Chapitre 6 Les aspects juridiques de l'e-pub



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- La mise en cause d une personne déterminée qui, même si elle n'est pas expressément nommée, peut être clairement identifiée ;

Transcription:

Chapitre 6 Les aspects juridiques de l'e-pub A. Publicité : généralités................................................... 149 B. Définition large de la publicité........................................... 150 C. La langue française..................................................... 151 D. Le respect du droit des tiers............................................. 152 E. Les contrats........................................................... 153 F. Pratique commerciale déloyale........................................... 156 G. Sanction de la pratique déloyale.......................................... 158 H. La prospection commerciale prohibée.................................... 165 I. Zoom sur la publicité en faveur des boissons alcooliques.................... 165 J. Quiz................................................................. 166

Chapitre 6 : Les aspects juridiques de l'e-pub 149 A. Publicité : généralités Chapitre 6 : Les aspects juridiques de l'e-pub Guide juridique de l'e-marketing En créant en 1994 une bannière de promotion de musées sur l Internet naissant, Joe Mc Cambley, cofondateur de The Wonderfactory, était loin de se douter que son opération ferait date comme étant la première campagne de communication en ligne. Depuis, la publicité sur Internet s est démocratisée et les liens commerciaux font désormais partie intégrante de ce réseau de communication et de son système économique. S il est admis que l internet doit à la publicité une partie de son développement, il faut également considérer les évolutions des pratiques publicitaires à son contact (apparition des cookies, des campagnes d e-mailing, parrainage). La publicité est aujourd hui plus intrusive et plus ciblée. En parallèle, de nouvelles réglementations sont apparues s axant autour de trois valeurs prônées par l Autorité de régulation professionnelle de la publicité, organisme privé d autorégulation de la publicité française : la publicité «doit être loyale, véridique et saine». La première publicité en ligne était une bannière de promotion de musées éditée en 1994, hébergée sur un site Web du nom de HotWired.com et sponsorisée par l opérateur AT&T. Editions ENI - All rights reserved

150 Guide juridique de l'e-marketing B. Définition large de la publicité Parce qu elle est polymorphe, la publicité est régie par de nombreux textes de loi mais aucun n en donne une définition précise. La jurisprudence française a fait un premier effort de définition, dans un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 12 novembre 1986 (Cass. Crim., 12 Novembre 1986, n 85-95 538), en désignant la publicité comme «tout moyen d information destiné à permettre à un client potentiel de se faire une opinion sur les résultats qui peuvent être attendus du bien ou du service qui lui est proposé». Plus récemment, dans un arrêt du 31 mars 2000 (CA Rennes, 31 mars 2000, n 99/ 02428, Compagnie financière du Crédit mutuel de Bretagne / Fédération Logement Consommation et Environnement d'ille et Vilaine), la Cour d appel a eu l occasion de se pencher sur les pratiques publicitaires d un site Internet pour décider que : «Un site Internet est susceptible de constituer un support publicitaire : il permet la communication au public de textes et d images, destinés éventuellement à présenter au public le consultant des marques, des services et des marchandises et à inciter à la conclusion des contrats avec les consommateurs potentiels.» La Cour précise par ailleurs que «le fait que le choix du site par l usager d Internet ne change en rien le caractère publicitaire des annonces qui peuvent y être faites. ( ). La démarche volontaire de celui qui va consulter volontairement un message publicitaire accessible au public d une manière ou d une autre ne fait pas disparaître le caractère publicitaire de l information qui lui est délivrée». Elle en déduit alors une définition particulièrement étendue de la notion de publicité, énonçant que : «Le critère essentiel du support de publicité réside dans le fait qu il puisse véhiculer un message commercial, quelle qu en soit la forme. Un message publicitaire est une communication qui, outre la présentation informative d un produit, vise à provoquer à sa consommation.» En droit communautaire, la publicité est définie pour la première fois dans la directive du 10 septembre 1984 (directive 84/450/CEE du Conseil du 10 septembre 1984 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de publicité trompeuse) à son article 2-1) : Publicité : toute forme de communication faite dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale dans le but de promouvoir la fourniture de biens ou de services, y compris les biens immeubles, les droits et les obligations.

Chapitre 6 : Les aspects juridiques de l'e-pub 151 Concernant le domaine de l Internet, le droit communautaire fait référence à la notion de «communication commerciale», plus adaptée à l environnement des systèmes d information, qu il définit comme : Toute forme de communication destinée à promouvoir, directement ou indirectement, des biens, des services, ou l image d une entreprise, d une organisation ou d une personne ayant une activité commerciale, industrielle, artisanale ou exerçant une profession réglementée. La directive pose cependant deux exceptions qui ne constituent pas, «en tant que telles», des communications commerciales : y Les informations permettant l accès direct à l activité de l entreprise, de l organisation ou de la personne, notamment un nom de domaine ou une adresse de courrier électronique. y Les communications relatives aux biens, services ou à l image de l entreprise, de l organisation ou de la personne élaborées d une manière indépendante, en particulier lorsqu elles sont fournies sans contrepartie financière. Toute publicité sous quelque forme que ce soit, accessible au public par un service de communication en ligne, doit pouvoir être clairement identifiée comme telle. Elle doit rendre clairement identifiable la personne physique ou morale pour le compte de laquelle elle a été réalisée (loi du 21 juin 2004, art 20). Mentions obligatoires Par ailleurs, toute personne qui, dans le cadre de son activité professionnelle et économique, diffuse une publicité sur un service télématique doit mentionner son numéro SIREN. Elle doit en outre communiquer au responsable du service télématique son nom ou sa dénomination sociale et son adresse professionnelle (art. L.8221-7 c. trav.). Le code de commerce exige que les documents publicitaires destinés aux tiers mentionnent l immatriculation au registre du commerce et des sociétés et l adresse du siège social (art. R 123-237 code du commerce). L omission de ces mentions peut être sanctionnée par une amende de 750 (3750 si les poursuites concernent une personne morale). Editions ENI - All rights reserved C. La langue française L article 2 de la loi du 4 août 1994 relative à l emploi de la langue française, dite loi Toubon, dispose que «toute publicité écrite, parlée ou audiovisuelle» doit être rédigée en langue française lorsqu elle s adresse à un consommateur potentiel français.

152 Guide juridique de l'e-marketing Seules les publicités incluses dans les programmes conçus pour être intégralement diffusés en langue étrangère ou dont la finalité est l'apprentissage d'une langue font exception à ce principe. Du whisky à Nike, quand les anglicismes reprennent le dessus! Certains termes étrangers peuvent rester dans leur langue d origine comme : yles produits typiques et spécialités d'appellation étrangère connus du plus large public (whisky, cookie, brownies ). yles marques, les dénominations sociales et les noms commerciaux. Sanction L'article 1-I du décret du 3 mars 1995 prévoit que des mentions publicitaires en langue étrangère sont punies de la peine d'amende prévue pour les contraventions de quatrième classe, c'est-à-dire une amende d un montant maximum de 750 euros. D. Le respect du droit des tiers Une publicité est souvent composée de différents éléments (son, images animées, marques ). Tous ces éléments peuvent être protégés notamment au titre du droit de la propriété intellectuelle, du droit des personnes... Il est donc important de vérifier avant de diffuser une publicité sur votre site Internet que : y la publicité n enfreint pas des droits de propriété intellectuelle, que ce soit : - des droits de marques ; - des droits d auteur ; - des droits sur un dessin ou modèle. y La publicité n enfreint pas le droit à l image des personnes qu elle fait apparaître. Quelles sanctions? En cas d atteinte à des droits de propriété intellectuelle, juridiquement appelée contrefaçon par le Code de propriété intellectuelle, la sanction est de 3 ans de prison et de 300000 euros d amende. L atteinte à l image d une personne est réparée sur le fondement de l article 1382 du Code civil par l attribution de dommages et intérêts évalués en fonction de l étendue du préjudice subi par la victime de l atteinte.

Chapitre 6 : Les aspects juridiques de l'e-pub 153 E. Les contrats Editions ENI - All rights reserved 1. Contrats de commande Le contrat de commande d œuvre est le contrat par lequel l auteur s engage à réaliser et à livrer l œuvre telle que mentionnée dans le contrat de commande. Classiquement, le formalisme prévu à l article L331-3 du Code de la propriété intellectuelle est la règle en matière de cession de droits d auteur et s applique donc aux contrats de commande. Néanmoins, le Code de la propriété intellectuelle prévoit une disposition spéciale pour le contrat de commande publicitaire, l article L. 132-31 : «Dans le cas d'une œuvre de commande utilisée pour la publicité, le contrat entre le producteur et l'auteur entraîne, sauf clause contraire, cession au producteur des droits d'exploitation de l'œuvre.» Cet article pose donc le principe, sauf clause contraire, d une cession automatique des droits d auteur portant sur l œuvre objet du contrat de commande publicitaire. Cette cession est cependant conditionnée au respect de certaines conditions puisqu il est exigé que le contrat précise la rémunération distincte due pour chaque mode d'exploitation de l'œuvre en fonction : y De la zone géographique. y De la durée d exploitation. y De l importance du tirage. y De la nature du support. De plus, de telles dispositions ne s appliquent pas à l annonceur qui doit conclure un contrat écrit avec l agent de publicité. En ce sens, la Cour de cassation a pu décider que (Cass. Civ. 1, 8 Décembre 2009, n 08-18.360) : «Mais attendu que si l'article L. 132-31 du code de la propriété intellectuelle ne s'applique pas aux rapports entre l'annonceur et l'agence de publicité, ces dispositions régissant les seuls contrats consentis par l'auteur, personne physique, dans l'exercice de son droit d'exploitation et non ceux que peuvent conclure, avec des sous-exploitants, les cessionnaires ou les personnes investies par la loi sur les œuvres collectives de ce droit, la cour d'appel n'a pas fondé sa décision sur la présomption de cession instaurée par ce texte ; qu'ayant, par une appréciation souveraine de la volonté des parties, estimé que les droits d'exploitation, au profit de l'annonceur, sur les œuvres réalisées pour son compte, avaient été cédés par l'agence de publicité, elle a, au regard du droit commun régissant les relations contractuelles en cause, légalement justifié sa décision.» Par ailleurs, il est important de préciser que l utilisation d œuvres aux fins de publicité doit être expressément autorisée par le titulaire des droits (en ce sens : Cass. Civ. 1ere, 15 Février 2005, n 01-16.297) dans les modes d exploitation de l œuvre.