Bien vieillir au travail



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Bien vieillir au travail

L Institut national de recherche et de sécurité (INRS) Dans le domaine de la prévention des risques professionnels, l INRS est un organisme scientifique et technique qui travaille, au plan institutionnel, avec la CNAMTS, les Carsat, Cram, CGSS et plus ponctuellement pour les services de l État ainsi que pour tout autre organisme s occupant de prévention des risques professionnels. Il développe un ensemble de savoir-faire pluridisciplinaires qu il met à la disposition de tous ceux qui, en entreprise, sont chargés de la prévention : chef d entreprise, médecin du travail, CHSCT, salariés. Face à la complexité des problèmes, l Institut dispose de compétences scientifiques, techniques et médicales couvrant une très grande variété de disciplines, toutes au service de la maîtrise des risques professionnels. Ainsi, l INRS élabore et diffuse des documents intéressant l hygiène et la sécurité du travail : publications (périodiques ou non), affiches, audiovisuels, multimédias, site Internet Les publications de l INRS sont distribuées par les Carsat. Pour les obtenir, adressez-vous au service Prévention de la caisse régionale ou de la caisse générale de votre circonscription, dont l adresse est mentionnée en fin de brochure. L INRS est une association sans but lucratif (loi 1901) constituée sous l égide de la CNAMTS et soumise au contrôle financier de l État. Géré par un conseil d administration constitué à parité d un collège représentant les employeurs et d un collège représentant les salariés, il est présidé alternativement par un représentant de chacun des deux collèges. Son financement est assuré en quasi-totalité par le Fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Les caisses d assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), les caisses régionales d assurance maladie (Cram) et caisses générales de sécurité sociale (CGSS) Les caisses d assurance retraite et de la santé au travail, les caisses régionales d assurance maladie et les caisses générales de sécurité sociale disposent, pour participer à la diminution des risques professionnels dans leur région, d un service Prévention composé d ingénieurs-conseils et de contrôleurs de sécurité. Spécifiquement formés aux disciplines de la prévention des risques professionnels et s appuyant sur l expérience quotidienne de l entreprise, ils sont en mesure de conseiller et, sous certaines conditions, de soutenir les acteurs de l entreprise (direction, médecin du travail, CHSCT, etc.) dans la mise en œuvre des démarches et outils de prévention les mieux adaptés à chaque situation. Ils assurent la mise à disposition de tous les documents édités par l INRS. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l INRS, de l auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite. Il en est de même pour la traduction, l adaptation ou la transformation, l arrangement ou la reproduction, par un art ou un procédé quelconque (article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle). La violation des droits d auteur constitue une contrefaçon punie d un emprisonnement de trois ans et d une amende de 300 000 euros (article L. 335-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle). INRS, 2011. Graphisme : Conception graphique Béatrice-Anne Fournier. Illustrations Maylis Agopian.

Bien vieillir au travail Philippe BIELEC (CNAMTS-DRP) Dominique BEAUMONT (Cram Ile de France) Pierre KNISPEL (Carsat Nord-Est) Nicolas LOMBART (Carsat Nord-Est) Patrice VELUT (Carsat Languedoc-Roussillon) Jean-Pierre MEYER (INRS) Isabelle TITON (INRS) François FOUGEROUZE (CNAMTS-DRP) Laurent CLAUDON (INRS) ED 6097 Juin 2011

SOMMAIRE INTRODUCTION....................... 3 1. UN ENJEU ÉCONOMIQUE ET SOCIAL............ 4 Vieillissement de la population : une réalité à prendre en compte.. 4 Les seniors : un atout pour l entreprise.............. 5 2. LE PROCESSUS DU VIEILLISSEMENT............ 6 Deux composantes au vieillissement............... 6 Capacités de récupération................... 7 3. LES EFFETS DU TRAVAIL SUR LE VIEILLISSEMENT...... 8 Effets cumulatifs de l âge et des conditions de travail sur l usure prématurée..................... 8 Contraintes pesant sur le salarié vieillissant........... 10 4. PRINCIPALES PISTES DE PRÉVENTION DU VIEILLISSEMENT PRÉMATURÉ AU TRAVAIL...... 12 Alléger le travail physique................... 12 Optimiser l organisation................... 13 Adapter l environnement de travail.............. 14 Développer les compétences................. 17 5. OUTILS...........................18 Démarche d élaboration d un plan de maîtrise du vieillissement prématuré des salariés............ 18 Exemple de grille d évaluation des contraintes pouvant générer un vieillissement prématuré des salariés......... 20 RAPPEL RÉGLEMENTAIRE...................22 BIBLIOGRAPHIE........................23 2

INTRODUCTION Cette brochure a pour but d aider les entreprises à améliorer les situations de travail pour que les salariés de tous âges puissent travailler dans de bonnes conditions. Elle est élaborée par l INRS en collaboration avec la branche risques professionnels de l assurance maladie. Elle doit permettre d identifier plusieurs pistes d actions concrètes pour améliorer les conditions de travail, prévenir les pénibilités et lutter contre la désinsertion, en tenant compte des particularités physiologiques liées au vieillissement normal de la population. 3

1. Vieillissement de la population : une réalité à prendre en compte La population française vieillit 1 (3 Français sur dix ont plus de 50 ans aujourd hui). Plusieurs événements se conjuguent, dont notamment l allongement de l espérance de vie : en 1960, l espérance de vie à la naissance était de 70 ans, en 2008 elle est de 78 ans pour les hommes et de 84 ans pour les femmes. Entre 1999 et 2006, les tranches les plus jeunes de la population active ont diminué, alors que la tranche des 45-59 ans a augmenté. Alors qu en 2010 l âge légal de la retraite est porté progressivement à 62 ans, les Français cessent leur activité en moyenne à 59,3 ans 2. Le taux d emploi des 55-64 ans était pour 2009 de 38,9 % 3. Les régimes de retraite par répartition sont progressivement déséquilibrés et la cohésion intergénérationnelle menacée. En conséquence, plusieurs textes réglementaires organisent le maintien des salariés âgés en emploi. % Population par tranche d âge (comparaison 1999 2006) 2006 1999 Sources : Insee, RP1999 et RP2006 exploitations principales. 1 Source : Insee, estimations de population et statistiques de l état civil (résultats provisoires arrêtés fin 2008). 2 Source : Eurostats 2010 (Données 2008) 3 Source : Enquête Emploi 2009 - INSEE - Calcul DARES. 4

UN ENJEU ÉCONOMIQUE ET SOCIAL Les seniors : un atout pour l entreprise Au-delà de ces considérations, les seniors représentent une richesse humaine, sociale et technique pour l entreprise. Ils sont dépositaires de savoir-faire et d une forme d expertise acquise par la connaissance de différentes cultures d entreprise, qui les rend plus aptes à préserver la pérennité d une organisation, mais aussi à garantir une plus grande efficience dans la conduite du changement. Le départ massif des seniors d une entreprise, notamment dans un secteur en tension, peut provoquer un «trou de compétences» préjudiciable à son bon fonctionnement. Si les mesures d âges (préretraites ) sont tentantes en période de crise ou de fluctuation d activité, le «trou de compétences» provoqué par ces départs massifs risque d hypothéquer les chances de réussite de l entreprise au moment de la reprise. Par ailleurs, ces départs privent l entreprise d une coopération intergénérationnelle précieuse, car certains savoirs, dits de terrain, ne s acquièrent qu avec l expérience, et se transmettent par le côtoiement intergénérationnel. Remarque Les départs massifs ne sont pas les seuls risques pour l entreprise. Les sorties d emploi d individus expérimentés sont parfois tout aussi problématiques (cas des inaptitudes définitives). 5

2. La façon dont on vieillit dépend de l environnement. Le vieillissement est un processus lent, continu et progressif, qui modifie la structure et les fonctions de l organisme. Il commence dès l âge adulte, vers 20-25 ans, et devient visible vers 40-45 ans. Deux composantes au vieillissement Pour une part, le vieillissement est déterminé par la génétique. Pour une autre part (souvent majeure), la façon dont on vieillit dépend de l environnement et notamment des conditions de travail. Lorsque celles-ci sont difficiles, le travail peut révéler précocement des déficits qui jusque-là n étaient pas sensibles, accélérer ou amplifier les mécanismes du vieillissement, et donc créer des mécanismes d usure prématurée ou accélérée. 6

LE PROCESSUS DU VIEILLISSEMENT Capacités de récupération À 60 ans, un salarié en bonne santé dispose de toutes les capacités fonctionnelles pour assurer son travail! En revanche, il voit diminuer peu à peu ses capacités de récupération. Les situations critiques pour lui, donc à rechercher et à supprimer, sont celles qui mobilisent exagérément ses réserves (physiques, mentales ). Il est à noter que ce sont bien souvent ces situations critiques qui pénalisent la rentabilité de l entreprise : absence de préparation, pannes récurrentes, sur-activité ou sous-activité, informations contradictoires... 7

3. Effets cumulatifs de l âge et des conditions de travail sur l usure prématurée Face au vieillissement naturel, il faut ajouter l action de l environnement, dont le travail constitue un élément très important. Le lien étroit entre environnement de travail et âge du travailleur est clairement établi. Au plan européen 4, il est pris en compte dans deux objectifs majeurs que se sont assignés les instances communautaires et les États membres de l Union européenne : augmenter le taux d emploi des travailleurs seniors pour accompagner les bouleversements démographiques liés à la baisse de la natalité, objectif qui s inscrit directement dans le cadre de la stratégie de Lisbonne (2000) et du Conseil européen de Stockholm (2001) ; adapter et améliorer les conditions de travail des travailleurs les plus âgés qui, du fait de l allongement de l espérance de vie et des effets démographiques, constitueront une part grandissante de la population active en Europe dans les années à venir (cf. stratégie communautaire 2007-2012 pour la santé et la sécurité au travail). L influence de l environnement de travail sur l état de santé du travailleur est déterminante. De façon générale, les déficits fonctionnels liés au vieillissement ne sont en aucun cas systématiques chez les quinquagénaires, et même chez les sexagénaires. Pour la majeure partie des individus, la plupart de ces troubles restent modérés, voire même absents jusqu à 65-70 ans. Ce n est pas le vieillissement, mais un environnement professionnel inadapté et particulièrement sollicitant qui provoque des phénomènes d usure prématurée et met en difficulté le salarié. Entre 20 et 65 ans, les capacités fonctionnelles des individus évoluent, de façon modérée Les déficits se révèlent sous la pression : de mauvaises conditions de travail, d un environnement défavorable, d un manque d entraîde, d une rupture (accident, perte d emploi, chômage ). Le travail, dans certaines conditions : peut révéler précocement des déficits fonctionnels jusque-là muets, peut accélérer ou amplifi er les mécanismes du vieillissement. 4 Une note thématique d Eurogip (www.eurogip.fr) dresse un état des lieux de l emploi des seniors en Europe, passe en revue les politiques globales visant à augmenter les chances professionnelles des seniors et présente un panorama de mesures élaborées pour augmenter leur taux d emploi dans différents pays européens. 8

LES EFFETS DU TRAVAIL SUR LE VIEILLISSEMENT Les variations individuelles sont nombreuses et les relations entre le vieillissement et le travail sont dépendantes du parcours de l individu et des contraintes professionnelles qu il a subies par le passé. Le cumul de celles-ci de façon prolongée est un facteur déterminant dans la diminution de la capacité du salarié à réaliser une tâche pénible. C est pourquoi, l entreprise doit aborder l aspect «vieillissement» sous l angle du travail et rechercher les contraintes et les conditions les plus pénalisantes au regard de l âge. Dans certains cas, le travail peut accélérer ou amplifier les mécanismes du vieillissement, créant ainsi des mécanismes d usure accélérée ou d usure prématurée, la conjugaison de ces deux mécanismes est parfois nommée usure professionnelle. Cette usure s additionne alors aux processus naturels d involution liés à l âge. Le travail devient alors plus pénalisant que le vieillissement lui-même, tout en aggravant et en accélérant ses effets. 9

LES EFFETS DU TRAVAIL SUR LE VIEILLISSEMENT Contraintes pesant sur le salarié vieillissant Ces contraintes doivent naturellement être prises en compte dans la démarche d évaluation des risques professionnels de l entreprise. Contraintes temporelles Ce sont les plus pénalisantes. Elles suppriment les marges de manœuvre 5 qui permettent aux salariés, âgés notamment, d anticiper certaines tâches et de mettre en place des stratégies pour améliorer l organisation. Exemples de contraintes temporelles : travail à la chaîne, déplacement automatique de produits ou de pièces, rythme de travail imposé par celui des collègues ou de la machine. Contraintes physiques Elles entraînent des astreintes majeures chez le sujet âgé, en raison de l évolution naturelle de l appareil locomoteur et des modifications des capacités musculaires. Exemples de contraintes physiques : la manutention de charges lourdes, le maintien de postures douloureuses et pénibles. Horaires atypiques Ils ont des répercussions sur la qualité du sommeil (déjà diminuée du simple fait du vieillissement) et sur le niveau de vigilance. Avec le temps, se développe chez certains une intolérance croissante pour ce type de travail en raison d un effet cumulatif : âge + vieillissement prématuré engendré par les 3 x 8 + ancienneté dans ce type de poste. Exemple du travail posté : en dehors de toute considération en lien avec l âge, il existe un syndrome du travailleur posté, qui associe de façon plus ou moins complète l altération du sommeil, des pathologies digestives, des troubles cardiovasculaires, des perturbations endocriniennes et des troubles de l humeur. 5 La marge de manœuvre est la latitude disponible entre deux limites, les possibilités d action laissées par certaines contraintes, internes ou externes. Exemples : stratégie de réduction des déplacements, anticipation, optimisation de l approvisionnement en pièces lors de montages, stratégie réduisant les postures pénibles. 10

Changements dans le travail L utilisation du capital d expérience suppose un minimum de continuité dans la relation entre les compétences acquises et les exigences du travail : les changements technologiques et les remises en cause de méthodes ou d organisations de travail quand ils sont mal accompagnés, les changements répétés d emplois sans lien les uns avec les autres Autres contraintes à prendre en compte D autres contraintes, non spécifiques au vieillissement des salariés, présentent une problématique de cumul des expositions. Nous pouvons noter parmi celles-ci : - ambiances thermiques extrêmes, - rayons ultraviolets (travail en extérieur), - agents cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR), - rayonnements ionisants et non ionisants, - contaminations biologiques, - déficit d hygiène. 11

4. PRINCIPALES PISTES Alléger le travail physique VIEILLISSEMENT NATUREL Le cœur est un muscle et, comme les autres muscles, il perd de sa force avec le temps : il s adapte de moins en moins bien lors d efforts intenses. Les poumons s encrassent progressivement, que l on vive en ville ou à la campagne (ambiance urbaine, pollution, ambiance professionnelle, tabac ). La mécanique ventilatoire fonctionne alors moins bien : là encore, l adaptation aux efforts intenses est moins performante. Les muscles perdent de leur force et réagissent plus lentement. Les os se fragilisent, surtout chez les femmes (ostéoporose due à la ménopause). Les articulations se pincent et se tassent (d où la diminution progressive de taille), les cartilages s amincissent et perdent de leur souplesse. EXEMPLES DE SITUATIONS GÉNÉRANT UN VIEILLISSEMENT ACCÉLÉRÉ Le travail physique dur. Le maintien de postures pénibles. Les efforts violents. Le port de charges lourdes. Les situations d équilibre précaire. Les gestes répétitifs. Les vibrations de l ensemble du corps. Les vibrations des mains et des membres supérieurs. La sédentarité au travail 12 ACTIONS ENVISAGEABLES Supprimer ou automatiser les tâches et les actions les plus pénibles. Faire appel à des aides techniques lors de ces situations, comme l aide mécanique au levage de charges par exemple. Faire appel au collectif : lorsque l on n a pas pu éliminer les efforts violents grâce aux aides techniques, réorganiser le travail de façon à ce que ces efforts soient épargnés aux salariés les plus âgés, ou les habituer à les faire à plusieurs. Former les salariés pour les faire évoluer sur des postes différents, de moins en moins pénibles au fil de leur carrière et leur permettant de mettre en œuvre les acquis de l expérience. Faire en sorte qu un même salarié puisse occuper plusieurs postes alternativement, de façon à éviter l extrême répétitivité des gestes sur de longues périodes. Laisser au salarié la possibilité d adapter son rythme de travail.

DE PRÉVENTION DU VIEILLISSEMENT PRÉMATURÉ AU TRAVAIL Optimiser l organisation VIEILLISSEMENT NATUREL On a plus de mal à s endormir. Le sommeil est plus léger. Le système nerveux vieillit et le traitement de toute information nécessite une concentration accrue, le comportement ralentit progressivement de même que les réflexes, la mémoire à court terme se dégrade. Il devient difficile de diviser son attention sur plusieurs tâches en même temps. Le système digestif subit des altérations : des troubles fonctionnels peuvent apparaître après les repas pris dans de mauvaises conditions. EXEMPLES DE SITUATIONS GÉNÉRANT UN VIEILLISSEMENT ACCÉLÉRÉ Le travail posté perturbe entre autres le sommeil ; ces perturbations augmentent avec les années d exposition et avec l âge. Des délais arbitrairement trop courts ou irréalisables. Des cadences imposées, dépendantes d une chaîne, de collègues. Les situations dites «de double tâche», où il faut réaliser plusieurs tâches en même temps. Les situations stressantes où il faut réagir rapidement à une situation imprévue. Les repas rapides, déséquilibrés ou pris en horaires décalés. ACTIONS ENVISAGEABLES Donner des marges de manœuvre au salarié afin de lui permettre de mettre à profit son expérience, son savoir-faire, et de s organiser. Mettre en place un stock tampon permettant au salarié de réguler sa vitesse d exécution. Éviter que la cadence d un salarié senior soit dépendante d une machine ou de celle d un salarié, plus jeune ou moins expérimenté, dont l activité est souvent source d une grande variabilité. Lorsqu il n est pas possible d éviter le travail en horaires atypiques, postés ou décalés, l organiser de façon à mieux prendre en compte l aspect physiologique et chronobiologique et proposer au salarié, de façon régulière, le choix entre différentes plages horaires. Organiser le travail de façon à permettre aux salariés de disposer d un temps suffisant pour la prise des repas, dans un lieu calme et à des horaires proches des horaires normaux. 13

PRINCIPALES PISTES DE PRÉVENTION DU VIEILLISSEMENT PRÉMATURÉ AU TRAVAIL Adapter l environnement de travail Contraintes pouvant impacter la santé et altérer le vieillissement normal Ces contraintes doivent notamment faire l objet de l évaluation des risques transcrite dans le document unique (DU) de l entreprise. Exposition aux agents cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR) (huiles entières minérales, benzène, perchloroéthylène, trichloroéthylène, amiante, poussières de bois, gaz d échappement diesel, silice cristalline ). Travail dans des ambiances thermiques extrêmes : travail par grand froid (chambres froides, intempéries) et le travail par fortes chaleurs (travail en extérieur, transports, ateliers non isolés, zones de travail non ventilées). Surexposition aux rayons ultraviolets (travail en extérieur). Exposition aux rayonnements ionisants (travail à proximité de sources radioactives). Exposition aux rayonnements non ionisants (ondes électroma gnétiques liées aux antennes, radars, installations électriques de forte puissance ). Exposition à des contaminations biologiques (collecte et traitements des déchets, personnels soignants, laboratoires d anatomopathologie ). Insuffisance des installations d hygiène (lieux de repos, vestiaires, réfectoires, sanitaires). Remarque Ces thèmes sont traités dans des brochures spécifiques de l INRS. Nous invitons le lecteur à s y référer pour mettre en place une démarche de prévention spécifique à ces risques. Pour faciliter l évaluation des risques de survenue de maladies en lien avec l exposition professionnelle, l INRS met à disposition plusieurs bases de données sur son site www.inrs.fr. 14

Focus sur les contraintes impactant la vision VIEILLISSEMENT NATUREL Avec l âge, le salarié : voit moins bien de près : c est la presbytie (un trouble de l accommodation). S il était déjà myope, il doit porter des verres progressifs ; a besoin de plus de lumière (pour une même tâche, il lui faut 4 fois plus de lumière à 60 ans qu à 20) mais il est aussi plus facilement ébloui ; voit moins bien les contrastes ; voit bien le rouge, mais moins bien le bleu et le jaune (c est la couleur bleue qui est la moins bien perçue). EXEMPLES DE SITUATIONS GÉNÉRANT UN VIEILLISSEMENT ACCÉLÉRÉ Travail minutieux dans une atmosphère de pénombre. Absence d éclairage naturel au poste de travail. Eclairage violent et direct. Mauvaise correction (lunettes non adaptées ). Verres progressifs combinés au travail sur écran : en raison de l apparition de la presbytie, le salarié à partir de 40-45 ans est souvent amené à porter des verres progressifs. Avec certains verres progressifs, l opérateur ne voit nettement les caractères affichés qu à travers la partie basse de ses verres. Les effets du vieillissement sont augmentés en cas de défaut visuel préexistant (myopie, astigmatisme ), et ceci, même si la personne porte des lunettes adaptées! ACTIONS ENVISAGEABLES S appuyer sur le médecin du travail pour dépister les troubles visuels à leur début et s assurer qu ils sont bien corrigés. En concertation avec le médecin du travail, adapter l éclairage des postes : augmenter l éclairage, mais utiliser un éclairage indirect ; si on utilise des messages visuels, les choisir contrastés et plutôt dans les teintes rouges UN EXEMPLE CONCRET : LE TRAVAIL SUR ÉCRAN Écran trop haut + verres progressifs = tête en position trop relevée. Solutions de prévention possibles L écran peut être semi-encastré dans la table (le support moniteur est alors disposé plus bas que le support clavier). L écran peut être posé sur la table et non pas sur l unité centrale. Le salarié peut choisir entre utiliser une souris, un pavé tactile ou une boule roulante (track-ball). 15

PRINCIPALES PISTES DE PRÉVENTION DU VIEILLISSEMENT PRÉMATURÉ AU TRAVAIL Focus sur les contraintes impactant l audition VIEILLISSEMENT NATUREL Les altérations de la capacité auditive commencent vers l âge de 20 ans. Cette dégradation de l audition s accentue nettement à partir de l âge de 45-50 ans et l ambiance de travail participe en grande partie à l augmentation de la fatigue auditive. Ceci doit être pris en compte dans la conception des postes de travail ; cela implique de considérer qu avec le vieillissement, le salarié : entend moins bien ; fait moins bien la différence entre un signal sonore et le bruit de fond de l atelier ; différencie moins nettement les hauteurs et les timbres des sons ; voit diminuer la gamme de fréquences qu il entend (surtout pour les sons aigus). EXEMPLES DE SITUATIONS GÉNÉRANT UN VIEILLISSEMENT ACCÉLÉRÉ Atelier bruyant ajoutant de la fatigue auditive au vieillissement normal de l oreille. Messages sonores diffusés par haut-parleur dans un atelier bruyant. ACTIONS ENVISAGEABLES S appuyer sur le médecin du travail pour dépister les troubles auditifs. En concertation avec le médecin du travail : traquer les sources de bruit dans les lieux de travail et les réduire autant que possible (par exemple, capotage des machines bruyantes ). Si techniquement l on ne peut pas réduire suffisamment le niveau de bruit : fournir des équipements de protection individuelle aux salariés et les former (pour les sensibiliser) à l importance de porter ces équipements. Si l on doit diffuser des messages sonores importants, s assurer qu ils sont bien distincts des autres sons de l atelier et les coupler avec un message visuel. Si les salariés doivent communiquer entre eux dans une ambiance bruyante, leur fournir des casques de protection auditive à émission-réception. 16

Développer les compétences L apprentissage, l aptitude à la formation VIEILLISSEMENT NATUREL Le système nerveux vieillit mais le cerveau reste totalement opérationnel : car les pertes de cellules restent minimes et n ont pas de conséquence ; le cerveau se réorganise, car il reste toujours bien approvisionné par les vaisseaux sanguins, car les systèmes cérébraux ne sont jamais utilisés en totalité. Tout apprentissage demeure possible à tout âge ACTIONS ENVISAGEABLES L entraînement doit être fréquent : tout comme les muscles pour le sport, le cerveau s entretient. Les méthodes pédagogiques doivent être adaptées : elles doivent prendre le temps nécessaire pour permettre au salarié nouvellement formé d intégrer les informations, au cours magistral on doit préférer les méthodes qui mobilisent les acquis de l expérience puisqu on s adresse à un salarié expérimenté qui a pu accumuler compétences et connaissances au fil du temps. La formation des salariés âgés est possible et souhaitable, dans leur propre intérêt et dans celui de l entreprise. 17

5. Démarche d élaboration d un plan de maîtrise du vieillissement prématuré des salariés Une direction impliquée et qui l affiche L entreprise doit avant tout commencer son projet par l affichage de l implication de la direction au plus haut niveau. Ceci peut se traduire par un discours ou une lettre du directeur général, assurant de son engagement et de sa volonté de donner les moyens à tous ses salariés d exercer leur métier dans un environnement et une organisation qui leur permettra de bien vieillir au travail. Gérer la démarche comme un projet d entreprise La démarche se doit d être menée tel un projet selon les habitudes propres à l entreprise. L équipe qui mènera ce projet devra être pluridisciplinaire et regrouper à cette fin : des représentants de la direction - ressources humaines, - formation, - direction générale, - direction industrielle, - responsables de l organisation du travail des représentants du personnel - Comité d hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), - délégués du personnel (DP), - délégués syndicaux (DS), - les salariés les plus concernés, le chargé de sécurité, le médecin du travail, et d autres représentants de l entreprise selon le besoin. Remarque Pour les petites entreprises, cette démarche pourra être menée de façon collective, accompagnée par des partenaires, de type organisation professionnelle, chambre des métiers ou tout organisme capable de fédérer, autour d un même projet, plusieurs entreprises. 18

OUTILS Identifier les contraintes générant un vieillissement prématuré des salariés Cette étape pourra se mener à l aide d une grille d évaluation (voir exemple ci-après) qui permet d identifier dans l entreprise les contraintes impactant les trois aspects fondamentaux que sont : le développement des compétences, la motivation des salariés, les conditions de travail. Classer les risques liés aux contraintes identifiées La grille d identification et d évaluation des contraintes est une base de discussion avec les représentants des salariés de l entreprise. Ainsi, l entreprise devra rechercher un consensus avec les instances représentatives du personnel (CHSCT, DP, DS). Ce consensus portera sur la hiérarchisation des valeurs attribuées à chaque contrainte et sur les priorités définies pour leur prévention. Le résultat de ce classement viendra compléter le document unique d évaluation des risques de l entreprise. Rédaction et mise en place du plan d action À partir du support de classement des contraintes, des actions de prévention seront définies et planifiées. Pour vous y aider, reportez-vous aux commentaires mentionnés dans la grille et correspondant à votre problématique. Pour être efficaces, ces actions devront être élaborées selon les neuf principes généraux de prévention (voir ci-dessous). Les mesures de prévention seront discutées avec les représentants des salariés, mais le choix final des actions est de la responsabilité de l employeur. Principes généraux de prévention Loi n 91-1414 du 31 décembre 1991. Article L. 4121-2 du code du travail 1. Éviter les risques. 2. Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités. 3. Combattre les risques à la source. 4. Adapter le travail à l homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé. 5. Tenir compte de l état d évolution de la technique. 6. Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux. 7. Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral, tel qu il est défini à l article L. 1152-1 du code du travail. 8. Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle. 9. Donner les instructions appropriées aux travailleurs. 19