1 ER FORUM DE MEDIATION BEYROUTH 26, 27 ET 28 JUIN 2008 «LA MEDIATION AU SERVICE DES BANQUES, DES ASSURANCES ET DES ENTREPREPRISES : INTERETS AU NIVEAU ECONOMIQUE INTERNE ET INTERNATIONAL» Silvestre TANDEAU de MARSAC Avocat au Barreau de Paris Ancien membre du Conseil de l Ordre SCP Fischer, Tandeau de Marsac, Sur & Associés 46 avenue d Iéna - 75116 Paris (France) : 33.(0)1.47.23.47.24 - Fax : 33.(0)1.47.23.90.53 Email : smarsac@ftms-a.com http://www.ftms-a.com
I. Les principes généraux de la médiation 1. Définition Distincte de la conciliation et de l arbitrage, la médiation est un mode amiable de règlement des conflits par lequel un tiers indépendant et impartial, formé à la médiation, aide les parties à trouver une issue négociée à leurs différends, par l adoption d une solution consensuelle satisfaisante pour chacune d elle. 2. Le rôle du médiateur Le rôle du médiateur est de faciliter la négociation, d aider les parties à décrire leurs difficultés et à les surmonter. Pour cela, le médiateur peut décider d entendre chacune des parties en aparté. Ces dernières pourront alors lui révéler des faits qu elles n auraient pas osé exposer devant les autres parties, et ce en toute confidentialité. Dans l exercice de ses fonctions, le médiateur doit respecter certaines règles essentielles au bon déroulement de la médiation : - Le médiateur doit être indépendant. Cela signifie qu il ne doit pas avoir de lien objectif entre lui et l une des parties ou l un des conseils. - Par ailleurs, le médiateur doit faire preuve d impartialité, de neutralité vis-àvis des parties. - De plus, la confidentialité du médiateur doit être absolue. De ce fait, il est parfois amené à signer des engagements de confidentialité. Il devra également veiller aux conditions de la confidentialité des parties. - Enfin, pour avoir recours à la médiation, chacune des parties en cause doit avoir donné son accord. D ailleurs, chacune des parties peut décider, à tout moment, de mettre fin à la médiation en se retirant. Il résulte de ces différents éléments que le choix d un médiateur compétent est essentiel pour que la médiation aboutisse à un accord transactionnel. La formation du médiateur est donc déterminante. 2
3. Les différents types de médiations Il existe trois types de médiations différentes. a. La médiation judiciaire La médiation judiciaire a été instituée en France par la loi n 95-125 du 8 février 1995 relative à l organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative. 1 Une médiation est qualifiée de judiciaire lorsqu elle intervient dans le cadre d une instance, sur proposition du juge ou sur initiative des parties. Comme le souligne le rapport du député Floch, la médiation, est un mode de reconstruction des liens et de rétablissement des communications. 2 b. La médiation conventionnelle La médiation est dite conventionnelle lorsque celle-ci résulte de la libre autonomie des parties qui décident de soumettre leur différend à un médiateur sans qu il y ait eu saisine d une juridiction nationale. Ce type de médiation est pratiqué, notamment, par des associations professionnalisées et des dispositifs de médiation sociale organisés par les communes. Les règles de la liberté contractuelle s appliquent. Ainsi, les parties sont libres de désigner le médiateur de leur choix, sans aucun contrôle judiciaire sur la qualité de ce dernier. c. La médiation institutionnelle La médiation institutionnelle est engagée par les parties, conjointement ou sur l initiative de l une d entre elles, avec l appui d un centre de médiation. Il est de plus en plus fréquent que des centres de médiation aident les parties à un contrat à organiser la médiation en leur apportant : un règlement de procédure qui leur garantit la tenue de celle-ci, une assistance dans la sélection et la désignation du médiateur, un soutien logistique dans l organisation de la médiation, un soutien administratif dans la gestion de la procédure, une tarification des coûts de procédure. 1 JORF n 34 du 9 février 1995 2 Assemblée nationale, Rapport d information déposé par la délégation de l Assemblée nationale pour l Union européenne sur la médiation en Europe. N 3696 3
Parmi les centres les plus réputés, nous pouvons citer l Institut d Expertise d Arbitrage et de Médiation (IEAM), le Centre de Médiation et d Arbitrage de Paris (CMAP) ou encore la Chambre de Commerce Internationale (CCI). L AME, pour sa part, n est pas un centre mais une association de médiateurs professionnels indépendants et expérimentés, ayant pris l engagement de respecter une charte d éthique. 4. Les intérêts de la médiation La médiation présente de nombre intérêts : elle permet le maintien de relations d affaires qu un contentieux aurait rompu, le coût du médiateur est partagé entre les parties et est donc moins important qu en cas saisine d un tribunal, la procédure est rapide, la médiation facilite la négociation, les parties peuvent exposer et décrire leurs difficultés et chercher la meilleure solution, possibilité de faire des apartés elle permet le désengorgement des tribunaux. Tels sont les principes généraux de la médiation. Il convient désormais de s intéresser à leur application dans les différents secteurs économiques, et plus particulièrement dans le domaine des entreprises, des banques et des compagnies d assurance. II. La médiation relative aux banques, aux compagnies assurances et aux entreprises sur le plan national Comme le souligne le rapport du député Floch précité, différents services de médiation intégrés aux entreprises, à des banques, ou encore à des compagnies d assurance se sont développés. 1. Le domaine commercial : a. Principes généraux Treize ans après l entrée en vigueur de la loi sur la médiation, le bilan de la médiation civile et commerciale reste encore relativement limité, malgré l engagement individuel de certains magistrats. Une première raison tient au fait que les entreprises ne ressentent pas, en terme de coûts et de délais, de véritables contraintes en matière de résolution judiciaire de leurs litiges, s agissant du moins des contentieux portés devant les tribunaux commerciaux. 4
Une deuxième explication réside dans le fait que la médiation nécessite, en France, pour se développer, une véritable révolution culturelle chez toutes les parties prenantes, à savoir aussi bien les magistrats que les avocats, et bien sûr les entreprises elles-mêmes. b. Données chiffrées 3 En 2007, le CMAP a eu à traiter 304 médiations. 89% d entre elles étaient conventionnelles et 11% judiciaires. Les demandes de médiation dans le domaine commerciale concernaient principalement les secteurs d activités suivants : - Banque et assurance : 9% - Conflits entre associés, droit des sociétés, garanties de passif : 17% - Vente : 5% 2. Le domaine bancaire 4 a. Principes généraux C est la loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier (MURCEF) du 11 décembre 2001 5 qui a prévu la mise en place d un service de médiation en matière bancaire. Ainsi, tout établissement de crédit doit désigner un médiateur auquel pourra s adresser sa clientèle. Il traite les litiges opposant un client à un établissement de crédit et portant sur la conclusion de la convention de compte, sur son contenu, ainsi qu aux services et moyens de paiement qui y sont attachés (chéquier, carte bancaire, etc.). Le médiateur peut être propre à la banque, ou bien encore être un médiateur commun à plusieurs banques, tel celui placé auprès de la Fédération bancaire française (FBF). Par ailleurs, la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs (loi Chatel) 6 a étendu le champ de la médiation bancaire aux produits d épargne. 3 http://www.mediationetarbitrage.com/interne.php?page=15&niveau=2 4 Compte rendu d activité 2007 du médiateur auprès de la Fédération bancaire française 5 Loi n 2001-1168 du 11 déc. 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier 6 Loi n 2008-3 du 3 janv. 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs 5
b. Données chiffrées Dans son compte rendu d activité, le médiateur de la FBF déclare avoir reçu au cours de l année 2007, 1076 courriers, dont 712 étaient du ressort de cette dernière. Ces 712 courriers ont été orientés de la manière suivante : 347 ont été rejetés car ils concernaient des sujets pour lesquels le médiateur n était pas compétent, 21 ont été classés sans suite, 330 ont été différés pour non épuisement préalable des voies de recours interne des établissements, 14 courriers ont pour leur par été traitables par le médiateur. L objet des litiges des dossiers de médiation portait pour : 37% sur le fonctionnement du compte, 21% sur la tarification, 21% sur les moyens de paiement, 21% sur les opérations de crédit. 3. Le domaine financier 7 a. Principes généraux Institué en 2001, le médiateur de l Autorité des marchés financiers (AMF) est compétent pour tout litige à caractère individuel entre un investisseur non professionnel et un intermédiaire financier, un émetteur ou un prestataire de services d investissement. Il intervient également pour les litiges relatifs à l information, à l exécution des ordres et aux mandats de gestion de portefeuilles. b. Données chiffrées En 2007, le médiateur de l AMF a reçu 706 demandes de médiation et 493 dossiers ont été traités du 1 er janvier au 31 décembre 2007. Il est intéressant de noter que 84% de ces dossiers ont été clôturés dans les six mois de leur ouverture, ce qui prouve la rapidité de la médiation. Sur les 493 dossiers, 66% de ceux portant sur des sujets inclus dans le champ de compétence de l AMF et accompagnés d éléments pertinents ont permis de conclure un accord. 7 Rapport du médiateur de l AMF 2007 6
Les dossiers ont été répartis entre plusieurs thèmes généraux représentant le % suivant des demandes : - les produits collectifs et la gestion de sous-mandat : 47% - la transmission/exécution d ordres : 33% - les émetteurs, le fonctionnement général des marchés et les instruments financiers autres que les produits collectifs : 19% - divers : 1%. 4. Le domaine des assurances 8, 9 Ici il est nécessaire de distinguer entre les différends mettant en cause des compagnies affiliées auprès de la FFSA (Fédération française des sociétés d assurances), et ceux mettant en cause les compagnies affiliées auprès du GEMA (Groupement des entreprises mutuelles d assurance). a. Principes généraux C est en 1993 que la Fédération française des sociétés d assurances a mis en place un système donnant la possibilité aux particuliers face à un différend relatif à un contrat d assurance de bénéficier d une procédure de médiation. Comme en matière bancaire et financière, le recours au médiateur n intervient qu après épuisement des recours internes à la compagnie d assurance, comme alternative au procès. b. Données chiffrées - Litige avec une compagnie d assurance affiliée à la FFSA : En 2006, seulement 29% des avis rendus dans le cadre de la médiation de l assurance ont été totalement ou partiellement défavorables au requérant. - Litige avec une compagnie d assurance affiliée au GEMA : En 2007, le GEMA a été saisit de 257 demandes de médiation, dont 193 relevant de sa compétence. 8 Rapport annuel du médiateur de la Fédération française de sociétés d assurances 2006 9 Rapport sur l activité du médiateur du GEMA pour l année 2007 7
III. La directive sur la médiation civile et commerciale La directive européenne sur la médiation civile et commerciale a été adoptée par le Conseil le 28 février 2008. Elle a pour but de définir un cadre général pour la médiation au sein de l Union européenne. 1. Champ d application de la directive La directive a vocation à s appliquer à tous les processus de médiation dans les matières civiles et commerciales. La directive ne donne pas de définition de ce qu il faut entendre par «matière civile et commerciale». Toutefois, la jurisprudence constante de la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) considère que la notion ne se réfère pas au droit de l un des Etats, mais aux objectifs et au système de l instrument en cause ainsi qu aux principes généraux se dégageant de l ensemble des droits nationaux. Par ailleurs, la directive ne s applique qu aux litiges transfrontaliers, c'est-à-dire les litiges dans lesquels les parties sont domiciliées ou ont leurs résidences habituelles dans des Etats membres différents. 2. Contenu de la directive a. Définitions La directive donne une définition de la médiation et du médiateur tout en laissant une marge de manœuvre aux Etats. Ainsi, la directive définit la «médiation» comme un processus structuré dans lequel deux ou plusieurs parties tentent volontairement de parvenir à un accord avec l aide d un médiateur. La directive précise que la médiation peut être déclenchée par les parties, par le juge ou, dans certains cas, par l application de la loi d un Etat membre. Ensuite, la directive définit le «médiateur» comme toute personne sollicitée pour mener une médiation avec efficacité, impartialité et compétence. Il appartient aux Etats membre de déterminer les conditions d encadrement des médiateurs. b. Homologation des accords issus de la médiation Afin qu un accord issu d une médiation puisse être homologué par une juridiction ou une autorité compétente, trois conditions doivent être remplies : - les parties sont prêtes à constater qu il existe un accord entre elles, - le contenu de l accord ne doit pas être contraire au droit de l Etat membre dans lequel la demande d homologation a été formulée, - le droit de l Etat membre concerné doit permettre la possibilité que le contenu de l accord soit rendu exécutoire. 8
La directive précise par ailleurs que le soin de déterminer quelles sont, en plus des juridictions, les autorités compétentes pour se prononcer sur le caractère exécutoire des accords issus de la médiation revient aux Etats. c. Confidentialité La directive prévoit que ni le médiateur ni les personnes participant à l administration d une médiation ne peuvent délivrer des informations au cours d une procédure judiciaires. Ainsi, les informations échangées lors du processus de médiation restent confidentielles. Cette règle souffre deux exceptions : - lorsque la divulgation est nécessaire pour des raisons impérieuses d ordre public dans l Etat membre concerné, - lorsque la divulgation est nécessaire pour mettre en œuvre ou pour exécuter ledit accord. d. Les délais de prescription La directive précise que les Etats membres doivent faire en sorte que les parties qui décident d avoir recours au processus de la médiation ne soient pas ensuite privée de la possibilité d entamer une procédure judiciaire ou encore une procédure d arbitrage relative au litige en cause du fait de l expiration des délais de prescription. 9