L ouverture à la concurrence du secteur électrique : rôle et gains du client



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Transcription:

L ouverture à la concurrence du secteur électrique : rôle et gains du client Marcelo Saguan, économiste de l'énergie, Microeconomix Olivier Sautel, économiste de la concurrence, Microeconomix Paru dans la revue Flux, 2011/2 - n 84, pp. 8-20 Introduction Le travail d'analyse des processus d'ouverture à la concurrence des industries de réseaux en est aujourd'hui à l'heure des premiers bilans. Le débat théorique sur la pertinence d'ouvrir ou non les industries de réseaux à la concurrence a largement tourné à l'avantage des défenseurs d'une libéralisation des industries de réseaux, dans la plupart des secteurs concernés (télécoms, transport, énergie) et dans la plupart des pays. La phase de mise en œuvre de ces réformes et les débats associés, qui concernent les architectures de marché optimales et les modalités pertinentes de réglementation, ont débouché sur un relatif consensus parmi les autorités de régulation des différents pays. Mais, selon les secteurs et les pays concernés, la question du bilan empirique des réformes est ouverte, et les bénéfices annoncés sont contestés. Le relatif recul historique sur les réformes engagées (près de 20 ans pour l'électricité, 30 ans pour les télécommunications (1) ou pour le transport aérien (2), si l'on retient les premières expériences internationales) ainsi que la présence d'un panel de différents pays et situations réglementaires sont à même de servir d'appui à un travail de bilan empirique. Dans ce travail de bilan, le sort du client final occupe une place prépondérante. C'est lui en effet qui a été mis en avant pour justifier l'utilité sociale des réformes visant l'ouverture à la concurrence. C'est lui plus largement, dans une économie de société démocratique, qui doit in fine bénéficier ou au moins ne pas pâtir de l'abandon par les Etats de leur rôle de production dans ces industries. Parallèlement, le libre choix du fournisseur offert au client final a constitué la partie la plus visible et la plus emblématique des changements structurels induits par ces réformes. Dans cette perspective, le secteur de l'électricité constitue un cas d'étude intéressant. Le secteur électrique est l'un des secteurs dans lequel l'ouverture à la concurrence a été la plus contestée, mais aussi et surtout, dans lequel la place du client final reste la plus discutée. L'objectif de l'article est d'évaluer l'impact des réformes du secteur électrique en termes de gains d'efficacité tout au long de la chaîne de fourniture, et d'en déduire le rôle et les gains du client final dans ce processus d'ouverture à la concurrence. Nous montrons que le débat persistant sur la meilleure forme d'ouverture à la concurrence, qui se concentre sur l'opportunité d'ouvrir complètement ou non le marché de détail, est légitime compte tenu des résultats contrastés de l'ouverture à la concurrence du secteur électrique. Si le client final a pu bénéficier de gains d'efficacité liés à l'ouverture du secteur électrique, imparfaitement transmis par les acteurs présents sur les marchés concurrentiels, la possibilité qui lui a été donnée de choisir librement son fournisseur sur le marché de détail n'a pas eu jusqu'à présent d'impact significatif sur le niveau de ces gains. Le paradoxe d'une concurrence sans choix du client final pourrait perdurer tant que les conditions d'une innovation dans les modalités de distribution de l'électricité ne seront pas réunies. La section 1 de cet article rappelle le contenu des réformes visant à ouvrir le secteur électrique à la concurrence. La section 2 identifie les gains d'efficacité induits par l'ouverture à la concurrence sur la base d'une revue des études empiriques présentes dans la littérature. La section 3 conclut sur le

paradoxe du secteur électrique, selon lequel le rôle donné au client final dans l'ouverture à la concurrence n'aurait aucun impact sur les gains qu'il peut en attendre. L introduction de la concurrence dans le secteur électrique L'introduction de la concurrence dans le secteur électrique s'inscrit dans un vaste mouvement de démantèlement des monopoles verticalement intégrés dans les industries de réseaux, porté en Europe par les directives de la Commission européenne (3). Le raisonnement économique sousjacent est que les industries de réseaux pouvaient être plus efficaces et aussi bien coordonnées que dans un modèle intégré. Il faut pour cela à la fois permettre à de nouveaux acteurs d'entrer sur le marché en se faisant concurrence, tout en régulant l'accès de ces concurrents à l'infrastructure. Concrètement, l'ouverture à la concurrence se traduit généralement par la séparation des activités d'infrastructure, pour lesquelles un monopole est généralement souhaitable, des activités de production et de commercialisation, pouvant être ouvertes à la concurrence. Cette séparation peut notamment passer par la séparation et/ou la privatisation des monopoles publics intégrés autrefois en charge de l'ensemble de la chaîne verticale. Des marchés sont construits sur les activités ouvertes à la concurrence tandis que les activités qui restent soumises à un monopole (tenant à l'infrastructure) se voient appliquer de nouvelles règles de régulation, pour assurer notamment l'accès équitable de tous les acteurs qui participent aux activités concurrentielles en aval. Après avoir brièvement rappelé la chaîne de valeur du secteur électrique, cette section détaille la façon dont ce modèle générique y a été appliqué. La chaîne verticale de l'industrie électrique Afin d'appréhender les enjeux économiques d'une ouverture à la concurrence, il est indispensable de définir correctement la chaîne de valeur de l'industrie concernée. Dans le cas de l'électricité, la chaîne verticale se divise en quatre segments : - la production, qui consiste à générer de l'électricité à partir de différentes technologies (nucléaire, énergies fossiles, hydraulique, éolien, ) et à la commercialiser sur les marchés de gros ; - le transport, qui consiste à acheminer l'électricité via un réseau haute tension depuis les sites de production jusqu'aux points de connexion avec le réseau de distribution ou jusqu aux points de raccordement des gros consommateurs connectés directement au réseau de transport ; - la distribution, qui consiste à acheminer l'électricité via un réseau de moyenne et basse tension depuis les points de connexion avec le réseau de transport (soit 2200 postes sources en France) jusqu'au client final (33 millions de points de livraison en France) (4) ; - la commercialisation et la vente (ou fourniture), qui consiste à gérer la relation avec le client final d'électricité (estimer la consommation, émettre la facture, gérer le paiement, etc.) La figure 1 montre schématiquement l organisation de l industrie électrique et les différentes activités dans le cas de la France. Cette figure indique également la proportion indicative de chacune de ces activités, en tant que postes de coûts, dans le tarif payé par un client résidentiel français (tarif bleu). La production représente environ un tiers, tout comme les activités régulées (le transport et la distribution réunies). Le poste «commercialisation et fourniture» couvre environ 5% du coût tandis que le reste relève des taxes et des contributions au service public. 2

Figure 1. Activités de l industrie électrique Importations et exportations d électricité via les 45 interconnexions électriques de RTE Producteurs d électricité 649 centrales de production nucléaire, hydraulique, thermique, renouvelable RTE Gestionnaire du Réseau de Transport d Electricité Transport d électricité de 400 kv à 63 kv ERDF et entreprises locales de distribution Réseaux de distribution de 20 kv à 220 V Industries (548 sites connectés au réseau de transport) Petites entreprises Particuliers Production (Energie); 35% Transport; 5% Distribution; 30% Proportion indicative par postes de coûts Commercialisation / Fourniture; 5% Taxes et CSPE; 25% Source : données RTE (2009) et EDF (2009), mis en forme par les auteurs L'industrie électrique a connu un mouvement de restructuration et d'ouverture à la concurrence plus tardif (5) et plus contesté (6) que d'autres industries de réseaux comme les télécoms ou le transport aérien (7). Bien que les modèles d ouverture à la concurrence aient suivi largement le modèle générique développé par la théorie, les paramètres techniques spécifiques de cette industrie ont été à l'origine d'un important débat théorique et empirique sur les modèles pertinents d'ouverture à la concurrence (Stoft, 2002). Aujourd hui, un relatif consensus s'est établi sur l introduction de la concurrence dans la production et sur la régulation nécessaire dans le transport et la distribution. Bien qu il subsiste des points d'amélioration, un certain nombre d'outils pertinents a été identifié. En revanche, le débat reste ouvert quant au modèle d ouverture à la concurrence de la fourniture d électricité, notamment la nécessité de l existence d un marché de détail ouvert pour tous les clients finaux (Joskow, 2006a, 2008). L'électricité est donc un cas d'étude intéressant puisque l'implication ou non du client final en tant qu'acteur de la concurrence reste une question débattue. Nous décrivons brièvement par la suite les caractéristiques-clés de l ouverture à la concurrence dans les différents maillons de la chaine de fourniture. L ouverture à la concurrence de la production L ouverture à la concurrence de la production d électricité s'est faite en deux étapes. La première a consisté à mettre fin au monopole de fait détenu par l entreprise verticalement intégrée. L entrée dans la production est aujourd'hui libre, au niveau de l exploitation comme de l'investissement (8). La seconde étape a consisté à créer un marché de gros sur lequel l ensemble des producteurs peuvent vendre l énergie produite. La mise en place d un marché de gros suppose d abord la définition du produit commercialisable. Etant un flux continu, l électricité nécessite la définition d un système de mesure capable de pouvoir suivre les transactions entre les agents. En effet, une fois l électricité injectée dans le réseau, il est 3

impossible de distinguer à qui appartient le produit ; un système de traçabilité est donc nécessaire pour assurer un suivi et un règlement des transactions. La création d un marché de gros exige donc la mise en place d un registre de transactions et de leur règlement (Hunt, 2002). Ce registre est géré concrètement par le gestionnaire du réseau qui reçoit de la part des différents intervenants les informations sur les transactions réalisées et les compare avec leurs réalisations physiques. Une fois le système de mesure et de suivi des transactions mis en place, le modèle de marché de gros implémenté peut être affiné afin d assurer une meilleure coordination entre les moyens de production (et également entre les moyens de production et le transport). En effet, la production d électricité nécessite un ajustement continu du niveau de génération, et ce, à des horizons temporels très courts (de quelques minutes à quelques heures). Un marché «traditionnel» (c'est-àdire un marché où les acteurs peuvent fixer les conditions de vente et d achat et s accorder librement) serait trop «lent» ou générerait trop de coûts de transaction pour assurer une gestion efficace et sécurisée de la production d électricité (Wilson, 2002). Pour cela, d autres formes plus centralisées de marché de gros (par exemple des enchères centralisées) ont vu le jour. Alors que les premiers choix de marché de gros s'étaient porté sur des modèles très polarisés (centralisé vs. décentralisé), les réformes tendent à converger vers des designs intermédiaires. Le bon fonctionnement d'un marché de gros a été stimulé dans certains pays par une restructuration du marché, notamment par le découpage horizontal de l opérateur historique afin de créer plusieurs opérateurs concurrents. Par exemple, lors de la reforme anglaise en 1990, l opérateur historique anglais (le Central Electricity Generating Board - CEGB) a été séparé en 3 gros opérateurs de production. Cette séparation horizontale de l opérateur historique s est cependant heurtée dans la plupart des pays à des obstacles politiques et juridiques et n a pas été réalisée. Régulation des activités de transport et de distribution La régulation des activités de transport et de distribution a dû être adaptée afin d accueillir la création d un marché d électricité et maximiser les gains d efficacité de la réforme électrique (Glachant, 2002). Cette nouvelle forme de régulation a considéré notamment deux aspects : l accès non discriminatoire au réseau de transport et de distribution et la mise en place d une régulation avec de fortes incitations à la réduction des coûts et aux gains d efficacité. Le premier aspect concerne l accès non discriminatoire aux réseaux d électricité, point-clé dans la création des marchés de gros et de détail de l électricité. La régulation du réseau a été adaptée afin d'assurer l accès à tous les participants du marché. Ceci est notamment valable pour le réseau de transport où tous les participants connectés seront potentiellement des acteurs sur le marché de gros. En revanche, pour le réseau de distribution, le degré nécessaire d accès des tiers varie selon le modèle d ouverture à la concurrence de la fourniture (voir ci-après). Enfin, pour assurer un accès non discriminatoire, les tarifs d accès au réseau sont également régulés et basés sur les coûts de prestation du service de transport et de distribution. Le second aspect introduit par la réforme électrique est la mise en place d une régulation avec de fortes incitations à diminuer les coûts et à augmenter la qualité de fourniture (Joskow, 2006b). Ce type de «régulation incitative» a été mis en place avec des mécanismes du type Price Cap ou Revenue Cap où les recettes du gestionnaire de réseau sont indépendantes des coûts réalisés. Le gestionnaire de réseau peut alors conserver tout ou partie des économies de coûts qu'il réalise. Outre les coûts d exploitation et l investissement, des mécanismes incitatifs ciblés ont été mis en place. Ces mécanismes visent à donner à l entreprise régulée les incitations à minimiser les coûts du système (par exemple, le coût d achat des pertes ou les coûts pour lever les congestions du réseau) ou à améliorer la qualité. 4

Donner les bonnes incitations à l efficacité n est qu une partie des objectifs de la régulation de réseau. Pour assurer un transfert de gains d efficacité vers les clients finaux, les recettes du gestionnaire et par conséquent les tarifs de réseau doivent être ajustés périodiquement. Les mécanismes de régulation mis en place appliquent des facteurs annuels de performances, définis ex ante, et le niveau de tarif est renégocié tous les 4 ans environ entre le régulateur et l entreprise régulée. Dans ces négociations, le régulateur utilise différentes techniques pour limiter l asymétrie d information. L'objectif est de déterminer les paramètres optimaux qui permettront de fournir un niveau d'incitation élevé de l entreprise régulée tout en assurant le partage des gains d'efficacité avec les utilisateurs, c'est-à-dire in fine les clients finaux. Dans le cas de la distribution, l éventuelle existence de plusieurs entreprises de distribution plus ou moins similaires permet au régulateur de comparer leurs performances et ainsi maximiser le transfert de gains d efficacité vers les utilisateurs. L'ouverture à la concurrence de la fourniture L ouverture à la concurrence de la fourniture de l électricité a donné lieu à un débat très vif qui n'est d'ailleurs pas encore tranché (Salies & Waddams Price, 2004 ; Newbery, 2006 ; Joskow, 2008 ; Defeuilley, 2009 ; Littlechild 2009). Les modèles d'ouverture à la concurrence varient entre deux cas polaires : un modèle d'ouverture complète à la concurrence pour la fourniture d électricité à tous les clients, d'une part, et un modèle d'absence totale de concurrence pour la fourniture, d'autre part. Ces deux modèles donnent donc une place radicalement opposée au client final dans la concurrence, comme l'illustre la figure 2 ci-dessous. Figure 2. Les deux cas polaires de l ouverture à la concurrence dans l électricité Source : Auteurs Dans le premier modèle polaire, les clients n ont pas le choix concernant le fournisseur d électricité. Le monopole sur la fourniture est conservé et les clients sont obligés d acheter au fournisseur présent dans sa zone de raccordement. Dans ce cas, les fournisseurs en monopole fonctionnent comme intermédiaires et sont incités à acheter sur le marché de gros au moindre coût. Le tarif payé par les clients finaux est fixé à partir des coûts d achat des fournisseurs. Le second modèle consiste en une ouverture complète de la concurrence dans la fourniture, avec la création d un marché de détail couvrant tous les clients (gros consommateurs industriels, PME, professionnels et résidentiels). Dans ce modèle, chaque client doit choisir son fournisseur d électricité et peut changer de fournisseur librement, à tout moment. La plupart des modèles réels se trouvent entre ces deux cas extrêmes (figure 3). Le modèle d ouverture complète à la concurrence a été choisi par la plupart des pays européens ainsi que par certains états américains (par exemple le Texas ou la Californie). Dans certains pays ou états, l ouverture à la concurrence n est pas complète. Seuls les consommateurs gros et moyens peuvent choisir leurs fournisseurs tandis que les clients finaux (professionnels et résidentiels) continuent à 5

acheter au fournisseur unique de leur zone. C est le cas, par exemple, de certains états américains comme le Nevada, le Montana, le Nouveau Mexique, ou l Arkansas. Figure 3. Ouverture incomplète à la concurrence Source : Auteurs Les modalités d'ouverture à la concurrence du secteur électrique présentent donc une originalité quant à la place du client final. Si l'ouverture à la concurrence de la production et la régulation des activités d'infrastructure (transport et distribution) s'inscrivent parfaitement dans le schéma classique d'ouverture à la concurrence, le cas du marché de détail et donc du rôle du client final est très spécifique. Le principe de libre choix du client final, pourtant emblématique d'une ouverture à la concurrence, est considéré par beaucoup comme un point optionnel des réformes, voire comme une réforme contre-productive. Ce débat sur la place du client final dans l'architecture optimale du secteur électrique doit être mis en regard des gains d'efficacité attendus d'une ouverture à la concurrence, et en particulier où ces gains se produisent et comment ils sont transmis au consommateur. Dans quelle mesure le rôle actif du client final dans la concurrence est-il corrélé aux gains qu'il peut en attendre? La section 2 dresse un bilan partiel de l'impact de l'ouverture à la concurrence sur les gains d'efficacité et leur transmission au client final, qui permet d'éclairer la singularité du secteur électrique quant à la place du client final dans l'architecture de marché. Origine et évaluation des gains d'efficience permis par l'ouverture à la concurrence : revue de littérature évaluative Plus de vingt ans après la première expérience de libéralisation des marchés électriques, en Grande- Bretagne, il est possible de dresser le bilan de l'ouverture à la concurrence pour les clients finaux. Nous rappelons dans un premier temps les gains d'efficience potentiels liés à l'ouverture à la concurrence de l industrie électrique afin d'évaluer dans un second temps le niveau de ces gains à chaque stade de la chaîne de valeur. Les gains d'efficacité attendus suite à l'ouverture à la concurrence Il est impossible de juger l'efficacité d'une réforme par la simple analyse de l évolution des prix. Par exemple, l analyse de l évolution du prix de gros en France depuis l ouverture à la concurrence montre que le prix a augmenté considérablement et presque continuellement entre 2002 et 2008 (figure 4). Mais on ne peut en conclure que la reforme électrique a été inefficace. Le prix de l électricité n intègre pas toutes les informations nécessaires pour juger une réforme. Par exemple, le 6

Prix de gros (EPEX) [ /MWh] Saguan Marcelo et Sautel Olivier, "L'ouverture à la concurrence du secteur électrique : rôle et gains du client", Flux, 2011/2 n 84, p. 8-20. prix passé n intègre pas l impact dynamique de la réforme (par exemple, son impact sur l innovation ou sur l investissement). Surtout, le prix de l électricité est impacté par une série de facteurs exogènes à la réforme. Ces facteurs doivent être contrôlés avant d essayer d analyser les comportements des prix et de tirer des conclusions sur l efficacité. Le prix des combustibles (par exemple, le prix du gaz) ou des changements réglementaires (par exemple, l introduction du marché des permis d émission de CO 2 ) peuvent être également responsables de ces modifications de prix. Figure 4. Le prix de gros de l électricité en France (de 2002 à 2010) 80 70 60 50 40 30 20 10 0 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 Source : données EPEX (prix horaires), calculs des moyennes annuelles et mise en forme par les auteurs Il est donc préférable de se concentrer sur les gains d'efficacité induits par l'ouverture à la concurrence et la façon dont ils sont répercutés sur le client final. Ces gains d efficacité sont attendus aussi bien pour les activités ouvertes à la concurrence que pour les activités régulées. Les gains d efficacité Concernant les activités ouvertes à la concurrence (production et fourniture), les gains d efficacité peuvent être de deux ordres. A court terme (à solution technologique et capacité données), ces gains d'efficacité correspondent aux baisses de coûts attendus du fait d'une plus grande incitation des acteurs à accroître leur efficacité, donc à diminuer leurs coûts et in fine à diminuer leur prix. On parle alors de gains statiques d efficacité. La concurrence pousserait ainsi les producteurs autrefois protégés par leur position monopolistique à diminuer leurs coûts pour conserver/améliorer leur position sur le marché. A moyen-long terme, la concurrence peut avoir un impact sur le client final via le comportement d'investissement et d'innovation des producteurs. On parle alors des gains dynamiques d efficacité. D une part, la concurrence est susceptible d'accélérer la différenciation des produits, chaque opérateur concurrent étant incité à se différencier par l'innovation. De plus, la présence d'une variété d'acteurs garantit une plus grande variété de solutions sur le plan de la tarification et du contenu technologique. Indépendamment de l'effet sur les prix, un accroissement de la variété est une évolution favorable aux consommateurs. D'autre part, la concurrence permet la confrontation de plusieurs choix de modèles technologiques. Compte tenu de la très longue durée de vie des investissements en énergie, toute erreur sur le mix technologique est susceptible de peser durablement sur les coûts de l'entreprise. En situation de concurrence, la pluralité des acteurs et des 7

choix permet de minimiser l'impact sur le client final d'une erreur d'un producteur donné, contrairement au cas du monopole historique, dont les choix technologiques et les coûts associés étaient ensuite forcément supportés par tous les clients finaux. Concernant les activités régulées (transport et distribution), les clients finaux peuvent bénéficier de gains d efficacité liés à la réforme de la régulation, si celle-ci parvient à améliorer l efficacité du monopole régulé en charge des activités de gestion de l infrastructure. Ces gains peuvent être statiques, c'est-à-dire réalisés à capacité et à technologie constantes, et dynamiques, s'ils sont dus aux investissements et à la mise en place d'innovations et de nouvelles technologies. La transmission des gains d efficacité au client final Les gains d'efficacité statiques et dynamiques attendus de l'ouverture à la concurrence et leur transmission au client final reposent sur l'hypothèse d'un bon fonctionnement des marchés et des mécanismes de régulation. Si cette hypothèse n'est pas vérifiée, les imperfections de marché et de la régulation sont susceptibles d'amputer ou de retenir les gains attendus. Même en présence d'un marché donnant les bonnes incitations et permettant d'atteindre effectivement les gains d'efficacité, les clients finaux peuvent être privés de ses gains en raison d'un pouvoir de marché trop important des acteurs de ce marché. Dans les industries fortement capitalistiques (caractérisées par d'importants coûts fixes), la concurrence peut souvent déboucher sur la formation d'oligopoles. C'est le cas également si un nombre restreint d'acteurs sont en mesure d'entrer sur le marché lors de son ouverture à la concurrence. Le pouvoir de marché des acteurs en place leur permet alors de capter sous la forme de profit unitaire tout ou partie des gains d'efficacité générés par l'ouverture à la concurrence. Dans ce cas, la concurrence peut contribuer à augmenter le bien-être total mais sans accroître le surplus des consommateurs. Ces problèmes sont évidemment accrus lorsque les acteurs abusent de leur pouvoir de marché, notamment pour empêcher l'entrée de concurrents. La probabilité que de tels problèmes apparaissent est alors directement liée à l'efficacité des autorités de concurrence des pays concernés, qui ont vocation à prévenir par le contrôle des concentrations et à sanctionner par le contrôle des pratiques anticoncurrentielles tout abus de position dominante. De la même manière que la concentration élevée sur le marché de gros peut empêcher le transfert des gains d efficacité vers les clients finaux, l asymétrie d information entre le régulateur et les entreprises régulées peut limiter le profit de la réduction des coûts réels du réseau pour les utilisateurs. En effet, les mécanismes de régulation incitative ont pour principe de rendre les recettes de l entreprise régulée indépendantes des coûts réels supportés. Dès lors, pour fixer les recettes autorisées, le régulateur doit estimer, avec les informations dont il dispose, les coûts de l entreprise régulée gérée de manière optimale. Plus l asymétrie d information sera grande, plus l objectif de recette risque d être sous-évalué, et plus les utilisateurs seront privés des gains d efficacité, même s ils existent. Une analyse rigoureuse de la localisation des gains d'efficience liés à l'ouverture à la concurrence doit donc à la fois évaluer la portée de ces gains et leur degré de transmission au client final. La section suivante en dresse un premier bilan dans le cas de l'électricité. Analyse préliminaire des gains d efficacité dans le cas de l ouverture à la concurrence du secteur électrique Une analyse coûts-bénéfices complète d'une telle réforme nécessite un travail empirique considérable. L'objectif ici est de s'appuyer sur les évaluations empiriques présentes dans la littérature, pour évaluer les gains d'efficacité. Ces évaluations étant issues d'enquêtes différentes, ayant des champs d'applications et des méthodologies différents, une comparaison directe des niveaux de gains annoncés dans les différentes études n'est pas possible. Cependant, la 8

confrontation de ces études empiriques permet de dégager les consensus quant à la localisation des gains d'efficience le long de la chaîne verticale. Le cas de la production Gains statiques d efficacité L introduction de la concurrence dans la production a permis d'accroître l'efficacité en fournissant de fortes incitations à la réduction de coûts. Différentes études économétriques, contrôlant certaines variables exogènes (par exemple, les coûts des facteurs de production), arrivent à la conclusion que le modèle concurrentiel a produit des gains d efficacité, notamment en termes de diminution des coûts d exploitation et d augmentation de la disponibilité des centrales de production (Newbery et Pollit, 1997 ; Fabrazio et al., 2007 ; Bushnell et Wolfram, 2005 ; Joskow, 2008 ; Zhang, 2007 ; Craig et Savage, 2009 ; Zarnic, 2010). Par exemple, Craig et Savage (2009) comparent les coûts d exploitation et la disponibilité des centrales de production localisées dans des états américains dont le cadre réglementaire est différent. Ils arrivent à la conclusion que les moyens de production utilisés sur un marché concurrentiel ont des coûts d exploitation au moins 13% inférieurs (toutes choses égales par ailleurs) à ceux des moyens de production équivalents fonctionnant encore de manière régulée. Zarnic (2010) estime que des gains modestes d efficacité avérés ont été générés en Europe par les reformes électriques, même si leur ampleur reste modeste (9). Il est important de noter que les gains d efficacité dans la production, même relativement modestes, ont un impact significatif sur le coût total de production étant donné l'importance relative de ce poste de coût (plus d'un tiers des coûts totaux, et plus de 45% des coûts hors taxes pour le cas français). Le constat sur ces gains d'efficacité doit cependant être tempéré par les doutes sur leur transmission au client final, en raison du pouvoir de marché des opérateurs. Les marchés de gros d électricité se caractérisent par un niveau de concentration très élevé. Les marchés européens sont notamment confrontés à l'existence quasi systématique d'un opérateur dominant (figure 5). Une concurrence à armes égales pourrait avoir lieu au niveau européen entre grands acteurs nationaux, mais les imperfections de l intégration du marché européen et les capacités limitées dans les interconnexions transfrontalières ne permettent pas encore une concurrence effective entre producteurs des différents pays (Ehrenmann & Smeers, 2005). Ce pouvoir de marché élevé fait craindre une répercussion très imparfaite des gains d'efficacité générés par l'ouverture à la concurrence aux clients finaux. 9

EE GR LV FR SK CZ SI BE IE PT SE RO DK LT LU AT IT PL HU FI ES NO CH UK DE BG NL Part de marché des producteurs [%] Herfindahl-Hirschman Index (HHI) Saguan Marcelo et Sautel Olivier, "L'ouverture à la concurrence du secteur électrique : rôle et gains du client", Flux, 2011/2 n 84, p. 8-20. Figure 5. Concentration dans la production d électricité en Europe 100% 90% 80% 10 000 9 000 8 000 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% 7 000 6 000 5 000 4 000 3 000 2 000 1 000 0 Fortement concentré Très concentré Modérément concentré Producteur n 1 Producteur n 2 Producteur n 3 Producteur n 4 Autres producteurs HHI Source: Platts (2010), mis en forme par les auteurs Gains dynamiques d efficacité Les études économétriques ne concluent pas en termes d efficacité dynamique. En effet, les cycles d investissement dans la production d électricité sont très longs et une étude capable de capter les effets de la concurrence sur l innovation et l investissement devrait posséder des données couvrant un cycle complet. Une telle analyse ne pourra donc être menée que dans plusieurs années. Cependant, quelques éléments semblent indiquer que l ouverture à la concurrence fournit des incitations à l innovation (10). Par exemple, les rendements de la technologie de production à gaz du type cycle combiné (CCGT) sont passés de 50% à 60% environ depuis le début des réformes (Praetorius, 2009). Une centrale CCGT construite aujourd hui consomme 20% de combustible en moins que la même centrale construite dans les années 1990. Cette augmentation n aurait sans doute pas été possible sans les fortes incitations à la réduction de coût de production à long terme données par la concurrence. En conclusion, les gains d'efficacité observés au stade de la production constituent un gain de l'ouverture à la concurrence pour la communauté. La transmission de ce gain aux clients finaux reste cependant limitée par les difficultés à assurer une concurrence forte entre producteurs. 10

Le cas du transport et de la distribution Gains statiques d efficacité La séparation des activités de transport et distribution des activités en concurrence, ainsi que la mise en place des mécanismes de régulation donnant des fortes incitations à la réduction de coûts, ont généré des gains statiques d efficacité (Domah et Pollitt, 2001 ; Jamabs et Pollitt, 2007). Ces gains tiennent à une augmentation de la productivité, par exemple une réduction du nombre d employés par kwh transporté ou distribué. C'est ainsi que le gestionnaire du réseau de transport anglais (NGC) a réduit les coûts contrôlables, principalement liés à la maintenance, de plus de moitié en une décennie, les coûts de réseau ayant diminué de 20% au total (Martin, 2005). RTE (le gestionnaire de réseau de transport français) a aussi réalisé des gains d efficacité en termes de réduction des coûts d exploitation. Le coût de transport en France a diminué de 18,4% sur la période 2000-2004 (Rious, 2007). En outre, dans les pays où des mécanismes incitatifs ont été mis en place de façon adéquate, les coûts de congestions et des pertes ont diminué considérablement (Joskow, 2007b). La qualité de service a aussi été améliorée grâce à des mécanismes incitatifs ciblés. Par exemple, NGC a divisé par cinq en dix ans le coût de congestion suite à la mise en place d un mécanisme incitatif ciblé (Rossignoli et al., 2005). Notons cependant que la transmission de ces gains d'efficacité au client final n'est pas certaine, même dans le cadre de tarifs régulés. L asymétrie d information entre les entreprises régulées et le régulateur peut limiter le transfert des gains d efficacité vers les clients finaux. Même si des mécanismes de révélation de l information ont été mis en place (par exemple, le menu de contrats pour l opérateur du système anglais ou l application du benchmarking pour comparer les performances de plusieurs distributeurs (11)), la transmission des gains d'efficacité au client final reste imparfaite. Gains dynamiques d efficacité Comme pour la production, les cycles d investissement sont très longs et il est encore trop tôt pour juger l impact du changement de régulation sur l efficacité dynamique (investissement et innovation). Néanmoins, plusieurs éléments de la régulation des monopoles naturels post-réforme pourraient jouer sur l efficacité dynamique. Dans certains pays (comme l'angleterre et la France), l entreprise régulée doit supporter des coûts pour le système qui sont la conséquence de sa politique d investissement. C est notamment le cas des coûts de congestion et des coûts de pertes. Les entreprises de transport et distribution sont alors confrontées à un arbitrage entre coûts d investissements et coûts du système, qui détermine le niveau optimal d investissement. Ces entreprises sont donc incitées à réaliser les investissements nécessaires et avec la technologie adéquate afin de pouvoir réduire à moyen et long terme des coûts d exploitation et ainsi créer des gains d efficacité dynamiques. Mais la réalisation de ces gains dynamiques est incertaine. Les imperfections de la régulation peuvent au contraire limiter l'incitation à investir. Le design de mécanismes incitatifs capables d'inciter l'entreprise à investir efficacement se heurte aux caractéristiques intrinsèques de l électricité. En effet, ces investissements concernent des actifs à durée de vie très longue et dont l impact sur l efficacité du système est incertain et seulement visible à très long terme (après plusieurs années). De plus, les bénéfices, s ils se concrétisent, sont captés simultanément par plusieurs acteurs. Cette répartition des gains, difficile à anticiper, complique la construction ex ante d un mécanisme incitatif. Ces difficultés ont été particulièrement sensibles dans le cas de l activité de transport. Il n existe pas aujourd hui de consensus sur le mécanisme idéal d incitation aux investissements (Joskow, 2006b ; Stoft, 2007). 11

Par ailleurs, les entreprises régulées sont peu incitées à innover. Les innovations dans les industries de réseaux génèrent des bénéfices qui sont distribués entre tous les acteurs du marché et qui nécessitent une participation coordonnée des acteurs. Les gains d efficacité dynamique par l innovation sont donc dépendants d une bonne coordination des incitations à innover entre les activités régulées et les activités en concurrence. De plus, certaines modalités de régulation créent une tension entre les incitations à réduire les coûts d exploitation et les incitations à innover. Les innovations génèrent en effet des coûts d exploitation (notamment R&D et déploiement). En privilégiant trop l objectif de réduction du coût d exploitation, les mécanismes actuels découragent l innovation (Meeus et al., 2010). Les mécanismes incitatifs ciblés sur l innovation peuvent être mis en œuvre pour régler ces problèmes. Par exemple, pour le cas de la distribution en Angleterre, le régulateur a mis en place un dispositif de financement des investissements d innovation fondé sur leurs gains espérés. Ce type de mécanisme pourrait contribuer à donner les incitations adéquates aux entreprises de distribution à innover. Le cas de la fourniture Gains statiques d efficacité La concurrence sur les marchés de détail n a pas donné lieu à des gains statiques d efficacité très significatifs (Defeuilley, 2009). Cela est d'abord dû au fait que les gains effectifs à attendre étaient initialement très limités. L impact final attendu pour les clients de l'ouverture à la concurrence est structurellement limité car seuls 5% des coûts sont concernés par l activité de commercialisation/fourniture. La très faible importance des enjeux de la commercialisation s expliquent par l homogénéité du produit électrique. Etant donné les règlementations techniques et de standardisation (par exemple, le type de courant alternatif, la fréquence, la tension, le niveau de qualité), le produit électricité est par nature très homogène. Les caractéristiques propres du réseau de distribution ne permettent pas, à l heure actuelle, de différencier le produit électricité, notamment en termes de qualité. L activité de fourniture et de commercialisation n'était donc pas en mesure de fournir une valeur ajoutée significative aux clients. L'ouverture à la concurrence du marché de détail aurait cependant pu avoir un effet indirect sur les autres composantes du coût, en accroissant la concurrence sur le marché de gros et donc en générant des gains d'efficacité au niveau de la production. Mais de tels gains nécessitaient un degré élevé de concurrence effective sur le marché de détail, qui ne s'est pas vérifié, en raison de la prédominance des opérateurs historiques ou du problème de la coexistence des tarifs réglementés artificiels dans certains pays. Pour que les tarifs règlementés ne nuisent pas au fonctionnement de la concurrence, ils doivent a minima couvrir les coûts du marché de gros et les tarifs de transport et distribution. Si les tarifs sont fixés en dessous des coûts d un nouvel entrant, aucune concurrence par les nouveaux entrants n'est possible. Or, la fixation des tarifs réglementés peut viser d autres objectifs que le développement de la concurrence de détail, par exemple un objectif social ou le partage de la rente nucléaire. La France est un bon exemple de ce phénomène. La fixation des tarifs réglementés se fait en dessous des prix du marché de gros, suivant une logique de partage de la rente nucléaire de l opérateur historique EDF avec les consommateurs français d électricité. Cette politique tarifaire bloque actuellement le fonctionnement de la concurrence de détail. La Loi NOME (Nouvelle Organisation du Marché Electrique) votée en novembre 2010 et promulguée en décembre 2010 vise à résoudre ce problème en donnant accès aux fournisseurs alternatifs à la production nucléaire à prix coutant (12). Gains dynamiques d efficacité En termes d efficacité dynamique, la concurrence sur le marché de détail n a pas non plus donné des résultats très satisfaisants. En effet, les difficultés à différencier le produit électricité de manière à 12

apporter une réelle valeur ajoutée aux clients restent très fortes. Même si de nouvelles solutions émergent (13) pour gérer intelligemment la consommation d électricité et donner plus d informations aux consommateurs, lui permettant ainsi des économies d énergies ou des gains environnementaux, leurs modèles économiques ne sont pas encore stabilisés et leurs impacts sur les gains d efficacité dynamiques restent à prouver. Au bilan, la concurrence sur les marchés de détail semble avoir eu peu d impact sur les clients finaux. D une part, l ouverture théorique à la concurrence ne s est pas traduite par l apparition d une concurrence effective. D autre part, au-delà de la faible concurrence observée, ce sont les effets même de cette concurrence qui sont remis en cause, compte tenu des faibles gains d efficacité qu elle pourrait générer. Le tableau 1 résume l'évaluation des gains d'efficacité permis par la réforme du secteur électrique tout au long de la chaîne verticale. Tableau 1. Synthèse de l analyse des gains de l ouverture de la concurrence Impacts Activités Production Transport Distribution Fourniture Gains d efficacité statiques Baisse des coûts de production Baisse des coûts de maintenance et de gestion du réseau Baisse des coûts de congestion et de pertes Baisse des coûts de pertes Amélioration de la qualité Pas d impact significatif sur les coûts de commercialisation Gains d efficacité dynamiques Innovation dans les technologies de production Imperfections de marché/régulation (transfert de gains au client final) Pouvoir de marché des fournisseurs (oligopole restreint)? Asymétrie d information? Asymétrie d information Pas d opportunités d innovation Coûts de changements Problème d incohérence entre prix de marchés et tarifs réglementés Conclusion. L'effet de l'ouverture à la concurrence sur le client final : le paradoxe du secteur électrique? L ouverture à la concurrence des industries de réseaux est un phénomène complexe, qui bouleverse l ensemble de la chaîne verticale. Le client, dernier maillon de la chaîne verticale, est impacté par la concurrence d une double manière. D une part, il subit ou profite de tous les impacts de la concurrence en amont du marché de détail, sans qu il n'exerce aucun rôle direct sur ces marchés et ces activités. D autre part, il bénéficie de l impact de la concurrence sur les marchés de détail, en étant alors l acteur de cette concurrence par sa possibilité de choisir son fournisseur. C'est le plus souvent ce rôle d'acteur de la concurrence qui est mis en avant au moment d'évaluer la place et les gains du client dans l'ouverture à la concurrence. Le tableau 2 présente de manière synthétique les gains attribuables à l'ouverture à la concurrence ainsi que leur degré de transmission au client final, c'est-à-dire le degré d'imperfection de marché ou de régulation qui a pu empêcher les clients finaux de bénéficier effectivement de ces gains. 13

Tableau 2. Synthèse des gains attribuables à l'ouverture à la concurrence ainsi que leur degré de transmission au client final Activités Impacts Gains d efficacité Gains d efficacité réalisés transmis au client final Production +++ + Transport ++ + Distribution ++ + Fourniture 0 0 Le constat est donc celui d'un paradoxe du secteur électrique quant au sort du client final confronté à l'ouverture à la concurrence : la concurrence peut lui être favorable même s'il n'y joue aucun rôle actif! Les gains d'efficacité permis par la réforme du secteur électrique sont réalisés en amont du marché de détail et ne sont donc pas directement corrélés au rôle actif du client final. La mise en concurrence des fournisseurs par les clients finaux n'est ni susceptible de générer des gains d'efficacité, ni à même d'améliorer la transmission de ces gains d'efficacité au client final. Le fait d'offrir la liberté de choix au client final apparaît essentiellement aujourd'hui symbolique et artificielle. Est-il pour autant inutile de conserver la possibilité d'une concurrence libre sur le segment de la fourniture? Cela dépendra crucialement de l'évolution des conditions de distribution de l'électricité. Si le principe du choix du client final est aujourd'hui inopérant, c'est que le choix n'existe pas. La différenciation statique par les coûts est quasiment impossible et la différenciation par l'innovation l'est également, compte tenu de la très grande homogénéité du bien. Tout dépendra donc de la potentialité de différenciation du bien électricité par les différents fournisseurs. Si ces possibilités de différenciation émergent, la phase d'ouverture des marchés de détail à la concurrence à laquelle les pays européens ont procédé n'aura pas été inutile et aura constitué un préalable institutionnel à la mise en place d'un marché au sens économique. Si ce n'est pas le cas, la réussite de la réforme du secteur électrique pour le client final passera uniquement par la réduction des imperfections de marché en amont du marché de la distribution. La concurrence sur le marché de détail n'aura durablement aucune utilité. Un point important à noter est donc que le basculement vers une véritable concurrence sur les marchés de détail ne dépend pas uniquement du design de ces marchés. Le point-clé pour permettre une différenciation des produits, et donc un choix véritable pour le client final, est la mise à disposition des fournisseurs d'une information pertinente et de la capacité à l'utiliser de manière intelligente. Par exemple, la différenciation pourrait porter sur la continuité de la fourniture. Un fournisseur pourrait proposer à un consommateur de diminuer la puissance fournie à certains moments, en échange d'un prix plus bas. Une telle offre nécessite de collecter l'information à la fois sur la consommation individuelle des clients, sur les marchés de gros, et sur les besoins des réseaux de transport et de distribution. Les conditions de mise à disposition de cette information et le développement de modèles économiques associés dépendront crucialement des décisions de régulation. Par exemple, le choix du régulateur de remplacer les compteurs existants par une nouvelle génération des compteurs, pouvant mesurer de manière plus précise les consommations individuelles, ouvre des perspectives de différenciation de l électricité. Parallèlement, le choix des modalités d'accès à l'information et aux fonctionnalités des compteurs (notamment l'accès des fournisseurs, distributeurs, entreprises spécialisées) conditionne l apparition des services innovants et différenciés (par exemple, des contrats avec un niveau de qualité donné, individualisé par client). La concurrence ne pourra donc 14

produire ses effets qu'à condition d'assurer la différenciation, ce qui ne pourra être fait que par l'innovation et une régulation appropriée. Le paradoxe du client final dans l'électricité illustre à ce titre toute la complexité des processus d'ouverture à la concurrence dans les industries de réseaux : si la concurrence est la mieux à même de créer les incitations à l'efficacité et à l'innovation, la régulation reste indispensable pour faire naître les conditions de la concurrence et assurer les transmissions de ces gains aux clients finaux. Marcelo Saguan (Microeconomix LDP - EUI) Olivier Sautel (Microeconomix OFCE) 15

(1) Economides (2005). Notes (2) C'est en 1978 que le Airlines Deregulation Act met fin à la réglementation des droits de trafic aux Etats-Unis pour favoriser la baisse des tarifs par la concurrence. La concurrence en France est ouverte en 1997. (3) En 1996, une première directive concernant le marché intérieur de l'électricité (96/92/CE) fixe un calendrier d'ouverture des marchés, avec un objectif de 35% (de certains grands consommateurs ayant accès au marché concurrentiel) en 2003. Elle fut suivie d'un deuxième paquet de mesures achevé en 2003 (directives 2003/54/CE), prévoyant l'ouverture complète de tous les marchés (professionnels et particuliers) en 2005. Le «troisième paquet» (directive 2009/72/CE et trois règlements 713/2009, 714/2009 et 715/2009) compléta le cadre réglementaire de l électricité en Europe. (4) Le réseau de distribution assure aussi la liaison entre les installations locales de production d'électricité (éoliennes, photovoltaïques, hydrauliques) et le réseau de transport après avoir assuré leur transformation. (5) Cf. par exemple Kessides (2004). (6) Cf. par exemple Bayliss et al. (2001). (7) Cf. Gonenc et Nicoletti (2000). (8) Deux phénomènes ont contribué à la fin du monopole naturel de la production d électricité. L apparition des technologies de production de plus faible taille (diminuant les effets sur l économie d échelle) et l apparition des technologies IT pouvant assurer une gestion plus décentralisée de la production d électricité (cf. par exemple Joskow et Schmalensee, 1983). (9) L analyse économétrique de Zarnic (2010) utilise des données agrégées concernant les plus gros opérateurs électriques européens. Etant donné que certains de ces opérateurs sont présents sur d autres activités que la production, les gains d efficacité mesurés ne correspondent pas uniquement à cette dernière activité. (10) Quelques problèmes subsistent néanmoins au niveau des incitations à l investissement sur des moyens de production de pointe (Joskow, 2007a). Le débat reste ouvert quant au design du marché de gros qui serait à même de donner les bonnes incitations à investir sur ce type production (Finon & Pignon, 2008). (11) Par exemple, le régulateur anglais, l OFGEM (2002), a estimé que l impossibilité d effectuer des comparaisons entre opérateurs dans le cas du transport du gaz et de l électricité (pour lesquels il existe un monopole national) avait induit une perte d efficacité de la régulation de ces entreprises estimée à 1,3% de leur coût. 16

(12) Cette loi néanmoins ne semble pas avoir les éléments nécessaires pour atteindre ses objectifs et peut créer des distorsions importantes (voir Lévêque et Saguan, 2010, pour une analyse plus détaillée de la loi NOME). (13) Par exemple, les services complémentaires d effacement diffus, la possibilité d accéder à des données de consommation assez fines, les boîtiers commandant les appareils électriques, etc. 17

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