La boîte à outils du psychomotricien en Centre de Ressources Autisme



Documents pareils
Le bilan neuropsychologique du trouble de l attention. Ania MIRET Montluçon le

ARS et Conseils généraux de Bretagne Prestations d études et d analyses de l organisation de la prise en charge des personnes avec TED dans les ESSMS

DÉFINITIONS. Motricité. Robert Rigal ÉDUCATION MOTRICE DE L ENFANT DE 4 À 11 ANS

questions/réponses sur les DYS

Le référentiel professionnel du Diplôme d Etat d Aide Médico-Psychologique

QUESTIONNAIRE SUR LE TROUBLE DE L ACQUISITION DE LA COORDINATION (QTAC) Martini, R et Wilson, BN

Les dys à haut potentiel : reconnaître, comprendre, expliquer. Michel Habib, Neurologue CHU Timone, Marseille

3 ème plan autisme : Point d étape, un an après son annonce

ILLUSTRATION D UNE PRISE EN CHARGE PSYCHOMOTRICE EN GROUPE POUR UN ENFANT PORTEUR D AUTISME

Autisme Questions/Réponses

Epilepsies : Parents, enseignants, comment accompagner l enfant pour éviter l échec scolaire?

AVIS DE LA FÉDÉRATION QUÉBÉCOISE DE L AUTISME DANS LE CADRE DE LA CONSULTATION PUBLIQUE SUR LA LUTTE CONTRE L INTIMIDATION

Quelques stratégies pédagogiques pour enseigner à un enfant atteint d autisme ou autres TED en maternelle Communication Interactions sociales

RECHERCHES SUR LE TROUBLE D ACQUISITION DE LA COORDINATION A L AGE ADULTE

ASSOCIATION ARISSE INSTITUT MEDICO-EDUCATIF ARMONIA Avec prise en charge de jour et d internat séquentiel LIVRET D ACCUEIL

Les troubles spécifiques des apprentissages

LE DÉVELOPPEMENT PSYCHOMOTEUR DU NOURRISSON ET JEUNE ENFANT 0-6 ANS

Les offres de services spécialisés

Comment la proposer et la réaliser?

Le décret du 2 mars 2006 a institué le Diplôme d Etat d Aide Médico-Psychologique de niveau V.

PROGRAMME DE FORMATION CONTINUE DES ORTHOPHONISTES. SDOFOLi ANNEE 2015

LES TROUBLES MUSCULOSQUELETTIQUES. Le 2 décembre 2008

Définition, finalités et organisation

MINISTERE DE LA SANTE ET DES SOLIDARITES DGAS - DIRECTION GENERALE DE L ACTION SOCIALE 14 avenue Duquesne PARIS 07 SP

Spécial Praxies. Le nouveau TVneurones est enfin arrivé! Les métiers. NOUVEAUX JEUX de stimulation cognitive, orientés praxies.

d infirmières et d infirmiers Pour être admissible au répit spécialisé sur référence Des services spécialisés intégrés en

LES MODES D ADAPTATION ET DE COMPENSATION DU HANDICAP : Les personnes handicapées motrices à domicile (enquête HID 1999)

NOTE D INFORMATION sur la formation sociale préparatoire au Diplôme d Etat d AIDE MEDICO-PSYCHOLOGIQUE

PROJET VIVRE, HABITER ET TRAVAILLER DANS LYON ET LE GRAND LYON

Le s t r o u b l e s d u

PSYCHOSOMATIQUE, RELAXATION, PSYCHOTHERAPIES A MEDIATION CORPORELLE

Critères de Choix d une Echelle de Qualité De Vie. Etudes cliniques dans l autisme. Introduction

Trouble bipolaire en milieu professionnel: Du diagnostic précoce àla prise en charge spécialisée

Les enfants autistes ont besoin d apprendre comme les autres

ANNEXE I REFERENTIEL PROFESSIONNEL AUXILIAIRE DE VIE SOCIALE CONTEXTE DE L INTERVENTION

ANNEXE I REFERENTIEL PROFESSIONNEL AUXILIAIRE DE VIE SOCIALE CONTEXTE DE L INTERVENTION

LIVRES. n 58 Mars AMARAL Roberta. Petite chronique d'une famille atypique. Suresnes : Les éditions du Net, p.

Les difficultés scolaires, ou «l Echec scolaire»

FICHE PROJET. Déploiement d'un dispositif technologique innovant auprès de personnes avec autisme

Comment remplir une demande d AVS Remplir les dossiers administratifs quand on a un enfant autiste et TED (3) : demander une AVS

INSTITUT DE FORMATION EN PSYCHOMOTRICITE

Quelques stratégies pédagogiques pour enseigner à un enfant atteint d autisme ou autres TED en maternelle

DESTINATION LONDRES 2012

Mieux connaître les publics en situation de handicap

Les critères d attribution tiennent compte des éléments suivants :

TROUBLES ENVAHISSANTS DU COMPORTEMENT (TEC)

LES RÉFÉRENTIELS RELATIFS AUX ÉDUCATEURS SPÉCIALISÉS

Organisation des enseignements au semestre 7

CENTRE D EDUCATION ET DE SOINS SPECIALISES POUR ENFANTS POLYHANDICAPES «LE RIVAGE» LIVRET D ACCUEIL DU STAGIAIRE

PRESENTATION DE LA MDPH

A PROPOS DES CRITERES D ATTRIBUTION DES EQUIVALENCES

Wellness Management 66 Avenue des Champs-Elysées PARIS contact@wellness-management.com. Feel Well Work Well

DEPISTAGE DE L AUTISME

L OUTIL NUMERIQUE CARACTERISTIQUES ET FONCTIONNALITES

psychologie. UFR des Sciences de l Homme

Sophie Blanchet, Frédéric Bolduc, Véronique Beauséjour, Michel Pépin, Isabelle Gélinas, et Michelle McKerral

Prévalence et étiologie. Le retard mental : langage et communication. Définitions et classifications (2) Définitions et classifications

Stratégie d intervention auprès des élèves présentant des comportements et attitudes scolaires inappropriés

Diplôme d Etat d infirmier Référentiel de compétences

Les DYS : quel âge pour quel diagnostic?

LE DÉVELOPPEMENT PSYCHOMOTEUR DE L ENFANT DEPISTAGE DE L AUTISME (TROUBLES ENVAHISSANTS DU DÉVELOPPEMENT OU TED)

LES TROUBLES DU GRAPHISME LA RÉÉDUCATION: QUAND ET COMMENT PASSER PAR L ORDINATEUR?

SOMMAIRE. CREAPSY n Psychologie clinique et Orthophonie

EXPRESSION GRAPHIQUE À L ÉCOLE PRIMAIRE.

PLAN D ÉTUDES DU PIANO

Questionnaire pour les enseignant(e)s

MONITEUR-EDUCATEUR ANNEXE I : REFERENTIEL PROFESSIONNEL. Le moniteur-éducateur intervient dans des contextes différents :

Fiche de synthèse sur la PNL (Programmation Neurolinguistique)

SOINS ET ACCOMPAGNEMENTS. Professionnels de la psychiatrie.

DOMAINES MOTEUR ET SENSORIEL

Autisme : ce que nous attendons des Agences Régionales de Santé

L Étudiant en Psychologie

IME et SESSAD ROBERT DESNOS. Livret d accueil des stagiaires

LES AIDES DU FONDS POUR L INSERTION DES PERSONNES HANDICAPEES DANS LA FONCTION PUBLIQUE (FIPHFP)

J e commencerai par vous donner une définition de

Education Thérapeutique (ETP)

L aptitude à la conduite des seniors : l approche belge

enfants avec autisme ou autres troubles envahissants du développement

La P N L appliquée à la vente

troubles comportementaux aigus et/ou cognitifs tous les intervenants de l entreprise Prise en charge immédiate sur le lieu de travail.

Démarche de prévention des TMS et outils pour l action

eduscol Santé et social Enseignement d'exploration

Comprendre les troubles spécifiques du langage écrit

quel plan pour qui? Répondre aux besoins éducatifs PARticuliers des élèves :

quel plan pour qui? Répondre aux besoins éducatifs particuliers des élèves :

Maîtriser le risque de TMS du membre supérieur lies au travail

MIEUX CONNAÎTRE LES HANDICAPS, ADAPTER SON COMPORTEMENT

Autisme, création artistique et tablette tactile

Isabelle GONZALEZ Orthophoniste - Mérignac

Protection Maternelle et Infantile Santé scolaire (33b) Professeur Dominique PLANTAZ Septembre 2004

REPONDRE AU BESOIN DE BOUGER CHEZ LE JEUNE ENFANT

Quelles sont les principales difficultés sociales que rencontrent les enfants et les adolescents?

Organiser des groupes de travail en autonomie

Nom et coordonnées des personnes qui fourniront des lettres de recommandations :

FORMATIONS.

DOSSIER DE PRESSE. A l occasion de la remise du rapport de Cécile Gallez, députée du Nord,

Projet de loi n o 21 (2009, chapitre 28)

Prévention des Troubles Musculo-Squelettiques (TMS) VILLE DE LANDERNEAU

ENTRE AUTRES. Quelques éléments pour comprendre l autisme. «Je me sens parfois comme un anthropologue sur mars.» Temple Grandin.

Questions / Réponses. Troubles du sommeil : stop à la prescription systématique de somnifères chez les personnes âgées

Transcription:

Les Entretiens de 2014 RÉSUMÉ L évaluation psychomotrice fait partie intégrante de la démarche d évaluation fonctionnelle et diagnostique au sein des Centres de Ressources Autisme (CRA). Malgré l absence de tests psychomoteurs spécifiques pour les enfants présentant un Trouble du Spectre Autistique (TSA) et les difficultés possibles pour la passation d outils non spécifiques, cette évaluation permet réellement d appréhender le fonctionnement de l enfant et peut s appuyer sur des outils standardisés. Nous rendrons compte des outils les plus fréquemment utilisés par les psychomotriciens des CRA et de propositions d adaptation facilitant la passation auprès des enfants présentant un TSA. MOTS-CLÉS Trouble du Spectre Autistique, bilan psychomoteur, tests, évaluation diagnostique et fonctionnelle Introduction L évaluation diagnostique et fonctionnelle des personnes présentant un Trouble du Spectre Autistique ou TSA [1] constitue l une des missions des Centres de Ressources Autisme (CRA). Cette évaluation pluridisciplinaire peut notamment comprendre un bilan psychomoteur, qui vise une objectivation du La boîte à outils du psychomotricien en Centre de Ressources Autisme C. Puech*, C. Laranjeira-Heslot**, E. Madieu***, C. Tribillac**** * Psychomotricienne, CRA Champagne Ardenne, Hôpital Robert Debré, Avenue du Général Koenig, 51092 Reims Cedex ** Psychomotricienne, CRA Aquitaine, Service du Professeur Bouvard, 121 Rue de la Béchade, 33076 Bordeaux Cedex *** Psychomotricien, SMPEA PEYRE PLANTADE, CRA Languedoc-Roussillon, CHRU de Montpellier, 291 Avenue du Doyen Giraud, 34295 Montpellier Cedex 5 **** Psychomotricienne, CRA Haute-Normandie, CHR du Rouvray, 4 Rue Paul Eluard, BP 45, 76301 Sotteville-les-Rouen fonctionnement psychomoteur de l enfant tout en contribuant à la démarche diagnostique globale du TSA (observations dans les domaines des interactions, de la communication et du comportement). Notre propos concernera les outils de bilan psychomoteur pour l évaluation des enfants présentant un TSA, au regard des recommandations de la Haute Autorité de Santé pour le diagnostic et l intervention. Nous préciserons brièvement les notions psychométriques relatives aux tests, leur utilisation et les adaptations parfois nécessaires en nous appuyant sur la pratique de psychomotriciens exerçant en CRA. Contexte du groupe de travail Dans le cadre du travail en réseau des psychomotriciens exerçant au sein des CRA, le groupe de travail intitulé «La boîte à outils du psychomotricien : recensement des outils d observation psychomotrice utilisés lors des évaluations en CRA» est né fin 2009. Nous préciserons donc d emblée que notre propos ne rend pas compte de l évaluation psychomotrice avec l enfant présentant un TSA dans son ensemble (déroulement, ensemble des éléments cliniques recensés à travers l observation semi-structurée et «informelle» de manière complémentaire à l utilisation des outils, informations données par les parents, complémentarité avec d autres regards dans l approche pluridisciplinaire, articulation avec un projet thérapeutique, ) mais s attache à Les Entretiens de Bichat 2014-1

faire plus particulièrement état des outils pouvant être supports de cette évaluation. Les finalités de ce travail sont en premier lieu de répondre aux demandes des psychomotriciens «de terrain» qui nous sollicitent quant à l évaluation des enfants présentant un TSA, de contribuer à l identification de notre spécificité dans la démarche d évaluation diagnostique et fonctionnelle, et de faciliter l arrivée de nouveaux psychomotriciens en CRA. 2 - Les Entretiens de Bichat 2014 Le bilan psychomoteur au regard des recommandations pour le diagnostic et l'accompagnement Ces dernières années, les «plans Autisme» successifs ont établi des mesures aboutissant notamment à la rédaction de documents de référence (HAS, FFP, ANESM) visant à harmoniser et à actualiser les connaissances et les pratiques en matière d autisme et de troubles envahissants du développement [2, 3, 4]. Ces documents évoquent la nécessité du recours à l évaluation à différents niveaux. Concernant la démarche diagnostique tout d abord, il est recommandé d associer l établissement d un diagnostic nosologique (médical) s appuyant sur la CIM 10 [5], à une évaluation individualisée fonctionnelle visant à mettre en évidence le profil de l enfant. Cette dernière est réalisée à partir d observations pluridisciplinaires associées à des informations recueillies auprès des parents. L examen du développement psychomoteur et sensorimoteur fait partie intégrante de cette évaluation fonctionnelle et permet de rechercher les particularités de la modulation sensorielle, les particularités motrices (stéréotypies, balancements, maniérismes), et d évaluer la motricité (locomotion, tonus, postures, coordinations manuelles, praxies). Certains tests psychomoteurs, non spécifiques à l autisme, sont utilisables, avec ou sans aménagements. En parallèle, il est conseillé de réaliser des bilans complémentaires visant à repérer d éventuelles comorbidités, parmi lesquelles, par exemple, le trouble déficitaire de l attention avec ou sans hyperactivité. Ainsi, nos outils de bilan psychomoteur ne contribuent pas directement au diagnostic de TSA (celui-ci étant clinique) mais ils permettent souvent de préciser le niveau de développement et l existence de troubles associés [6] qui constituent en euxmêmes des éléments importants dans la démarche diagnostique. Le recours à l évaluation est également longuement évoqué dans le cadre du suivi. L objectif en est alors de caractériser l évolution de l enfant dans les différents domaines du développement, de mettre en avant ses ressources ainsi que ses besoins et de déterminer des interventions individualisées en étroite collaboration avec sa famille. Cette démarche se fait en équipe pluridisciplinaire, et au minimum une fois par an. Parmi les différents domaines explorés, on retrouve les domaines sensoriel et moteur ; les recommandations parlent d «un repérage de déficits auditifs et visuels éventuels ; une recherche des modalités sensorielles préférentielles et des réponses inhabituelles à certaines expériences sensorielles ; un suivi du développement des acquisitions motrices globales (coordinations dynamiques générales, équilibre, posture), de la motricité fine et des coordinations visuo-manuelles dont le graphisme, de la régulation tonique, du schéma corporel (connaissance du corps, latéralité et capacités imitatives), de l organisation spatio-temporelle, des praxies et gnosies» [4]. Là encore, l évaluation s appuie sur des outils psychomoteurs standardisés non spécifiques. Ainsi, que ce soit dans le cadre d un CRA ou dans le cadre d un service ou établissement assurant le suivi, le bilan psychomoteur est une rencontre au sein de laquelle il nous semble nécessaire de créer un dispositif afin d objectiver autant que possible le fonctionnement de l enfant. Ceci permettra de définir des bases de pistes de travail mais également de pouvoir mesurer l évolution de l enfant au fil du temps, d où l intérêt d une situation la plus objective et reproductible possible [7].

Tests standardisés, notions de mesure et de norme pathologique dans le bilan psychomoteur Déjà évoquée lors d une réunion du Collège des Equipes de Direction des Instituts de Formation en (CEDIFP) en 2006 [8], la mesure en psychomotricité fait office de référentiel au regard du bilan psychomoteur. Le fait de vouloir mesurer, c està-dire d avoir une donnée numérique permettant de situer un individu ou un groupe par rapport à un continuum [9], nécessite d utiliser des tests. Le test constitue le moyen d avoir une évaluation objective d un comportement. Il doit être standardisé, avoir des normes de références ainsi que des propriétés psychométriques de validité, de fidélité et de sensibilité. Certains outils normés sont appelés «gold standard» c est-àdire qu ils sont considérés par les experts comme étant les outils les meilleurs dans leur domaine. Ces outils sont utilisés de manière préférentielle pour les recherches et études internationales. Les questionnaires peuvent également être normés et avoir des qualités psychométriques correspondant aux standards de l évaluation. Les résultats sont interprétés selon la connaissance des référentiels théoriques sur lesquels s appuie le test, mais également selon les aspects comportementaux de l enfant : sa participation et sa disponibilité, le respect des consignes et son état général. La sélection des outils dépend des connaissances qu a le psychomotricien des modèles théoriques en vigueur (lui permettant d interpréter à bon escient les résultats recueillis) et de l évolution des concepts car un test peut mesurer différents domaines et la cible du test peut évoluer au cours du temps. Le psychomotricien doit donc avoir la formation nécessaire pour appréhender l ensemble de ces aspects, sans lesquels l interprétation ne peut se faire de manière correcte. Nous constatons que l'évaluation psychomotrice ne possède pas d'outils spécifiques à l'évaluation de la population présentant un TSA ; c'est-à-dire des outils élaborés à partir des particularités de fonctionnement de ces personnes, comme le PEP-R [10] en psychologie ou encore l'ecsp [11] en orthophonie. A l'heure actuelle, nos outils standardisés nous permettent de mettre en évidence un trouble psychomoteur spécifique tel que le Trouble d'acquisition de la Coordination (TAC) avec le test du M-ABC [12] ou encore une dysgraphie par le BHK [13] par exemple, dans la population générale mais pas spécifiquement auprès d'une population à risque. La notion de norme pathologique part de l idée qu une pathologie particulière influe d une manière relativement homogène sur la capacité ou le phénomène mesuré par le test. Dans le domaine qui nous intéresse, la population présentant un TSA a pu bénéficier de normes pathologiques dans certains tests, mais de manière encore très rare. Pour donner un exemple récent, on citera la Nepsy- II [14]. Dans ce test, certains subtests ont statistiquement le même résultat dans la population présentant un TSA et dans la population contrôle (Cubes et puzzles géométriques) : ils ne sont donc pas caractéristiques d un TSA mais ils permettent également de repérer un trouble spécifique dans cette population, ici au niveau visuospatial. Les nouveaux items de théorie de l esprit semblent par contre très discriminants pour la population présentant un TSA et seraient donc à compter parmi les éléments objectifs pouvant orienter le diagnostic. Les outils utilisés en CRA Afin d établir un état des lieux de nos pratiques d évaluation psychomotrice en CRA, nous avons élaboré et diffusé deux questionnaires successifs aux psychomotriciens exerçant en CRA : le premier questionnaire visait à établir une liste d outils utilisés ; le second questionnaire visait à évaluer la fréquence d utilisation de ces outils en fonction de quatre tranches d âge (0-6 ans, 7-12 ans, 13-16 ans, plus de 17 ans). Nous avons ensuite organisé ces outils selon le domaine évalué, distingué les tests standardisés de ceux ne l étant pas, et rappelé les critères à observer et évaluer au cours d un bilan psychomoteur. La finalité sera la rédaction d une synthèse quant au choix et à l adaptation des Les Entretiens de Bichat 2014-3

outils de bilan psychomoteur sous forme d un livret à destination des psychomotriciens de CRA. Le premier questionnaire nous a ainsi permis de dresser une liste sans doute non exhaustive de 55 «outils» : tests (par exemple, M-ABC), échelles (par exemple, échelle de développement moteur fonctionnel de L. Vaivre-Douret), questionnaires (par exemple, profil sensoriel de Dunn), ou encore supports d observation clinique structurée (par exemple, bilan sensori-moteur de Bullinger). A noter que ce recensement est antérieur à la diffusion de nouveaux outils tels que la Nepsy-II [14] ou le profil sensoriel de Bogdashina [15], etc. De manière générale, ces deux phases de questionnaires, comme nos échanges, ont rendu compte de la diversité du bilan psychomoteur donc des outils selon l âge de l enfant, son profil de développement global, mais aussi selon le temps accordé (fonctionnement différent d un CRA à l autre), la réalité des outils disponibles dans chaque unité et la formation des professionnels aux outils. Nous avons mis en évidence un ensemble d outils proportionnellement nettement plus utilisés que les autres et cependant dans des proportions insuffisantes pour parler d une boîte à outils systématique que l on pourrait appliquer à chaque bilan psychomoteur. Par ailleurs, de nombreux outils sont utilisés pour chaque tranche d âge considérée (quelle que soit celle pour laquelle ils sont étalonnés), laissant entendre que le choix est plus fonction du niveau de développement que de l âge réel de l enfant rencontré. On relève également un ensemble d outils cités de manière ponctuelle que l on peut considérer comme le reflet de la diversité des pratiques et de la pertinence que certains praticiens ont trouvé dans tel ou tel outil pour compléter leur bilan. On trouve en outre des outils qui ne sont plus édités, ayant connu d autres versions, et pour lesquels il pourrait être pertinent de proposer une cotation plus unifiée facilitant les liens de l un à l autre. 4 - Les Entretiens de Bichat 2014 Dans notre recensement, si l on considère le choix préférentiel des outils pour des enfants ayant un faible niveau de développement (ou des enfants jeunes), on retrouve en majorité, et dans des proportions similaires, l utilisation des échelles du Brunet-Lézine- Révisé [16] et du Développement moteur fonctionnel [17]. Pour ces enfants, l utilisation de questionnaires est importante (s appuyant sur l entourage pour compléter les éléments de l évaluation directe) avec principalement le profil sensoriel de Dunn [18] qui reste par ailleurs intéressant pour des niveaux de développement supérieurs. Lorsque le niveau de l enfant le permet, les tests les plus utilisés sont de loin le M-ABC [12] et l échelle de coordination motrice de Charlop-Atwell [19] ; ceux-ci étant également cités hors des tranches d âge pour lesquelles ils sont étalonnés. Les proportions similaires d utilisation de ces deux tests (dans notre retour de questionnaires) peuvent refléter le choix de l un ou l autre en fonction de leurs spécificités (plus ou moins de consigne verbale, de concrétisation visuelle des consignes, etc) mais aussi le fait que chacun travaille avec les outils auxquels il a été formé ou ceux qu il peut obtenir au sein de son CRA. Les tests évaluant le schéma corporel sont fortement utilisés quelle que soit la tranche d âge : somatognosie [20], Dessin du Bonhomme [21] et imitations de gestes de Berges- Lézine [22] ou Evaluation de la motricité gnoso-praxique distale [23], incluant les praxies idéomotrices. Notre étude montre, au delà de 6 ans, l utilisation de tests évaluant l écriture, les fonctions attentionnelles et exécutives et l organisation spatio-temporelle. Les tests les plus fréquemment cités sont : BHK [13], figure de Rey [24], Reproduction des structures rythmiques [25], Batterie Piaget-Head [26]. Mais ils restent cependant proportionnellement peu utilisés, ce qui peut être le reflet d une forte proportion d enfants reçus n ayant pas un niveau de développement justifiant l utilisation de ces tests, ou encore du temps limité lors du bilan CRA, etc.

Adaptations des outils standardisés Compte-tenu, d une part de l absence d'outils spécifiques pour l'évaluation psychomotrice de la population présentant un TSA, d autre part des difficultés possibles de participation de ces enfants, il apparaît fréquemment nécessaire mais aussi intéressant de proposer une adaptation des outils, dans le but de favoriser leur participation. Il sera particulièrement important de préciser à l issue du bilan les adaptations qui ont été nécessaires ou les supports qui ont permis de mobiliser l enfant. Les différentes propositions d adaptation reposent sur un certain nombre d'aménagements environnementaux et relationnels, et s'appuient sur le fonctionnement cognitif et psychoaffectif particulier de ces enfants. Les aménagements de l'environnement regroupent l'ensemble des agencements spatio-temporels de la pièce dans laquelle la personne est reçue mais aussi la façon dont lui est proposée la tâche ; et reposent, pour la plupart, sur les principes d'éducation structurée (programme TEACCH de Schopler). En d'autres termes, les différents espaces sont différenciés : l'espace de travail, représenté par la table et les chaises, est l'espace plutôt dédié aux réalisations praxiques (préhension, coordination, dessin, graphisme, etc) ; l'espace de jeux représenté par une mise à disposition de matériel divers (puzzles, poupée, voiture, etc) est l'espace dédié au jeu libre (sans sollicitations) ; l'espace de repos, signifié par un tapis, est aussi l'espace où les mobilisations corporelles sont possibles pour l'évaluation du tonus ; et enfin, le reste de la pièce est l'espace dédié aux items relevant de la motricité globale (coordinations dynamiques générales et oculo-motrices). Ces espaces structurés créent une réelle contenance pour l'enfant ou l'adolescent et permettent un meilleur investissement des propositions. La présentation de la tâche repose également sur des principes de structuration spatio-temporelle avec la proposition des activités une par une (épuration de l'espace de travail au maximum) et la présentation du matériel de la gauche vers la droite (sens conventionnel du mouvement) ; un appui dos permet également de libérer le champ de la préhension. La prévisibilité des situations est rendue possible par l'utilisation d'un time-timer ou d'un emploi du temps visuel, construit à partir de photos ou avec les objets du matériel des tests. Cette structuration temporelle permet de développer l'anticipation motrice chez la personne à évaluer. Enfin, les temps de latence, reconnus dans ce type de population, sont à respecter. Les aménagements relationnels regroupent l'ensemble des agencements de la communication sociale, autrement dit la façon dont nous allons nous adresser à l enfant, aussi bien corporellement que verbalement. Le maintien du contact oculaire est à rechercher tout au long du bilan ; il est facilité par la juste distance interpersonnelle. Les échanges s'appuient sur la mise en place d'un tour de rôle. Les renforçateurs sociaux sont à exagérer afin de soutenir la motivation. Les démonstrations sont à répéter et à ralentir, en lien avec le défaut de perception du mouvement. Parfois aussi, un simple guidage physique permet de déclencher la réalisation du geste. Les consignes verbales doivent être claires et précises, c'est pourquoi un vocabulaire simple et des phrases courtes (motsphrases) sont préconisés. Parfois, la démonstration gestuelle se suffit à elle même. Les systèmes alternatifs de communication utilisés par la personne, de type PECS ou makaton sont à employer sur le temps du bilan, toujours dans le but de faciliter la compréhension des situations. Conclusion Bien que les outils à notre disposition ne soient pas spécialement élaborés pour une population présentant un TSA, il n'en demeure pas moins que l'évaluation en psychomotricité reste possible, nécessaire et répond aux recommandations de bonnes pratiques de la HAS. Elle suppose une bonne connaissance des outils de bilan psychomoteur, du développement de l enfant, de l autisme et des particularités qui en découlent. Le choix des outils doit se porter préférentiel- Les Entretiens de Bichat 2014-5

6 - Les Entretiens de Bichat 2014 lement sur des outils standardisés dans le but d'objectiver les compétences et habiletés psychomotrices. Enfin, l'ensemble des observations cliniques sur le fonctionnement psychomoteur spontané de l'enfant est d'une extrême richesse et doit compléter l évaluation objective. Il reste aujourd hui de nombreuses pistes à explorer : pour développer l étalonnage de certains outils notamment auprès de populations présentant un TSA ; pour réfléchir à la création et à la validation d outils spécifiques aux enfants présentant un TSA (notamment avec une déficience associée) ; pour développer des outils dans des domaines encore peu pourvus comme par exemple celui des particularités sensorielles, pour compléter les éléments apportés par les outils de type questionnaire ou encore dans le champ de l évaluation des adultes (long version). Developmental Medicine & Child Neurology, 2012, 54(1), 54-93. 7 Le Menn-Tripi C. Evaluation psychomotrice de l enfant avec un trouble du spectre autistique. In J Perrin & T Maffre (Eds.), Autisme et psychomotricité. Paris : De Boeck, 2013: 345-359. 8 Conférence des équipes de direction des Instituts de Formation en (CEDIFP) Document de synthèse sur les tests de l examen psychomoteur, 2006. [URL : http://www.psychomot.ups-tlse.fr/ Testspsy.pdf]. Site consulté le 10 avril 2014. 9 Sockeel P, Anceaux F. La démarche expérimentale en psychologie (2 e éd.). Paris : In Press, 2008. 10 Schopler E. Profil Psycho-Educatif (PEP-R). Bruxelles : De Boeck, 1994. 11 Guidetti M, Tourrette C. Evaluation de la Communication Sociale Précoce (ECSP). Paris : Eurotests éditions, 2009. 12 Soppelsa R, Albaret J-M. Batterie d évaluation des mouvements chez l enfant M-ABC. Paris : Editions du Centre de Psychologie Appliquée, 2004. RÉFÉRENCES 1 American Psychiatric Association (APA). DSM-5: Diagnostic and statistical manual of mental disorders (5 th ed.). Washington, D.C.: American Psychiatric Association, 2013. 2 Haute Autorité de santé (HAS), Fédération française de psychiatrie (FFP). Recommandations pour la 13 Charles M, Soppelsa R, Albaret J-M. BHK-Echelle d évaluation rapide de l écriture. Paris : Editions du Centre de Psychologie Appliquée, 2004. 14 Korkman M, Kirk U & Kemp S. NEPSY-II. Bilan neuropsychologique de l enfant seconde édition. Paris : Editions du Centre de Psychologie Appliquée, 2012. pratique professionnelle du diagnostic de l autisme. 15 Bogdashina O. Questions sensorielles et perceptives Paris : Saint-Denis La Plaine, 2005. dans l autisme et le syndrome d Asperger : Des 3 Haute Autorité de santé (HAS). Autisme et autres expériences sensorielles différentes Des mondes troubles envahissants du développement : Etat des perceptifs différents. Grasse : Autisme France connaissances hors mécanismes physiopathologiques, Diffusion, 2012. psychopathologiques et recherche fondamentale, 16 Josse D. Brunet-Lézine Révisé : Echelle de 2010. 4 Haute Autorité de santé (HAS) et Agence Nationale de l évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM). Autisme et autres troubles envahissants du développement : développement psychomoteur de la première enfance. Paris : Editions du Centre de Psychologie Appliquée, 1997. 17 Vaivre-Douret L. Protocoles de passation et de profil interventions éducatives et thérapeutiques du développement fonctionnel moteur. Paris : coordonnées chez l enfant et l adolescent, 2012. 5 Organisation Mondiale de la Santé (OMS). CIM 10/ ICD 10 : Classification internationale des troubles mentaux et des troubles du comportement : Descriptions cliniques et directives pour le diagnostic. Paris : Masson, 1993. 6 Blank R, Smits-Engeslman B, Polatajko H, Wilson P. Editions du Centre de Psychologie Appliquée, 1999. 18 Dunn W. Profil sensoriel. Adaptation française. Paris : Editions du Centre de Psychologie Appliquée, 2010. 19 Albaret J-M, Noack N. Manuel de l échelle de coordinations motrices de Charlop-Atwell. Paris : Editions du Centre de Psychologie Appliquée, 1994. European academy for childhood disability (EACD): 20 Bergès J, Lézine I. Connaissance des parties du Recommendations on the definition, diagnosis and corps. In Test d imitation de gestes (2 e éd.). Paris : intervention of developmental coordination disorder Masson, 1978 : 78-82.

21 Goodenough F. L intelligence d après le dessin le 25 Pireyre E. Epreuve de tempo spontané et de test du bonhomme. Paris : PUF, 1957. 22 Bergès J, Lézine I. Test d imitations de gestes. Paris : Masson, 1963. 23 Vaivre-Douret L. Evaluation de la motricité gnosopraxique distale. Paris : Editions du Centre de Psychologie Appliquée, 1997. 24 Wallon P, Mesmin C. Figures complexes de Rey A et B. Paris : Editions du Centre de Psychologie Appliquée, 2009. reproduction de structures rythmiques de Mira Stambak : nouvel étalonnage. Evolutions Psychomotrices, 2000: 12(47), 32-43. 26 Galifret-Granjon N. Batterie Piaget-Head : test d orientation droite-gauche. In R Zazzo (Ed.) Manuel pour l examen psychologique de l enfant. Neuchatel : Delachaux et Niestlé, 1960: Fasc. 1, 24-56. Absence de liens d intérêts déclarés par l intervenant Les Entretiens de Bichat 2014-7