betula), à 2440 m d'altitude (Sestrières 1) et un pin de la section sylvestris, vraisemblablement P. uncinata, à 2650 m d'altitude (Ubaye 3). La proportion de fragments de charbons indéterminables reste importante : elle se situe en moyenne autour de 60 % du nombre total de fragments recueillis dans un prélèvement (tabl. II). Ces charbons ne peuvent pas être déterminés en raison de leur taille et de leur état de conservation (structures sales ou altérées, charbons vitrifiés). Une trop petite taille limite en effet les manipulations et la réalisation de nouvelles sections d'observation. Tous les taxons identifiés sont des essences héliophiles, mis à part le pin cembro (Pinus cembra) que l'on peut qualifier d'essence de demi-ombre, compte tenu de son aptitude à se régénérer en milieu fermé. Le bouleau est le seul feuillu arborescent. Il n'a été identifié que dans un seul prélèvement, à 2240 m d'altitude. Tous ces taxons sont actuellement présents à la limite supérieure de l'étage subalpin. DATATIONS Six prélèvements ont fourni des charbons de masse suffisante pour être datés (la masse minimale requise par le laboratoire de Tucson (Arizona, USA), qui a effectué les datations, est comprise entre 1 mg et 0,75 mg). Les datations couvrent une période d'environ 2400 ans, du Subboréal (3800 BP) au Subatlantique moyen (1400 BP) (tabl. III). INTERPRÉTATION Composition et structure des peuplements incendiés La présence de charbons de bois dans tous les prélèvements effectués au sein de l'étage alpin, asylvatique par définition (Ozenda, 1966), témoigne de l'existence, à une époque assez récente de l'holocène, d'essences ligneuses à des altitudes très supérieures à celle de l'actuelle limite

6 B. TALON, C. CARCAILLET et M. THINON TABLEAU II Résultats de l'analyse anthracologique des différents sondages des Alpes françaises du Sud, tous niveaux de profondeur confondus. Les résultats sont exprimés en anthracomasse spécifique taxonomique (AST). L'unité est le ppm (partie par million ou mg de charbons/kg de sol). Les valeurs entre parenthèses correspondent aux nombres de fragments identifiés. Larix ou Picea Pinus cembra Juniperussp. Ericaceae Pinus s. sylvestris Pinus sp. Betula sp. indéter. A.S.G. (ppm) Cayolle 1,548 0,409 0,172 - - - - 0,086 2,279 (6) (5) (2) (1) 14 Merveilles - 0,463 0,550 - - - - 0,130 1,145 (4) (3) (1) 8 Sestrières 1 0,041 0,062 0,011 0,007-0,011 0,020 0,480 0,632 (21) (23) (3) (3) (3) (1) (72) 126 Cristol 4 0,010 0,620-0,006 - - - 0,630 1,266 (3) (18) (1) (68) 90 Allos 0,210 - - - - - - 0,228 0,439 (2) (2) 4 Restefond 2 0,100 0,180 0,013 0,030 - - - 0,440 0,763 (16) (25) (4) (5) (60) 110 Ubaye 3 0,016 0,006 - - 0,006 - - 0,076 0,104 (5) (1) (2) (46) 54 Queyras 2 0,002 0,120 0,009 0,002 - - - 0,132 0,265 (6) (27) (1) (1) (78) 113 Parpaillon 1 0,300 0,017 - - - - - 0,034 0,351 (3) (2) (14) 19 Queyras 1 0,036 0,013 - - - - - 0,240 0,289 (18) (1) (18) 37 Restefond 1 0,005 0,005 - - - - - 0,154 0,164 (1) (1) (30) 32 Ubaye 1 0,003 - - 0,003 - - - 0,058 0,064 (2) (1) (17) 20 Queyras 6 0,034 - - - - - - 0,046 0,080 (3) (6) 9 Fréquence 0,92 0,77 0,38 0,38 0,07 0,07 0,07 1,00 Total (nbre) TABLEAU III Datations au 14 C par SMA. Chaque mesure provient d'un seul fragment de charbon de bois. Les datations au radiocarbone ont été étalonnées en années avant le présent (BP=1950 ap. J.-C.) à l'aide de la table de conversion de Stuiver et Reimer (1993). Désignation Altitude (m) Taxon daté Numéro de laboratoire Âges au 14 C (BP) Années étalonnées (BP) Queyras 2 IV 2670 Pinus cembra AA-14791 1475±70 1390±130 Queyras 2 I 2670 Pinus cembra AA-14790 1535±45 1420±105 Allos 2610 Larix decidua AA-12750 1545±45 1395±50 Merveilles 2320 Juniperus AA-12748 1764±45 1670±70 Cayolle 2290 Larix decidua AA-12751 1960±45 1890±60 Merveilles 2320 Pinus cembra AA-12749 2440±50 2435±165 MAUR 7B 1960 Alnus viridis AA-16496 2670±55 2770±100 Parpaillon 1 II 2670 Larix ou Picea AA-14789 3510±45 3735±125 MAUR 4D 1960 Pinus cembra AA-12486 3885±70 4310±220 MAUR 8D 1960 Pinus cembra AA-16495 3970±45 4445±95 MAUR 8F 1960 Pinus cembra AA-16494 4495±55 5095±215 MAUR 7D 1960 Pinus cembra AA-16497 5125±50 5860±125

ÉTUDES PÉDOANTHRACOLOGIQUES 7 des arbres. La présence dans les assemblages anthracologiques de taxons appartenant à une strate frutescente (lande à Juniperus et Ericaceae) indique que le milieu était suffisamment ouvert pour permettre leur développement. La faible quantité de fragments recueillis, particulièrement dans les prélèvements situés au-dessus de 2700 m d'altitude, n'autorise pas à raisonner sur les importances relatives des taxons dans les assemblages. La composition des communautés ligneuses à la limite supérieure des arbres n'était certainement pas mono-spécifique, mais constituée jusqu'au moins 2810 m d'altitude, par deux conifères, «Larix ou Picea» (Larix avec certitude dans seulement 8 des 13 prélèvements) et Pinus cembra, présents ensemble dans la majorité des prélèvements. Seul «Larix ou Picea» apuêtre identifié à une altitude supérieure, jusqu'à 2919 m dans le Queyras. La pédoanthracologie permet ainsi de révéler que l'étage alpin des stations étudiées a été colonisé jusqu'à plus de 2800 m (au moins) par une formation composée principalement de «Larix ou Picea», de Pinus cembra et d'une lande à Juniperus et Ericaceae. Même si la densité du peuplement forestier et le port des taxons arboréens identifiés ne peuvent être précisés par ce type d'analyse, la constante présence de charbons de ces taxons dans l'étage alpin, défini comme asylvatique, est un fait nouveau dans l'histoire holocène des Alpes internes françaises du Sud. Les conditions climatiques de l'optimum thermique postglaciaire (Magny, 1995) ont pu être favorables à la progression de taxons ligneux si haut dans l'étage alpin. L'hypothèse de changements climatiques d'ampleur suffisante pour provoquer par la suite le recul de ces essences ligneuses ne peut être retenue pour la période concernée (3800-1400 BP). En revanche, les épisodes de péjoration climatique qui se seraient succédé jusqu'à la crise climatique du Petit Âge glaciaire (Magny, 1995) et les feux successifs liés à la gestion agropastorale ont probablement fortement contribué à affaiblir puis à faire disparaître la végétation arborescente mise en place sous des conditions climatiques plus favorables et plus stables. Le caractère herbacé de la zone supra-forestière a pu se maintenir jusqu'à aujourd'hui sous l'effet de la pression pastorale pluriséculaire et des profondes modifications microclimatiques dues à la déforestation en altitude (modification des caractéristiques du couvert neigeux, augmentation des contrastes thermiques et hydriques) ; de ces deux facteurs dépend toute régénération. Importance du rôle joué dans le passé par Pinus cembra Les exigences écologiques du pin cembro ont été établies selon la démarche classique qui ne tient compte que de sa distribution géographique actuelle. Ce pin apparaît comme une essence ubiquiste. Il affectionne les expositions fraîches, de préférence sur roches siliceuses, et les sols à puissante couche d'humus brut ; mais on peut aussi le rencontrer sur des barres et des pitons rocheux, donc sur des sols de qualité très médiocre, à condition qu'ils ne soient ni trop compacts ni trop humides (Contini et Lavarelo, 1982). Il est difficile de faire la part exacte des facteurs naturels et des facteurs anthropiques responsables de sa répartition actuelle (Rameau et al., 1993). Ainsi, Pinus cembra est rare sur les versants exposés au sud, particulièrement sur schistes lustrés. Or, ces versants ont été justement les premiers défrichés et cultivés, car les sols engendrés par ces schistes constituent un type de substrat particulièrement recherché par les premiers agriculteurs alpins en raison de leur qualité (Furrer, 1955). Pinus cembra est actuellement moins bien représenté que Larix decidua dans les Alpes du Sud : les données de l'inventaire forestier national (IFN) en France pour les départements des Alpes-de-Haute-Provence (1975), des Hautes-Alpes (1973) et des Alpes-Maritimes (1976) font état de 9 645 hectares occupés par le pin cembro contre 62 000 hectares par le mélèze(in Contini et Lavarelo, 1982) soit plus de six fois plus. D'après les études concernant la répartition et la composition floristique des cembraies dans le secteur géographique qui nous intéresse, l'aire de ce taxon apparaît très discontinue pour les Alpes du Sud (Cadel et Gilot, 1963; Aubert et al., 1965; Lacoste, 1965, 1975; Bono et Barbero, 1971). Actuellement abondant dans le Queyras et dans l'ubaye, son aire de répartition au sein de ces deux régions est cependant très fragmentée : il est en effet totalement absent de la vallée de l'aigue Agnelle (Queyras 1, 2 et 3) et de la haute vallée de l'ubaye (Ubaye 1 et 3). De même, s'il est observé dans les hautes vallées du Var (Cayolle) et du Verdon (Allos), ce n'est dû qu'aux reboisements effectués dans ce secteur au début de ce siècle (Lenoble, 1923). Le pollen de Pinus cembra apparaît très tôt dans les diagrammes polliniques des Alpes françaises du Sud : de Beaulieu (1977) le signale à l'allerød et au Dryas récent dans la vallée de la Durance et au Bölling en Ubaye, tandis que les premiers grains sont enregistrés au Préboréal au lac Cristol (Fauquette, 1995). Cependant, son extension dans l'étage subalpin ne débute véritablement qu'au cours de l'atlantique (Beaulieu, 1977; Wegmüller, 1977; Fauquette, 1995). Dans les Alpes françaises du Nord, ce taxon se substitue à Betula, essence pionnière qui lui aurait ainsi préparé le terrain (David et Barbero, 1995). Jusqu'au Subboréal, il forme entre 1900 m et 2450 m d'altitude une «ceinture» comprenant aussi Larix, Pinus uncinata (Wegmüller, 1977) et Betula (Fauquette et Talon, 1995). Sa très faible représentation par rapport au mélèze est depuis longtemps attribuée aux activités anthropiques (Buffault, 1913; Furrer, 1955; Fourchy, 1968) et à la difficulté de l'espèce à se régénérer sur sol découvert après destruction de la forêt (Bono et Barbero, 1971). Notre analyse pédoanthracologique révèle l'importance du rôle joué autrefois par le pin cembro (Pinus cembra). La quasi-totalité de nos prélèvements ont fourni des charbons de cette espèce. Ces résultats confirment son extension altitudinale, par la découverte de charbons jusqu'à 2810 m d'altitude, mais aussi latitudinale, démontrée le long de ce transect nord-sud long d'environ 200 km. Ils illustrent également l'aptitude de ce taxon à coloniser toutes sortes de substrats, quelle que soit l'exposition. Son absence actuelle des versants sud sur schistes lustrés et sa disparition de certaines vallées n'est donc pas le reflet d'exigences écolo-

8 B. TALON, C. CARCAILLET et M. THINON giques mais bien le résultat d'une déforestation par le feu, probablement suivie du pâturage par les grands troupeaux de bétail domestique. CHANGEMENT DE VÉGÉTATION D'ÉTAGE FORESTIER D'ALTITUDE : LE CAS D'UNE STATION DE VANOISE (SAVOIE, FRANCE) Dans le cadre d'une étude pédoanthracologique visant à reconstituer l'organisation spatiale des communautés ligneuses par rapport aux principales structures physiques du paysage (sol et altitude) sur le versant sud du massif de la Vanoise, 25 prélèvements pédoanthracologiques ont été réalisés dans deux terroirs, Aussois (10 prélèvements) et Saint-Michel-de-Maurienne (15 prélèvements) entre 1700 et 2700 m d'altitude (Carcaillet, 1996). L'un de ces prélèvements, à 1960 m d'altitude à Saint-Michel-de-Maurienne (MAUR 4), contient des charbons d'alnus glutinosa/a. incana dont l'assemblage est daté de ca 3500 BP (Carcaillet, 1997). Aucun des profils pédoanthracologiques échantillonnés à plus haute altitude n'a révélé ce taxon (Carcaillet et Thinon, 1996; Carcaillet et al., 1998). Alnus glutinosa et A. incana poussent actuellement à des altitudes bien inférieures, 1580 m pour le premier et 1690 m pour le second pour le même secteur biogéographique alpin (Gensac, 1974; observations personnelles). Afin de vérifier la reproductibilité de cet enregistrement, compte tenu de la singularité altitudinale de cette observation, deux autres prélèvements, MAUR 7 et MAUR 8, ont été effectués à la même altitude, respectivement à 30 m et 60 m de distance du prélèvement MAUR 4. L'étude de ces trois profils (MAUR 4, 7 et 8) nous permet d'analyser un exemple de changements local tardi-holocène d'une limite supérieure d'arbre (Alnus glutinosa/a. incana) et, de manière générale, de la couverture forestière de cette station. SITE D'ÉTUDE Le bassin versant de Saint-Michel-de-Maurienne (45 15'N-6 30'E), au sud du massif de la Vanoise dans la vallée de la Maurienne (Savoie, France), est creusé dans des schistes et des grès permo-carbonifères (fig. 2). Les prélèvements ont été réalisés en limite inférieure de l'étage subalpin. La végétation potentielle définie d'après les analyses phytosociologiques de Bartoli (1966), de Gensac (1972) et de Fournier (1985), est une forêt dominée par Picea abies et caractérisée par Vaccinium vitis-idaea. Localement, la végétation réelle de cet étage est constituée d'un pâturage dominé par Nardus stricta et Festuca rubra. La limite supérieure des forêts se situe vers 2300 m d'altitude et celle des arbres à 2400 m ; elle y est matérialisée par la limite supérieure de Pinus cembra. La pente générale de la station étudiée est faible (10 ) et exposée au sud-ouest. Le sol, profond de 95 cm, est brun acide à structure rhyzogénique (Duchaufour et al., 1976). Six niveaux pédoanthracologiques ont été délimités pour chaque prélèvement (fig. 3). Un horizon de cailloux, de 5 à 10 cm d'épaisseur, est observé dans chacun des profils ; il est situé entre 55 et 60 cm dans MAUR 4, entre 70 et 75 cm dans MAUR 7 et entre 55 et 65 cm dans MAUR 8 (fig. 3). Dans les trois profils, cet horizon surmonte un niveau sableux, très compact, contenant en abondance des petits fragments de schiste de moins de 5 cm de longueur. RÉSULTATS Dans cette partie nous adoptons une approche analytique fondée sur la stratification particulaire des objets contenus dans les sols, dont les charbons de bois. Cette approche est encouragée par les résultats d'études laissant paraître une stratigraphie au moins partielle des charbons dans les sols (Thinon, 1992; Berli et al., 1994; Vernet et al., 1994; Boulet et al. 1995; Carcaillet et Talon, 1996; Carcaillet et al., 1997) ; en d'autres termes, la profondeur d'enfouissement de particules serait déterminée par leur temps de résidence dans le sol. La lecture des profils pédoanthracologiques s'effectue de bas en haut. Les profils quantitatifs Les trois prélèvements MAUR 4, 7 et 8 présentent une anthracomasse spécifique par niveau (ASN) maximale dans les niveaux D et minimale dans les niveaux A et F (fig. 3). Ceci laisse penser qu'un même ensemble de processus a présidé à la production de charbons, puis à leur enfouissement et à leur fragmentation dans les trois sols. S'il existe une relation entre la quantité de charbons contenue dans un niveau donné et la biomasse incendiée, alors les assemblages des niveaux C, D et E des trois profils représentent la phase d'incendies ayant brûlé le plus de végétaux. Ainsi, trois phases d'incendies seraient reconnaissables par l'étude quantitative des trois profils: une première phase à faible anthracomasse spécifique par niveau (ASN) (niveaux F), une seconde représentant le maximum d accumulation de charbons (niveaux E, D et C) et une troisième qui en contient peu (niveaux B et A). La composition des assemblages Les assemblages des niveaux F des trois profils contiennent Pinus cembra, Abies alba, Acer pseudoplatanus et Betula (fig. 3). Excepté le dernier, ces taxons sont tous tolérants à l'ombre. Les assemblages des niveaux E, D et C se distinguent de ceux des niveaux F par la présence d'essences héliophiles : Alnus glutinosa/a. incana, Alnus viridis, Populus et Juniperus. Sambucus et Acer cf. platanoides, taxons semi-héliophiles, apparaissent respectivement dans les niveaux MAUR 7 E et MAUR 8 C. Enfin, les assemblages des niveaux de surface (A et B) sont semblables pour les trois profils mais leur composition diffère de celle des niveaux profonds : ils présentent des charbons de «Larix ou Picea» et d'ericaceae dont Vaccinium cf. myrtillus. Ainsi les trois phases pressenties par l'analyse quantitative se distinguent également par leur composition taxinomique (fig. 3). La phase I (niveaux F) correspond à des faibles quantités de charbons, tous issus d'une végétation tolérante à l'ombre. La phase II (niveaux E, D et C), aux ASN élevées, possède les mêmes taxons qu'en profondeur (niveaux F), mais associés à des essences héliophiles. Enfin la phase III

ÉTUDES PÉDOANTHRACOLOGIQUES 9 FIGURE 3. Profils pédoanthracologiques des prélèvements MAUR 4, 7 et 8 à 1960 m d'altitude. Les histogrammes sont proportionnels à l'anthracomasse spécifique par taxon (AST) en ppm et les pointillés expriment une valeur d'ast inférieure à 1 ppm. L'anthracomasse spécifique est une valeur quantitative exprimant la richesse du sol en charbon de bois. Les valeurs accompagnées d une étoile (*) signifient qu elles proviennent d un échantillon représentatif de l ensemble des fragments de charbons extraits du sol. MAUR 4, 7 and 8 pedoanthracological profiles at 1960 m a.s.l.. The black bar thickness is the specific anthracomass per taxon (SAT) per investigated level and the dotting represents a specific anthracomass of less than 1 ppm. The specific anthracomass (quantitative value) shows the richness in wood charcoal. Values with a star (*), mean that they have been obtained from a representative sample of the whole charcoal fragments extracted from the soil. (niveaux B et A) est caractérisée par des ASN faibles et par des assemblages marqués par «Larix ou Picea» et des Ericaceae. DATATIONS DES PHASES I, II ET III Cinq datations ont pu être obtenues pour ces trois profils (tabl. III). La figure 4, établie à partir de ces datations, montre une relation non linéaire entre la profondeur d'enfouissement des charbons et leur âge au 14 C par SMA. La distribution des datations de charbons en fonction de leur profondeur d'enfouissement dans le sol est modélisée à l'aide d'une fonction de puissance (y=a.x b ;r 2 =0,72):la vitesse de migration des charbons en profondeur semble augmenter avec le temps. Les limites de temps des assemblages distinguées lors des analyses quantitatives et qualitatives des profils MAUR 4, 7 et 8 sont déterminées en leur appliquant la fonction de puissance ; on obtient les âges estimés suivants aux bornes des phases I, II et III : respectivement de >5700 BP, 5700-3100 BP et 3100-220 BP. La limite à 220 BP est déterminée

10 B. TALON, C. CARCAILLET et M. THINON FIGURE 4. Relation entre la profondeur d'enfouissement des fragments de charbons de bois et leur âge étalonné (n = 5; r 2 =0,72) à Saint-Michel-de-Maurienne (Savoie, Alpes du Nord). La barre verticale représente l'épaisseur du niveau de sol dans lequel le charbon a été extrait. Relationship between charcoal fragments soil depth and their calibrated age (n = 5; r 2 = 0.72) at Saint-Michel-de-Maurienne (Savoy, Northern Alps). The vertical black bar indicates the thickness of the level in where the charcoal dated was located. grâce à la première carte d'usage du sol en Savoie (Mappe Sarde de 1732, in Delcros 1994). La figure 4 est un outil de travail permettant de fixer un cadre chronologique aux assemblages de charbons fossiles de MAUR 4, 7 et 8, dans la mesure où l'on admet la stratigraphie partielle des charbons dans les sols. INTERPRÉTATION La distribution non linéaire des âges des fragments de charbons de bois en fonction de leur profondeur d'enfouissement est contraire à certaines observations réalisées dans des systèmes écologiques très différents du nôtre à savoir des sols tropicaux forestiers du Brésil dans lesquels l'enfouissement des charbons semble linéaire en fonction du temps (Vernet et al., 1994; Boulet et al., 1995). Mais notre observation se rapproche de celle observée en Corse dans un contexte méditerranéen (Carcaillet et al., 1997). La végétation de notre site dans le massif de la Vanoise est constituée par une pelouse sous laquelle le sol présente une forte densité de racines. Les racines se comportent comme un piège à charbons, car ceux-ci possèdent un fort pouvoir adsorbant vis-à-vis des composés ioniques, particules nutritives pour les végétaux (Zackrisson et al., 1996). Les charbons de bois «traversent» donc plus lentement les horizons de surface, très racinaires, que les horizons minéraux de profondeur (Carcaillet et Talon, 1996). De plus, les organismes fouisseurs du sol contribuent au brassage vertical particulaire, dont les fragments de charbons, des horizons profonds vers la surface (Johnson, 1993; Carcaillet et Talon, 1996), ce qui conduit à vieillir les assemblages des horizons superficiels. Enfin, si les fragments de charbons que l'on date proviennent d'arbre ou de souche millénaires, comme il en existe actuellement dans les Alpes, en dépit d'une exploitation forestière et d'un pâturage intenses (Serre-Bachet, 1978; Tessier, 1986; Belingard, 1996), il peut s'en suivre un décalage de près de mille ans entre l'âge du charbon et la date de l'incendie. En mesurant le taux de 14 C d'un charbon, on détermine donc l'âge de ce charbon, c'est-à-dire l'époque de la mise en place du ou des cernes qui le constituent, mais non celui de l'incendie (Carcaillet, 1996; Talon, 1997a). Ces remarques mettent en évidence le fait que la stratigraphie des charbons peut être perturbée provoquant un brassage partiel des anthracocœnoses issues de communautés ayant vécues à des moments différents. Les assemblages récents contiennent alors, en faible quantité, des charbons des niveaux plus profonds, issus d'une végétation plus ancienne. Pour cette raison, afin de ne pas risquer d'interprétations chronologiques erronées, les datations ne sont pas reportées sur les profils anthracologiques (fig. 3). Évolution de la végétation ligneuse La phase I (fig. 5), >5700 BP, est représentée par le fond des trois profils. La végétation est constituée essentiellement d'espèces tolérantes à l'ombre (Pinus cembra, Abies alba, Acer pseudoplatanus). Pinus cembra semble le taxon dominant, au regard de sa constance dans les assemblages. Actuel 220 BP (1732 AD) 3100-220 BP 5700-3100 BP c. 6000 BP Pâturage Pâturage Feux Feux Érosion Feux Prairie Prairie Boisements-landes à Larix et/ou Picea Ericaceae, Juniperus sp., Alnus viridis Boisements à Pinus cembra Abies alba, Acer spp. Alnus spp., Betula spp. Populus tremula, Juniperus sp. Boisements à Pinus cembra Abies alba, Acer pseudoplatanus Observations de terrain Documents historiques FIGURE 5. Figuration synthétique des changements stationnels de végétation, d'après l'interprétation des données pédoanthracologiques provenant de la station MAUR 4, 7 et 8 du bassin versant de Saint-Michel-de-Maurienne. Synthetic data of the MAUR 4, 7 and 8 stand vegetation changes at 1960 m a.s.l. within the Saint-Michel-de-Maurienne catchment area. Données pédoanthracologiques

ÉTUDES PÉDOANTHRACOLOGIQUES 11 Acer pseudoplatanus et Abies alba composent également cette végétation. Ceci corrobore les résultats des études palynologiques qui font état pour cette période, dans le massifdelavanoiseetlavalléedelamaurienne,d'unmaximum d'abondance pollinique de Pinus cembra dans les boisements d'altitude et situent la limite supérieure atteinte par le sapin à 2000 m d'altitude (Wegmüller, 1977; David, 1993, 1995). La phase II (fig. 5), 5700-3100 BP, est caractérisée par des anthracomasses spécifiques élevées. La distribution en écaille de Pinus cembra, dont le maximum d'ast est situé autour du niveau D, démontre une phase importante d'accumulation de charbons pouvant dater de la création des pâturages actuels. Durant cette phase B, le boisement à Pinus cembra au-dessus de 1900 m d'altitude est plus riche en essences ligneuses que pendant la phase précédente (>5700 BP). En dépit du caractère héliophile de certains taxons, les assemblages de la phase II proviennent de peuplements perturbés, encore peu différents de ceux de la phase I. Ces observations sont en accord avec celles de David (1993, 1995) qui, par l'analyse palynologique, constate un accroissement du nombre des ligneux héliophiles au cours de cette période dans l'ensemble du massif de la Vanoise et des vallées périphériques, dont la Maurienne. Les anthracomasses spécifiques sont faibles dans les niveaux A et B correspondant à la troisième phase d'incendie, 3100-220 BP (fig. 5). Il semble que la biomasse incendiée au cours de cette dernière phase ait été peu importante. Les assemblages sont constitués de taxons héliophiles des landes alpines et signalent la présence de Picea ou de Larix, espèces dont la régénération est difficile en sous-bois (Auer, 1949; André et al., 1987, 1990; Pellissier, 1993; Solichon, 1993; Rameau et al., 1993). Les assemblages de la phase III révèlent ainsi des peuplements fréquemment perturbés ou sous fortes contraintes. Lecasdelalimitesupérieured'Alnus glutinosa/a. incana Les profils MAUR 4 et 7 contiennent des charbons d'alnus glutinosa/a. incana. Ces deux taxons ne peuvent pas être différenciés par l'anatomie de leur bois (Schweingruber, 1990). Mais A. glutinosa est une espèce à caractère hygrophile et thermique très marqué, alors qu'a. incana occupe non seulement des milieux périodiquement submergés mais aussi des sols pierreux et secs (Schwabe, 1985; Rameau et al., 1993). En outre, A. incana est une espèce boréo-montagnarde, qui pousse sous les climats aux hivers froids et aux étés chauds et arrosés (Schwabe, 1985; Moe et Odland, 1992) comme celui de la vallée de la Maurienne (Fournier, 1985), alors qu'alnus glutinosa est une espèce des régions tempérées du paléarctique. La station des profils MAUR 4 et 7 est à caractère mésophile et éloignée d'un cours d'eau, ce qui tend à écarter A. glutinosa de notre interprétation. L'écologie de cette station et les caractéristiques climatiques de la vallée permettent d'attribuer les fragments de charbons d'alnus glutinosa/a. incana de MAUR 4 et 7 (fig. 3) à A. incana. Actuellement, cette espèce ne dépasse pas 1680 m d'altitude dans le secteur de Saint-Michel-de- Maurienne alors que les données anthracologiques situent sa limite supérieure 280 m plus haut. Si on considère que le climat est le seul responsable des variations de la limite altitudinale des arbres, alors la phase 5700-3100 BP aurait été plus favorable que la période actuelle. En Scandinavie, Kullman (1992) suppose que de multiples extinctions locales d'origine biotique ou abiotique sur une longue période sont responsables de l'abaissement de la limite supérieure d'alnus incana. La même hypothèse peut être envisagée à Saint-Michel-de-Maurienne dans le cas d'alnus incana en impliquant le feux et le pâturage comme principales causes des extinctions locales, puis un changement des conditions micro-climatiques lié à la déforestation. Indice d'une phase d'érosion active L'horizon de cailloux «flottants» observé dans les trois profils MAUR 4, 7 et 8 (fig. 3) indique qu'un même événement est responsable de cette accumulation. L'enfouissement des éléments déposés sur le sol s'effectue principalement sous l'action de la pédofaune et du colluvionnement. Un colluvionnement chargé de pierres, contemporain de l'accumulation des charbons dans les niveaux C, D et E des profils MAUR 4, 7 et 8, pourrait expliquer ce lit de cailloux «flottants». En outre, la plus grande partie des charbons de ces profils est contenue dans ces mêmes niveaux. Il s'agit probablement de la principale phase d'incendies des boisements de Pinus cembra. La phase d'érosion active constatée pourrait provenir d'une augmentation du régime pluviométrique, mais il est plus probable que cette érosion résulte d'une déforestation laissant les sols sans couverture végétale, favorisant ainsi le colluvionnement qui succède souvent aux incendies (Kozlowski et al., 1991). La figure 5 permet de situer cet événement entre 5700 et 3100 BP. Cause possible de changement Nous formulons l'hypothèse selon laquelle des perturbations intenses et fréquentes, feux de déforestation suivis de pâturage, seraient responsables des changements de couverture ligneuse à 1960 m sur la station matérialisée par les profils MAUR 4, 7 et 8. Le déboisement rendant les milieux d'altitude beaucoup plus exposés aux rigueurs du climat, les taxons feuillus et post-pionniers, tels qu'alnus incana, se seraient ainsi réfugiés à plus basse altitude, en dessous de leur limite potentielle de croissance. CONCLUSION L'analyse pédoanthracologique de ces différents prélèvements apporte des résultats originaux concernant l'histoire de la limite supérieure des arbres dans les Alpes occidentales et la présence d'espèces potentiellement arborescentes dans l'étage alpin. L'information contenue dans un prélèvement pouvant provenir de quelques dizaines à quelques centaines de mètres carrés aux alentours, la pédoanthracologie apporte à l'étude de l'histoire de la végétation ligneuse, une description spatiale très précise que ne permettent pas les autres approches fondées sur l'analyse de macrorestes contenus dans des lacs ou des tourbières. L'étude pédoanthracologique de différentes stations de l'étage alpin

12 B. TALON, C. CARCAILLET et M. THINON des Alpes du Sud montre que la présence de charbons de bois dans les sols de haute à très haute altitude n'est pas accidentelle et ne peut résulter uniquement d'un apport aléatoire par le vent. Les résultats font preuve d'une grande cohérence : présence de charbons dans tous les prélèvements, indépendamment de l'altitude, de l'exposition et de la nature du substrat. Ils révèlent à l'évidence l'implication des incendies dans la mise en place des structures actuelles de végétation. Des espèces ligneuses ont donc, par le passé, colonisé les pelouses actuelles de l'étage alpin. Le rôle de Pinus cembra mérite tout particulièrement d'être souligné, compte tenu de sa distribution géographique actuellement limitée tant dans les Alpes françaises du Sud que dans celles du Nord. Deux exemples précis d'abaissement de limites supérieures d'arbre ont été mis en évidence avec le cas particulier d'alnus glutinosa/a. incana en Maurienne et celui de Pinus cembra dans les Alpes du Sud. À plus basse altitude en Maurienne, l'analyse qualitative et quantitative des prélèvements illustre la reproductibilité de l'enregistrement anthracologique des sols d'une même station et permet de distinguer trois phases d'incendie se succédant dans le temps. La douzaine de datations obtenues couvre une période qui s'étend de ca. 6000BPàca. 1400 BP. L'hypothèse de changements climatiques de grande ampleur, entraînant une baisse altitudinale de la limite des arbres de près de 500 m pour certains sites, ne peut être la seule retenue pour la période concernée. Si une péjoration climatique a pu intervenir, elle n'a joué dans les Alpes occidentales qu'un rôle partiel, consistant à maintenir un état de déforestation initialement déclenché par les activités humaines depuis au moins 5000 ans. Les actions anthropiques semblent donc avoir été un des moteurs les plus déterminants dans la mise en place des domaines asylvatiques d'altitude et dans les variations de la limite supérieure des arbres au cours de l'holocène dans les secteurs retenus. REMERCIEMENTS Cette étude, présentée lors des rencontres franco-québécoises à Aussois en 1994 sous l'égide du Centre de Coopération interuniversitaire franco-québecois, a pu être réalisée grâce au soutien financier du Centre national de la Recherche scientifique et du Ministère de l'environnement (France) par l'entremise des programmes «Histoire, évolution et dynamique des limites supraforestières en relation avec les changements climatiques et l'action de l'homme» (DRAEI 93019) et «Évolution de la biodiversité dans la vallée de la Maurienne» (DGAD/SRAE 95227). Les datations ont été réalisées au NSF Arizona AMS Laboratory, à Tucson (USA). Nous remercions H.N. Barakat, J.P. Bouchot et A. Nicault pour l'assistance sur le terrain, J.N. Haas pour la correction du résumé en allemand, ainsi que Y. Bégin, D. Marguerie, P.J.H. Richard et un correcteur anonyme pour leurs commentaires sur le manuscrit. RÉFÉRENCES Albert, D.A. et Minc, L.D., 1987. The natural ecology and cultural history of the Colonial Point red oak stands. University of Michigan Biological Station, technical report,14, 61 p. Anagmost, S.E., Meyer, R.W. et de Zeeuw, C., 1994. Confirmation and significance of Bartholin's method for the identification of the wood of Picea and Larix. IAWA Journal, 15(2) : 171-184. André, J., Gensac, P. et Gautier, M., 1990. La régénération dans la pessière à myrtille, description préliminaire de deux stations dans les Alpes septentrionales internes. Bulletin d Écologie,. 21(1) : 51-61. André, J., Gensac, P., Pellissier, F. et Trosset, L., 1987. Régénération des peuplements d'épicéa en altitude: recherches préliminaires sur le rôle de l'allélopathie et de la mycorhisation dans les premiers stades du développement. 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