Faiseurs de fleurs Avril et Mai 2011 «La colonie est un chaos organisé.» A t t r a c t e u r étrange de Lorenz «La pratique de l apiculture est une improvisation permanente» Boris Bachofen Le chou romanesco
Pour simplifier et faire court (sic) voici quelques définitions tirées de Wikipédia afin d étayer mon propos. Mes excuses pour ceux qui perçoivent Wikipédia comme une hérésie, mais les sites de physique et de théorie du chaos étaient vraiment trop indigestes. Vulgarisons donc zinbrin. La théorie du chaos A première vue, chaque abeille de la colonie travaille indépendamment de ses consoeurs. Elles semblent même défaire ce que les autres ouvrières viennent de faire. La colonie correspond donc parfaitement à la définition «d un système dynamique rigoureusement déterministe, mais qui présentent un phénomène fondamental d instabilité qui, modulant une propriété supplémentaire de récurrence, le rend non prédictible en pratique sur le «long» terme.» D où l image d un attracteur, un ensemble ou un espace vers lequel un système évolue de façon irréversible en l absence de perturbations. L auto-organisation et pourtant... Au travers de ce chaos apparent naît des propriétés émergentes, résultat de l auto-organisation. Des milliers d abeilles travaillent apparemment dans le chaos pour offrir des kilos et des kilos de miel, recueilli fleur après fleur...on ne sais trop comment. L auto-organisation se définit comme «un phénomène de mise en ordre croissant, et allant en sens inverse de l augmentation de l entropie ; au prix d une dissipation d énergie qui servira à maintenir cette structure.» D où l image du chou romanesco qui intègre ces deux aspects de chaos (les fractales des spirales florales) et d ordre (l entité chou).
La pratique de l apiculture est donc une activité éminemment intuitive et philosophique. L apiculteur est confronté au fait que quoi qu il fasse au sein de la colonie, ou qu il veuille faire, celle-ci agira selon ses propres schémas et selon des lois qui sont bien au delà de la compréhension humaine. Et c est là la beauté de l activité. Aller à la découverte d un monde mystérieux. Universum par C. Flammarion, Gravure sur bois, Paris, 1888 Revenons au propos de cette infolettre: les mois d avril et mai au rucher!
En premier lieu, pour ceux qui ont passé 23 heures et 59 minutes à chercher Charly parmi les zoulous, voici où se trouvait la reine du concours de l infolettre de mars. Elle est entrain de pondre et a donc son abdomen dans une cellule. On la distingue grâce à son thorax plus grand et à ses pattes postérieures velues. Désolé, aucun gagnant cette fois-ci. Il faut dire que c est moins glamour que l Euromillion, quoique.
Malheureusement plus d actions que de photos, je tâcherai donc de ne pas me perdre en paroles. Suite aux pertes de l hiver, toutes les colonies ont été divisées en deux. De chaque colonie de départ, qui se tient sur 8 à 10 cadres, on prélève la moitié des cadres avec les abeilles dessus et on les remplace par des cadres vides ou des cadres à bâtir. En faisant de la sorte, on double le cheptel. Un beau couvain, blanc, compact, de bonne odeur, témoigne d une belle activité dans la colonie. Joie. Mais les choses ne sont pas aussi simple que cela. En effet, dans chacune des nouvelle colonies, l une aura une reine alors que l autre non. L absence de reine ralentira la dynamique de la population puisqu il faudra environ 16 jours pour qu une nouvelle reine voie le jour, puis une semaine pour qu elle se fasse féconder et commence à pondre. Il faut encore patienter 21 jours après la première ponte pour voir l émergence des premières ouvrières adultes. Cela représente environ un mois de pause pour la colonie.
Pour contrecarrer ce temps de pause, l happyculteur a plusieurs possibilités. Prendre son mal en patience ou se ronger les ongles. Plus sérieusement, l ajout d une reine dans une cagette d introduction est la méthode la plus couramment pratiquée. La reine est contenue dans une petite cagette avec 5 ou 6 accompagnatrices. L ouverture est fermée par un bouchon de sucre candi. Lorsque la colonie a consommé le sucre, la reine est libérée. Une autre méthode, utilisée par mes soins au mois de mai, a été d utiliser la prédisposition naturelle de la colonie à essaimer. Cela s appelle l essaimage artificiel. Cette technique demande d intervenir au moment où toutes les abeilles et la vieille reine sont encore dans la ruche. La vieille reine partant avec une partie de la population, un élevage de jeunes reines est démarré. C est le signe que la colonie veut essaimer. On trouve sur 6 à 7 cadres des cellules royales, sortes de petites morilles qui pendent hors du plan du cadre. On voit sur les photo deux cellules royales. Celle de gauche est dite ouverte, la jeune larve se fait littéralement gaver de gelée royale pour sa croissance. Celle de droite est dite opperculée, la larve se transforme, la nymphose, et va bientôt éclore
L essaimage artificiel consiste, et je me répette, à intervenir au moment où la vieille reine n est pas encore partie avec des milliers d ouvrières. Le but est de prélever tout les cadres avec une cellule royale, une future reine, et de peupler des ruches vides. Au besoin, on prends des cadres de couvain avec les abeilles d autres ruches pour gonfler la population du nucléi. La ruche de départ trouve sa population diminuée de 80% et ce choc éteint la fièvre de l essaimage. La reine et les abeilles restées là, se remettent automatiquement au travail et la population se reconstitue rapidement. C est comme cela que j ai pu passer de 9 ruches début avril à 15 ruches mi-mai.
Je me dois de faire là toutes les louanges de mes chers élèves du cours d apiculture. Passionnés, disciplinés (pas tout le temps d accord), consciencieux, intéressés, je manque de mots pour dire à quel point donner le cours est un exercice agréable. Je ferai juste une petite communication à leur intention : par pitié, laissezmoi terminer de répondre à la première question avant que quelqu un pose la suivante...je suis un mammifère qui doit, de temps en temps, respirer de l oxygène. Les jeunes colonies se sont développées à une vitesse foudroyante. En quelques semaines, plusieurs cadres de corps ont été ajoutés puis les hausses pour faire le miel. La colonie suit un rythme d expansion au printemps et la tache de l apiculteur est de suivre cette évolution pour donner assez de place aux abeilles. De beaux cadres de couvain comme celui-ci gonflent la population d environ 2 000 à 4 000 abeilles. On compte généralement 600 abeilles par décimètre carré pour les deux faces couvain.
La récolte du miel a eu lieu à la mi-mai. C est avec beaucoup d avance, mais la saison est ainsi faite cette année. Pas une piqûre...c est bien grâce au T-shirt «Cenovis». Protection ultime! La miellerie portative, nouvelle gamme de produit de chez «Tout est merveille dans l abeille».
Une autre reine un peu plus facile à trouver cette fois! Fleurette et les grands espaces.