Plan d action gouvernemental pour contrer la MALTRAITANCE envers les personnes aînées (2017 2022) MÉMOIRE



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Transcription:

Plan d action gouvernemental pour contrer la MALTRAITANCE envers les personnes aînées (2017 2022) MÉMOIRE Mai 2016

MÉMOIRE PLAN D ACTION GOUVERNEMENTAL POUR CONTRER LA MALTRAITANCE ENVERS LES PERSONNES AÎNÉES 2017-2022 RÉDACTION, RÉVISION ET MISE EN PAGES Direction des communications, OTSTCFQ Ce document est disponible en ligne sur le site de l OTSTCFQ : www.otstcfq.org 2

À propos de nous Le Code des professions du Québec confie à l Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec (OTSTCFQ) le mandat de protéger le public notamment en s assurant de la qualité des activités professionnelles de ses membres et en favorisant le maintien et le développement de leurs compétences. Dans le cadre de ce mandat de protection du public, l OTSTCFQ a toujours cru et croit toujours qu il est de son devoir de prendre part aux débats qui portent sur les grands enjeux sociaux. C est ce que nous appelons notre mission sociale, sur laquelle nous prenons appui pour promouvoir la mise en place et le maintien de politiques et de services qui favorisent la justice sociale et pour défendre les droits des personnes, des familles, des groupes et des collectivités. Dans l accomplissement de son mandat et de cette mission sociale, l OTSTCFQ participe régulièrement aux débats entourant les politiques sociales et les enjeux sociaux d importance. C est dans cet esprit que nous comptons contribuer à la réflexion en lien avec le prochain plan d action gouvernemental pour lutter contre la maltraitance envers les personnes aînées. L OTSTCFQ regroupe près de 13 000 membres, très largement des travailleurs sociaux, lesquels exercent majoritairement dans le réseau de la santé et des services sociaux, mais également au sein d organismes communautaires, en pratique autonome ainsi que dans les milieux de l enseignement, de la recherche et de la planification de programmes. Nous estimons qu environ 4 500 d entre eux interviennent auprès de personnes ainées, en maintien à domicile, au sein des centres d hébergement et d organismes de la communauté. Ces professionnels sont bien au fait des réalités en lien avec le vieillissement, dont le maintien à domicile, l hébergement, les mesures de protection ainsi que l intimidation et la maltraitance. En ce sens, nous sommes interpellés par la démarche en cours et nous souhaitons contribuer à la recherche et à la mise en place de solutions, tant en amont qu en aval. 3

Préambule La maltraitance et l intimidation sont des phénomènes sociaux systémiques et organisationnels graves dont les effets peuvent être dévastateurs. Toutes les personnes aînées représentent des victimes potentielles, mais des facteurs de vulnérabilité font en sorte que certaines sont plus à risque. Cela dit, pour agir sur tous les fronts, il importe d intervenir auprès des personnes exerçant des comportements de maltraitance ou d intimidation en leur offrant les services appropriés. L intimidation est bien plus qu un rapport de force entre deux individus ou groupes d individus. C est un phénomène de société pour lequel l État a le devoir d agir en rendant disponibles les ressources pour l information, la sensibilisation, la formation, la prévention et l intervention. L État doit se mobiliser autour de cet objectif, tout en invitant l ensemble des forces vives de la société à y participer. En fait, l État doit mettre en place les ressources, les structures et les stratégies permettant de prévenir et de contrer la maltraitance. Préoccupés par l environnement social de la personne, les travailleurs sociaux connaissent l importance des déterminants sociaux, lesquels jouent un rôle fondamental dans le phénomène de la maltraitance. Les déterminants sociaux constituent les conditions dans lesquelles les personnes naissent, grandissent, vivent, travaillent et vieillissent (Organisation mondiale de la Santé). Ce sont en bonne partie les conditions objectives de vie. Ces mêmes conditions dépendent en grande partie des politiques sociales et économiques qui prévalent. Pour nous, le fait de considérer les déterminants sociaux dans le dossier de la maltraitance ouvre les horizons afin de considérer la mise en place de mesures diversifiées pour contrer le phénomène. 4

Maltraitance? Un rapport produit par la Chaire de recherche sur la maltraitance des aînés, de l Université de Sherbrooke 1, révèle l absence d une définition claire et précise de ce qu est le phénomène de la maltraitance et comment il se manifeste. Comment intervenir efficacement sur une problématique mal connue non seulement par la population, mais aussi par les professionnels et intervenants directement interpelés? Une autre observation de la recherche nous apprend qu il existe un certain nombre de mécanismes pour lutter contre la maltraitance, mais que ceux-ci sont méconnus ou mal utilisés, particulièrement dans les centres d hébergement. Ainsi, afin de porter les fruits escomptés, le plan d action devra accorder une attention particulière à ce qui constitue la base de toute stratégie : faire en sorte que le phénomène soit connu et que l on puisse en identifier clairement les diverses manifestations. À la lumière de ce constat, il est clair que la volonté exprimée dans le plan d action à l effet de développer une approche favorisant la bientraitance devra s accompagner également d une définition claire de ce concept. Au-delà d une volonté politique réelle d agir sur la maltraitance, l État doit se donner les moyens d atteindre ses objectifs. À ce chapitre, il importe de rappeler que le Québec détient un bien triste record, occupant le dernier rang des provinces canadiennes au niveau du financement du maintien à domicile et de l hébergement dans le réseau public. À titre d exemple, rappelons que des services de soutien à domicile qui répondent adéquatement aux besoins réels des personnes aînées sont de nature à déceler précocement les premiers signes d intimidation et de maltraitance ou d intervenir lorsque ces phénomènes sont présents. Pourtant, encore récemment, le ministre de la Santé et des Services sociaux déclarait ne pas avoir l intention d injecter un sou de plus, même si la réponse actuelle aux besoins des personnes aînées, au niveau du maintien à domicile et de l hébergement se situe à environ 10 % des besoins réels. À cet effet, citons la Fédération de l Âge d or du Québec (FADOQ), pour qui les politiques en place en santé et services sociaux 1 Les pratiques intersectorielles de lutte contre la maltraitance envers les personnes aînées, Chaire de recherche sur la maltraitance envers les personnes aînées de l Université de Sherbrooke file:///c:/users/ltrottier/downloads/arrimage_recension_intersectorielle.pdf 5

mèneraient vers une privatisation des services aux aînés puisque ceux-ci doivent de plus en plus payer pour obtenir une réponse à leurs besoins, dans l attente d une intervention adéquate du réseau public. Toujours selon la FADOQ 2, plus de 16 500 aînés doivent attendre de six mois à un an pour recevoir les services auxquels ils ont droit. Pourtant, c est bien à l État que reviennent la responsabilité et le devoir d organiser et de dispenser ces services dans ce système universel et gratuit qui est le nôtre. Le problème de la maltraitance possède donc de profondes racines structurelles qui découlent en partie du déséquilibre majeur entre l offre et la demande de services, tant en maintien à domicile qu au niveau de l hébergement. Loin de rétrécir, ce fossé s élargit sans cesse et un important coup de barre est nécessaire. Loin d être favorable à la lutte contre la maltraitance, ce contexte lui est plutôt favorable. 2 État des lieux des résidences pour aînés au Québec Par le Réseau FADOQ, 2015-16, Fédération de l Âge d Or du Québec http://www.montreal.fadoq.ca/docs/documents/defensedesdroits/memoiresetavis/2015/memoire.pdf 6

Vers une action efficace et durable? Plusieurs éléments structurants du précédent plan d action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées nous semblent toujours à propos. En ce sens, nous proposons qu ils soient maintenus et renforcés. Nous pensons plus spécifiquement aux éléments suivants : ligne d écoute et de référence pour personnes aînées, intervenants et professionnels; campagnes populationnelles pour promouvoir un message social : l intimidation n est pas acceptable; documenter le phénomène, favoriser et soutenir la réalisation d études, documenter les impacts de la maltraitance, mettre en lumière les pratiques prometteuses pour la prévenir et la contrer; inclure la problématique de la maltraitance dans les formations nationales existantes pour le personnel du réseau de la santé et des services sociaux. À l époque, nous avions ajouté certains éléments nous paraissant également indispensables : intégrer la dimension des déterminants sociaux de la santé dans l équation de la maltraitance et pour l ensemble des politiques relatives à la situation des personnes aînées au Québec; instaurer des mesures pour assurer le bien-être socio-économique des aînés; établir, dans les limites du droit, des mesures législatives pour renforcer le caractère dissuasif de faire de l intimidation à l endroit d une personne âgée; promouvoir la mise en œuvre de l approche milieu de vie dans les centres d hébergement, approche qui serait mal comprise et mal appliquée selon un rapport du ministère de la Santé et des Services sociaux publié en 2010; considérer le soutien à domicile et l hébergement dans une perspective globale, un continuum de services; faire en sorte que les services à domicile accordent aux besoins psychosociaux une attention égale aux besoins physiques. 7

En lien avec ce dernier élément, ajoutons que les services de prévention sont essentiellement liés à la santé physique de la clientèle et occultent, du même coup, les besoins psychosociaux. Bien sûr, les personnes aînées peuvent faire des chutes et se blesser, nécessitant ainsi des soins de santé immédiats. Cependant, ces personnes peuvent aussi être victimes de harcèlement, de violence conjugale ou souffrir d isolement, de dépression, éprouver des problèmes de surconsommation de médicaments, d alcool, etc., facteurs qui peuvent prédisposer à l intimidation et à la maltraitance. Pour les travailleurs sociaux, il est clair que le soutien social est un facteur majeur dans la prévention et le rétablissement d une personne vulnérable, notamment une personne aînée en situation d intimidation ou de maltraitance. Il est donc nécessaire d investir dans des mesures favorisant la qualité de vie et le maintien des liens sociaux plutôt que de miser très largement sur une réponse médicale et pharmaceutique. De plus, avant de songer à l implantation de nouvelles ressources, il serait préférable de soutenir celles qui sont déjà bien implantées dans leur communauté. À titre d exemple : plusieurs organismes, au sein d une communauté donnée, peuvent jouer un rôle important, surtout pour les aînés qui sont en mesure de se déplacer pour recevoir des services (centres d action bénévole (CAB), AQDR, popote roulante, etc.). 8

Intervenir afin de prévenir Pour être efficace, une stratégie de lutte contre la maltraitance doit obtenir l adhésion des personnes concernées. Il importe donc de faire en sorte que les personnes aînées soient informées de leurs droits, des mécanismes de plainte et des services mis en place pour leur venir en aide. Les personnes qui manifestent des comportements intimidants doivent aussi pouvoir bénéficier de services de soutien appropriés. Il ne suffit pas de sanctionner les comportements intimidants. Pour lutter efficacement contre l intimidation, il est essentiel de responsabiliser les personnes qui posent de tels gestes afin qu ils en comprennent toute la portée et en viennent à changer leurs comportements. Les pratiques développées en matière de violence conjugale, qui allient le judiciaire et le psychosocial, sont des modèles qui devraient être reproduits dans la lutte contre l intimidation et la maltraitance. Une attention particulière doit cependant être apportée lorsqu il est question d encourager la dénonciation des comportements maltraitants par les victimes. En effet, il est essentiel de respecter la volonté de la personne concernée lorsqu elle est en mesure de l exprimer clairement surtout lorsque le comportement fautif est attribuable à un proche. Il est souhaitable d accompagner la victime dans la recherche de solutions, même si elle refuse de dénoncer la personne. L un des principes centraux qui guident la dispensation des services et des soins concerne l utilisation optimale des capacités des personnes. Le soutien à domicile et les services offerts en milieu d hébergement doivent encourager les personnes à préserver le plus possible leur autonomie et leur indépendance. C est pourquoi il est essentiel de favoriser la stimulation intellectuelle, affective, sociale et physique de la personne. 9

À propos des proches aidants Un réseau social soutenant est un élément essentiel en matière de prévention de l intimidation et de la maltraitance. Cependant, ce fardeau ne peut reposer uniquement sur les épaules des proches aidants. Ceux-ci doivent donc pouvoir compter sur des ressources adéquates. Ces personnes, la plupart du temps des femmes, avancent en âge et en ont lourd sur les épaules. En effet, elles assument souvent leur rôle de proches aidantes à l endroit de leurs enfants, de leurs petits-enfants et de leurs propres parents, tout en tentant de préserver leur équilibre personnel et celui de leur couple. On ose à peine imaginer quelle serait la situation sans leur présence, sans leur dévouement. Pourtant, ces personnes sont loin de recevoir la reconnaissance à laquelle elles ont droit, tant sur le plan de la rémunération que sur celui de l accès à du répit. Elles s épuisent et auront bientôt, elles aussi, besoin de soins. Mais qui les accompagnera lorsque leur tour viendra? 10

Un devoir de société La lutte à l intimidation et à la maltraitance nécessite l émergence d une société inclusive et respectueuse des aînés, dans le respect de leurs différences au plan sexuel, culturel, socioéconomique, de la santé, etc. Il faut également porter une attention particulière aux personnes âgées issues des minorités visibles, souvent plus isolées en raison de la barrière de la langue et de la culture, ce qui rend d autant plus difficile la détection de l intimidation. La vie de couple est une autre réalité qui mérite qu on s y attarde. Combien de fois avons-nous été témoins d une situation où l on sépare un couple de personnes âgées simplement parce que les conjoints ne nécessitent pas le même niveau de soins? Rares sont les endroits où l on tolère les rapprochements, les gestes de tendresse ou même la vie sexuelle des couples. Le conjoint ou la conjointe d un «patient», même après 50 ans de vie commune, est toujours considéré comme un «visiteur» dans la plupart des milieux d hébergement. On peut facilement supposer, dans ce contexte, la grande difficulté pour les membres d un couple de même sexe à vivre leur réalité sans être contraints à «retourner dans le placard». Et qu en est-il des personnes âgées issues des communautés culturelles; saurons-nous tenir compte de leur réalité, de leurs valeurs? 11

En conclusion D emblée, nous croyons que ce plan d action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées s inscrit en continuité avec le plan précédent, lequel comportait un certain nombre de mesures structurantes qui ont été mises en œuvre et qui devraient porter fruit, dans la mesure où l État y consacre les ressources budgétaires nécessaires. Or, les messages envoyés par le ministre de la Santé et des Services sociaux ne pointent pas dans cette direction. En effet, les politiques économiques et sociales de l État doivent soutenir la mise en œuvre de ce plan d action. En ce sens, l absence de réinvestissement au niveau du maintien à domicile et en hébergement public réduit l accès aux services pour les personnes aînées, impose un fardeau supplémentaire sur les épaules des proches aidants, accentuant ainsi les risques de dérive vers l intimidation et la maltraitance. Nous l avons dit plus tôt dans ce mémoire, mais il importe d insister. Des efforts doivent être déployés en termes d éducation, de sensibilisation et d information afin que tous le grand public, les intervenants et les personnes aînées comprennent clairement ce qui constitue de l intimidation et de la maltraitance, les signes avantcoureurs ainsi que les conséquences sur le respect des droits des personnes aînées, sur leur dignité et leur qualité de vie. De même, le concept de bientraitance, intéressant, gagnerait à être mieux connu. L approche milieu de vie doit également bénéficier d une attention particulière afin qu elle soit déployée dans tous les milieux d hébergement. Enfin, nous ne pouvons passer sous silence le contexte dans lequel doivent composer les professionnels qui interviennent auprès des personnes aînées. Emprisonnés dans des mesures d optimisation, ceux-ci peinent de plus en plus à faire leur travail correctement pour le mieux-être des personnes auprès desquelles ils interviennent. À cette enseigne, l État doit veiller à ce que les professionnels bénéficient d un contexte favorable au déploiement de leurs compétences, dans le respect des règles déontologiques qui leur sont imposées. 12