Le don de soi pour la célébration de la vie :



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Transcription:

Droit de reproduction réservé Projet de recherche du Bachelor en gestion d entreprise Le don de soi pour la célébration de la vie : Étude du comportement du donneur d organe(s) Par Tout droit de reproduction interdit sans l autorisation écrite de son auteur Genève, OIDC - M. Fratalocchi

L auteur de ce projet est le seul responsable de son contenu, qui n engage en rien la responsabilité de l Université ou celle du professeur chargé de sa supervision. Par ailleurs, l'auteur atteste que le contenu est de sa propre rédaction, en dehors des citations parfaitement identifiées, empruntées à d'autres sources. 2

Remerciements Je souhaite remercier le Professeur Michelle Bergadaà de m avoir donné l opportunité de réaliser mon projet en Marketing sur le thème du don. Merci également à son assistante, Rana Ammari, pour ses précieux conseils, le temps qu elle m a consacré et le délai supplémentaire qui m a été accordé pour la remise de mon travail. Je voudrais adresser mes remerciements les plus sincères à tous les donneurs et futurs donneurs qui ont accepté d être interviewés et sans qui ce projet n aurait pas pu aboutir. Je désire donc leur exprimer ma plus vive reconnaissance pour leur disponibilité, leur gentillesse et bien évidemment leur témoignage. Un grand merci à mes parents, à mes proches qui m ont soutenue et encouragée ainsi qu à l ASDVO, l association suisse des donneurs vivants d organes, plus précisément Monsieur O.L. qui m a permis d entrer en contact avec des donneurs vivants. 3

Résumé succinct Le thème de ce projet de recherche est centré sur le don. Il est donc axé sur le marketing dit non-marchand. C est dans cette optique que nous allons étudier le comportement du donneur d organes. En effet, contrairement au marketing traditionnel, marchand, qui considère deux acteurs : l acheteur et le vendeur, le marketing non-marchand, quant à lui, observe trois acteurs : le donneur ou «l acheteur», le receveur ou «le consommateur», l association ou «le vendeur». 1 En temps normal, l acheteur «donne» de l argent pour obtenir un bien ou un service. Dans le cas présent, nous nous concentrons sur le donneur d organes. Il est considéré comme un «acheteur» car il donne ses organes mais sans rien attendre en retour. C est cette problématique du don que nous allons analyser, plus particulièrement en cherchant à répondre à la question suivante : jusqu où sommes-nous prêts à aller pour l autre? 1 JAFFRAIN, Eric. Le marketing des organisations non-marchandes [en ligne]. http://www.hec.unil.ch/marketing/enseignement/pm05-06/support_de_cours/jaffrain.pdf 4

Table des matières Introduction... 8 Partie théorique... 10 Le comportement du donneur d organes, «l acheteur»... 10 1. Le don... 10 1.1 Une définition du don (du verbe donner)... 10 1.1.1 Une première approche... 10 1.1.2 Une seconde perspective : «le don modeste»... 11 1.1.3 De l intérêt au désintéressement... 11 1.2 Le don de soi... 13 1.2.1 L engagement de soi... 13 «Le dévouement»... 13 «de sa personne»... 13 1.2.1.1 Le don de soi : un moyen d expression?... 13 1.2.1.2 Le concept de soi... 14 1.2.1.3 L image de soi... 14 1.2.1.4 De L estime de soi à l acceptation de soi : pour une ouverture de soi... 15 1.2.1.5 La fenêtre de JOHARI... 15 1.2.2 En faveur d autrui... 19 1.2.2.1 Qui est autrui? Distinction de deux groupes... 20 1.2.2.2 Le respect de l autre... 20 1.2.3 Le don de soi : un acte altruiste?... 21 1.2.3.1 L altruisme et l égoïsme... 21 1.2.3.2 Les trois formes d altruisme... 22 1.2.3.3 «L altruiste égoïste» et «l égoïste altruiste»... 25 1.3 L exemple du don d organes... 27 1.3.1 Quelques informations concernant le don d organes en Suisse... 27 1.3.2 L identification des types de donneurs, l anonymat et les conditions de prélèvement en Suisse... 27 1.3.3 Les modèles de consentement... 28 1.3.3.1 Le modèle du consentement... 28 1.3.3.2 Le modèle de l opposition... 29 1.3.3.3 Le cas de la Suisse... 29 5

1.3.3.4 Le cas de la France... 32 1.3.4 L attribution des organes en Suisse... 33 1.3.4.1 Les règles de priorité... 34 1.3.4.2 Le «Swiss Organ Allocation System»... 35 1.3.5 Le don d organes et la dette : la relation symbolique entre le donneur et le receveur... 35 1.3.5.1 La conception négative de la dette considérée pour les donneurs après décès 35 1.3.5.2 La conception positive de la dette... 36 1.3.5.3 Une critique du don d organes envisagé sous la forme de la dette... 37 1.3.6 Les motivations des donneurs d organes... 37 1.3.6.1 Les «théories du contenu» : la pyramide des besoins de Maslow... 38 1.3.6.2 Pour ou contre le don d organes?... 39 2. L éthique... 42 2.1 Une définition générale de l éthique... 42 2.2 L éthique et le don d organes... 42 2.2.1 La remise en cause de la mort cérébrale comme critère de décès pour le prélèvement d organes... 42 2.2.2 La médecine a des limites... 43 2.2.3 Le don d organes, est-ce un devoir?... 43 2.2.4 Recevoir des organes, est-ce un droit?... 43 2.2.5 Les dérives : le trafic d organes, quand le «don» se transforme en une rémunération... 44 Partie pratique... 46 Entretiens et analyse du comportement... 46 1. Un bref historique de la transplantation en Suisse... 46 1.1 Les débuts de la transplantation... 46 1.2 La transplantation d organes dans les années 60... 46 1.3 Une révolution médicale dans les années 70... 47 1.4 D un acte pionnier maintenant devenu courant : une généralisation dans les années 80 et 90... 47 2. Le don en Suisse en quelques chiffres... 48 2.1 Une offre et une demande inégales... 48 2.2 La collaboration entre la Suisse et les organisations européennes... 50 2.3 Les centres hospitaliers de transplantation en Suisse... 51 6

2.4 Quelques données concernant les donneurs décédés... 52 2.5 Quelques données concernant les donneurs vivants... 53 3. Explication de la méthodologie... 54 4. Etude comparative : Analyse du comportement des donneurs après le décès et des donneurs vivants... 55 4.1 Analyse du don : comment cette notion est-elle perçue?... 55 4.1.1 Chez les donneurs après décès et chez les donneurs vivants... 55 4.2 Analyse du concept de soi et des motivations... 57 4.2.1 Le concept de soi : chez les donneurs après décès et chez les donneurs vivants... 57 4.2.2 L estime de soi... 57 4.2.3 Les motivations du don : le don d organes vu comme une évidence... 58 4.2.3.1 L environnement comme facteur d influence chez les donneurs après décès et chez les donneurs vivants... 58 4.2.3.2 Les événements ou la situation des personnes comme facteurs d influence... 60 4.2.4 La prise de décision : devenir un donneur... 62 4.2.5 Est-ce qu un donneur après décès pourrait donner de son vivant?... 62 Est-ce qu un donneur vivant possède une carte de donneur après décès?... 62 4.3 Analyse des craintes et de l impact psychologique... 64 4.3.1 Chez les donneurs après décès... 64 4.3.1.1 Les craintes... 64 4.3.1.2 Est-ce un sujet de conversation courant?... 64 4.3.2 Chez les donneurs vivants... 64 4.3.2.1 Le donneur vivant et la place du receveur après le don... 64 4.3.2.2 Impact psychologique... 65 4.3.2.3 Les donneurs parlent-ils souvent de leur don?... 66 4.4 Analyse de la perception de l éthique... 67 4.4.1 La signification de l éthique selon les donneurs d organes... 67 4.4.2 Sauver une vie à tout prix?... 67 4.4.3 Solutions proposées pour augmenter le don d organes... 67 4.4.4 Le trafic d organes... 68 Conclusion... 70 Bibliographie... 73 Annexes... 80 7

Introduction Les organisations commerciales à but lucratif jouent un rôle important dans les sociétés marchandes. Elles exercent une influence prépondérante et ont une place non négligeable au sein de l économie d un pays. Ainsi leurs objectifs sont orientés vers l efficacité et la profitabilité et ceci dans une optique de maximisation de la satisfaction des clients qu il convient de fidéliser. Pour cela, elles procèdent à des transactions qui se matérialisent par la vente de produits ou de services, ce qui leur permet de perpétuer ou de créer le lien avec les consommateurs. Cependant, nous assistons de plus en plus à des bouleversements dans les façons de penser. Cela se traduit par une réelle prise de conscience collective fondée sur la saturation des besoins matériels qui se manifeste par un basculement des valeurs désormais tournées vers l autre, l environnement, l éthique, et vers plus de responsabilité. C est dans ce contexte que les organisations non-marchandes prennent davantage d importance et suscitent un plus grand intérêt. A cet effet, les organisations non gouvernementales (ONG), les associations sont au cœur d un système fondé sur le don et au travers duquel nous pouvons voir se profiler trois acteurs : le donateur, l organisme ou l intermédiaire et le bénéficiaire. Dans ce projet consacré au don, mon choix s est porté vers le concept du don de soi plutôt que vers le don monétaire car il me tenait plus à cœur. En privilégiant cette première notion, il m a semblé plus intéressant de me positionner du côté du donneur et d analyser son comportement. En adoptant ce point de vue, j ai ainsi choisi de me concentrer sur un thème particulier : celui traitant du don d organes. Les donneurs d organes sont à l origine de diverses interrogations quant aux raisons qui les poussent à faire le premier pas, entreprendre les démarches et à agir. Sans le souhaiter, ils accèdent ainsi aux yeux des receveurs à ce titre honorifique, celui du «sauveur» qui perpétue la Vie. Cela nous amène à nous poser la question suivante : jusqu où sommes-nous prêts à aller pour l autre? 8

Dans une première partie théorique dédiée à l étude du comportement du donneur d organes, nous allons, tout d abord, nous concentrer sur la notion de don. Nous étudierons successivement le don, le don de soi ainsi que le don d organes. Ensuite, nous évoquerons le thème de l éthique. Dans une deuxième partie pratique consacrée à l analyse des entretiens, nous tenterons de répondre à la question de recherche quant au comportement des donneurs d organes. Nous évoquerons, à titre introductif, l histoire de la transplantation et nous donnerons des données chiffrées concernant le don en Suisse. Puis, après avoir expliqué la méthodologie de recherche, nous ferons une étude comparative des interviews réalisées auprès des donneurs après décès et des donneurs vivants. 9

Partie théorique Le comportement du donneur d organes, «l acheteur» 1. Le don 1.1 Une définition du don (du verbe donner) Plusieurs auteurs ont tenté de définir la notion de don. Cette tâche s est avérée d autant plus difficile que la notion est complexe. Dans cette première partie, nous allons essayer d identifier ses différents aspects et de les analyser afin de construire pas à pas une définition. 1.1.1 Une première approche Considérons une première approche du don : «il est possible de qualifier de don toute prestation effectuée, sans attente de retour déterminé, en vue de créer du lien social.» 2 Un premier élément important à constater est le terme de prestation. Celui-ci nous indique que l objet du don ne correspond pas uniquement à être un bien ou un service, cela serait bien trop réducteur, mais il représente bien plus que cela. Certes, il peut se manifester d une manière matérielle ou immatérielle, cependant bien d autres choses peuvent être données. Nous pouvons donner de l argent, du temps, des organes, de l amour, de la haine, la vie voire la mort. Un second élément à considérer est celui du lien social puisque le don est au sein d un dispositif créateur de relations sociales et de liens, qui peuvent être directs comme le don de paroles ou indirects comme le don d organes, que nous expliciterons ultérieurement de manière plus approfondie. Nous pourrions émettre une critique sur cette définition qui apparaît sommaire au regard des nombreuses facettes du don. En plus d être restrictive, celle-ci décrit le rapport social comme une finalité et un but premier du don. Toutefois, c est bien parce que cet acte n est pas délibéré qu il confère toute sa grandeur à l acte de donner. 3 2 CAILLE, Alain. Don, intérêt et désintéressement : Bourdieu, Mauss et quelques autres, p. 237 3 Ibid., p. 237 10

1.1.2 Une seconde perspective : «le don modeste» Cela nous amène à poursuivre avec une seconde perspective du don, qualifiée cette fois-ci de «don modeste». Revenons pour cela sur l affirmation précédente «sans attente de retour déterminé», qui détient un rôle central dans cette tentative d explication du don. En effet, le donateur doit envisager et approuver la possible non réciprocité de ce qu il donne. Cela n implique pas forcément qu il n attende rien du tout, ni que son acte soit dénué d intérêt et de motivation mais il s agit seulement pour lui d accepter une asymétrie dans son rapport avec le donataire. Afin d expliquer cette dernière idée, nous pouvons prendre l exemple du donneur qui reçoit quelque chose en retour de son don. Nous identifions deux cas ; soit le donneur se voit adresser un «retour» mais dans un horizon de temps incertain ou lointain, soit ce qu il reçoit détient une valeur inférieure à la sienne. Poursuivons avec ce même exemple, en supposant cette fois-ci que le donateur n obtienne rien en échange de manière directe et matérielle comme un objet, il peut toutefois recevoir quelque chose de manière indirecte et immatérielle tel que la reconnaissance. Cette illustration a ainsi permis de justifier ce déséquilibre dans la relation qui unit le donneur au donataire, tout en mettant en valeur l objectif de la démarche de donner qui ne réside pas dans la réciprocité obligatoire ni dans le fait que celle-ci demeure égalitaire. Cette définition est dite «modeste» car le don peut être intéressé et exister sans désintéressement. 4 Nous reparlerons plus en détail dans la section suivante, de la différence entre ces deux termes. 1.1.3 De l intérêt au désintéressement Comme nous l avons dit précédemment, donner n est pas nécessairement un acte dépourvu d intérêt pour le donneur. Il convient donc de différencier deux expressions, à savoir «l intérêt à» de «l intérêt pour». Le premier terme désigne l action de faire quelque chose parce que nous avons «intérêt à» le faire au regard de l extérieur et non pas pour notre simple plaisir. Cela véhicule une certaine importance du paraitre. Le second terme, quant à lui, se résume à faire quelque chose pour soi, parce que nous avons de «l intérêt pour» une activité. Reprenons à titre d exemple l illustration exprimée par Alain Caillé ; avant de devenir sportif de haut niveau et 4 CAILLE, Alain. Op.cit., p. 238 RICHARD, Gildas. Nature et formes du don, p. 93 11

d en faire son métier, la personne doit tout d abord être passionnée du sport qu elle pratique, nous parlons «d intérêt pour». Puis comme elle est passée au statut de professionnel, ce sport est devenu un moyen rémunérateur nous parlons alors «d intérêt à». Toutefois, il est important de noter qu il est difficilement envisageable que la personne puisse vivre de ce sport et exceller dans ce domaine si elle ne le fait pas par passion. 5 Pour en revenir au don, nous remarquons que ces deux formes d intérêt se côtoient, elles peuvent coexister ou être indépendantes l une de l autre. Ainsi, nous pouvons retirer un bénéfice du don que nous faisons, par exemple la médiatisation des bonnes actions de personnalités qui peuvent faire des dons d argent ou de temps pour promouvoir leur image. Il s agit d un don avec un «intérêt à». En revanche, il est également possible de faire un don pour notre plaisir, pour soi, car l autre est important pour nous, ou pour soutenir une cause qui nous touche, sans rien rechercher en retour ; comme un riche mécène qui donne de l argent pour soutenir un artiste qu il apprécie, ou pour favoriser la rénovation d un édifice (château), afin de préserver un patrimoine qui lui est cher. Dans ce cas, nous parlons d un don avec un «intérêt pour» puisque la contribution du mécène reste discrète et ne correspond pas à un investissement marketing même si cela peut contribuer d une façon indirecte à favoriser sa réputation. 6 Qu en est-il du désintéressement? Quel rapport entretient-il avec le don? Le désintéressement est l opposé de «l intérêt à» (qui signifie intéressement) tout comme le désintérêt est le contraire de «l intérêt pour» (intérêt dans le sens de plaisir). 7 Pour simplifier, quelqu un qui fait don de son sang le fait par pur désintéressement puisqu il n en retire aucun avantage le concernant. Au final, le don est un concept complexe qui peut être perçu de plusieurs manières différentes. Cette première partie consacrée à sa définition a permis de mieux l appréhender et d en clarifier ses composantes. 5 CAILLE, Alain. Op.cit., p. 265 6 ABC NETMARKETING. Définition Mécénat [en ligne]. http://www.definitions-marketing.com/definition-mecenat 7 CAILLE, Alain. Op.cit., p. 266 12

1.2 Le don de soi Donner son temps en s engageant dans le bénévolat, donner son sang ou ses organes ; voici des exemples de don de soi. Il correspond au «dévouement de sa personne au service des autres» 8 et constitue une forme spécifique du don. 1.2.1 L engagement de soi Nous allons commencer par approfondir ce que représente l engagement de soi qui est la première composante de la définition citée ci-dessus. «Le dévouement» Tout d abord, le mot dévouement est un terme puissant qui symbolise le fait qu une personne se consacre entièrement à une autre. 9 L idée ainsi véhiculée pourrait s apparenter à un sacrifice, c'est-à-dire renoncer à ses propres intérêts, se priver de certaines choses et ceci d une manière volontaire. 10 Concernant le don de soi, le donneur décide d une manière délibérée de se vouer à l autre. Ce comportement peut être définit comme authentique car il est sincère. Cet engagement fait par celui qui donne, résonne comme une promesse à vocation universelle : celle de donner par amour de l autre et ainsi de transmettre cet amour par le biais du don. Dédier son temps, sa vie, sa personne au service d autrui relève d une très forte implication de la part du donateur. «de sa personne» Par ailleurs, un autre élément intervient dans la définition du don de soi, il s agit de la place de soi et du positionnement de «sa personne». 1.2.1.1 Le don de soi : un moyen d expression? Comme nous l avons expliqué, le don favorise le lien social (section 1.1.1). Si nous concentrons notre attention sur le don de soi, nous pouvons le considérer comme une manière indirecte, pour le donneur, de s exprimer, de communiquer son amour pour la vie ou son attachement pour les personnes, par des gestes, des attentions, des comportements. 8 MICROSOFT ENCARTA. Encyclopédie numérique, le don de soi. 9 Ibid., le dévouement. 10 Ibid., le sacrifice. 13

Voici deux illustrations justifiant cela : la personne qui fait don de son sang (par le biais du don de soi) transmet la vie et adresse un message implicite au futur receveur; la confiance en la vie. Les bénévoles qui offrent leur aide, par exemple aux établissements médicosociaux, en rendant visite aux personnes âgées, leur apportent réconfort grâce à une discussion, ou juste par leur simple présence, et rompent ainsi la solitude. 1.2.1.2 Le concept de soi Afin de comprendre les comportements de ces donneurs particuliers, dévoués au service d autrui et pour saisir les raisons qui les incitent à utiliser cette forme de don comme un moyen inconscient de communiquer, il convient d analyser le concept de soi. Il s agit de «l'ensemble des connaissances qu'un individu possède à propos de lui-même». 11 Le concept de soi découle de la communication interpersonnelle. 12 Elle se fonde sur un «échange» entre un émetteur et un récepteur. 13 Dans le cas présent, considérons l émetteur comme le donneur, le récepteur comme le donataire et l objet de «l échange» comme le don de soi. 1.2.1.3 L image de soi Comment se construit l image de soi? Elle désigne la manière dont nous pensons que les autres nous perçoivent et se développe au fur et à mesure que les étapes de la vie se succèdent. En effet, au moment de la naissance, la connaissance de notre soi est inexistante. Puis, arrive le moment où nous grandissons : un phénomène d imitation prend forme, nous nous identifions à notre entourage, nous voulons être les autres, prendre exemple sur eux, telle une fillette qui joue à la maman. Cela nous amènera plus tard à prendre conscience de ce que nous sommes, de notre «Je». Néanmoins, l image de soi est influencée par ce que pensent les autres de nous. De ce fait une vision négative projetée sur nous, nous renverra une mauvaise image de nous-mêmes et vice versa. De là, découleront nos agissements et nous entrerons dans un cercle vicieux qui façonnera notre estime de soi. 14 11 WIKIPEDIA. Soi (psychologie) [en ligne]. http://fr.wikipedia.org/wiki/soi_(psychologie) 12 TERRIER, C. Communication - Concept de soi [en ligne]. http://www.cterrier.com/cours/communication/3_concept_de_soi.pdf 13 WIKIPEDIA. Communication interpersonnelle [en ligne]. http://fr.wikipedia.org/wiki/communication#communication_interpersonnelle 14 TERRIER, C. Op.cit. 14

1.2.1.4 De L estime de soi à l acceptation de soi : pour une ouverture de soi Ainsi, selon Gérald Berthoud : «Il faut mettre en évidence la vertu du don, qui est de permettre à la foi l estime de soi et le respect d autrui.» 15 L estime de soi est ce que nous éprouvons quand nos actions rejoignent notre propre image (celle que nous avons de nous), c est à dire le regard que nous portons sur nous, notre valeur. Mais elle n est pas définitive. Elle se transforme au cours de notre existence en fonction de nos actions, des personnes rencontrées et nous conduit à l acceptation de soi. 16 Lorsqu un individu décide de devenir donneur d organes, c est parce qu il y a une adéquation entre sa démarche et sa personnalité. Son action correspond à l image qu il a de lui-même, il éprouve donc un sentiment de mérite strictement personnel. Donner est une manière de se dévoiler, de s ouvrir vers l autre. Pour ce faire, l ouverture de soi est nécessaire, puisque sans elle, il devient impossible de nouer des liens sociaux avec autrui. 17 La connaissance de soi peut aussi être étudiée grâce à la fenêtre de JOHARI, un outil que nous allons analyser dés à présent. 1.2.1.5 La fenêtre de JOHARI La fenêtre de JOHARI, est un schéma qui symbolise les dimensions de la connaissance de soi et de l autre, grâce à l étude des comportements des individus. Elle a été conçue par Joseph Luft et Harrington Ingham. Le mot JOHARI provient ainsi de la contraction des prénoms de ses inventeurs. Elle se compose de quatre zones : 1) Le secteur libre, 2) Le secteur caché, 3) Le secteur aveugle et 4) Le secteur inconnu. 15 CAILLE, Alain [et al.]. De la reconnaissance : don identité et estime de soi, p. 371 16 TERRIER, C. Op.cit. 17 Ibid. 15

Figure 1 : La fenêtre de JOHARI Source : TERRIER, C. Communication - Concept de soi [en ligne]. http://www.cterrier.com/cours/communication/3_concept_de_soi.pdf 1) Secteur libre : Il représente ce qui est connu par soi-même et par autrui, c'est-à-dire ce que nous divulguons d une manière consciente et volontaire, ce qui relève du public, ce qui est observable, exprimé par soi et admis par les autres. 2) Secteur caché : Il désigne ce qui est uniquement connu de soi. Cela induit une attitude délibérée d évitement pour préserver son intimité, ne pas se dévoiler et garder pour soi des choses que ne nous voulons pas partager ni transmettre. 3) Secteur aveugle : Il correspond à ce que nous ignorons de nous-mêmes mais qui demeure connu des autres. Les individus perçoivent les comportements, les attitudes qui nous caractérisent et dont nous n avons pas conscience. 4) Secteur inconnu : Il indique ce qui est absolument inconnu de soi et des autres individus. 18 Mais comment pouvons-nous situer le don de soi par rapport aux différents concepts de cet outil? 18 BAUDON, Dominique. La fenêtre JOHARI [en ligne]. http://cyr.wikispaces.com/file/view/fenetrejohari.pdf AUTHENTIS-GUEVORTS, Bernard. Fiche outil communication : Comment sommes-nous perçus? [en ligne]. http://www.authentis.be/userfiles/file/perception%20johari.pdf INDABA-ACADEMIA. La fenêtre de Johari [en ligne]. http://indabanetworkfr.files.wordpress.com/2010/12/ba015f01fenetrejohari.pdf TERRIER, C. Op.cit. 16

Nous observons trois attitudes différentes : Tout d abord, la révélation de soi qui consiste en un agrandissement vertical de la zone 1). 1 3 4 2 Figure 2 : révélation de soi Source : INDABA-ACADEMIA. La fenêtre de Johari [en ligne]. http://indabanetworkfr.files.wordpress.com/2010/12/ba015f01fenetrejohari.pdf Cela signifie que la personne se dévoile davantage aux autres par un processus d interaction et que d une certaine manière, elle communique implicitement sa confiance à autrui voire son affinité. 19 Cette notion se rapproche de l idée d ouverture de soi vue précédemment. Le don de soi est une manière de se livrer à l autre. Plus le donneur se dévoile à autrui par le don de soi, plus la zone 1) s élargit. L intensité de ce rapprochement, de même que la nature de l objet du don (temps, sang, organes, etc.), vont renforcer les liens sociaux construits. Par exemple, en donnant ses organes, la personne transmet une partie d elle-même. Elle se donne «corps et âme» au receveur et dévoile d une certaine manière sa nature, sa personnalité, grâce à son acte. Une maman qui donne un rein à son enfant se révèle et lui prouve qu elle l aime et qu elle est prête à tout pour le sauver. Puis, il y a aussi la découverte de soi qui se manifeste par l élargissement horizontal de la zone 1). 1 3 2 4 Figure 3 : La découverte de soi Source : INDABA-ACADEMIA. La fenêtre de Johari [en ligne]. http://indabanetworkfr.files.wordpress.com/2010/12/ba015f01fenetrejohari.pdf 19 INDABA-ACADEMIA. Op.cit. 17

L accroissement des interactions aura pour conséquences plus de réactions de la part des individus à notre égard. Ce «feedback» nous permettra de mieux nous connaître et d identifier des caractères nous qualifiant dont nous étions jusque là inconscients. 20 La découverte de soi présentée par la fenêtre de JOHARI peut être assimilée à «l effet miroir» qui désigne «la réflexion de soi à travers le regard de l autre». 21 Le bénévole qui accorde son temps pour s occuper de personnes ou d associations recevra une rétroaction à l égard de son comportement. Ainsi, les personnes aidées lui manifesteront leur reconnaissance, chacune d une manière différente. Le bénévole prendra conscience du bien qu il procure et de la portée de ses actions. Il découvrira la manière dont il est réellement perçu, cette perception allant bien au-delà de ce qu il croyait être. L impact de l engagement du bénévole envers les autres, le rend plus important aux yeux d autrui et ceci bien plus que tout ce qu il pouvait imaginer. Il peut désormais s identifier comme quelqu un qui se préoccupe des autres et de nature généreuse. D ailleurs selon Carl Gustav Jung «Les qualités les plus marquantes d une personne sont souvent inconscientes et ne sont donc visibles que par autrui». 22 Au sujet du don d organes après décès, la rétroaction prend forme à travers la possibilité pour le receveur, de communiquer sa gratitude par le biais d une lettre anonyme, transmise à la famille. Il est vrai que ce «feedback» est indirect puisque le donneur ne pourra jamais prendre connaissance de ce document. Néanmoins, s il avait manifesté sa volonté de donner (carte de donneur, ou par oral à ses proches) avant que ne survienne le décès, il pouvait dés lors imaginer la porté de son acte pour les bénéficiaires. D une certaine manière, il continue d exister par l intermédiaire du receveur grâce à son don. De ce fait, la lettre peut permettre à la famille de prendre conscience, elle aussi, de la nature profonde de ce don. Le donneur ne se découvrira pas lui-même à proprement dit mais il sera reconnu par l intermédiaire du regard que va désormais lui porter sa famille ainsi que le receveur. 20 INDABA-ACADEMIA. Op.cit. 21 PHANEUF, Margot. L effet miroir : médiateur de connaissance et d image de soi [en ligne]. http://www.infiressources.ca/fer/depotdocuments/effet_miroir_mediateur_de_connaissance_et_d_image_de_soi. pdf 22 AUTHENTIS-GUEVORTS, Bernard. Op.cit. 18

Enfin, la découverte partagée qui se définit par un processus d élargissement de la zone 1) aussi bien horizontalement que verticalement. 1 3 4 2 Figure 4 : La découverte partagée Source : INDABA-ACADEMIA. La fenêtre de Johari [en ligne]. http://indabanetworkfr.files.wordpress.com/2010/12/ba015f01fenetrejohari.pdf Nous parlons alors d un «cercle vertueux» car la découverte est mutuelle. 23 Cette analyse de la fenêtre de JOHARI, nous a permis de comprendre que pour se connaître soi même il faut se dévoiler (c est la révélation de soi). Néanmoins c est également au travers des yeux d autrui que nous apprenons à nous connaître car il nous renvoie une image de soi dont nous ne soupçonnions même pas l existence (c est la découverte de soi). 24 La connaissance de soi est très importante pour la compréhension des relations humaines et notamment en ce qui concerne le don de soi et le comportement du donneur. 25 1.2.2 En faveur d autrui Nous allons poursuivre par l explication du deuxième élément de la définition du don de soi : «au service des autres». En effet, c est vers autrui que le geste du donneur est tourné et destiné. 23 INDABA-ACADEMIA. Op.cit. 24 BAUDON, Dominique. Op.cit. 25 PHANEUF, Margot. Op.cit 19

1.2.2.1 Qui est autrui? Distinction de deux groupes Afin de déterminer comment définir autrui, il convient de distinguer différentes catégories. Il y a «les groupes primaires» qui se caractérisent par la famille, les personnes proches, les amis avec lesquels nous entretenons un «sentiment d appartenance communautaire». Puis il y a «les groupes secondaires» composés d individus partageant des traits communs comme la religion, le travail, etc. Dans ce cas de figure, les personnes sont reliées entre elles car elles manifestent une adhésion et une prise de partie à un projet commun. Le dévouement du donateur ne s expliquera pas de la même manière qu il s adresse au premier groupe ou au second. 26 Par exemple une personne qui donne un organe de son vivant à quelqu un de son entourage («groupe primaire») ne correspond pas au même engagement qu une personne qui dédie son organe à quelqu un qu elle ne connait pas, et peut-être avec qui elle n a en commun que la langue ou la religion («groupe secondaire»). Dans ces deux situations, le receveur n appartient pas au même groupe et le comportement du donneur se justifie de manière différente. 1.2.2.2 Le respect de l autre La dimension de «l autre» n est pas à négliger dans l explication du don de soi. Reprenons pour cela, la citation de Gérald Berthoud : «Il faut mettre en évidence la vertu du don, qui est de permettre à la foi l estime de soi et le respect d autrui». 27 Nous avons déjà pu expliquer l importance de l estime de soi et le rôle qu elle implique pour le donneur (section 1.2.1.4). Néanmoins il s agit de se concentrer vers la notion de respect engendrée par le don de soi. Qu entendons-nous par respect d autrui et qu est ce que cela implique par rapport au don? Du point de vue du don de soi, cela signifie que le donneur a plus de considération pour le receveur que pour l objet du don. L autre est placé au centre de la relation, et détient une plus grande importance que ce qui peut être donné. On parle de la suprématie du «quelqu un» sur le «quelque chose». 28 Afin de mieux comprendre cela, concentrons-nous sur l étymologie latine du mot respect. Il provient du verbe «respicere» qui signifie «regarder derrière, tourner son attention, prendre en considération, protéger». 29 Il est constitué du radical : «specere» (regarder) et d un préfixe: «re» qui exprime la répétition. 30 26 MOSCOVICI, Serge. Psychologie sociale des relations à autrui, p. 51 27 CAILLE, Alain [et al.]. Op.cit. p. 371 28 TOURNEBISE, Thierry. Assertivité : L'affirmation de soi dans le respect d'autrui [en ligne]. http://www.maieusthesie.com/nouveautes/article/assertivite.htm 29 GAFFIOT, Félix. Dictionnaire abrégé Latin-Français, respicere, p. 554 30 WIKTIONNAIRE. Respecter [en ligne]. http://fr.wiktionary.org/wiki/respecter 20