INTRODUCTION... 2 PREMIERE PARTIE : LE PATRIMOINE DE LA SAMARITAINE... 3



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Transcription:

LE 25 JANVIER 2012 ~ «PATRIMOINE ET DEVELOPPEMENT PEMENT DURABLE» Contenu INTRODUCTION... 2 PREMIERE PARTIE : LE PATRIMOINE DE LA SAMARITAINE... 3 DES ACQUISITIONS SUCCESSIVES VERS UNE VOLONTE D UNIFICATION ARCHITECTURALE INACHEVEE... 3 SEUL L ASPECT EXTERIEUR DES BATIMENTS 2 ET 4 PRESENTENT UN SEMBLANT D UNITE... 5 DEUXIEME PARTIE : LE BILAN ENVIRONNEMENTAL DE LA SAMARITAINE... 6 LA RELATION ENTRE PATRIMOINE ET DEVELOPPEMENT DURABLE PEUT ETRE CONFLICTUELLE... 6 CEPENDANT UNE RECONCILIATION EST POSSIBLE!... 6 1/ TRAVAIL SUR L ENVELOPPE... 6 2/ TRAVAIL SUR LES TOITURES... 8 3/ INTEGRATION DES ENERGIES RENOUVELABLES... 8 4/ QUALITE SANITAIRE DE L AIR... 8 5/ INTEGRATION DU TRI DES DECHETS DES LA CONCEPTION... 9 TROISIEME PARTIE : S - REPONSES... 10

INTRODUCTION EAN-PHILIPPE CREUTZ Aujourd hui nous ouvrons un premier cycle de conférence à la Maison du projet de la Samaritaine. L objectif de ces conférences est la mise en perspective du projet de rénovation de la Samaritaine au regard des enjeux architecturaux, urbains, environnementaux et plus largement sociétaux, qu il sous-tend. Elles seront animées par un journaliste, entouré de 2 ou 3 trois acteurs qui interviennent de loin ou de près dans le projet. Ce soir, Lionel Blaisse, journaliste spécialiste d architecture, assure l inauguration de ce cycle de conférence, en présence de Jean-François Lagneau, architecte en chef des monuments historiques et architecte du patrimoine de la Samaritaine sur notre projet, Michel le Sommer (Le Sommer Environnement) qui est notre conseiller environnemental. A l heure actuelle, le site a été curé et sa structure mise à nu. En guise d introduction nous souhaitons vous présenter le film que nous venons de réaliser pour montrer la Samaritaine telle qu elle est, et surtout telle que vous ne la reverrez plus une fois le projet achevé. Projection du film «Voyage au cœur de la Samaritaine» LIONEL BLAISSE Pour introduire cette séance, je mettrai en avant que la vertu primordiale en matière de développement durable réside dans la capacité de reconversion d un bâtiment dans le temps. Mais pour autant, tout peut-il être conservé et transformé? Les architectures dont nous avons héritées du passé n ont pas toutes les mêmes valeurs. Qui plus est, la valeur patrimoniale n est pas seulement architecturale, elle peut être également technologique, sentimentale, esthétique, urbaine, environnementale, puisque les attentes des populations changent et que les temps évoluent. Les performances stylistiques et technologiques, aussi sophistiquées qu elles aient pu paraître à l époque de l édification des bâtiments, se révèlent avec le temps souvent obsolètes, surtout lorsqu on les met aujourd hui en vis-à-vis des contraintes urbaines et environnementales. Dès lors, il convient de s interroger : en quoi la Samaritaine était-elle innovante en son temps et comment le sera-t-elle demain? Quels sont les arguments qui justifient à la fois sa conservation et sa reconversion? Enfin, comment peut-on concilier restauration patrimoniale, positionnement fonctionnel, remise aux normes actuelles et haute qualité environnementale?

PREMIERE PARTIE : LE PATRIMOINE DE LA SAMARITAINE EAN-FRANÇOIS LAGNEAU DES ACQUISITIONS SUCCESSIVES VERS UNE VOLONTE D UNIFICATION D ARCHITECTURALE INACHEVEE L histoire de la Samaritaine est une épopée extraordinaire, qui est le fait d Ernest Cognacq, un simple camelot et marchand à la sauvette à ses débuts, devenu, grâce à son mariage avec Louise Jay et grâce également à l argent qu elle apportait (elle était première vendeuse au Bon Marché), selon l expression de l époque «le Napoléon du déballage». Au moment où commencent les travaux qui nous intéressent, c'est-à-dire au tout début du XXème siècle, il venait de terminer l acquisition de la totalité du magasin 1. Dans ce même magasin, il avait été tout d abord sous locataire d une des échoppes, puis progressivement, au fur à mesure du développement de ses affaires et des opportunités foncières, il avait commencé à grignoter l ensemble du magasin 1. Ceci nous amène au début du XXème siècle, au moment où Ernest Cognacq franchit la rue de la Monnaie et s attèle à ce qui allait devenir la première partie du magasin 2. Il procède toujours de la même façon, en acquérant d abord des parcelles, puis en grignotant l ensemble pour progressivement réaliser les façades une fois l intérieur investi. Pour la première partie du bâtiment Seine, «Art nouveau», c est l architecte Frantz Jourdain qui est intervenu, et pour la deuxième partie, beaucoup plus calme dans son apparence, c est l architecte Sauvage en pleine période «Art déco». J ajoute que la suppression des coupoles n a pas fait scandale car les parisiens n appréciaient pas ces fantaisies Art nouveau jugées trop agressives. D ailleurs Sauvage avait commencé à purifier la partie Jourdain, en calmant par exemple les polychromies de son prédécesseur. Un aspect majeur de ce bâtiment est sa verrière : on avait alors le souhait de créer de véritables jardins d hivers dont l objectif était non seulement d attirer les clients mais également d apporter la lumière puisque ce magasin de 6 étages n avait pas l électricité au moment de sa réalisation en 1909-1910. C est pour cette raison également que tous les planchers étaient en dalles de verre. Evidemment, au fil du temps, ce magasin a été dénaturé, mais heureusement cette partie jardin d hiver a pu subsister, car dans de nombreux autres grands magasins (je pense au Printemps et aux Galeries Lafayette, un peu moins au Bon Marché), tous ces grands jardins d hivers ont été supprimés avec l arrivée de l électricité. Vous imaginez bien qu en plein centre de Paris, perdre des mètres carrés de surface de vente n était pas acceptable! Le magasin 3 ne fait pas partie de l opération de restauration mais il a été acquis tout de suite après la construction de la partie Sauvage, ce qui explique qu il ait été construit dans le même style.

Sauvage s est ensuite attaqué au magasin 4, celui qu on appelle l îlot Rivoli. Cet îlot a lui aussi traversé les siècles. On peut y deviner des vestiges du tissu urbain moyenâgeux et le passage d une des premières enceintes de Paris, puis sa profonde modification avec le percement de la rue de Rivoli. La percée de cette rue avait commencé sous le premier Empire, elle s était alors arrêtée au niveau du Louvre pour n être reprise que dans les années 1850. Le tracé de la rue de Rivoli avait complètement détruit une partie du parcellaire médiéval de cet îlot, pour réaliser les immeubles qui sont là actuellement, c'est-à-dire les quatre parcelles correspondant aux quatre immeubles de la Samaritaine côté Rivoli, qualifiés à tort d haussmanniennes, dans la mesure où Haussmann n était pas encore préfet de Paris à l époque de leur construction. Cet immeuble était à l origine à usage d habitation, mais très rapidement la société Revillon, le grand fourreur, en prit possession et comme l avait fait Ernest Cognacq, grignota les différents immeubles pour y installer magasins, salons d essayages et ateliers de confection. Cognacq, après avoir achevé le bâtiment 3, dans les années 1930-1932, rachète l ensemble des magasins à la société Revillon pour s y installer. Ensuite il continua d acheter des parcelles que Revillon ne possédait pas encore, cette fois-ci non pas pour y installer son magasin, mais en prévision d une vaste opération qu il ne réalisera jamais. Le grand projet de Cognacq (ce n était plus Ernest alors mais son neveu) était d unifier l ensemble des 4 magasins pour en faire ce grand magasin qui ne verra jamais le jour. C est ce qui explique que le magasin 2 apparait comme inachevé. Dans cet îlot Rivoli, les immeubles investis par le commerce étaient des appartements à l origine. Avec l installation de Révillon, tous les murs ont été démolis à l exception des murs de façades et des murs de refends indispensables à la stabilité de l ensemble. Et surtout, ils ont été très surélevés : on ne compte pas moins de trois ou quatre campagnes de surélévations qui ont complètement dénaturé ces immeubles. Quant aux parties basses des façades, elles ont été traitées en vitrines, effaçant la vision des rez-de-chaussée d origine. A l intérieur il n y a vraiment plus rien, les vestiges des faux lambris ont complètement disparu. Les différences de niveaux du plancher sont nombreuses, tout simplement parce qu il s agissait d immeubles complètement indépendants les uns des autres. Les immeubles 17 e et 18 e siècles rue de l Arbre-Sec Ces immeubles, situés dans la rue de l Arbre-Sec, sont installés dans la partie de cet îlot 4 la plus vénérable, j entends par là la plus ancienne. Nous sommes véritablement dans un tissu urbain médiéval qui a traversé les siècles et qui, au 17 ème et 18 ème siècle, a été remis au goût du jour. Une fois de plus c est toute la force du patrimoine à s adapter au fil des siècles et aux différentes évolutions! Leurs caves sur deux étages sont médiévales. En revanche, au-dessus, ce sont des immeubles qui ont été la plupart du temps reconstruits au 17 ème et au début du 18 ème siècle. Ils ont aujourd hui beaucoup de charme mais vous l imaginez, ils ne correspondent plus très bien à

notre mode de vie. Les courettes par exemple sont loin de correspondre aux normes hygiéniques actuelles! SEUL L ASPECT L EXTERIEUR DES BATIMENTS 2 ET 4 PRESENTENT UN SEMBLANT D UNITE D Pour le magasin 2, la partie Sauvage, côté quai du Louvre, date de 1930. Construite en une fois, elle est tout à fait représentative du style art Déco. La partie Jourdain, en revanche, a été construite d une façon très désordonnée à partir du XXème siècle, à l exception cependant de la partie «Verrière», puisque Jourdain a pu acheter l école communale de la ville de Paris, ce qui est impensable de nos jours! Cette partie du magasin 2 où se trouve le vaste jardin d hiver est relativement cohérente en intérieur comme en extérieur, contrairement aux autres parties dites Jourdain Plateau, où seules les façades sont homogènes car, encore une fois, les intérieurs ont été aménagés au fur et à mesure de leurs acquisitions. Quand au magasin 4 dans l îlot Rivoli, il présente le visage d un ensemble haussmannien mais dont il ne reste plus que les façades. Voilà ce que nous pouvons dire, dans un rapide balayage, de l histoire de ces magasins de la Samaritaine. LIONEL BLAISSE Intéressons-nous à présent dans le cadre de notre débat à l état des lieux environnemental de ces bâtiments. Michel Le Sommer, conseiller environnemental auprès de la Samaritaine va à présent vous livrer les contraintes accumulées tout au long de l histoire.

DEUXIEME PARTIE : LE BILAN ENVIRONNEMENTAL DE LA SAMARITAINE LA RELATION ENTRE PATRIMOINE ET DEVELOPPEMENT EMENT DURABLE PEUT ETRE E CONFLICTUELLE Les règlementations thermiques successives depuis 1988, 2000, 2005 et la 2012 imposent aux maîtres d ouvrages et aux propriétaires de diminuer leur consommation d énergie, ce qui n était pas une préoccupation jusqu à la fin des années 90. Et ce d autant moins en 1905, quand le bâtiment a été construit! Dans le cadre d un chantier de rénovation, l enjeu en termes de démarche environnementale est de trouver un équilibre entre, d une part les consommations futures liées à l exploitation et, d autre part, les ressources nécessaires pour les consommations liées au fonctionnement des bâtiments : énergie et matériaux. Autrement dit, il faut trouver l équilibre entre les coûts d exploitation et la consommation d énergies fossiles et de matières. Cette dernière, appelée l énergie grise, représente la quantité d'énergie nécessaire au cycle de vie d'un matériau ou d'un produit : la production, l'extraction, la transformation, la fabrication, le transport, la mise en œuvre, l'utilisation, l'entretien et à la fin le recyclage. Chacune de ces étapes nécessite de l'énergie, qu'elle soit humaine, électrique, thermique ou autre. Dans la filière du bâtiment, qu il s agisse de réhabilitations ou de constructions neuves, la recherche d'économies d'énergie et de performance énergétique est donc fondamentale. L idéal étant de doter ces bâtiments d une performance énergétique d un tel niveau qu'il n'y ait pratiquement plus besoin d'énergie pour les chauffer ou les éclairer, que l énergie nécessaire pour fabriquer les matériaux de leur construction, sur 50 ans soit pratiquement équivalente à l énergie pour faire fonctionner ces bâtiments. Dès lors comment mettre aux normes environnementales des bâtiments construits dans les années 1905, et qui sont de véritables passoires thermiques, en prenant en compte le fait que leurs matériaux d origine ont une valeur patrimoniale? Lorsque l on sait que les façades extérieures des magasins 2 et 4 de la Samaritaine sont classées à l inventaire des Monuments historiques, notre champ d action est donc très restreint et nous sommes en négociation tous les jours! CEPENDANT UNE RECONCILIATION EST E POSSIBLE! 1/ TRAVAIL SUR L ENVELOPPE OPTIMISATION DU VITRAGE EXEMPLE DE SOLUTIONS MISES EN ŒUVRE POUR L HOTEL Pour le projet de l hôtel, afin d optimiser les consommations d énergies tout en respectant les façades Art nouveau, nous allons nous servir du fait que le bâtiment est orienté au Sud, et créer des espaces tampons aménagés en jardins d hivers. Il sera ainsi possible en hiver, avec le rayonnement solaire, de prendre de l énergie et de préchauffer la pièce par un espace d isolation, et, en été, de créer un espace qui protège de la chaleur.

Pour vous parler brièvement des différentes études en cours, lorsque nous avons envisagé de renforcer l isolation de cette façade, nous nous sommes aperçus que les normes en matière de confort étaient bien différentes à l époque : en hiver on ne chauffait pas beaucoup, et en été, on souffrait de la chaleur! En effet cette façade ne présente pas de double vitrage, et ce n est que dans les années 80 qu un système de film réfléchissant pour protéger l intérieur des effets du soleil a été installé. En conclusion, l aménagement des chambres avec un jardin d hiver, qui va servir aussi d espace tampon, nous permet de conserver à l identique les façades Sauvage. De plus, cette conception architecturale va nous permettre d atteindre les exigences du «Plan climat» de la Ville de Paris qui fixe à 80kw d énergie primaire par m2, le seuil de consommation à ne pas dépasser en Energie primaire (forme d énergie disponible dans la nature avant toute transformation). DOUBLES FAÇADES THERMIQUES BUREAUX ET LOGEMENTS Avec toujours ce même objectif d équilibre entre patrimoine et performances environnementales, nous travaillons sur des doubles façades thermiques. Bureaux Sur l espace Jourdain, dans les bureaux, la recherche de performance environnementale et énergétique, se traduit par l équilibre entre le confort visuel, c'est-à-dire le maximum de lumière naturelle, et la protection contre la chaleur des rayons du soleil pour éviter d avoir à accentuer le rafraîchissement artificiel. La problématique environnementale des bureaux est de limiter les apports solaires en misaisons et en été. Le principe qui a été retenu est celui d une double façade : une simple façade vitrée à l extérieur et une seconde «peau» thermique du côté des bureaux, les deux séparées par un espace ventilé. L agence japonaise Sanaa, architecte de conception du projet, a fait le choix d une façade moderne pour remplacer la structure existante de la partie située sur la rue de Rivoli. L innovation sera justement de concevoir une façade vitrée qui va d une part laisser passer la lumière, et d autre part filtrer le rayonnement solaire pour éviter toute surchauffe, sachant que des systèmes de protections solaires mobiles seront également installés. Nous allons ainsi nous rapprocher des performances de l architecture bioclimatique, qui permet en hiver avec une façade très claire de chauffer des espaces par le rayonnement solaire et en été, de protéger du rayonnement solaire pour limiter les besoins en rafraîchissement des espaces. Logements De même dans la partie logement (rue de l Arbre-Sec), la façade est en double vitrage très performant, ce qui nous permet d être aux niveaux requis par le Plan Climat de Paris. Sur la partie logement il y aura également des jardins d hiver, puisque le principe d optimisation thermique dans le respect du patrimoine existant est commun à l ensemble du projet.

Un bilan carbone du bâtiment avait été effectué à sa fermeture et nous allons commencer maintenant, en phase conception, à étudier un bilan carbone des éléments qui vont être mis en place, aussi bien sur les matériaux que sur les choix énergétiques. 2/ TRAVAIL SUR LES TOITURES Pour rebondir sur la présentation de Jean-François Lagneau, et l importance accordée au verre dans ces bâtiments, la partie Verrière et sa toiture en terrasses seront fortement renforcées en matière d isolation (les études ont montrées que 20 à 30% des déperditions de chaleur sont liées à la toiture) et d étanchéité ; quant à la partie «patio», dans le bâtiment Rivoli, elle sera couverte d une simple peau en double vitrage très performante avec également des protections solaires. Un autre chantier d envergure en toiture et dans les patios concerne leur végétalisation. L ensemble du projet présentera une surface végétalisée de plus de 1000m², ce qui fera tomber le bilan énergétique des façades de 600kwh à 50-80kwh/m². Le travail est donc important. 3/ INTEGRATION DES ENERGIES RENOUVELABLES En termes d énergies renouvelables, nous allons nous raccorder aux réseaux urbains de chaleur (CPCU Compagnie Parisienne de Chauffage Urbain) et de froid (Climespace). Je rappelle que pour le CPU 40% de la chaleur est produite par la valorisation des déchets. Par ailleurs, la Samaritaine était un centre commercial : nous pourrons donc réutiliser une partie des réseaux de chaleur déjà en place pour l installation des nouveaux systèmes énergétiques, et une autre partie sera basée sur les principes modernes de géothermie, en adaptant l ensemble aux niveaux de consommation actuels. Comment fonctionne la géothermie (chaleur interne de la Terre)? L eau est puisée dans une nappe profonde (la région parisienne en est très riche) par une pompe à chaleur, qui va dégager des calories en hiver et des frigories en été, pour être ensuite intégrée dans des circuits de chauffages ou de rafraichissements. Nous mettrons également en place des panneaux solaires thermiques pour la partie logement avec une intégration en toiture pour le préchauffage de l eau des logements. 4/ QUALITE SANITAIRE DE L AIR Le système de double flux va permettre de récupérer les calories sur leurs extraits d une part, et en même temps de prendre l air extérieur et de le pré-filtrer. Par ailleurs, les bonnes pratiques environnementales montrent qu en fin de compte lorsqu on consomme moins, on obtient une meilleure qualité sanitaire de l air et de l eau et un meilleur confort d usage, même dans le cadre d une mixité d usage, comme c est le cas dans notre projet. Cette mixité est même un atout, puisque la vie des commerces, des bureaux et de la crèche sera inverse de la vie dans les logements, nous pourrons donc gagner sur l optimisation des échanges thermiques : si l on généralise, un bloc vit le jour et un autre la nuit.

5/ INTEGRATION DU TRI DES DECHETS DES LA CONCEPTION Un autre aspect de la gestion des démarches environnementales pour optimiser le fonctionnement d exploitation, c est le tri, la gestion des déchets. En effet un bâtiment comme celui-là, entre commerces, bureaux et logements, va générer beaucoup de déchets. Il est donc primordial de mettre en place des filières de récupération, des systèmes de compostages, bref de favoriser un tri à la source, et ces études doivent être menées au stade de la conception.

TROISIEME PARTIE : S - REPONSES LIONEL BLAISSE Le croisement de ces deux contraintes a quasiment déterminé la programmation et la répartition des éléments du programme. Pourriez-vous revenir sur le travail que vous menez sur l enveloppe existante où s exercent le plus fortement les contraintes patrimoniales? EAN-FRANÇOIS LAGNEAU La principale difficulté rencontrée dans tous les monuments historiques c est l isolation et la lutte contre les déperditions calorifiques, sujet qui se pose essentiellement au niveau des fenêtres. Sur les couvertures et les façades, en principe, on arrive à s en sortir sauf lorsqu existent des fresques et des éléments de décor très précieux sur les murs, mais c est vraiment autour des fenêtres que réside toute la difficulté. Et dans l architecture du début du 20 ème siècle (et du 19 ème ), je dirais jusqu à la dernière guerre, c est encore pire que dans toutes les autres périodes puisque une des caractéristique de cette architecture, c est la grande finesse dans les menuiseries des fenêtres. Mais qui dit finesse des menuiseries, dit aussi des verres simples et donc passage de toutes les thermies possibles et imaginables, et l impossibilité de mettre aujourd hui des verres plus épais et performants sans perdre complètement la délicatesse et la légèreté de ces menuiseries. Nous rencontrons systématiquement ce problème, mais, dans le cas présent, c est la première fois que je peux le résoudre d une façon aussi élégante, en retrouvant la finesse et la légèreté de ces menuiseries, grâce au système de la double peau. Celui-ci, de surcroît, apporte le confort d un jardin d hiver, ce qui est très appréciable pour tous les occupants, que ce soient les occupants des logements ou des chambres d hôtels. Pour une fois, on a véritablement réussi à satisfaire à la fois les normes environnementales et en même temps le respect du monument historique. Est-ce qu on est en train de retrouver l authenticité du bâtiment puisque finalement avec le temps, le commerce s est protégé de la lumière naturelle avec la généralisation de l électricité? Aujourd hui en positionnant par exemple la partie bureaux dans les bâtiments Jourdain, on va restituer le dispositif de lumière initialement projeté... EAN-FRANÇOIS LAGNEAU Je pense que les nouveaux usages qui vont se développer dans le bâtiment, pour les étages supérieurs en tout cas, vont lui permettre de retrouver une nouvelle vie.

Je voudrais insister également sur la restauration des stores, que l on récupère. Cela nous permet de réinstaller des éléments du patrimoine et d aménager la protection qu utilisaient nos ancêtres contre les rayons du soleil. Vous le voyez avec ces exemples, on a souvent tort de vouloir opposer le respect des normes environnementales avec le respect du patrimoine. Quelquefois, au contraire, ils s aident mutuellement. Sur la conservation des fameux «caramels» en verre évoquée dans le film, quel va être leur avenir? EAN-FRANÇOIS LAGNEAU Nous ne sommes plus avec ce sujet dans la protection ni le respect des normes environnementales mais sur le respect de la sécurité du public. Si le magasin a fermé il y a quelques années, c est en particulier à cause de ces «caramels». Or il se trouve que ces planchers de verre sont tout à fait caractéristiques de cette architecture, et on en retrouve dans une grande partie des bâtiments fin 19 ème - début 20 ème et jusque dans les années 1930, tout simplement pour que la lumière puisse pénétrer à flot. Ces planchers de verre font partie de l aspect patrimonial du bâtiment mais les normes de sécurité incendie actuelles ne permettent plus d avoir ce type de plancher. Nous sommes encore en train de mener des études qui nous permettrons de regrouper ces planchers de verre dans des zones remarquables d un point de vue patrimonial, en particulier dans la partie située sous le jardin d hiver. Conserver les pavés de verre dans des bureaux où l on va forcément coller de la moquette ne nous semblait pas indispensable. Ce n est pas uniquement le verre qui est en cause dans la protection incendie mais également la finesse des profilés métalliques qui portent les dalles de verres. Nous allons essayer d en conserver le plus possible. On a vu qu on pouvait agir sur l enveloppe, on agit également sur les sources d énergies. Dans un bâtiment classé comme celui-là, comment fait-on passer les réseaux? Les réseaux seront principalement souterrains et ils utiliseront des accès qui existent déjà comme les puits de géothermie. Et la distribution de la chaleur ou de l air frais dans les étages?

Nous aurons des centrales de traitement d air qui seront intégrées en toitures, l air sera diffusé par des gaines verticales. Tout le travail de conception en cours va permettre de diffuser l air d un côté, et la chaleur et le froid de l autre, avec des réseaux verticaux et horizontaux. L objectif est de parvenir à une bonne diffusion au niveau de chaque place de bureaux, de logements et de commerces. Sur la partie énergétique, dans les doublets sur nappes, je vois que dans votre projet vous avez à la fois un réseau de chaleur et une partie géothermique : comment allez-vous exploiter ces puits, combien y en a-t-il et qu est ce qui est prédominant : le réseau de chaleur ou les puits qui vous apportent l énergie? Nous aurons les deux. Nous faisons des sondages pour connaître la profondeur, les débits exacts de l eau de la nappe ce qui va définir les apports calorifiques. Mais ce sera un mix entre la géothermie (du froid et du chaud) et l apport du CPCU et de Climespace. Mais aujourd hui les puits existent-ils dans votre propriété? Oui, mais ils sont anciens, et on sera sans doute obligé de forer d autres puits sur le site. PHILIPPE CREUTZ Nous avons très exactement 6 ou 7 puits existants, un seul fonctionnait à la fermeture en 2005 et qui datait de 1993. : A quoi servaient-ils lorsque le magasin était en exploitation? PHILIPPE CREUTZ Ils fonctionnaient pour le refroidissement des groupes électrogènes et pour l apport en froid du bâtiment. Aujourd hui il n y en a qu un susceptible d être réutilisé, c est celui qui

fonctionnait en 2005 et qui date de 1993. C est le plus récent mais les technologies de forage actuelles comparées à celle de l époque de sa construction sont bien meilleures. On étudie sa capacité à être réutilisé et surtout à durer dans le temps ; si celle-ci ne s avère pas suffisante, nous en creuserons un autre juste à côté. De plus, il nous faut prendre en compte la Loi sur l Eau qui interdit désormais de rejeter dans les égouts une eau puisée à 40 ou 50m de profondeur. Il faudra donc réaliser des puits de rejets. En conséquence, il nous faut au moins 3 puits, c est-à-dire 2 puits de rejets et un puits de pompage. Quoi qu il en soit nous avons la nappe de l yprésien qui est pure, on y puise à 40-60m de profondeur, et comme nous possédons un terrain de 180m de long, nous pouvons rejeter dans la même nappe, en étant conforme à la Loi sur l eau ; ceci nous permet par ailleurs de récupérer entre 10 à 20% de l énergie pour du froid dans les bureaux mais aussi dans les commerces. Nous aurons enfin une pompe à chaleur réversible, c'est-à-dire permettant de produire du froid ou du chaud, et nous compenserons ainsi le besoin en chaud ou en froid du bâtiment. En termes d énergie, vous aurez plus de besoins en froid ou en chaud? Pour la partie bureaux et commerces nous avons essentiellement des besoins en froid Le froid sera-il géré par le réseau? Grâce à cette pompe à chaleur réversible, on aura 10 à 20% des besoins couverts par la géothermie et le reste par Climespace. : Pourquoi aujourd hui les puits ne suffisent pas à vos besoins? C est un problème de débit et de règlementation, les autorisations nécessaires étant excessivement longues à obtenir. Dans les délais impartis de l opération, la maîtrise d ouvrage a donc choisi d être en «déclaration» plutôt qu en «autorisation». Même si cela oblige à faire

un certain nombre de démarches administratives, cette option permet de respecter le calendrier des études. PHILIPPE CREUTZ Il y a d autres paramètres. Sur une opération de 70 000m², plus l écart de températures est important, plus il faut aller pomper loin mais aussi rejeter loin. Dans notre opération il faut rejeter à 100m du puits de pompage ; si l on avait voulu subvenir à tous nos besoins, il aurait fallu d abord aller chercher une nappe à 1km et aller rejeter à 200, 300 ou 400 m. Dans notre cas de figure, il nous faudrait être situé dans une zone d aménagement de 30 ou 40 hectares pour l envisager de cette manière là. Notre terrain est grand, mais on ne peut pas couvrir l ensemble de froid et de chaud par la géothermie. Elle permet de couvrir déjà 10 à 20% des besoins, ce qui est déjà important. D ailleurs je voudrais ajouter que nous complétons l installation de géothermie par le stockage de froid, particulièrement intéressant pour les commerces quand les bureaux ne marchent pas (le samedi par exemple). Aujourd hui le réseau de chaleur n arrive pas encore à la Samaritaine? PHILIPPE CREUTZ Le réseau de chaleur CPCU existe à la Samaritaine depuis assez longtemps. Les contrats sont conservés, on n a aucune raison de les changer. Vous avez donc déjà les réseaux de chaleur? PHILIPPE CREUTZ Oui, ce que nous n avons pas encore, c est le froid qui doit arriver très prochainement (Climespace). Une question pratique : sur la façade Rivoli en verre, entre la façade extérieure et la façade bureaux, comment va-t-on nettoyer?

Entre la partie extérieure «ondulée» et la façade bureaux «plane», c est suffisamment large pour faire passer des nacelles de nettoyage. PHILIPPE CREUTZ Pour l instant on a prévu des nacelles suspendues. L espace est compris entre 90 cm et 1m20, nous disposerons donc de modèles sur-mesure pour passer dans les arrondis et nettoyer les doubles-faces. Les 4 faces seront nettoyables et nettoyées. LIONEL BLAISSE Dans cette opération, nous comptons environ 10 000m² de planchers qui vont disparaitre pour pouvoir créer de grands atriums intérieurs dont un sur la rue de Rivoli. En quoi cela joue t-il sur le bilan énergétique? Et en quoi est-ce aussi compatible avec l héritage patrimonial? Est-ce un retour aux sources? Pour le bilan énergétique dans le cadre d une démarche environnementale, la maitrise d ouvrage vise les certifications HQE, BREEAM, et LEED et s est donné des objectifs de valorisation des déchets. Aujourd hui dans le bâtiment, il y a 20% des déchets de la construction qui sont valorisés (gestion, recyclage, récupération), le reste est enfoui. Il y a 20 ans, cela ne concernait que 5% des déchets. Sur notre opération ce ne sera pas moins de 50%, sachant que tous ce qui est déchets de démolition des structures sur la partie Rivoli (essentiellement en bétons) sont facilement valorisables. En termes de bilan, on s aperçoit bien de l importance de la récupération des matériaux dans le bilan de déconstruction : si l énergie pour démolir est relativement faible, l impact matériaux/ matière est lui important. EAN-FRANÇOIS LAGNEAU Au niveau patrimonial, il est vrai que certaines parties du magasin 2 vont être démolies pour justement créer ces patios. La décision de déconstruire fait suite à une étude patrimoniale. Lorsque l on prend à bras le corps un bâtiment ancien quel qu il soit, que ce soit un château ou une cathédrale gothique, on commence par étudier comment il a traversé les siècles. Chaque période, chaque génération y a apporté sa touche et l a adapté au goût du jour de son époque. Si vous vous rappelez l histoire de la Samaritaine, on s est rendu compte qu un secteur de la partie Nord du magasin 2, la partie Jourdain, donc les premières interventions de Cognacq, étaient faites de bric et de broc, et donc rien ne pouvait justifier la stricte conservation de cette partie.

On a donc proposé qu elle ne soit pas conservée, ce qui fut accepté par l Etat (s agissant d un monument protégé au titre des monuments historiques, il faut en effet l approbation du ministère de la culture). Par contre, on prend soin de remettre en valeur les éléments qui subsistent, sur la partie Jourdain classée, telle que toute la polychromie qui avait été pudiquement cachée dans les années 1930 parce que jugée trop criarde et que l on va pouvoir remettre en valeur. Est-ce que cela va compenser les éléments démolis? L histoire le jugera, mais on peut considérer que dans un monument tout n est pas à garder. Je vais caricaturer en disant cela mais imaginez qu il y ait eu une superbe petite chapelle romane à l emplacement de Notre Dame de Paris si elle avait été conservé : nous n aurions pas la cathédrale Notre Dame de Paris à l heure actuelle! Je crois qu il ne faut pas avoir peur de sacrifier certaines strates de l histoire, si c est pour permettre la réalisation de monuments historiques pour les générations futures. Une précision sur l estimation du bilan environnemental de la partie des constructions : au moment de la fermeture du site, lorsque le bilan carbone a été réalisé, on a comptabilisé tous les matériaux y compris ceux qui avaient été mis en œuvre plus de cent ans auparavant. Or ces derniers ne sont pas comptabilisés de nouveau, car on considère que l énergie qui a été utilisée pour les fabriquer est amortie. C est donc très intéressant de réhabiliter des bâtiments historiques puisque l on conserve des matériaux dont le taux de pollution est déjà «émis». LIONEL BLAISSE Vous nous disiez M. Lagneau, que vous conservez le jardin d hiver, qu un espace accessible à tous sera créé pour desservir la partie bureau dans les étages. Y a-t-il d autres éléments comme celui-ci dans le programme, dans l hôtel par exemple? La répartition des différents programmes joue-t-elle sur la partie patrimoniale? EAN-FRANÇOIS LAGNEAU Dans la partie Sauvage qui sera affectée à l hôtel dans le projet, on conserve deux escaliers dont les garde-corps en fer forgé sont absolument superbes. Dans ce magasin, Sauvage aurait aimé installer un jardin d hiver comme l avait fait Jourdain de l autre côté, mais la Ville de Paris l en a empêché par peur du côté exubérant de la verrière qui se seraient trouvée sur le toit de ce bâtiment donnant sur la Seine.

Sauvage a donc réalisé un atrium, mais comme le besoin de m² s est fait sentir très rapidement, cet atrium a été bouché juste avant la dernière guerre et dans les années 50. Il n en subsiste que la trace, et cette trace nous allons la conserver dans le schéma général de l hôtel. Je dirais que c est plus pour la mémoire car cela n a pas d intérêt en tant que tel, mais il est quand même bon de marquer les strates du passé même sans les mettre véritablement en avant ceci dit, dans le cas présent, ce jardin d hiver n a jamais été mis en valeur dès l origine. Le nom de la Samaritaine va-t-il rester quelque part? EAN-PHILIPPE CREUTZ Oui le nom va rester, il fait partie de l histoire de Paris. Non seulement enlever le nom de ce lieu n aurait pas de sens, mais la Ville de Paris nous en a fait la demande, ce à quoi nous avons, bien sûr, répondu favorablement. EAN-FRANÇOIS LAGNEAU Non seulement le maitre d ouvrage veut garder le nom mais s il ne l avait pas fait, il y aurait été obligé par le Ministère de la Culture et par les Monuments Historiques : le nom «Samaritaine» fait partie de la protection du bâtiment. Pour vous donner une comparaison qui est assez proche, Le Bon Marché a changé de nom, il s appelait à l origine Au Bon Marché. Or un dossier de demande d autorisation pour supprimer le «Au» par un «Le» avait été déposé, et je vous assure que cela avait fait l objet de grands débats! In fine on a estimé que ce modeste changement ne bouleversait pas complètement l identité du Bon Marché. Mais dans le cas de la Samaritaine, l inscription sur les façades est protégée au titre des Monuments Historiques, de même que l appellation. Pourquoi ça s appelle La Samaritaine? EAN-FRANÇOIS LAGNEAU C est tout simplement parce qu à quelques mètres de ce bâtiment, il y avait une pompe, (à l époque il fallait pomper l eau dans la Seine pour la distribuer dans le quartier) qui s appelait «La Samaritaine» en référence aux textes bibliques. La Samaritaine a disparu au début du 20 ème siècle, mais l appellation a subsisté : la boutique que louait Cognacq dans le magasin 1 s appelait déjà La Samaritaine. Ce nom a définitivement participé à l épopée des Cognacq-Jay.